SUISSE
Par
l'institution de l'initiative populaire, la Constitution fédérale
reconnaît à une partie du corps électoral le droit de
soumettre à référendum une proposition de révision
constitutionnelle.
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I. EN MATIÈRE CONSTITUTIONNELLE
1) Le champ du référendum
Les
articles 138 et 139 de la Constitution fédérale permettent
à 100 000 citoyens de présenter une proposition de
révision de la Constitution.
Lorsqu'il s'agit d'une proposition de
révision totale
(voir
annexe n° 2, page 27), elle doit être formulée en
termes généraux, c'est-à-dire se contenter
d'énoncer un voeu. Un référendum sur l'opportunité
de la révision a lieu. Si la majorité des électeurs se
prononce pour une telle révision, les deux assemblées sont
renouvelées et les nouvelles assemblées élaborent une
proposition de révision conforme à l'initiative. Cette
proposition est soumise à référendum. Elle doit alors
recueillir la double majorité des votants et des cantons
(4(
*
))
pour être retenue.
Lorsqu'il s'agit d'une
révision partielle
(voir annexe
n° 2, page 27) et qu'elle est conçue en
termes
généraux
, elle donne lieu à un
référendum de principe si le Parlement fédéral est
en désaccord avec la demande de révision. Si la majorité
des électeurs se prononce contre la demande de révision, celle-ci
échoue. Sinon, le Parlement fédéral doit élaborer
une proposition de révision, qui est soumise à
référendum et qui doit recueillir la double majorité des
votants et des cantons.
En revanche, si le Parlement fédéral approuve la demande, il
élabore une proposition de révision conforme aux voeux des
promoteurs de l'initiative. Cette proposition est ensuite soumise à
référendum et doit recueillir la double majorité des
votants et des cantons.
La procédure est identique lorsque la demande de révision
partielle prend la forme d'une
proposition rédigée
,
c'est-à-dire d'une proposition qui peut s'insérer telle quelle
dans la Constitution : même si le Parlement ne l'approuve pas et
établit une contre-proposition, il n'y a qu'une consultation qui porte
sur la proposition émanant de l'initiative populaire, ainsi que, le cas
échéant sur la contre-proposition du Parlement.
Dans le dernier cas, trois questions sont posées aux
électeurs :
- la première leur permet d'exprimer leur préférence
entre l'initiative et le régime en vigueur ;
- la deuxième leur permet d'exprimer leur préférence
entre la contre-proposition et le régime en vigueur ;
- la troisième leur permet d'exprimer leur préférence
entre l'initiative et la contre-proposition, pour le cas où les deux
textes obtiendraient la double majorité. C'est celui des deux textes qui
recueille le plus de voix qui entre en vigueur. Toutefois, si, sur la
troisième question, la majorité des votants exprime sa
préférence pour l'un des textes et la majorité des cantons
pour l'autre, aucun nouveau texte n'entre en vigueur.
2) La procédure
Entre le dépôt d'une initiative et l'organisation d'un référendum, il s'écoule en général environ quatre ans.
a) L'initiative du référendum
Un
comité d'initiative, constitué par sept à vingt-sept
électeurs, présente une demande de révision de la
Constitution à la Chancellerie fédérale
(5(
*
))
.
Cette demande doit être soutenue par
100 000
électeurs
, dont les signatures doivent être réunies
dans les
dix-huit mois
.
b) Les contrôles
La
Chancellerie fédérale effectue un contrôle formel de la
demande avant le
recueil des signatures
. Elle peut procéder
à des modifications «
lorsque le titre de l'initiative
induit en erreur, contient des éléments de publicité
commerciale ou personnelle ou prête à
confusion
».
Lorsque la demande porte sur une
révision partielle de la
Constitution
, le
Parlement fédéral
doit se
prononcer sur sa validité
. Il veille à ce que
l'initiative :
- soit formellement cohérente ;
- ne traite que d'un sujet ;
- respecte les règles impératives du droit
international ;
- soit susceptible d'être exécutée.
Le cas échéant, le Parlement fédéral peut annuler
la demande de révision.
c) L'effet du référendum
Il
dépend de la nature de la consultation. En effet, en fonction de la
nature de la demande de révision et de la position du Parlement, un
premier référendum, portant sur l'opportunité de la
révision, a ou non lieu.
Lorsqu'un
référendum sur l'opportunité de la
révision
est organisé, si la majorité des votants se
prononce en faveur de l'initiative, le Parlement fédéral
élabore une proposition de révision constitutionnelle
(
6(
*
)
)
.
Lorsqu'un
référendum est organisé sur une proposition
de révision constitutionnelle
élaborée par le
Parlement à la suite d'une demande formulée en termes
généraux ou résultant d'une demande rédigée,
la double majorité des votants et des cantons est nécessaire pour
que la révision constitutionnelle soit adoptée.
Aucun référendum n'a lieu si l'initiative est retirée
à la suite d'une décision prise à la majorité
absolue des membres du comité d'initiative.
3) La pratique
Depuis
1970, un peu plus de cent initiatives populaires ont donné lieu à
référendum. Si seulement cinq d'entre elles ont été
acceptées, dans treize cas, la contre-proposition du Parlement qu'elles
ont suscitée a été approuvée. Dans les autres cas,
l'initiative a été rejetée : elle l'a
été seule (79 fois) ou en même temps que la
contre-proposition du Parlement fédéral (six fois).
Il convient cependant de remarquer que la participation électorale
dépasse rarement 40 % et que d'importantes révisions
constitutionnelles ont été adoptées par moins de 20 % des
électeurs inscrits.
II. EN MATIÈRE LÉGISLATIVE
1) Le champ du référendum
Aux
termes de l'article 141 de la Constitution fédérale, dans
les cent jours qui suivent leur adoption par le Parlement
fédéral, certains textes peuvent, à la demande de huit
cantons ou de
50 000 citoyens
ayant le
droit de vote,
faire l'objet d'un
référendum
portant
sur leur
entrée en vigueur.
Les textes concernés sont : les
lois
fédérales
, les
arrêtés
fédéraux
, «
dans la mesure où la
Constitution ou la loi le prévoient
» et les
arrêtés fédéraux d'approbation de certains
traités internationaux.
Les traités visés à l'article 141 de la Constitution
fédérale
sont :
-
ceux qui «
sont d'une durée
indéterminée et ne peuvent pas être
dénoncés
» ;
-
ceux qui
«
prévoient l'adhésion
à une organisation internationale
» ;
-
ceux qui
«
entraînent une unification
multilatérale du droit
».
Cette procédure permet d'associer les électeurs à
l'élaboration des principaux
actes normatifs
.
En effet, outre les lois fédérales, les traités
internationaux visés par l'article 141 de la Constitution
fédérale sont les traités les plus importants. Quant aux
arrêtés fédéraux, qui sont des actes émanant
du Parlement fédéral, mais qui ne contiennent pas de
règles de droit puisqu'ils appliquent des dispositions
générales contenues dans des lois, ils peuvent être soumis
à référendum chaque fois que la Constitution ou la loi
(7(
*
))
le prévoit. Le peuple est
ainsi associé à l'élaboration des actes administratifs les
plus importants.
En revanche, les ordonnances fédérales, qui sont les actes fixant
des règles de droit que le Parlement fédéral peut prendre
en vertu d'une délégation constitutionnelle ou
législative, ne sont pas soumises à référendum,
dans la mesure où la norme sur laquelle elles reposent peut
elle-même être soumise à référendum.
Il en va de même des arrêtés fédéraux simples.
Également pris par le Parlement fédéral, mais ne contenant
pas de règles de droit autonomes, puisqu'ils appliquent des dispositions
législatives, ils ne peuvent pas être soumis au
référendum.
La demande de référendum empêche l'entrée en
vigueur du texte. Cet effet
suspensif rend indispensable le
mécanisme
grâce auquel le Parlement, par une décision
prise à la majorité des membres de chacune des deux
assemblées, peut déclarer l'urgence d'une loi
fédérale.
Les lois fédérales urgentes dont la durée de
validité est inférieure à un an échappent au
référendum. Elles permettent ainsi au Parlement de suspendre
toutes les normes qui leur sont contraires. Au bout d'un an, elles cessent de
produire leurs effets et ne peuvent pas être renouvelées.
Les lois fédérales urgentes dont la durée de
validité est supérieure à un an et qui sont conformes
à la Constitution peuvent être soumises au
référendum à la demande de 50 000 électeurs,
au même titre que les autres lois fédérales, mais elles
sont applicables entre-temps. Cependant, le référendum doit
être organisé rapidement, car la loi doit être
approuvée dans le délai d'un an pour ne pas perdre sa
validité.
Quant aux lois fédérales urgentes dont la durée de
validité est supérieure à un an et qui dérogent
à la Constitution fédérale, elles sont obligatoirement
soumises à référendum, indépendamment de toute
demande des électeurs.
2) La procédure
a) L'initiative du référendum
Les promoteurs de la demande de référendum présentent les 50 000 signatures à la Chancellerie fédérale dans les cent jours suivant la publication du texte dont l'entrée en vigueur est contestée.
b) Les contrôles
La Chancellerie fédérale effectue un contrôle formel de la demande avant le recueil des signatures.
c) L'effet du référendum
Le référendum a nécessairement lieu, la demande ne pouvant pas être retirée après avoir été validée par la Chancellerie fédérale. Le texte n'entre en vigueur que si la majorité des votants l'approuve. Dans le cas contraire, il est réputé ne jamais avoir existé.
3) La pratique
Entre le
début de l'année 1970 et la fin de l'année 2001,
69 référendums de ce type ont été
organisés et, dans 24 cas, la norme contestée a été
rejetée.
L'institution est critiquée, parce qu'elle retarde le processus
législatif, freine les innovations et conduit de manière
excessive au compromis. En effet, pour échapper au
référendum, le Parlement fédéral est amené
à transiger tout au long de la procédure législative.