Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.

M. Philippe Grosvalet. J’ai souligné, au cours de la discussion générale, la sagesse de la commission, et la vôtre, madame la présidente. Je suis très heureux de pouvoir adresser les mêmes compliments à l’ensemble des membres de notre assemblée. Notre vote transpartisan sur l’amendement du Gouvernement montre en particulier combien nous avons su faire prévaloir l’intérêt général, celui du pays comme celui de tous les territoires et salariés concernés.

Monsieur le ministre, vous êtes le bienvenu à Cordemais, car il faut que vous puissiez entendre celles et ceux qui, depuis dix années, ont travaillé sur ce beau dossier. Je serai très heureux, avec mes collègues, de vous y accueillir : ainsi pourrons-nous vous expliquer la nature profonde de ce projet.

J’associe Véronique Guillotin, ma collègue du groupe du RDSE, à mon propos : nous aurions de toute façon voté cette proposition de loi, par solidarité, mais, compte tenu du vote intervenu sur l’amendement du Gouvernement, c’est avec un entrain redoublé que nous le faisons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Pour l’anecdote, je suis moi aussi née en Moselle. Je fais partie de cette génération qui a vécu les effets de la désindustrialisation sur ce bassin. Nous en payons encore les conséquences aujourd’hui.

Je me félicite bien entendu de la position que nous allons adopter concernant Saint-Avold. Ce texte permettra au moins de préserver cette entreprise.

Il faut bien sûr aller vers la suppression des énergies fossiles, et c’est aussi le sens de cette proposition loi.

Cependant, monsieur le ministre, je m’étonne que l’État ne témoigne pas partout du même intérêt pour l’industrie et l’emploi. Je fais ici évidemment référence au site de Cordemais, dont la situation prouve bien que nous avons besoin d’un véritable projet de loi dédié au futur de notre système électrique. Il est essentiel que nous connaissions les projections du Gouvernement dans le domaine industriel pour l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour explication de vote.

M. Khalifé Khalifé. Je me félicite de la qualité de nos échanges, tant lors de l’examen en commission, qui nous a largement éclairés, qu’au sein de cet hémicycle, où chacun a aujourd’hui pris ses responsabilités.

Au nom de tous les salariés, des élus du bassin mosellan, du président du département et de l’ensemble de mes collègues, je salue donc la teneur de nos discussions. L’ensemble du territoire, tout comme celui de la centrale de Cordemais, sera ravi de se sentir une nouvelle fois épaulé.

Madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre patience et pour la prise en compte de nos craintes.

J’ai également une pensée pour Daniel Gremillet, qui s’est montré d’excellent conseil. Je suis électricien en cardiologie, mais pas dans le domaine du nucléaire, et encore moins dans celui du charbon ! (Sourires.) Son expérience sur ce dossier s’est révélée très instructive.

Je remercie enfin M. le ministre, ainsi que l’ensemble de ses collaborateurs qui ont contribué, y compris durant le week-end, à lever nombre de blocages.

Je suis certain que notre assemblée votera en faveur de cette proposition de loi. Aujourd’hui encore, le Sénat a rempli sa mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, pour explication de vote.

Mme Christine Herzog. C’est dans ces moments-là que l’on est fier d’être sénateur !

Je remercie l’ensemble de mes collègues, notamment M. le rapporteur Patrick Chauvet. Cela n’a pas toujours été simple : nous allons enfin pouvoir dormir ! (Sourires.)

Au nom des salariés, qui nous ont suivis tout au long de l’examen de ce texte, je remercie aussi le Gouvernement de son soutien. Nous allons pouvoir passer à autre chose. J’espère que la centrale Émile-Huchet aura encore de belles années devant elle !

Le Sénat montre aujourd’hui le très bon exemple. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, je tiens à m’associer à l’ensemble des propos qui viennent d’être tenus.

Permettez-moi de remercier au premier chef le rapporteur de la commission des affaires économiques, Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.) Ses interventions vous l’auront prouvé : depuis que la commission l’a nommé rapporteur de cette proposition de loi, dont nous ne pensions pas qu’elle susciterait autant de débats – mais je suis satisfaite que ceux-ci se terminent favorablement –, c’est la seule volonté de conforter autant que possible le socle juridique de ce texte qui l’a animée. Et cela, nous en avons été témoins du début des auditions jusqu’à la présentation du rapport en commission et ses prises de parole en séance aujourd’hui. Cher Patrick, je vous remercie du fond du cœur !

J’adresse également tous mes remerciements aux services de la commission des affaires économiques, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour trouver une issue à cette proposition de loi susceptible de satisfaire tout le monde. Nous avons pleine confiance dans la qualité d’un tel travail, que nous mettons à profit à l’occasion de l’examen de chaque texte de loi.

Je n’oublie pas non plus Daniel Gremillet, que je remercie pour son expertise, unanimement reconnue.

Monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, cher Jean-François Longeot, madame la rapporteure pour avis, si le chemin a été quelque peu sinueux, le résultat est là.

Monsieur le ministre, j’espère que les avancées auxquelles nous avons contribué cet après-midi seront fiables sur le plan juridique. Elles devraient permettre à cette proposition de loi, qui sera examinée par l’Assemblée nationale le 7 avril prochain, de trouver une issue favorable, le terme de ce parcours devant correspondre, en dernier recours, au texte élaboré par une éventuelle commission mixte paritaire. C’est ainsi que nous faciliterons la conversion de la centrale à charbon de Saint-Avold.

J’ai aussi une pensée pour tous nos collègues mosellans. Nous avons été, me semble-t-il, à leur écoute. Chacun a accepté de faire un pas vers l’autre, et le vote de ce texte marque aujourd’hui la conclusion de tout ce travail.

Je me tourne enfin vers nos collègues de Loire-Atlantique, en particulier Philippe Grosvalet et Ronan Dantec, avec lequel nous sommes en partie tombés d’accord aujourd’hui ! Tout arrive, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Jacques Grosperrin. Oui, tout arrive ! (M. Ronan Dantec lève les bras au ciel.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Si nous avons créé l’article 4, qui vise à tenir compte de la situation de la centrale de Cordemais, c’est précisément parce que nous avions entendu vos précédentes alertes sur le sujet. Le rapporteur tenait à ce que les élus de ce territoire, comme ceux de Moselle, puissent interpeller le Gouvernement et garantir un avenir à cette centrale. Telle est la conviction qui nous a guidés dans l’élaboration de ce texte, ce dont je me réjouis pleinement.

J’espère que la présente proposition de loi, une fois adoptée, assurera aux territoires de Moselle et de Loire-Atlantique un futur plus serein et radieux, en préservant l’emploi et en favorisant le dynamisme local. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement.

(La proposition de loi est adoptée. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-trois, est reprise à dix-sept heures vingt-quatre, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 4 (nouveau) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte
Avant l’article unique

Renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte (proposition n° 315, texte de la commission n° 467, rapport n° 466).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. (M. François Patriat applaudit.)

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd’hui la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte.

Nul n’ignore ici la situation exceptionnelle que connaît ce territoire français, le plus jeune de nos départements, confronté à des flux migratoires d’une intensité inégalée, à des tensions sociales croissantes et à une pression démographique qui met à rude épreuve l’ensemble de ses services publics, son tissu social et son développement économique, en un mot, la République.

Mayotte est française. Elle l’a choisi et elle doit le rester. C’est pour cela que le législateur, sur la proposition du Président de la République, en a fait un territoire définitivement français, puis un département français et, enfin, une collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution.

Pour que Mayotte reste pleinement française, nous devons adapter notre droit, sans renoncer à nos principes, mais sans non plus fermer les yeux sur une réalité devenue insoutenable pour les habitants de Mamoudzou ou de Mtsamboro.

La proximité géographique avec l’Union des Comores, qui continue d’ailleurs à revendiquer l’appartenance de Mayotte à son territoire, l’attractivité exercée par le statut de département français et la possibilité actuelle d’acquérir la nationalité française par simple effet du droit du sol ont transformé cette île en porte d’entrée de l’immigration irrégulière vers la République.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près d’un habitant sur deux à Mayotte est de nationalité étrangère. Chaque année, des milliers de femmes enceintes prennent tous les risques pour accoucher sur le territoire, animées par l’espoir que ces naissances ouvrent un jour la voie à une régularisation et à une naturalisation. La réalité que recouvrent ces chiffres est criante, dès lors que l’on met les pieds à Mayotte. Pour ma part, je m’y suis rendu onze fois. Au-delà des chiffres et des discours, on est avant tout confronté à la réalité du terrain.

L’État est engagé pleinement. En 2023, à la demande du Président de la République, le nombre de reconduites à la frontière a fortement augmenté, pour atteindre 25 000, soit un tiers des expulsions prononcées sur l’ensemble du territoire national. Depuis 2017, les effectifs des forces de l’ordre ont doublé : Mayotte est le territoire de la République qui a connu la plus forte progression dans ce domaine.

L’opération Wuambushu, qui, je le regrette, a fait l’objet d’oppositions politiques, administratives et, parfois, d’entraves judiciaires, a permis des avancées significatives en matière de sécurité et de lutte contre l’habitat illégal. Si cette opération avait été menée à son terme, sans doute aurions-nous dénombré moins de blessés et plus de survivants après le passage de la tempête Chido…

Cependant, chacun le sait ici : les efforts de l’État, aussi importants soient-ils, ne suffiront pas à enrayer totalement la dynamique. Le système scolaire est saturé, avec des classes de plus de 50 élèves. Le centre hospitalier est débordé : on y enregistre 25 naissances par jour. C’est à Mayotte que se trouve la plus grande maternité de France.

Au-delà des 10 000 naissances recensées chaque année, environ 1 000 accouchements ont lieu dans des bangas, avec l’assistance des sapeurs-pompiers. Quel territoire accepterait cela ?

L’insécurité progresse. Les tensions, déjà vives, ont été encore exacerbées par le passage du cyclone Chido, qui a frappé durement nos compatriotes mahorais.

Face à cela, nous avons une responsabilité : protéger. Nous devons protéger la République sur ce beau territoire, protéger celles et ceux qui y vivent dans le respect de nos lois, protéger, enfin, la promesse républicaine d’éducation, d’égalité des chances et de soins.

La proposition de loi déposée par le député Philippe Gosselin constitue un pas important dans cette direction. Elle fait écho aux annonces que nous avons faites il y a plus d’un an à l’occasion de l’importante crise et des mobilisations qu’a connues Mayotte avant les dernières élections législatives.

Ce texte ne remet pas en cause le droit du sol, car seule une révision constitutionnelle, à laquelle, je l’ai déjà dit, je suis favorable, le permettrait. Toutefois, cette proposition de loi ordinaire vise à encadrer de manière plus stricte, comme l’a déjà fait le législateur, l’acquisition de la nationalité à Mayotte, dans les limites fixées par notre droit.

Dans sa version initiale, le texte prévoyait deux dispositifs.

D’une part, il s’agissait de faire passer la durée de résidence régulière exigée d’un parent avant la naissance de l’enfant de trois mois à un an – soit antérieurement à la conception de l’enfant –, afin d’éviter les reconnaissances opportunistes liées au lieu d’accouchement. En tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer, je me souviens avoir été confronté au cas d’un homme ayant reconnu la paternité de plus de 90 enfants en une année ! Un certain nombre d’entre eux n’étaient probablement pas les siens…

D’autre part, le texte disposait que cette résidence régulière soit exigée des deux parents, et non plus d’un seul. Cette mesure est essentielle pour prévenir les reconnaissances frauduleuses de paternité, devenues trop nombreuses.

Il revient au Sénat de rétablir un équilibre : l’accès à la nationalité française ne saurait découler d’une simple présence de fait, il doit résulter d’une intégration réelle et durable dans notre communauté nationale.

L’Assemblée nationale a voté ce texte. Cependant, la confusion s’est emparée de plusieurs parlementaires à la faveur de la passion des débats, et peut-être de la politique du pire, certains espérant crier suffisamment fort pour que le texte soit censuré par le Conseil constitutionnel, pour mieux dénoncer ensuite l’inaction du Gouvernement et de la majorité. Quoi qu’il en soit, un amendement du Rassemblement national, visant à porter la durée de séjour à trois années, a été adopté. Or, du point de vue constitutionnel, une telle mesure est évidemment exclue et conduira inévitablement ce texte à la censure.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 septembre 2018, a reconnu la spécificité de Mayotte et la légitimité d’une adaptation du droit sur le sol mahorais. Il nous a donné un cadre : les mesures doivent être limitées, adaptées et proportionnées.

La durée d’un an, contrairement à celle de trois ans, paraît ainsi tout à fait proportionnée. Votre commission des lois ne s’y est pas trompée, puisqu’elle a réduit cette durée à un an, sur une proposition du rapporteur Stéphane Le Rudulier, qui, je l’espère, sera suivie par l’ensemble du Sénat.

La commission des lois s’est également prononcée en défaveur de l’extension de la condition de régularité du séjour aux deux parents.

Permettez-moi d’exprimer un avis légèrement différent. Je comprends la volonté du rapporteur de s’assurer que le texte ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel. Néanmoins, si les débats ne permettent pas aujourd’hui de s’accorder sur cette extension – nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen de l’amendement de Mme Ramia –, la rédaction du texte évoluera certainement à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire. Le Gouvernement souscrira en tous les cas à cette évolution, monsieur le rapporteur.

Le nombre de personnes qui abusent du droit pour procéder à des reconnaissances frauduleuses de paternité est difficile à établir, mais le phénomène est connu : des hommes en situation régulière reconnaissent des enfants, parfois par milliers, contre quelques centaines d’euros. Seule l’extension de la condition de régularité du séjour aux deux parents permettra de mettre fin à ce marché de la honte, qui vient fausser la filiation, permet d’obtenir la nationalité française de manière frauduleuse et pervertit l’état civil.

Nous devrons néanmoins veiller à ce que le rétablissement de cette disposition ne contribue pas à discriminer les familles monoparentales. Le débat à l’Assemblée nationale avait déjà intégré ces considérations sans amoindrir l’efficacité du dispositif. Je pense en particulier aux propositions émises par le groupe MoDem. Le Gouvernement a ainsi préparé un sous-amendement dans le cas où l’amendement de Mme Ramia serait discuté. En tout état de cause, monsieur le rapporteur, je sais pouvoir compter sur vous, notamment dans la perspective d’une commission mixte paritaire, pour prendre en compte ces familles monoparentales.

Je sais que beaucoup d’entre vous souhaiteraient aller au-delà de ce texte. C’est aussi mon cas. Mais il nous faut respecter le cadre de notre Constitution en attendant qu’une majorité politique nous permette de la réformer. Nul doute que ce sujet sera abordé à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. Ne rien faire sous ce prétexte, en revanche, reviendrait à abandonner Mayotte au silence et à un désordre profond, et à laisser croire que notre droit peut rester sourd aux réalités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre Haute Assemblée a toujours su porter un regard lucide et exigeant sur les équilibres constitutifs de notre République. Elle a toujours été attentive à l’adaptation du droit sur tous les territoires, aux spécificités des territoires ultramarins et à la situation de l’île de Mayotte.

Le Sénat a toujours veillé à ce que l’adaptation des règles ne signifie pas renoncement aux principes, sans pour autant que ceux-ci empêchent les pouvoirs publics de répondre aux réalités du terrain.

La proposition qui vous est soumise ne prétend pas tout régler, mais elle constitue une avancée très significative, attendue et juridiquement solide. Elle répond à une urgence, sans céder à l’émotion. Elle respecte l’État de droit et la Constitution tout en apportant une solution à la demande unanime des citoyens mahorais.

C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je remercie le député Philippe Gosselin et le sénateur Stéphane Le Rudulier, ainsi que les députés et sénateurs qui soutiendront l’adoption de ce texte. Merci pour Mayotte ! Merci pour la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, Mayotte est confrontée, depuis plusieurs décennies, à une intense pression migratoire. Parmi les 320 000 habitants qui peuplent cette île, on compte ainsi 50 % de ressortissants étrangers, dont la moitié serait en situation irrégulière.

Plus précisément, nous sommes en présence de deux flux migratoires à destination de Mayotte à la fois distincts et de nature très différente.

Le premier flux, qui est le plus important, en provenance des Comores, donne lieu à l’arrivée d’environ 20 000 migrants en situation irrégulière chaque année. Cette immigration, qualifiée par le préfet de Mayotte de « circulaire, familiale, domestique et vivrière », revêt trois dimensions.

Premièrement, la dimension géographique de l’île ne doit pas être sous-estimée. Mayotte fait partie intégrante de l’archipel des Comores et est située à seulement 70 kilomètres d’Anjouan.

Deuxièmement, il faut prendre en compte la dimension historique de l’archipel, composé de quatre îles : Mayotte, Anjouan, Grande Comore et Mohéli. En 1974, lorsque Valéry Giscard d’Estaing décide de consulter les Comores sur leur indépendance, trois îles comoriennes affirment une volonté d’indépendance, à plus de 99 %, alors que le résultat sur l’île de Mayotte est inverse et beaucoup plus nuancé, 63 % de ses habitants souhaitant rester dans la République. Ce résultat est essentiel à la compréhension du problème actuel. En effet, la majorité des Mahorais ont conservé des liens familiaux et culturels avec les Comores, ce qui donne lieu à de nombreux échanges et flux migratoires.

Troisièmement, la dimension économique ne peut être négligée. L’immigration est encouragée par l’écart de niveau de vie dans ces différents territoires. Ainsi, à Mayotte, le produit intérieur brut par habitant est huit fois supérieur à celui des Comores.

Le second flux d’immigration, moins volumineux, provient essentiellement d’une demi-douzaine de pays clairement identifiés de l’Afrique des Grands Lacs, notamment la République démocratique du Congo, la Tanzanie, le Rwanda, la Somalie et le Burundi. Il explique l’arrivée de près de 5 000 migrants par an, qui cherchent, pour la plupart, à obtenir le statut de réfugié ou l’asile politique. Ceux-ci ne sont absolument pas dans une logique d’acquisition de la nationalité française.

La pression migratoire à laquelle est confronté le territoire mahorais pèse lourdement sur la population.

Tout d’abord, l’immigration crée des difficultés en matière d’accès aux services publics, ces derniers n’étant pas dimensionnés pour faire face à la croissance démographique de l’archipel.

L’école en est un exemple emblématique : les établissements mahorais ne sont en effet pas en mesure d’accueillir l’ensemble des élèves en âge d’être scolarisés. Un système de rotation a donc dû être mis en place, avec un groupe d’élèves scolarisés le matin, et un autre l’après-midi.

Les effets sont également visibles dans le domaine de la santé, l’offre de soins ne pouvant absorber continuellement une croissance démographique exponentielle.

Concernant l’accès à l’eau, on observe une augmentation de 2 000 mètres cubes par jour de la consommation annuelle d’eau, liée principalement à une progression de la consommation des ménages.

Notons enfin les conséquences de cette immigration dans le domaine de l’agriculture. Pour survivre, les personnes en situation irrégulière cultivent, dans des conditions illégales, des terrains qu’elles s’approprient, en utilisant, de manière systématique et en quantité importante, des pesticides interdits dans le cadre européen. Cela suscite une pollution relativement importante des terres, mais c’est aussi, et surtout, un grave danger pour les consommateurs.

Ensuite, la pression migratoire participe à l’augmentation de la délinquance et de l’insécurité sur l’île, comme l’a mis en lumière, en 2021, le rapport d’information de la commission des lois du Sénat intitulé Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment dabandon des Mahorais.

En outre, ces flux migratoires ont un impact économique. Une économie informelle, donc illégale, se développe. D’après une estimation des services des douanes et de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), 100 millions d’euros circuleraient annuellement entre Mayotte et Anjouan, soit 100 millions d’euros qui manquent cruellement à la demande intérieure.

Enfin, l’immigration à Mayotte pose des difficultés sanitaires. On observe par exemple la résurgence de maladies qui avaient disparu, en raison d’une absence de vaccination chez les enfants en situation irrégulière.

Dans ce contexte, le législateur a souhaité, dès 2018, restreindre les conditions d’accès à la nationalité par le biais du droit du sol, en adoptant un cadre dérogatoire applicable exclusivement sur le territoire mahorais, qui résulte notamment de l’article 73 de notre loi fondamentale.

Si cette loi ne produira son plein effet qu’en 2032, on peut d’ores et déjà se féliciter que le nombre d’acquisitions de la nationalité française au titre du droit du sol ait diminué assez significativement depuis son entrée en vigueur, passant de près de 3 000 en 2018 à 800 en 2022.

Toutefois, il ne s’agit pas de se contenter de la relative stabilité du phénomène, mais bel et bien de travailler à réduire drastiquement les flux migratoires à destination de l’archipel. C’est tout l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui tend à restreindre une fois encore les possibilités d’acquisition de la nationalité française par le biais du droit du sol.

Si notre commission des lois s’est montrée favorable à l’objectif visé par l’auteur de cette proposition de loi, le député Philippe Gosselin, elle a cependant émis certaines réserves quant à la constitutionnalité du dispositif adopté par l’Assemblée nationale.

En premier lieu, pour écarter tout risque de censure du juge constitutionnel, la commission a proposé de réduire de trois ans à un an la durée de séjour régulier en France exigée des parents étrangers d’un enfant né à Mayotte pour que celui-ci puisse acquérir ultérieurement la nationalité française. Ce faisant, elle est revenue à l’esprit initial du texte.

La durée de trois ans, introduite lors de l’examen du texte en séance à l’Assemblée nationale, peut sembler totalement disproportionnée. Le Conseil constitutionnel nous a en effet invités à faire preuve d’une certaine mesure en la matière.

En deuxième lieu, la commission est revenue sur l’application aux deux parents de l’exigence d’une durée de séjour régulier en France à la naissance de l’enfant, car il y aurait eu, de fait, une rupture d’égalité au détriment des enfants issus d’une famille monoparentale, qui n’ont pas été pris en considération dans le texte. Sur ce sujet, j’espère que nous parviendrons à une solution de compromis d’ici à la commission mixte paritaire.

En troisième et dernier lieu, la commission a supprimé l’obligation pour le parent de présenter un passeport biométrique à l’officier d’état civil à la naissance de l’enfant, pour permettre l’apposition sur l’acte d’une mention relative à la durée de séjour régulier dudit parent en France. Cette mention est censée faciliter par la suite les démarches d’acquisition de la nationalité française par le biais du droit du sol.

Nous le savons, cette proposition de loi ne résoudra pas à elle seule la question de la pression migratoire à Mayotte. Seule une réponse globale pourrait réduire significativement les flux migratoires à destination de l’archipel. Cette réponse globale pourrait notamment passer par la mise en place effective du « rideau de fer » imaginé dès février 2024 par l’ancien ministre de l’intérieur ;…