M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où l’on s’interroge sur le nombre important de maires ne souhaitant pas se représenter aux élections municipales, ce texte est une bouffée d’air frais. Que ses auteurs et ses rapporteurs en soient remerciés !
De toute évidence, le ZAN était rédhibitoire pour les élus locaux. Nous nous réjouissons donc que le Sénat ait pu faire entendre sa voix et porter celle des élus.
À titre personnel, j’ai malgré tout un regret : que nous n’ayons pas réussi à prendre en considération la spécificité des communes de moins de 1 000 habitants en déprise démographique. En effet, cette typologie de communes mériterait un traitement différencié.
Nos textes successifs s’imposent à nos maires ruraux bien souvent comme une contrainte. Comment peut-on dire à un maire rural qu’il ne doit pas consommer de foncier, alors qu’il perd sa jeune population, ses artisans, ses écoles et ses commerces, en un mot tout ce qui fait la vie d’une commune, uniquement parce qu’il ne dispose plus de surface constructible pour répondre à la demande ?
De mon point de vue, les élus des communes de moins de 1 000 habitants en déprise devraient avoir, je le répète, une plus grande liberté d’action à cet égard.
Plus généralement, ce texte est bon, mais attention, il me semble indispensable de bien expliquer aux élus des territoires que les objectifs de réduction de consommation foncière à l’horizon de 2050 sont maintenus, le risque étant qu’ils perçoivent un message tronqué. Oui, cette proposition de loi constitue une réelle avancée ; non, elle n’est pas la porte ouverte à un retour à une consommation effrénée de foncier.
Si l’objectif de 2050 inscrit dans la loi Climat et Résilience est indispensable, il faut pour l’atteindre pouvoir s’adapter aux réalités de terrain. Soyons pragmatiques ! Nous ne pouvons pas en rester à une logique généraliste, théorique et purement descendante. Il est impératif de partir des territoires et de leurs spécificités dans une logique ascendante, qui place les élus locaux et le bloc communal en tête.
Ces derniers, toujours en première ligne, se heurtent constamment à des injonctions contradictoires : on leur demande de mettre fin à l’artificialisation des sols, mais de relancer l’industrialisation du pays ; de renforcer la souveraineté alimentaire, mais de considérer les bâtiments agricoles comme de l’artificialisation ; de limiter la construction, mais d’augmenter l’offre de logements sociaux ; de protéger l’environnement, mais de freiner le développement des infrastructures liées à la production d’énergies renouvelables.
Nous refusons les règles qui créent des territoires à deux vitesses, accélérant le développement de certains et freinant celui des autres. Qu’il s’agisse de pôles urbanisés ou de territoires ruraux, tous doivent pouvoir mener une politique de développement adaptée.
Pour cela, il est crucial de renforcer le bloc communal au sein de la gouvernance des politiques de sobriété foncière. Les élus doivent être replacés au cœur des décisions pour garantir un aménagement équilibré et pertinent de leurs territoires.
Nous avons une responsabilité collective, celle d’assurer un avenir durable à nos territoires sans sacrifier leur dynamisme et leur attractivité. Ensemble, trouvons un équilibre juste et efficace pour que chaque territoire puisse bâtir son avenir sereinement et durablement.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, auquel il est très favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, il me paraît essentiel de rappeler quelques chiffres sur lesquels s’appuie le travail que nous avons entrepris depuis quelques mois, ma collègue Amel Gacquerre et moi-même en tant que corapporteurs, sur cette proposition de loi essentielle pour nos collectivités territoriales.
Plus des deux tiers des élus locaux sont engagés en faveur de la sobriété foncière sur leur territoire. Trois quarts des élus estiment que leurs préoccupations sont insuffisamment prises en compte dans l’élaboration des objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation.
Quatre ans après la loi Climat et Résilience, le constat est clair : les objectifs fixés en matière d’artificialisation des sols sont impossibles à atteindre.
Ces chiffres et ces faits ont guidé notre travail, mais aussi celui qu’ont mené depuis quelques années les auteurs de la proposition de loi, Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier, qu’il convient ici de remercier. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Grâce au travail de la mission qu’ils ont coprésidée, nous avons la possibilité de faire évoluer un texte assurément trop contraignant pour nos élus locaux.
Je tiens à remercier mes collègues qui ont été à l’écoute de nos territoires, pour qui l’acronyme ZAN fait l’effet d’un véritable repoussoir.
Nous passons aujourd’hui du ZAN, le zéro artificialisation nette, à la Trace, la trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, de l’impossibilité à mettre en œuvre des objectifs imposés d’en haut par l’État à la mise en place concertée et possible d’une sobriété foncière soutenable pour nos collectivités.
En passant du ZAN à la Trace, nous redonnons des moyens d’action à nos territoires, car le Sénat est la voix des territoires.
En effet, les dispositions de la loi Climat et Résilience, qui fixaient un double objectif de réduction de moitié de l’artificialisation des sols au cours de la période 2021-2031 et de zéro artificialisation nette à l’échelon national en 2050, n’ont fait l’objet d’aucune véritable étude d’impact et leur déclinaison territoriale n’a pas été suffisamment anticipée.
Aussi, nos élus locaux vivent cette loi comme une marche forcée vers une sobriété foncière, même si deux tiers d’entre eux déclarent reconnaître sa nécessité.
Il n’y a que vous, monsieur Dantec, pour tenir un tel discours politicien et être sourd et aveugle aux inquiétudes des élus des territoires ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – M. Ronan Dantec s’exclame.)
En 2023, une première initiative sénatoriale avait permis de lever certains blocages, notamment en décalant les dates de modification des documents de planification et d’urbanisme ou encore en introduisant une garantie de développement rural.
Les discussions en commission et en séance publique nous ont conduits à adopter des mesures essentielles.
Ainsi, les opérations artificialisantes au sein de l’enveloppe urbaine et dans les « dents creuses » ne doivent pas être comptabilisées comme des consommations d’Enaf. Par ailleurs, il est possible de déduire les opérations de renaturation de la consommation d’Enaf.
Ensuite, et c’est une autre mesure essentielle de cette proposition de loi, l’objectif d’une réduction de 50 % de la consommation d’Enaf en 2031 a été supprimé. À la place, le Sénat a décidé que des objectifs intermédiaires, compatibles avec l’objectif de zéro consommation nette d’Enaf en 2050, seront fixés dans les Sraddet, ainsi qu’un objectif chiffré en 2034, lequel sera librement défini en fonction des réalités locales et après concertation au sein des conférences de sobriété foncière.
Pour autant, les régions qui ont déjà élaboré leur Sraddet en se fondant sur les dispositions législatives actuelles n’ont aucune obligation de le modifier, sachant que l’objectif de réduction de l’artificialisation sera atteint.
Nous saluons le report des dates limites de modification des documents d’urbanisme pour y intégrer les objectifs de sobriété foncière, ainsi que la possibilité d’obtenir du préfet un délai supplémentaire de deux ans, sur demande motivée.
Les implantations industrielles, y compris leurs raccordements électriques, les logements sociaux des communes carencées au titre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, les implantations d’énergies renouvelables, les postes électriques d’une tension supérieure à 63 kilowatts ou encore les constructions nécessaires aux services publics d’eau et d’assainissement seront exclus du décompte de l’artificialisation et ne seront pas comptabilisés comme de la consommation d’Enaf jusqu’en 2036.
Le texte prévoit également un droit supplémentaire à construire de 0,5 hectare par hectare de friche requalifiée, y compris lorsqu’il s’agit de bâtiments agricoles amiantés, ainsi que la sortie des Pene des consommations d’Enaf des collectivités et l’obligation pour l’État d’élaborer une stratégie de sobriété foncière pour ces projets. Il sécurise les « coups partis », soit la consommation d’Enaf résultant de constructions réalisées dans le cadre des zones d’aménagement concerté (ZAC) autorisées avant 2021 : ces constructions seront imputées non pas sur la période 2021-2031, mais sur la période 2011-2021.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la mutualisation de la garantie de développement communal d’un hectare au sein de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sera facilitée, afin d’éviter les phénomènes de gel de foncier. Cette mesure, déjà très importante dans la loi ZAN 2, est significativement améliorée. La garantie de développement communal a constitué une réelle bouffée d’oxygène pour les communautés rurales menacées d’être privées de toute capacité d’artificialisation. Or la rigidité de sa mise en œuvre et son application homogène sur tout le territoire ont abouti à des situations de gel foncier.
Enfin, il est fondamental de mieux associer les collectivités locales à la fixation des objectifs régionaux et de leur redonner de la latitude pour les atteindre. À cet effet, nous avons modifié la composition des conférences régionales de gouvernance, afin d’y assurer la prééminence des représentants des collectivités locales. Nous leur donnons également le pouvoir de contraindre la région à reconsidérer ses objectifs de réduction de l’artificialisation. Redonner du pouvoir et de la libre administration à nos élus est un impératif. Le Sénat l’a entendu !
En conclusion, je rappelle qu’il est urgent de modifier une législation et une réglementation qui empêchent nos communes rurales de se développer et entravent par des contraintes inadmissibles leur liberté d’action.
Je remercie encore les auteurs de cette proposition de loi, Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier, de leur travail remarquable, ainsi qu’Amel Gacquerre, corapporteure, et Daniel Gueret, rapporteur pour avis. Nous avons travaillé dans un excellent esprit de collaboration, sous l’œil vigilant et bienveillant de la présidente de la commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone. Enfin, je vous remercie, monsieur le ministre, de votre écoute et de votre esprit de conciliation constructif.
Faisons à présent confiance à nos élus de terrain et à leur sens des responsabilités pour mettre en œuvre cette Trace de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette fois encore, nous avons l’occasion de démontrer l’utilité du Sénat, celle d’une institution de proximité, attentive au quotidien des élus et en prise avec les réalités locales.
Depuis bientôt quatre ans, qui dans cet hémicycle n’a jamais été interpellé par un élu local sur le ZAN ?
Comme je le soulignais en discussion générale, l’intention était louable sur le papier, mais force est de constater que la mise en place du ZAN a été chaotique pour les élus.
Il devenait donc nécessaire de retravailler ce dispositif et je remercie les auteurs de la présente proposition de loi : ils nous ont permis de débattre du ZAN et de son évolution pendant de longues heures, en commission comme en séance publique.
Disons-le d’emblée, le groupe RDPI votera ce texte. Nous considérons en effet que la version du texte résultant de nos débats permet d’ajuster le ZAN et de le rendre conforme à ce que nous souhaitons qu’il soit : un outil intelligent et adapté aux réalités locales.
Les régions pourront ainsi désormais définir leur propre trajectoire de sobriété foncière et fixer le palier sur lequel elles souhaitent s’engager d’ici à 2034.
Grâce à l’adoption d’un amendement de compromis présenté par notre collègue rapporteure Amel Gacquerre, le premier des objectifs intermédiaires de réduction de la consommation d’Enaf, qui sera fixé dans les documents régionaux de planification, devra porter sur la période 2024-2034.
En d’autres termes, l’objectif de réduction intermédiaire sera fixé à l’échelle de chaque région, de manière différenciée, et non plus de manière uniforme pour l’ensemble des régions couvertes par un Sraddet, en concertation avec les régions et les représentants des élus locaux, dans le cadre de la conférence régionale de sobriété foncière.
Selon moi, ce compromis permet d’aboutir à un équilibre : les élus bénéficieront ainsi d’une plus grande souplesse et l’objectif de zéro artificialisation nette en 2050 sera préservé, ce qui constitue un signal important. Cette logique de territorialisation est bienvenue : elle privilégie les besoins et les projets des collectivités territoriales au lieu d’imposer un seul et unique seuil. Il a été suffisamment question, me semble-t-il, de différenciation ces dernières années dans cet hémicycle pour que nous puissions la saluer.
Si nous avons décidé de voter ce texte, c’est aussi parce que le dispositif qu’il prévoit a été repensé, à raison, à l’aune des enjeux de la transition énergétique.
Cette mise à jour était selon moi nécessaire : à quoi bon lutter contre le dérèglement climatique en limitant l’artificialisation des sols si cela se fait au détriment de l’installation d’outils qui nous aideront également à relever le défi climatique ?
En ce sens, je considère que la nouvelle méthode de comptabilisation pour mesurer le ZAN au moyen du décompte Enaf sera plus compréhensible et mieux adaptée aux enjeux de notre siècle.
Je pense ainsi à l’amendement que j’ai défendu et qui a été adopté en commission visant à exclure du décompte de la consommation d’Enaf les infrastructures de production d’énergies renouvelables, et ce jusqu’en 2036.
Je pense aussi, bien évidemment, à la mesure défendue par ma collègue Nadège Havet visant à exclure durant quinze ans la production d’hydrogène vert du décompte de la consommation d’Enaf.
La décarbonation du mix énergétique et la sobriété foncière ont les mêmes objectifs : lutter contre le dérèglement climatique et renforcer notre souveraineté énergétique.
De plus, le texte permet d’exclure des décomptes locaux et régionaux d’Enaf les surfaces nécessaires aux aménagements, équipements et logements connexes aux projets d’envergure nationale et européenne portés par des collectivités. Cela peut être le cas, par exemple, des logements temporaires et des parkings utilisés par les personnes travaillant sur le chantier de construction d’un réacteur nucléaire.
L’article 4 quater ajouté en séance publique permettra aux plateformes de recyclage des déchets d’être considérées comme des projets d’envergure régionale ou des projets d’intérêt intercommunal. Nous devons porter une attention particulière à ce type d’installations pour mieux préparer l’avenir.
Toujours est-il que ce mode de comptabilisation, connu et compris des élus locaux, leur permettra demain de mieux piloter leur artificialisation au travers des documents d’urbanisme et d’assurer un suivi en temps quasi réel des consommations foncières.
Enfin, notre groupe votera ce texte parce qu’il permet d’assouplir le ZAN grâce au report des dates butoirs des documents d’urbanisme tels que les schémas de cohérence territoriale (Scot), les plans locaux d’urbanisme intercommunal (PLUi) et les cartes communales.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, notre groupe votera cette proposition de loi.
Pour conclure, je dirai un mot sur les nombreuses approximations que j’ai lues et entendues sur nos débats sur ce texte, dont on a dit à tort qu’il était un retour en arrière. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Oh ! Qui a bien pu dire cela ? (Rires sur les travées du groupe GEST.)
M. Bernard Buis. Non, nous ne revenons pas en arrière ! Ce texte vise non pas à remettre en cause le ZAN, mais à le rendre applicable et à l’adapter aux réalités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Bernard Buis. Tel est l’état d’esprit qui anime le Sénat, dans l’intérêt des élus locaux et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il soit positif ou négatif, rien n’est plus délicat qu’un vote qui s’effectue avec quelques regrets.
Je le dis avec sincérité : cette proposition de loi méritait d’être abordée avec sérénité, ce qui est loin d’avoir été le cas des échanges qui ont ponctué l’examen de l’article 2…
Le ZAN, ce tristement fameux objectif de zéro artificialisation nette des terres naturelles, agricoles et forestières à l’horizon 2050, qui a été imposé par la loi Climat et Résilience d’août 2021, tourmente les élus locaux chargés de sa mise en œuvre.
Que n’a-t-on pas entendu à son propos ? On l’a qualifié d’aberration, de casse-tête, de machine à mettre les collectivités en porte-à-faux, alors qu’elles sont déjà soumises à des injonctions contradictoires.
En effet, s’il faut beaucoup moins bétonner, il faut aussi réindustrialiser, aménager les territoires et surtout construire des logements. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour ne parler que de ma région, il faudrait construire chaque année 30 000 logements, mais 20 000 à peine sortent de terre. Je pourrais ainsi multiplier les exemples à l’infini.
Cette levée de boucliers de la quasi-totalité des maires est compréhensible, car la version initiale du ZAN est trop radicale, insuffisamment attentive et adaptée aux réalités de chaque territoire. Elle est technocratique, bureaucratique, alors que les choix auxquels sont confrontés les élus et les décideurs appellent du pragmatisme.
Évidemment, changer les habitudes en matière d’aménagement et d’urbanisme représente une mutation aux allures de révolution culturelle. Mais celle-ci est nécessaire, et pour qu’elle s’effectue sans fracture, il est vital de prendre en compte les contraintes de chaque territoire.
D’ailleurs, la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite loi ZAN 2, qui a été adoptée en 2023 sur l’initiative du Sénat, a ouvert le chemin en prévoyant quelques avancées notoires.
Les adaptations à mettre en œuvre doivent permettre aux élus de ne plus être soumis à un casse-tête administratif. Dans ce domaine, la pédagogie et la mesure sont des éléments essentiels.
Lors de la discussion générale et au cours des débats sur les articles de ce texte, le groupe du RDSE a rappelé la nécessité de trouver un point d’équilibre : il convient d’assouplir la trajectoire tout en conservant des repères crédibles.
Sur ces deux points, le résultat n’est pas totalement satisfaisant, même si nous pouvons nous féliciter de l’adoption de certains assouplissements bienvenus. Nous comptons sur la navette parlementaire pour que ce texte soit encore amélioré et pour parvenir, idéalement, je le répète, au bon point d’équilibre.
C’est avec l’esprit constructif qui les caractérise que les membres du groupe du RDSE ont voté les mesures qui visent à libérer la capacité d’action des élus locaux, telles qu’elles sont prévues aux articles 1er, 3, 4, 5 et 6.
Nous jugeons que les innombrables critiques que j’ai sommairement résumées traduisent les incompréhensions qui apparaissent quand les élus, les décideurs et les habitants sont confrontés à la difficile mutation qu’impose le passage de l’ivresse du mètre carré artificialisé à l’indispensable sobriété foncière.
Certains, cédant à un excessif désir de déréglementation, imaginaient supprimer la trajectoire de sobriété foncière.
Les sénateurs du groupe du RDSE ont pris garde de ne pas se laisser séduire par ces sirènes et ont privilégié une approche territorialisée.
L’article 2 fixe finalement un jalon intermédiaire dans cette trajectoire en 2034. C’est un compromis raisonnable. Il a été obtenu de haute lutte, au terme de débats crispés. Cela montre que la prise de conscience des efforts à accomplir pour s’engager sur le chemin de la transition environnementale reste fragile.
Ce report est une bonne manière de laisser du temps au temps pour procéder aux adaptations nécessaires, mais il ne doit pas devenir le prétexte pour différer indéfiniment des modifications indispensables dans notre consommation d’espaces naturels.
Il me paraît raisonnable, même si cela l’est moins pour d’autres sénateurs, je le reconnais, de permettre aux régions de définir des objectifs différenciés de réduction de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers, pour la période 2024-2034, par la voie des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
De même, le rôle de la conférence régionale de gouvernance de la sobriété foncière sera renforcé.
Je relève, par ailleurs, que la pérennisation de la méthode aujourd’hui utilisée pour mesurer l’artificialisation permettra aux élus de conserver une certaine forme de souplesse.
Espérons, néanmoins, que toutes ces dispositions ne se dilueront pas dans une nouvelle mécanique, nous faisant perdre de vue les objectifs initiaux de la loi Climat et Résilience.
Avant de conclure, je note qu’en commission et lors du débat en séance publique, seuls deux amendements du groupe du RDSE ont été adoptés.
Ils visent, d’une part, à exclure, pendant une période de quinze ans, les raccordements électriques des implantations industrielles du décompte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et, d’autre part, à mutualiser, à l’échelle régionale, le décompte des aires d’accueil de gens du voyage. Je me réjouis de leur adoption.
Toutefois, les autres amendements que nous avons déposés ont été rejetés : loin pourtant de répondre à des préoccupations idéologiques, ils relevaient d’un pragmatisme évident. Ils étaient portés par une volonté de ne pas pénaliser les collectivités souhaitant mettre en place des projets d’aménagement d’intérêt général. Il ne s’agissait nullement de remettre en cause les légitimes ambitions de la loi quant à la nécessaire trajectoire de sobriété foncière.
Que des querelles politiques brouillent la réécriture d’un texte, c’est, somme toute, vieux comme le monde, et c’est bien là mon principal regret.
Si nous n’avons pas été suffisamment écoutés, je me félicite que ce texte réécrit introduise un certain nombre de dispositions visant à prendre davantage en compte les réalités locales, sans toucher à l’objectif de zéro artificialisation nette en 2050.
Aussi, en dépit des réserves que je viens d’exprimer, les membres du groupe du RDSE, faisant preuve de leur bienveillance légendaire (Sourires.), voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Guislain Cambier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer nos rapporteurs et à souligner la qualité de leur travail.
Je vous remercie ensuite, mes chers collègues, au nom de tous les maires, ruraux comme urbains, des élus des territoires et des acteurs économiques et sociaux : merci de leur avoir redonné la main et de leur avoir rendu leur liberté. Merci d’avoir ébréché l’étouffoir de la norme qui asphyxie le pays.
Là où les idéologues capitalisent sur la peur, vous avez choisi la confiance. Là où les planificateurs veulent corseter le pays en lui infligeant des mécanismes de contrôle, vous avez opté pour le contrat.
Les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle ont montré la césure entre, d’un côté, les réactionnaires, qui n’ont comme seul objectif que de préserver leur matrice intellectuelle, leur chasse gardée technocratique, leurs méthodes coercitives, et, d’un autre côté, les partisans du camp du progrès, qui croient à la capacité de l’homme à se renouveler, à innover, à construire son avenir. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
Non, ce n’était pas mieux avant !
En adoptant cette trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus, vous ne faites pas que corriger les errements des tenants d’une vision, vous ouvrez la voie à la réconciliation et à l’apaisement dans notre pays.
Vous avez défini un discours de la méthode, dont la colonne vertébrale est le dialogue. Cette faculté de parole retrouvée, nous voulons l’accorder à toutes nos collectivités territoriales, de la commune de montagne à la métropole littorale.
Leurs élus portent des projets qui s’appuient sur la vision et la connaissance fine qu’ils ont de leur territoire. Ils ne méconnaissent pas les errements du passé. Ils savent ce qui est nécessaire dans leur circonscription. C’est tout le sens de ce contrat avec l’État, défini à une échelle où l’on se connaît et où l’on se respecte.
Le travail collectif et le partage d’informations ont permis de poser un diagnostic honnête. Je tenais à remercier les membres du groupe de suivi des politiques de réduction de l’artificialisation des sols du Sénat, qui sont issus de tous les horizons politiques, ainsi que les différentes commissions du Sénat, qui ont permis la réalisation de ce travail de synthèse et de proposition.
Avec Jean-Baptiste Blanc, mon cher binôme (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.), nous continuons nos pérégrinations sur tout le territoire, afin de construire avec tous le meilleur chemin vers cette nécessaire sobriété foncière.
Depuis l’Aveyron jusqu’à la Meuse, du Morbihan jusqu’au Gers,…