M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, chargé de lenseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Brossel, je vous demande tout d’abord d’excuser l’absence de Mme la ministre d’État Élisabeth Borne, qui m’a chargé de vous répondre.

Nous observons une année de plus, en France, donc dans nos classes, la poursuite d’une baisse démographique significative et durable.

À la rentrée 2024, cette baisse était de près de 75 000 élèves dans le premier degré, dont 3 200 à Paris.

Malgré cette baisse, nous avons fait le choix de conserver les 4 000 postes qui devaient être supprimés – vous le savez.

Vous mentionnez le consensus scientifique selon lequel la taille des classes influe significativement sur la réussite des élèves, notamment les plus fragiles. Non seulement nous partageons ce constat, mais nous agissons en conséquence.

En 2017, le taux d’encadrement moyen – vous me pardonnerez d’évoquer des moyennes – était de 5 professeurs pour 100 élèves. À la rentrée 2024, il était de 6 professeurs pour 100 élèves : l’augmentation est tout de même très significative.

Cette hausse du taux d’encadrement se poursuivra à la rentrée prochaine, puisque le nombre moyen d’élèves par classe atteindra un niveau historiquement bas : 21 élèves par classe.

À Paris particulièrement, le taux d’encadrement est favorable : 20 élèves par classe en moyenne, soit le deuxième meilleur taux de France métropolitaine, après la Corse.

Au regard de la baisse prévue, 160 classes peuvent être fermées sans impact sur le taux d’encadrement.

Les retraits d’emplois des rentrées 2023 et 2024 n’ont d’ailleurs pas dégradé le taux d’encadrement, compte tenu de la baisse démographique constatée.

Cette évolution nous permet de répondre aux priorités d’une école qui agit pour la réduction de toutes les inégalités, sociales comme territoriales.

J’ajoute qu’à la rentrée prochaine nous ouvrirons de nouvelles Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire) et densifierons le réseau des pôles d’appui à la scolarité, sans oublier – c’est en ce domaine que le renforcement sera le plus significatif – les moyens particuliers alloués aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.

Mme Colombe Brossel. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre, mais, dans les faits, ce que vous dites est démenti : il y aura bien des fermetures de classes, et en nombre, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et il y aura bien des hausses du nombre d’élèves dans les classes, y compris dans des établissements de ces mêmes quartiers.

Ne restez pas sourd à la colère unanime de la communauté éducative parisienne !

déploiement des observatoires des dynamiques rurales et effets de la baisse de la démographie scolaire

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, auteur de la question n° 339, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Jacques Grosperrin. Ma question s’adressait à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais je suis ravi de vous avoir ce matin pour interlocuteur, monsieur le ministre.

L’installation effective des observatoires des dynamiques rurales a été très bien accueillie par les élus. Elle a eu lieu, dans mon département, sous l’autorité du préfet et de l’inspecteur d’académie.

Cette instance répond à un triple objectif : favoriser la cohérence des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire éducatif ; faciliter les échanges entre l’éducation nationale, les préfectures et les collectivités ; offrir des perspectives partagées quant à l’évolution démographique, au déploiement de l’offre de formation et aux dispositifs propres à accompagner le parcours de formation des élèves.

Nous, parlementaires, sommes conscients des réalités démographiques et des effets de l’importante baisse observée en la matière sur les politiques éducatives. À titre d’exemple, le département du Doubs devrait perdre, entre 2024 et 2027, plus de 3 000 élèves dans le premier degré.

Toutefois, de nombreux maires ruraux se trouvent souvent démunis face aux décisions prises par les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen) quant à la fermeture de classes et d’écoles. Monsieur le ministre, vous avez dit que le Gouvernement avait préservé 4 000 postes ; le problème, c’est que l’on n’en voit pas les effets sur le terrain.

Précisément, il est essentiel que les services académiques soient à l’écoute des acteurs de terrain. Le manque de dialogue fragilise les relations de confiance et nuit à l’attractivité des communes rurales, même si le département du Doubs a la chance d’avoir un Dasen de très grande qualité.

L’intérêt supérieur de l’élève doit être la boussole du Gouvernement en matière éducative. L’efficacité des observatoires des dynamiques rurales n’étant plus à démontrer, l’exécutif souhaite-t-il généraliser ce dispositif ? Monsieur le ministre, comment pouvez-vous assurer aux maires que cette instance sera un véritable lieu de dialogue et de coconstruction ? Plus largement, la solution ne serait-elle pas de sortir de la logique purement arithmétique de la carte scolaire, traduction systématique de la baisse du nombre d’élèves en fermetures de classes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, chargé de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Grosperrin, comme je l’ai précisé à l’attention de Mme Brossel, nous observons une année de plus une baisse démographique importante.

Je le redis, nous mettons cette baisse démographique à profit pour améliorer le taux d’encadrement des élèves.

Dans votre département du Doubs, le nombre moyen d’élèves par classe est de 20,5 : il est significativement inférieur à la moyenne nationale.

Les observatoires des dynamiques rurales, que vous mentionnez, ont justement pour vocation de partager avec les élus locaux une vision anticipée, généralement à trois ans, du réseau éducatif en zone rurale.

À cet égard, un dialogue étroit existe entre l’éducation nationale, représentée par les Dasen – et je me félicite de ce que vous avez dit sur le Dasen du Doubs – et les élus locaux, notamment les maires.

Ces échanges débutent dès le mois de novembre, afin que les élus puissent disposer le plus tôt possible des informations qui concernent leur territoire. Grâce à ces échanges, aucune décision de fermeture de classe ne peut intervenir sans que le maire en soit informé avant la présentation d’une telle mesure devant le conseil départemental de l’éducation nationale.

Vous le savez, cette forme de dialogue social est absolument cruciale.

C’est pourquoi, en 2024-2025, la totalité des départements ruraux a mis en place cette instance qu’est l’observatoire des dynamiques rurales.

Je réponds donc clairement à votre question : les services académiques sont et seront à l’écoute des acteurs de terrain.

Reste que la carte scolaire n’est par définition pas figée ; et cette année n’y échappe pas.

Lorsque Élisabeth Borne était Première ministre, elle avait demandé que les cartes scolaires soient travaillées de façon pluriannuelle. Nous allons signer dans les prochaines semaines, en ce sens, une convention avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). Cette convention rappellera les bonnes pratiques d’échange continu entre l’État et les élus locaux. Elle renforcera ce travail de dialogue et d’anticipation qui a été engagé dès 2023.

L’objectif est clair : travailler de manière concertée, anticipée et pluriannuelle pour garantir un maillage territorial cohérent et adapté aux besoins.

Le Gouvernement poursuit donc cette dynamique de renforcement du dialogue entre toutes les parties prenantes, et ce pour le bien-être de tous les élèves, qui demeure notre seule et unique boussole.

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.

M. Jacques Grosperrin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

Vous parlez de « maillage territorial ». Cela tombe bien : Colombe Brossel, Annick Billon et moi-même engageons une réflexion sur la façon dont nous pourrions réagir à la baisse du nombre d’élèves autrement qu’en fermant des classes – cette mission de contrôle sur le maillage territorial des établissements scolaires va bientôt donner lieu à une première audition. En la matière, en effet, il y a bien d’autres choses à faire et bien d’autres perspectives à tracer, ne serait-ce que pour rassurer nos maires.

défis de l’école en guadeloupe

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, auteure de la question n° 379, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Solanges Nadille. Monsieur le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les multiples défis de l’école en Guadeloupe.

De multiples facteurs pèsent fortement sur la scolarité et l’insertion professionnelle des jeunes : pertes de jours ou d’heures de classe, tensions sociales, problèmes de transport, sensibilité du territoire aux catastrophes majeures, manque d’accès à l’eau dans certains établissements, manque d’enseignants remplaçants et d’assistants d’éducation.

De fait, le système éducatif en Guadeloupe se caractérise aujourd’hui par des retards observables dès la maternelle, qui s’amplifient tout au long de la scolarité, dans le primaire et dans le secondaire. Plus de 1 200 élèves y sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme ou avec des niveaux de formation trop faibles pour leur permettre une insertion sociale.

En plus de ces difficultés, l’école en Guadeloupe fait face au défi de l’autorité, avec une recrudescence de débordements et d’actes de violence contre les professeurs.

Pourtant, alors que ces défis appellent des moyens humains qui soient à la hauteur de l’enjeu, une nouvelle baisse du nombre d’enseignants est annoncée pour la rentrée 2025 : 22 postes en moins dans le premier degré et 67 postes en moins dans le second degré. La baisse démographique ne saurait être l’unique variable d’ajustement dans des territoires qui souffrent déjà tant.

La rectrice de l’académie de Guadeloupe a reçu les représentants des parents d’élèves et les syndicats de personnels pour échanger sur le sujet. Je salue ce dialogue, mais il faudra faire plus qu’écouter : il faudra agir.

Les îles du sud de la Guadeloupe méritent à cet égard une attention toute particulière. Les enseignants y connaissent en effet des difficultés de mobilité, car ils sont dépendants des horaires des bateaux depuis la Guadeloupe dite continentale.

Monsieur le ministre, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter aux défis de l’école en Guadeloupe ? Allez-vous revenir sur la décision de suppression de postes d’enseignants à la rentrée 2025 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, chargé de lenseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Nadille, l’école a le devoir d’offrir les mêmes chances de réussite à tous les élèves, et ce quel que soit le lieu de leur scolarisation, dans l’Hexagone comme dans les territoires ultramarins.

L’éducation nationale est pleinement engagée dans la mise en œuvre de politiques éducatives adaptées aux spécificités de l’académie de Guadeloupe, que vous avez rappelées.

Pour ce qui est des taux d’encadrement, l’académie enregistre une diminution significative des effectifs dans le premier degré public.

À la rentrée 2025, cette baisse se poursuivra, avec une nouvelle diminution de 430 élèves, sans que cela entraîne un moindre encadrement, au contraire, sachant que le nombre d’élèves par classe est déjà passé de 22 en 2017 à 19 à la rentrée 2024.

En plus de ce taux d’encadrement exceptionnellement bas, la Guadeloupe bénéficie de dispositifs spécifiques.

À cet égard, je rappelle notamment que, depuis 2019, la Guadeloupe est dotée d’un dispositif de soutien scolaire auquel sont éligibles tous les élèves volontaires. Ce dispositif, qui mobilise 420 intervenants, touche 4 000 élèves et a contribué à une nette amélioration de leurs performances.

En outre, l’académie de Guadeloupe a été pionnière, dès 2021, dans le déploiement des contrats locaux d’accompagnement, qui sont aujourd’hui au nombre de 46 et couvrent 40 écoles, 4 collèges et 2 lycées.

En ce qui concerne la sécurité des professeurs, je rappelle que, depuis deux ans, chaque académie dispose d’un pôle citoyenneté. Il se réunit de manière hebdomadaire et assure le suivi de l’ensemble des situations afin de prendre les mesures adaptées. Je précise aussi que la protection fonctionnelle est systématiquement proposée et un accompagnement médico-social mis en place.

Concernant la mobilité des enseignants dans les îles du sud de la Guadeloupe, des solutions d’hébergement sont mises en place avec les mairies. Par ailleurs, l’académie, en lien avec les collectivités territoriales, sensibilise les autorités organisatrices des transports concernant les effets des horaires des bateaux sur la scolarité des élèves.

Je puis donc vous assurer, madame la sénatrice, que le ministère est pleinement engagé pour l’école dans l’académie de Guadeloupe, et qu’il le restera.

transmission des données des collectivités à des fins d’intérêt général

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 367, transmise à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. Michel Canévet. Je souhaite interroger le Gouvernement sur les conditions d’utilisation des données dont disposent les collectivités territoriales, et notamment des fichiers de population.

À l’époque de la pandémie de covid-19, il avait été demandé aux collectivités de mettre en œuvre des actions au plus près de la population, afin d’identifier les personnes les plus fragiles. La situation de ces personnes mérite une attention permanente, car des événements divers surviennent assez régulièrement depuis lors.

La question se pose donc, s’agissant de la mise en œuvre de politiques publiques, de la capacité des collectivités à y contribuer en sollicitant, le cas échéant, des opérateurs extérieurs. Dans quelles conditions de tels opérateurs pourraient-ils avoir accès à un certain nombre de fichiers dont disposent les communes ?

Je pense en particulier aux listes électorales, qui permettent d’identifier l’essentiel de la population résidant sur un territoire donné : la transmission de telles données pourrait faciliter, à l’avenir, la conduite d’actions de prévention efficaces.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Canévet, vous posez la question de la transmission des données des collectivités à des fins d’intérêt général. Vous demandez quelle garantie nous pouvons avoir que l’usage qui serait fait de telles données serait conforme à cette notion d’intérêt général.

C’est l’un des enjeux, vous le savez, du règlement européen sur la gouvernance des données, applicable depuis septembre 2023. Ce texte vise à créer un cadre juridique facilitant la disponibilité et le partage des données au sein de l’Union européenne.

Le principe de l’altruisme en matière des données est un des piliers du texte : il s’agit de créer des outils fiables et robustes pour faciliter le partage des données, via des organisations de confiance, dans l’intérêt de la société.

La mise en œuvre de ce principe permettra la création d’espaces de données d’une taille suffisamment importante pour des travaux de recherche scientifique ou d’apprentissage automatique dans des domaines essentiels comme la santé ou la lutte contre le changement climatique.

La communication de listes électorales à des tiers aux fins d’assurer la prévention et la protection des citoyens, sur laquelle vous m’interrogez, relève bien de l’intérêt général, donc de la notion d’altruisme des données.

Nous partageons le principe suivant : les listes électorales n’ont pas vocation à être communiquées pour être valorisées et utilisées à d’autres fins que leur vocation première.

C’est pourquoi l’article L. 37 du code électoral prévoit que les listes soient communiquées seulement si le demandeur s’engage « à ne pas en faire un usage commercial ».

La jurisprudence est très claire à cet égard ; elle a été précisée tant par le juge administratif que par la Commission d’accès aux documents administratifs. Ainsi doivent être considérées comme activités commerciales non seulement la commercialisation des données elles-mêmes, mais aussi leur utilisation dans le cadre d’une activité à but lucratif.

Par conséquent, les collectivités territoriales, saisies d’une demande de communication, disposent de moyens de droit pour s’opposer à une demande qui leur paraît illégitime. Bien plus, en cas de doute, elles peuvent s’appuyer sur les préfectures, qui pourront les éclairer sur le sens de la réponse à apporter à la demande reçue.

Concernant le règlement sur la gouvernance des données, il est d’application directe et donc aujourd’hui en vigueur. La loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique a précisé quelle était l’autorité compétente en matière d’altruisme des données, désignant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) à cet effet. Cette institution, garante du règlement général sur la protection des données, dispose d’une expérience précieuse en la matière.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Dans les prochains mois, le Gouvernement présentera un projet de loi visant à adapter en droit national les dispositions du règlement européen. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de notre engagement à poursuivre la construction d’un écosystème national et européen de la donnée.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.

M. Michel Canévet. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

En ce domaine, il faut que nous avancions, et je suis heureux d’apprendre qu’un projet de loi est en préparation. Il faudra bien intégrer, parmi les dispositions de ce texte, la possibilité pour les acteurs locaux de mener des politiques de prévention dans les territoires.

Il est bien évident qu’une telle faculté de transmission des données doit être encadrée. Le conseil municipal, par exemple, pourrait tout à fait y pourvoir, par le biais d’une délibération portant sur la fourniture à un tiers, en lien avec la conduite d’une politique publique bien identifiée à l’échelle du territoire, de données permettant audit tiers de mener les investigations nécessaires.

Ainsi doterions-nous les collectivités d’un outil permettant d’agir au plus près de nos concitoyens et de leur apporter, à l’échelle locale, des réponses adaptées et cohérentes.

application de la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme dans les territoires de montagne

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 335, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.

M. Cyril Pellevat. Ma question porte sur l’application de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, en particulier dans les territoires de montagne.

Cette loi introduit l’obligation d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les meublés de tourisme. Dès 2025, un DPE compris entre les classes A et E est exigé pour toute nouvelle mise en location d’un logement faisant l’objet d’un changement d’usage, et les logements déjà sur le marché devront atteindre au minimum la classe D d’ici à 2034.

Or cette réglementation ne prend pas en compte les spécificités des territoires de montagne, où près d’un logement sur deux n’atteint pas un DPE classé D. Cette situation est principalement due aux failles du mode de calcul du DPE.

D’une part, il pénalise les petites surfaces, très nombreuses en montagne, en raison de la méthode de calcul retenue, fondée sur la consommation d’énergie au mètre carré.

D’autre part, il défavorise les logements chauffés à l’électricité par rapport à ceux qui le sont au fioul, au gaz ou au bois, alors même que l’électricité, en France, est décarbonée à 92 %.

Enfin, il ne tient pas compte de l’altitude et des conditions climatiques spécifiques, qui nécessitent un chauffage plus soutenu.

Ces éléments risquent d’avoir des conséquences dramatiques sur le parc locatif en montagne : des logements pourraient massivement sortir du marché dès 2025, ce qui aggraverait le phénomène des « lits froids », alors que la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030 exige au contraire une capacité d’accueil renforcée.

Aussi, au regard de l’article 1er de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne, qui impose de prendre en compte les spécificités des territoires de montagne dans l’élaboration des politiques publiques, envisagez-vous, madame la ministre, des ajustements spécifiques ? Je citerai, pêle-mêle, quelques propositions : révision du mode de calcul du DPE pour les petites surfaces ; prise en compte de l’altitude et du climat montagnard dans les critères d’évaluation ; aménagement du coefficient de conversion de l’électricité visant à mieux refléter son impact environnemental réel.

Je précise que, avec ma collègue Sylviane Noël, j’ai déposé une proposition de loi visant à rationaliser en ce sens la méthode de calcul du DPE.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pellevat, le calcul du diagnostic de performance énergétique prend déjà en compte plusieurs spécificités des territoires que vous évoquez, ce dont bénéficient directement les petits logements en zone de montagne.

En effet, afin d’adapter les calculs aux réalités locales, les consommations énergétiques sont évaluées à partir de fichiers météorologiques différenciés selon huit zones climatiques. De surcroît, pour les logements situés au-dessus de 800 mètres d’altitude, les seuils des étiquettes E, F et G sont adaptés. Enfin, une réforme du DPE applicable aux petites surfaces est entrée en vigueur le 1er juillet 2024.

Quant au coefficient de conversion de l’électricité entre énergie primaire et énergie finale, il a été revu en 2021, passant de 2,58 à 2,3. Cette valeur a été établie à partir d’une modélisation du mix électrique français sur les cinquante prochaines années. Elle reflète donc à la fois le mix actuel et le mix projeté à long terme et s’applique de manière homogène sur tout le territoire.

Par ailleurs, plusieurs types de travaux peuvent améliorer significativement la performance énergétique globale d’un logement, même en zone de montagne. Au-delà des travaux d’isolation du bâtiment, l’installation d’une pompe à chaleur conduit ainsi à un meilleur DPE que les systèmes gaz, fioul et bois ou que les radiateurs électriques à effet Joule.

Enfin, si la loi du 19 novembre 2024 étend aux meublés de tourisme les obligations de décence énergétique applicables aux locations de longue durée, elle le fait de manière progressive. Elle prévoit une période de neuf ans pour la rénovation des meublés de tourisme actuellement en location. Ce délai laisse aux propriétaires le temps d’engager les rénovations nécessaires : celles-ci sont indispensables pour que la France respecte ses engagements en matière de réduction des consommations d’énergie et d’adaptation au changement climatique.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, vous avez donné certaines précisions utiles, mais il faudra que nous allions un petit peu plus loin. À Avoriaz, par exemple, compte tenu des contraintes que connaissent les stations de ce type, le parc de logements risque de se retrouver à 70 % non louable !

En 2030, j’y insiste, nous accueillerons les jeux Olympiques et Paralympiques : nous avons besoin d’une flexibilité particulière sur ces sujets.

difficultés financières rencontrées par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, auteur de la question n° 338, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la ministre, ma question porte sur les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), qui rencontrent dans de très nombreux départements de graves difficultés financières.

Ces structures, qui ont été créées par la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, exercent depuis plus de quarante ans des missions essentielles de conseil et de sensibilisation, apportant un service neutre et indépendant aux particuliers, aux collectivités et aux professionnels, grâce à des experts en urbanisme, architecture et paysage.

En tant qu’ancien maire, j’ai bénéficié de leurs conseils, dont, je l’avoue sans peine, les édiles des petites communes sont très friands.

Le financement des CAUE repose sur la part départementale de la taxe d’aménagement. Or la réforme introduite par la loi de finances pour 2021, modifiant le fait générateur de cette taxe, a entraîné des retards significatifs de perception et des risques accrus de non-recouvrement, notamment en cas de travaux inachevés ou de non-déclaration d’achèvement. Cette situation pénalise fortement les CAUE et affaiblit leur capacité à remplir leurs missions dans nos territoires.

Ces difficultés s’inscrivent en outre dans un contexte de faible dynamique de construction et de tensions budgétaires pour les collectivités territoriales, lesquelles ont déjà été durement éprouvées par d’autres réformes fiscales.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour soutenir financièrement les CAUE, en particulier dans cette période transitoire ?

Envisagez-vous, madame la ministre, de rétablir la délivrance de l’autorisation d’urbanisme comme fait générateur de la taxe d’aménagement, afin de garantir des recettes plus stables et d’éviter les risques de non-recouvrement ?