M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, auteur de la question n° 359, adressée à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la ministre, ma question porte sur les responsabilités concernant la production et la distribution d’amiante, mais aussi, et surtout, sur le délai d’interdiction de cette fibre tueuse comme matériau de construction ou dans les équipements de protection.
En effet, si c’est en 1977 que l’amiante a été reconnu cancérigène par l’Organisation mondiale de la santé, il aura fallu attendre vingt ans, soit 1997, pour que la France l’interdise effectivement. Pourtant, l’amiante représente plus de 120 000 victimes connues et des dizaines de milliers à venir. Ce sont autant d’agonies pour les malades atteints de cancer et une anxiété pour ceux qui n’ont pas encore développé de séquelles à cette exposition.
Dans mon département, le Pas-de-Calais, l’association Chœurs de Fondeurs se bat depuis plus de vingt ans pour que les salariés de l’usine Metaleurop exposés à l’amiante obtiennent réparation et reconnaissance du préjudice d’anxiété alors qu’ils ont déjà eu à subir un licenciement indigne, pour lequel certains sont encore en procès. De fait, 326 anciens salariés exposés à l’amiante et au plomb sont encore concernés. Nous nous acheminons vers une transaction là où les victimes attendaient une reconnaissance de responsabilité.
Pouvait-il en être autrement alors que la justice a prononcé un non-lieu dans l’affaire Eternit, considérant que les responsabilités individuelles ne pouvaient pas être établies ? De même, alors qu’il a été conclu par un rapport d’information sénatorial de 2005, Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir, que le Comité permanent amiante (CPA) avait agi comme un lobby pro-amiante retardant l’interdiction de cette matière, il n’y a pas eu de condamnations pour les acteurs de ce dernier.
Le Gouvernement entend-il constituer un pôle d’instruction aux moyens étendus pour faire toute la lumière sur le drame de l’amiante et refermer ainsi cette plaie béante dans l’histoire sanitaire et sociale de notre pays ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Corbisez, je vous prie d’excuser l’absence de M. le garde des sceaux. Avant toute chose, je tiens à vous affirmer que le ministre de la justice prend toute la mesure des souffrances des victimes de l’exposition à l’amiante. Il partage la légitime préoccupation de voir les procédures judiciaires engagées traitées avec toute l’attention et l’efficacité requises.
Depuis 1996, comme vous l’avez indiqué, d’importants moyens ont été mis en œuvre afin de faire aboutir le traitement des plaintes déposées par les victimes de l’amiante. Désormais, les dossiers d’exposition à cette fibre sont traités par les pôles spécialisés en matière de santé publique des tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille, qui en ont fait une priorité, tant du côté du siège que du parquet. Ces pôles ont vu leurs moyens augmenter de manière constante depuis leur installation en 2003. À la fin du mois de septembre 2024, ils ont eu à connaître de 76 procédures relatives à l’exposition à l’amiante depuis leur création, dont 33 étaient toujours en cours.
Parallèlement, les moyens d’enquête ont été durablement renforcés. L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et la santé publique, principal service d’enquête saisi sur ce contentieux, dispose désormais de dix détachements sur l’ensemble du territoire, qui sont tous en mesure de traiter des procédures relatives à l’exposition à l’amiante.
En complément, la gendarmerie nationale a spécialement formé de multiples enquêteurs, titulaires de qualifications spécifiques, au sein de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et la santé publique, mais également au sein d’autres unités ou services qui peuvent être saisis par les magistrats afin d’apporter leur expertise aux enquêtes pénales.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, la mobilisation de l’autorité judiciaire sur ce sujet est entière. Nous ne lâchons rien.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Corbisez. L’association Chœurs de Fondeurs tiendra son assemblée générale dans quelques jours. Je ne manquerai pas de transmettre votre réponse à ses responsables, madame la ministre.
proximité des habitants du vaucluse avec la justice administrative
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 381, adressée à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Baptiste Blanc. Depuis 2006, en vertu du décret portant création d’un tribunal administratif à Nîmes, les recours contentieux relevant du département de Vaucluse sont jugés, en premier ressort, par le tribunal administratif (TA) de cette ville. Par ailleurs, depuis 2022, les appels soulevés contre les décisions de ce même tribunal sont du ressort de la cour administrative d’appel de Toulouse, nouvellement créée, alors qu’ils étaient auparavant du ressort de celle de Marseille.
Il en résulte, pour les justiciables comme pour les professionnels du droit vauclusiens, un éloignement regrettable des tribunaux administratifs. Cela était déjà le cas en premier ressort, cela l’est d’autant plus en appel désormais. L’obligation pour les justiciables vauclusiens de se rendre à une telle distance de leur département d’origine dans le cadre des procédures de justice administrative constitue une gêne importante. Le droit pour chacun de nos concitoyens d’accéder de manière égale à la justice est fondamental. Une plus grande proximité des habitants de Vaucluse avec les tribunaux administratifs est donc souhaitable.
Dès lors, madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur la possibilité d’un redécoupage plus juste de la carte de la justice administrative, notamment en vue de faire dépendre le Vaucluse de la cour administrative d’appel de Marseille, rattachement qui n’aurait jamais dû changer ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, je vous prie d’excuser l’absence de M. le garde des sceaux.
Le 1er janvier 2022, la cour administrative de Toulouse est devenue la neuvième cour administrative d’appel de notre pays. Cette création a remédié à l’absence d’une juridiction d’appel spécifique au territoire de l’Occitanie, le contentieux de cette région étant auparavant éclaté entre les cours administratives d’appel de Bordeaux et de Marseille, deux juridictions dont le niveau d’activité était parmi les plus élevés.
À ce titre, la future cour était amenée à devenir le juge d’appel des trois tribunaux administratifs de la région Occitanie, à savoir Toulouse, Nîmes et Montpellier, tant pour des raisons de cohérence d’organisation territoriale que de viabilité de la nouvelle juridiction, dont le volume d’activité devait atteindre une masse critique suffisante.
Restait à choisir pour le siège de cette juridiction entre deux options solides : Toulouse ou Montpellier. Sur ce point, ce sont des considérations pratiques et budgétaires qui ont permis de retenir l’Hôtel de Lestang, à Toulouse. Ce site était, en effet, à la fois l’option de loin la moins coûteuse et la seule dont l’état du bâti permettait une ouverture rapide.
Le ministre de la justice est conscient que les questions de découpage territorial sont toujours redoutables et les réponses qui peuvent y être apportées ne sont jamais exemptes de reproches. Nous avons tous à l’esprit les critiques et les débats, parfois vifs, qui ont accompagné la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions.
Toutefois, le rapport de nos concitoyens à la justice administrative ne doit pas se limiter à une vision relevant de la proximité géographique. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, bénéficier d’une juridiction de taille pertinente, à même de traiter les contentieux dans un délai raisonnable et avec une connaissance fine du territoire est un enjeu de première importance. C’est une Montpelliéraine qui vous répond !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la ministre, cette réponse ne me convient pas du tout. Franchement, étant originaire d’Occitanie, vous pouvez prendre la mesure de mes propos ! Quand on est dans le Vaucluse, aller à Toulouse est un non-sens absolu.
Même si j’entends qu’il existe une question de gestion du volume des dossiers qui justifierait cette carte de la justice administrative, je ne comprends pas. Cette situation est d’autant plus grave qu’elle ne donne pas envie de faire des recours. Il faut aussi penser au droit au recours ! J’entends des justiciables et même des professionnels qui n’ont même plus le désir de faire valoir leurs droits du fait de la perspective de devoir aller à Toulouse, ce qui leur ferait perdre une journée.
Vous connaissez ce sujet ; aussi, je ne comprends pas pourquoi nous ne le remettons pas sur la table. Nous devons pouvoir rationaliser la gestion de la justice administrative et nous poser de vraies questions de géographie.
qualité des services publics
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 103, adressée à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, la qualité des services publics ne cesse, d’année en année, de se dégrader dans notre pays, pour le plus grand préjudice de nombre de nos concitoyens. Tous les territoires sont concernés : urbains comme ruraux rencontrent les mêmes difficultés dans leurs différentes démarches avec l’administration.
La situation est telle que la Défenseure des droits a choisi d’intervenir en dénonçant « la déshumanisation et l’éloignement des services publics » : « Il n’est pas possible d’imposer à tout le monde d’avoir un smartphone et une connexion internet. » Elle poursuit avec justesse : « Ce qu’on est en train de demander aux usagers, c’est de s’adapter aux services publics alors que la règle est l’inverse : le service public doit s’adapter aux usagers. » Par ailleurs, elle pointe en particulier les populations en difficulté face à la dématérialisation : « Les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes précaires, les personnes étrangères, les détenus et même les jeunes. » Enfin, elle plaide pour des accueils physiques : « On a besoin de voir des personnes quand on est en difficulté. »
Aussi, n’est-il pas urgent, monsieur le ministre, de mettre un terme à cette dématérialisation à outrance, qui dégrade la qualité de nos services publics et qui méprise royalement l’égalité républicaine à laquelle tout citoyen a droit et qu’il convient de restaurer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Monsieur le sénateur Mizzon, je vous remercie de cette question. Elle est l’occasion pour moi de rappeler que l’accès aux services publics est une priorité du Gouvernement. Pour être en phase avec les attentes des Français, l’action que nous menons s’articule autour de deux points : des démarches numériques de qualité et un accueil humain de proximité.
Parce que le numérique ne répond pas à tous les besoins, comme vous l’avez indiqué dans votre question, pouvoir accéder à un agent public est essentiel. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi d’investir dans des substituts au numérique dans le cadre du programme France Services, afin de garantir un accueil de proximité polyvalent. Ainsi, plus de 19 millions de Français ont été accompagnés au cours des années 2021 à 2024, soit 800 000 visiteurs par mois, à peu près. Quelque 99 % de nos compatriotes vivent à moins de vingt minutes d’un établissement France Services. Le taux de satisfaction de ce nouveau service public s’établit à 97 %.
De plus, le plan Téléphone, engagé en 2023, a plusieurs objectifs : un taux de décroché supérieur à 85 % et la possibilité de prendre rendez-vous ou d’être appelé pour éviter le temps d’attente.
À titre d’exemple, hier, j’étais dans le Cher, à Bourges. J’y ai validé, à titre expérimental, le fait que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) soient désormais présentes dans les vingt établissements France Services de ce département. Si cette expérimentation fonctionne, elle sera étendue à l’ensemble du territoire. Autrement dit, nous continuons d’élargir le panel des services.
Comme vous l’avez rappelé, on a besoin de voir des personnes quand on est en difficulté. Je suis totalement d’accord avec vous. Pour cette raison, j’ai demandé à mes services de relancer des travaux d’ampleur sur la question de la posture des agents.
Pour conclure, je vous rejoins sur la nécessité pour nos services publics de s’adapter aux besoins différenciés des usagers. Tout le monde n’est pas égal. Pour cela, j’ai souhaité un nouveau baromètre consacré aux services publics, dont l’objectif serait de mesurer la satisfaction des usagers. Il nous permettra de nous améliorer là où nous devons le faire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Les chiffres que vous donnez sont éloquents, mais force est de reconnaître que, sur le terrain, le ressenti est différent.
Quelle est la première mission de la loi ? Protéger les plus faibles. Lorsque j’en ai été, il y a quelques années, président, la mission d’information « Lutte contre l’illectronisme et inclusion numérique » a fait des préconisations, qui ont été suivies en partie, quoique insuffisamment. Il faut se mettre à la place des gens qui ne maîtrisent rien !
Les maisons France Services sont utiles, mais elles ne se trouvent pas toutes à vingt minutes : pour certains, qui n’ont pas de moyen de déplacement, elles sont inaccessibles.
service de remplacement des agriculteurs et concours financier de l’état lorsque le remplacement intervient pour cause d’exercice d’un mandat d’élu local
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, auteure de la question n° 324, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Marie-Lise Housseau. Madame la ministre, dans tous les départements, les services de remplacement sont des groupements d’employeurs qui ont pour mission de mettre à disposition de tout agriculteur qui souhaite s’absenter de son exploitation ou qui y est contraint un salarié de remplacement.
Lorsque cette absence est la conséquence de l’exercice d’un mandat syndical agricole, les agriculteurs bénéficient de cette prestation à un coût réduit, grâce au concours de l’État. Il s’agit d’une aide financière appréciable et qui se justifie par leur engagement syndical et sociétal.
En revanche, les nombreux agriculteurs qui s’investissent comme élus locaux, en particulier comme maire, pour faire vivre la démocratie ne peuvent prétendre à aucune aide financière lorsque l’exercice de leur mandat les contraint pourtant à se faire remplacer sur leur exploitation.
L’engagement des élus locaux, notamment dans les territoires ruraux et les plus petites communes, est plus que jamais indispensable à notre société. Les difficultés auxquelles ils sont confrontés n’ont jamais été aussi grandes et la crise des vocations des maires est, hélas ! bien réelle. Aussi, ne pensez-vous pas, madame la ministre, que le concours financier de l’État prévu pour les remplacements dans le cadre de l’exercice d’un mandat syndical pourrait être dupliqué ou étendu aux remplacements nécessaires à l’exercice d’un mandat de maire ou d’élu local ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Housseau, je vous remercie de votre question. Vous soulevez un point important concernant le soutien aux agriculteurs engagés dans la vie locale.
Comme vous, je suis consciente de l’engagement essentiel des agriculteurs, notamment des maires, qui contribuent activement à la vitalité de nos territoires ruraux. D’ailleurs – je tiens à le dire ! –, mon suppléant à l’Assemblée nationale est maire et agriculteur. Lui qui me suit depuis 2012 est désormais député, ce dont je suis très heureuse.
Je comprends parfaitement les enjeux que vous soulevez concernant l’engagement des agriculteurs dans la vie démocratique locale. Comme vous l’avez bien noté, puisque vous souhaitez étendre ce dispositif aux agriculteurs élus locaux, mon ministère gère un soutien financier au remplacement des agriculteurs engagés dans l’exercice d’un mandat syndical agricole. Par ailleurs, pour les exploitations agricoles où la présence est requise de façon plus continue, comme dans l’élevage laitier, vous savez que je soutiens depuis longtemps les formes d’organisation collective, comme les groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec), qui permettent justement de libérer du temps pour d’autres activités.
J’en reviens aux mandats municipaux qui font l’objet de votre question. Les indemnités relatives à l’exercice d’un mandat local, même si je sais que leur niveau est très hétérogène et souvent trop faible – il faut le reconnaître –, doivent permettre de compenser en partie les coûts induits par le recours à un service de remplacement quand aucune autre solution n’a été trouvée.
Au demeurant, les questions relatives aux mandats d’élus locaux – vous le savez – ne relèvent pas uniquement de mon champ de compétence. Toutefois, je note votre proposition avec attention tant je souhaite évidemment valoriser le rôle des agriculteurs dans la vie démocratique locale. Il faudrait à tout le moins en étudier la faisabilité budgétaire, évaluation qui se ferait au travers d’une sorte d’étude d’impact.
J’étais d’ailleurs jeudi dernier dans un lycée agricole de la Loire où j’ai encouragé les jeunes à s’engager à l’occasion des prochaines élections municipales de sorte à faire entendre leur voix, celle de l’agriculture de demain.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour la réplique.
Mme Marie-Lise Housseau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je conçois bien que ma demande a des conséquences budgétaires. Je tiens à souligner que, dans les toutes petites communes, les seuls actifs qui restent sont souvent des agriculteurs. Si nous ne les encourageons pas, nous n’aurons que des conseils municipaux tenus par des retraités. Ce n’est pas bien préparer l’avenir que d’en rester là !
Je lance donc un appel. Peut-être faudra-t-il, comme vous l’indiquez, étudier de manière plus approfondie les moyens d’aider les agriculteurs afin qu’ils s’impliquent mieux dans la vie locale.
prédation du loup dans les pyrénées-atlantiques
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteure de la question n° 357, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, je vous interpelle aujourd’hui, car il y a urgence. Comme vous le savez, la progression géographique du loup s’accompagne d’une augmentation des attaques sur les troupeaux. C’est le cas ces dernières semaines dans les Pyrénées-Atlantiques.
D’année en année, la prédation exercée par le loup s’intensifie, tant sur le plan géographique que numérique, à tel point qu’il n’existe plus véritablement de territoire préservé. Dans les Pyrénées – je le rappelle –, nous avons déjà d’autres prédateurs, notamment l’ours.
Ainsi, dans mon département, en Béarn et en Soule, le loup est déjà la cause de lourdes difficultés pour les éleveurs. Sa présence vient d’être signalée en Pays basque. Pour cette raison, la commission syndicale du Pays de Soule a demandé la reconnaissance de son territoire en zone de protection renforcée face aux menaces que ce prédateur fait peser. Les syndicats agricoles basques, que ce soit la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ou Euskal Herriko Laborantza Ganbara ont exprimé, à l’unisson, leurs vives inquiétudes quant à la présence de ces loups pour les éleveurs du territoire.
Je le répète : la cohabitation avec ce prédateur est impossible. Si l’agropastoralisme venait à disparaître, l’accessibilité des espaces d’altitude, leur biodiversité et leur sécurisation contre les risques naturels seraient gravement compromises. Les élus de montagne, réunis au sein de l’Association nationale des élus de la montagne (Anem) – vous la connaissez bien ! –, n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics sur l’impossible cohabitation entre ce prédateur et un mode d’élevage pastoral qui est essentiel dans nos montagnes.
Madame la ministre, entre le loup et la brebis, le loup est l’agresseur et la brebis la victime. Il faut reconnaître la violence que représente la prédation pour les éleveurs, passionnés par leur métier, une violence que toutes les indemnisations du monde ne suffiront jamais à compenser. À ce titre, la convention de Berne a approuvé, le 3 décembre dernier, un déclassement du statut de protection du loup, qui passera d’espèce « strictement protégée » à seulement « protégée ».
Les éleveurs et les bergers sont contraints à une vigilance constante. Madame la ministre, avez-vous veillé, ainsi que vos collègues européens, depuis janvier dernier, à faire modifier la directive Habitats ? Qu’en est-il de vos démarches ? La question du loup est-elle prévue à l’ordre du jour du prochain sommet européen ? Pourriez-vous préciser le calendrier des prochaines étapes sur ce sujet, en ce qui concerne la France ? Nos éleveurs attendent avec impatience vos réponses.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, en tant qu’élue d’un territoire d’élevage, je sais combien la présence du loup et son comportement de prédation sur les troupeaux ont des répercussions sur l’activité pastorale en France. Je travaille sur ce dossier depuis au moins quinze ans !
Mme Frédérique Espagnac. Bien sûr.
Mme Annie Genevard, ministre. Dans ce contexte, mon ministère accompagne financièrement les éleveurs pour protéger leurs troupeaux contre les attaques, grâce à un dispositif arrêté avec les préfets. Celui-ci permet de financer le salaire des bergers, les clôtures, les chiens de protection et un accompagnement technique. Ce dispositif permet d’aider plus de 4 000 éleveurs par an, pour un montant de 38,7 millions d’euros en 2024.
En complément, face à la détresse exprimée par les éleveurs, le projet de loi d’orientation agricole a pour objet d’apporter quelques dispositions utiles.
D’abord, il tend à alléger la charge réglementaire pesant sur les détenteurs de chien de protection en matière d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).
Ensuite, il vise à assurer une plus grande sécurité juridique aux éleveurs, aux détenteurs de chien de protection et aux maires des communes pastorales. Ainsi, en cas d’incident avec un usager, la responsabilité pénale de ces derniers ne sera pas engagée dès lors que leurs obligations préalables auront été remplies.
La loi d’orientation agricole va de surcroît permettre de protéger les troupeaux de bovins par des tirs de destruction dès lors que les élevages ont fait l’objet de mesures de réduction de vulnérabilité.
Enfin, vous le savez, nous défendons l’adaptation du statut du loup, qui doit se faire à trois niveaux.
Au niveau international, c’est fait : la modification de la convention de Berne est entrée en vigueur le 7 mars.
Au niveau européen, c’est en cours : nous travaillons à une modification de la directive Habitats. Cette modification doit être adoptée par le Conseil – c’est fait – et par le Parlement européen, qui doit encore la valider. Dès que j’aurai connaissance du calendrier exact relatif à cette validation, je vous en informerai : soyez certaine, madame la sénatrice, que je suis cette affaire pas à pas.
Au niveau national, nous nous y préparons, s’agissant de définir les modalités qui permettront d’assurer une régulation tout en garantissant – c’est la condition posée – un état favorable de l’espèce.
En tout état de cause, je veillerai à ce que cette régulation se fasse en premier lieu en tenant compte de l’impact du prédateur sur les activités d’élevage, qu’il faut impérativement préserver. Il y va de la richesse de notre pastoralisme !
M. le président. Merci de conclure, madame la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Croyez bien que j’y consacre une attention et une énergie sans failles.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
suppressions de postes dans l’enseignement public à la rentrée 2025
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, auteure de la question n° 279, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Colombe Brossel. Ma question s’adresse à la ministre de l’éducation nationale.
Jeudi 20 mars, soit dans deux jours, se tiendra la réunion de repli du CDEN (conseil départemental de l’éducation nationale) de l’académie de Paris, la réunion initiale ayant été boycottée par l’ensemble des organisations syndicales, des fédérations de parents d’élèves et des élus, ce qui n’est pas si courant.
Ce boycott est le fruit d’une méthode contestée et de renoncements politiques : ceux du Gouvernement.
En effet, seront proposées 180 fermetures de classes dans le premier et le second degrés, avec pour seule justification la baisse démographique, alors que ladite baisse pourrait être – devrait être ! – un levier formidable pour diminuer enfin le nombre d’enfants par classe, comme cela a d’ailleurs été fait par le Gouvernement dans l’éducation prioritaire.
Vous allez me répondre, monsieur le ministre, par le chiffre magique du nombre moyen d’élèves par classe. Je vous réponds par avance, quant à moi, que nos enfants ne sont pas des moyennes, et vous rappelle que vous avez fait un choix politique, celui de faire peser exclusivement, ou quasi exclusivement, la baisse démographique sur l’enseignement public.
Est également annoncée la fin du régime, certes dérogatoire – mais il l’est depuis quarante-deux ans –, des directeurs d’école parisiens. Ce régime permet, à Paris, une présence des directeurs à temps plein dès lors que l’établissement compte cinq classes. Cette décision a provoqué une colère immense.
Mme la ministre de l’éducation nationale a proposé la mise en place d’un groupe de travail et de concertation sur le sujet ; c’est une bonne nouvelle.
Ma question est simple : le recteur de Paris renoncera-t-il, jeudi, à inscrire au mouvement les 52 premiers postes de directeurs d’école qui pourraient être concernés, actant ainsi le fait que la concertation est engagée et aura lieu, pour le bien de l’ensemble des communautés éducatives parisiennes ?