M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I de l’article L. 541-10 est ainsi modifié :
a) La dernière occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et de concourir au financement de la prévention des accidents dans les installations de gestion de déchets. » ;
2° (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par M. Gillé, Mmes Canalès, Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Sont ajoutés les mots : « , de procéder à la réparation des dommages causés dans les installations de déchets et de concourir au financement de la prévention de ces accidents. » ;
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 541-10-2 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « et, le cas échéant » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés les mots : « et, le cas échéant, les coûts nécessaires à la réparation des dommages engendrés par les accidents causés par les déchets dans les installations de traitement. »
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement tend à modifier l’article 2 afin de rétablir le principe d’une indemnisation des collectivités gestionnaires des installations de gestion et de traitement des déchets en cas de dommage causé par les batteries, les piles, les accumulateurs, ainsi que les cartouches de protoxyde d’azote.
En commission, j’avais exprimé, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, le regret que nous éprouvions à la suite de la suppression du fonds d’indemnisation des collectivités qui était initialement prévu dans la proposition de loi. Il nous semblait en effet qu’il revenait bien aux metteurs sur le marché de financer un tel fonds en application du principe pollueur-payeur – ce financement restait d’ailleurs limité à 50 %.
Nous avons bien entendu les arguments qui ont conduit à cette suppression, à savoir un problème de compatibilité avec le droit européen.
Toutefois, nous considérons que la rédaction finale retenue reste imparfaite et incertaine : l’ensemble de la filière REP aurait aussi pour mission de « concourir au financement de la prévention des accidents dans les installations de gestion de déchets ».
Si cet objectif est louable, il demeure pour nous beaucoup trop flou et moins opérationnel que la création d’un fonds d’indemnisation. En précisant que les filières concourront au financement sans en préciser le montant ou la portée, les collectivités n’auront aucune certitude sur le montant de la prise en charge de cette indemnisation par les metteurs sur le marché.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons, d’une part, de mettre concrètement à la charge des producteurs et de leurs éco-organismes la réparation des dommages causés et, d’autre part, de prévoir dans les cahiers des charges des éco-organismes que les écocontributions qui leur sont versées pourront financer la réparation de ces dommages.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Pillefer, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
de concourir
insérer les mots :
aux investissements déjà existants et
La parole est à M. Bernard Pillefer.
M. Bernard Pillefer. Par cet amendement, je souhaite clarifier un point. Certains sites ont déjà consenti des investissements majeurs en matière de prévention. Grâce à ces équipements, plusieurs départs de feu causés par des piles ou des contenants de gaz ont pu être maîtrisés, évitant ainsi des sinistres majeurs.
L’article 2 prévoit que les futurs investissements en matière de lutte contre les incendies devront être pris en charge en partie par les éco-organismes.
Mais qu’en est-il des investissements déjà réalisés ? Il ne faudrait pas que ces bons élèves soient pénalisés pour avoir anticipé des exigences de sécurité.
Aussi, madame la rapporteure, madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que les éco-organismes prendront bien en charge les installations ayant déjà effectué ces investissements nécessaires ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. S’agissant de l’amendement n° 7, la prise en charge par les éco-organismes de la réparation des dommages causés dans les installations des déchets est, vous l’avez rappelé, contraire au droit européen, en particulier à l’article 8 bis de la directive-cadre sur les déchets qui encadre les coûts couverts par les REP.
Ensuite, une telle mesure pourrait avoir un effet de déresponsabilisation des opérateurs de la filière déchets car la prévention des accidents nécessite une coopération de tous les acteurs du cycle de vie du produit. Dès lors qu’on pourrait indemniser les incendies en question de cette manière et à un niveau élevé, la prévention risque de ne plus être une priorité. Nous devons aussi être conscients que cela pourrait avoir ultérieurement des conséquences sur d’autres produits.
Enfin, la mise en œuvre opérationnelle d’une telle mesure apparaît complexe.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 7.
En ce qui concerne l’amendement n° 5, je partage pleinement les préoccupations de Bernard Pillefer. Il est nécessaire de ne pas pénaliser les installations de traitement de déchets qui ont déjà fait des efforts, en réalisant des investissements parfois considérables pour réduire le risque d’accident.
L’amendement paraît toutefois satisfait. La participation au financement de la prévention des éco-organismes inclut la rémunération des installations ayant déjà effectué les investissements nécessaires. Concrètement, cela pourrait prendre la forme d’un bonus accordé par les éco-organismes dans leur contrat avec des opérateurs de déchets pour ceux qui ont effectué les investissements nécessaires en amont.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je rejoins l’analyse de Mme la rapporteure concernant l’amendement n° 7.
J’ajoute qu’il ne paraît pas opportun de prévoir que les producteurs procèdent en complément à la réparation des dommages. D’une part, une telle disposition pourrait être de nature à décourager les investissements par les opérateurs dans les installations plus sécurisées et à déresponsabiliser ces derniers. D’autre part, les filières REP n’ont pas vocation à se substituer aux assurances des exploitants des installations.
Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
Par ailleurs, et pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure, je demande le retrait de l’amendement n° 5, qui est satisfait par le modèle même des filières REP. Nous estimons par conséquent qu’il n’est pas nécessaire d’apporter la précision proposée.
M. le président. Monsieur Pillefer, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Bernard Pillefer. Non, je le retire, monsieur le président, au vu des explications qui viennent d’être apportées.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Pellevat, Mme Aeschlimann, M. Belin, Mmes Belrhiti et Billon, M. Bonhomme, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Bruyen, Burgoa et Cambier, Mme Canayer, M. Chatillon, Mme de La Provôté, M. Delia, Mme Dumont, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Guidez, Jacquemet, Josende et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Levi, Naturel, Pillefer, Pointereau, Rapin et Reichardt, Mme Romagny, MM. Sido et Sol, Mmes Tetuanui et Ventalon et M. P. Vidal, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigés :
, notamment des équipements de prévention des incendies. Les modalités de la prévention et la répartition du concours à son financement par les producteurs visés au présent I sont précisées par arrêté.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Cet amendement tend à préciser que la responsabilité élargie du producteur doit inclure le financement des équipements de prévention des incendies. Il prévoit également qu’un texte réglementaire fixe les modalités de cette prévention.
Il est essentiel que les producteurs assument leur part dans la sécurisation de la filière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. Dans plus de neuf cas sur dix, les accidents dans la filière des déchets sont des incendies. La précision de l’inclusion des équipements de prévention des incendies parmi les mesures de prévention des accidents financées par les éco-organismes pourrait apparaître, en ce sens, bienvenue.
La précision, par arrêté, des modalités de la prévention et de la répartition du concours à son financement pourrait apparaître souhaitable pour garantir l’opérationnalité du dispositif.
Nous sollicitons l’avis du Gouvernement afin d’obtenir des garanties sur l’opérationnalité du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à ce que les producteurs soumis à une filière REP concourent au financement des équipements de prévention des incendies.
La proposition de loi, dans sa rédaction issue du travail en commission, prévoit que les producteurs concourent au financement de la prévention des accidents dans les installations de gestion des déchets, c’est-à-dire en soutenant les actions concourant à la prévention.
Il ne nous semble pas souhaitable de demander aux producteurs de soutenir les investissements dans des équipements industriels qui concourent à la prévention.
Il faut, à notre sens, distinguer les actions de sensibilisation et de formation à la qualité du tri, c’est-à-dire l’accompagnement de l’usager pour qu’il adopte le réflexe de rapporter les déchets en question au bon endroit, et les investissements dans des installations industrielles.
Adopter la mesure prévue dans cet amendement entraînerait une interférence dans la gestion opérationnelle et dans la conduite industrielle des sites, ce qui ne semble ni approprié ni dans l’intérêt de la filière des déchets.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Au 7° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement, après le mot : « ménagers », sont insérés les mots : « , les bouteilles et cartouches de gaz, à l’exclusion des bouteilles de gaz rechargeables » – (Adopté.)
Article 4
Le chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° (nouveau) L’article L. 541-10-22 est abrogé ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 541-10-24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les producteurs de bouteilles et de cartouches de gaz ou leur éco-organisme sont également tenus de prendre en charge les coûts de ramassage et de traitement des déchets issus de ces produits abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre. » ;
3° (nouveau) À la fin du 2° du I de l’article L. 541-46, la référence : « L. 541-10-22 » est remplacée par la référence : « L. 541-10-24 » – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la prévention des risques d’accidents liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement de déchets.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la ministre, je souhaite vous remercier pour votre participation à nos travaux et pour avoir engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi.
Je veux également remercier : les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont enrichi le texte et l’ont adopté à l’unanimité ; l’ensemble des sénateurs qui se sont exprimés – leur concision nous a permis de parvenir au terme de l’examen du texte dans le délai imparti, ce dont je n’étais pas encore certain ce matin… – ; Cyril Pellevat qui m’a proposé, avec pragmatisme, de regrouper nos deux textes – une mesure de simplification de bon sens – ; et notre rapporteure, Jocelyne Antoine, qui a fourni un excellent travail.
Enfin, je remercie mon groupe Union Centriste d’avoir bien voulu inscrire cette proposition de loi dans sa niche parlementaire.
6
Prévention et gestion des inondations par les collectivités territoriales
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, de la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, présentée par MM. Jean Yves Roux, Jean François Rapin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 226, texte de la commission n° 362, rapport n° 361).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en ma qualité de coauteur, avec Jean-François Rapin, de cette proposition de loi qui traduit certaines recommandations de notre rapport d’information sur les inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024, adopté à l’unanimité le 25 septembre 2024 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances.
Après huit mois de travaux ayant donné lieu à trente-cinq auditions, trois déplacements et une consultation en ligne sur le site du Sénat, nous avions à cœur de concrétiser au niveau législatif plusieurs recommandations qui répondent à une demande forte des collectivités territoriales.
Le risque d’inondation ne cesse de s’accroître et il menace directement nos biens, notre patrimoine, pire encore nos vies, et ce dans une large part de notre pays.
Or les élus locaux – nous l’avons mesuré – ont été, à chaque fois, en première ligne aux côtés des sinistrés. La tâche est difficile d’autant qu’elle dépasse chacun d’entre nous.
Nous devons donc prévoir des procédures plus efficaces, plus rapides et beaucoup plus simples, pour agir en amont et en aval, prévenir et nous adapter.
Afin de faire face au premier risque naturel en France, la proposition de loi prévoit des solutions pour simplifier les démarches administratives applicables en matière de prévention et de gestion des inondations, et soutenir ainsi nos collectivités territoriales. L’impératif de simplification a donc constitué le fil d’Ariane de nos travaux.
Mes chers collègues, alors qu’il s’agit de sécurité civile, les élus locaux font face à un enchevêtrement de normes et à des lourdeurs administratives qui ne favorisent ni la prévention ni une action rapide pour faire face aux sinistres, en particulier dans les situations d’urgence.
La solidarité a également constitué un axe fort de nos travaux : le manque de moyens pénalise fortement de nombreuses collectivités territoriales de petite taille, notamment en milieu rural, qui disposent de linéaires de cours d’eau et qui sont donc directement concernées par des risques de submersion.
Dans mon territoire des Alpes de Haute-Provence, 80 % des communes ont moins de 1 000 habitants. Nous sommes loin des départements densément peuplés, qui comptent dans leurs effectifs un nombre important d’ingénieurs, d’hydrologues et de spécialistes des catastrophes naturelles. C’est pourquoi le soutien humain et logistique à ces territoires faiblement peuplés et parfois démunis nous est apparu comme un impératif afin que chaque élu confronté au risque ou au sinistre soit accompagné, de même que chaque commune ou intercommunalité. La solidarité, mes chers collègues, est un principe fondateur de la décentralisation qui nous réunit et qui doit être pleinement éprouvé.
Le texte qui vous est soumis aujourd’hui comprend trois articles. J’évoquerai pour ma part deux d’entre eux.
L’article 1er, tout d’abord, vise à simplifier les procédures administratives applicables à l’entretien des cours d’eau et, plus globalement, à appréhender le risque d’inondation. Les élus locaux que nous avons rencontrés avec Jean-François Rapin, dans le cadre de la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024, ont évoqué leurs craintes d’intervenir de manière préventive dans les linéaires de cours d’eau, en raison de la complexité de la nomenclature « loi sur l’eau » qui conduit parfois à des erreurs d’interprétation du droit applicable. Beaucoup d’élus ont ainsi renoncé à agir, mais le laisser-faire dans un contexte d’accélération des épisodes d’inondations n’est jamais une bonne solution. Un besoin de clarification s’est fait ressentir, d’autant que nos élus craignent, à juste titre, des poursuites judiciaires.
Nous avons donc souhaité leur permettre d’agir en toute sécurité.
L’article 3 de la proposition de loi prévoit, quant à lui, d’instituer auprès des communes et intercommunalités volontaires des réserves d’ingénierie composées d’agents publics territoriaux chargés d’accompagner les communes sinistrées dans la période d’après-crise. Cet article est une réponse au besoin de solidarité qu’attendent nos élus dans la gestion des inondations. Nous avons fait le choix de faire prévaloir la solidarité territoriale afin de mettre à profit les compétences et les ressources de nos territoires en nous appuyant exclusivement sur les agents publics territoriaux, qui disposent de savoir-faire mobilisables.
Mes chers collègues, ce texte apportera – je l’espère – une pierre à l’édifice. Nous devons travailler ensemble à l’adaptation de notre pays à l’un des plus grands défis auquel il est confronté. Il me semble aujourd’hui indispensable que nous agissions au plus près et en faveur de nos territoires, en simplifiant la vie de nos élus et en rendant plus efficace notre politique de prévention des inondations.
Cette proposition de loi, qui est une étape de ce travail commun, sera sans nul doute complétée dans les prochaines années par d’autres initiatives parlementaires et gouvernementales. Ces mois de travail aux côtés des élus, des acteurs économiques, des représentants de l’État et de la sécurité civile et des experts n’ont fait que renforcer ma conviction profonde que nous avions le devoir d’agir dans une approche pluridisciplinaire, toutes forces politiques confondues, afin de mener une politique de prévention efficace.
Pour terminer, je remercie le rapporteur, Pascal Martin, pour son travail. Les apports de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sous la présidence de Jean-François Longeot, ont permis d’enrichir utilement ce texte. J’adresse enfin mes remerciements aux services de la commission, qui nous ont apporté un soutien précieux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Hervé Gillé et Jacques Fernique applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de mon collègue Jean-Yves Roux, j’interviens également en qualité de coauteur de cette proposition de loi, qui fait suite au travail d’information et de contrôle sur les inondations qui sont survenues en 2023 et au début de l’année 2024, touchant une grande partie de la France.
Je ne reviendrai pas sur le contexte ayant présidé à la mise en place de cette mission de contrôle et à la rédaction de cette proposition de loi. J’évoquerai, pour ma part, le besoin d’adaptation de notre territoire au risque d’inondation.
Depuis 2002, les programmes d’actions de prévention des inondations (Papi) concourent utilement à la mise en œuvre de mesures pour prévenir les inondations. Nous en sommes aujourd’hui à la troisième génération des appels à projets Papi. Malgré l’intérêt indéniable de ces programmes, force est de constater que leur élaboration est marquée par une certaine pesanteur. Comme nous le relevions dans notre rapport d’information, il faut en moyenne six ans entre le début de l’élaboration d’un Papi par le porteur de projet et son homologation par les services de l’État. Je pense que nous pouvons unanimement convenir que ce délai n’est pas satisfaisant.
La lutte contre les inondations est un impératif et il faut que nous puissions entreprendre les projets inscrits dans les Papi dans les meilleurs délais parce qu’ils sont nécessaires.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit justement d’accélérer la mise en œuvre de ces programmes grâce à un accompagnement des porteurs de projet par les services de l’État, afin que le temps passé à élaborer les dossiers soit réduit. La désignation d’un référent Papi pour chaque programme par le préfet de département est une première mesure de nature à accélérer la réalisation des programmes.
Néanmoins, ce n’est pas encore suffisant. Le rapporteur présentera tout à l’heure des amendements qui me semblent susceptibles d’accélérer encore la mise en œuvre des Papi. Je les soutiendrai donc.
Madame la ministre, je tiens à remercier le Gouvernement. Vous avez en effet manifesté un grand intérêt pour notre rapport d’information lorsque nous vous l’avons adressé, après l’avoir remis au président Larcher, et vous nous avez informés que la procédure accélérée serait mise en œuvre pour la discussion de cette proposition de loi. C’est un signal positif pour le texte en lui-même, d’une part, et pour la rapidité avec laquelle devrait être examinée notre proposition de loi sénatoriale.
Je remercie M. le rapporteur, dont le travail m’a impressionné. Il nous a informés au fur et à mesure de toutes les modifications qu’il souhaitait apporter au texte, ce qui est à la fois élégant et efficace. Nous avons ainsi pu discuter de nombreux sujets à plusieurs reprises.
J’adresse également tous mes remerciements aux services de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui nous ont accompagnés pendant presque huit mois.
Je salue enfin M. le président de la commission, qui a veillé à nos travaux avec bienveillance.
En adoptant ce texte, nous ferons œuvre utile pour nos élus et pour nos territoires, qui sont sur la ligne de front face au risque d’inondation. Aussi, je forme le vœu que l’Assemblée nationale se saisisse rapidement de la proposition de loi afin que nous puissions avancer.
En novembre 2023, j’avais posé une question d’actualité au Gouvernement tout de suite après le début de ces inondations dramatiques, survenues notamment dans le Pas-de-Calais. J’avais dit à l’époque que le rouge et l’orange étaient devenus le quotidien des habitants de ce département – c’était la réalité. Par la suite, ces phénomènes se sont développés partout en France. Nous n’étions plus seuls, mais c’était malheureusement seulement pour partager une grande tristesse.
Il est donc grand temps de réagir.
Madame la ministre, nous avons fait le constat que les services de l’État, les communes, les communautés de communes et les intercommunalités étaient certes réactives, mais qu’il y avait toujours une période creuse entre la phase d’urgence et la phase où l’État intervient fortement. C’est cette période qu’il faut combler : ce texte devrait y contribuer en nous permettant d’aller plus vite et d’être plus efficaces tous ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1885, Émile Zola faisait paraître une nouvelle, sobrement intitulée L’Inondation, dans laquelle il évoquait, avec des accents tragiques, les effets d’une puissante crue sur les habitants et les villages en aval de la Garonne.
M. Laurent Duplomb. Ce n’était pas encore le réchauffement climatique !
M. Pascal Martin, rapporteur. Le bilan fut le suivant : sept cents morts, des ponts dévastés, un quartier rasé et noyé sous la boue. Ce récit du maître du réalisme rappelle à notre bon souvenir les risques inhérents à l’eau, aux phénomènes de crue et d’inondation. Cet événement d’ampleur inédite relaté par l’auteur n’est pas si éloigné de ce que peuvent vivre nos concitoyens encore aujourd’hui. Les pertes humaines ne sont heureusement pas toujours aussi élevées, même si le tragique événement de Valence, en Espagne, en octobre dernier, nous rappelle les dangers de tels épisodes.
J’aurais préféré que ces phénomènes restent cantonnés au domaine du récit et de l’imaginaire, mais nous devons aujourd’hui faire face quasi quotidiennement aux sinistres causés par les inondations. La proposition de loi que nous examinons cet après-midi découle d’un important travail de contrôle réalisé par nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, qui les a conduits à se rendre sur le terrain, les bottes dans l’eau, afin de mesurer les conséquences des inondations survenues dans le Nord et le Pas-de-Calais en 2023 et 2024. Ce travail a donné lieu à un rapport d’information, adopté à l’unanimité le 25 septembre 2024 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances.
Les inondations constituent aujourd’hui le premier risque naturel en France, avec près de 19 millions d’habitants concernés, et nous constatons l’intensification de ce phénomène ces dernières années. Désormais, il ne se passe pas un mois sans que l’un de nos territoires soit frappé par une crue, des coulées de boue ou des remontées de nappes qui favorisent l’apparition d’inondations. C’est un risque insidieux, discret, mais malheureusement dévastateur.
La survenue d’une inondation ne répond pas toujours à des causes clairement identifiables, mais le mauvais entretien des cours d’eau concourt systématiquement à en favoriser l’apparition.
M. Laurent Duplomb. C’est sûr !
M. Pascal Martin, rapporteur. Les auteurs du texte ont rappelé l’importance de disposer d’un cadre légal et réglementaire clair, lisible et adapté pour faire face à ce phénomène naturel.
Il est apparu nécessaire d’intervenir, d’abord, sur l’entretien des cours d’eau, en commençant par définir les règles applicables à l’entretien dit régulier des cours d’eau non domaniaux, qui incombent aux propriétaires riverains. Cet entretien d’environ un million de kilomètres de berges en France repose sur des milliers de propriétaires, ce qui ne facilite pas la tâche. À cet égard, l’article 1er prévoit de clarifier les règles générales d’intervention pour les propriétaires riverains. Je proposerai tout à l’heure un amendement visant à faire de même pour les autorités gémapiennes, notamment en ce qui concerne les travaux rendus nécessaires par une inondation.
Ensuite, il est proposé d’élargir les opérations qui peuvent être entreprises après la survenue de l’inondation, dans la période dite de crise. Les inondations dans les Hauts-de-France ont donné lieu à une réponse novatrice des services de l’État, avec une interprétation temporelle extensive de la notion « d’urgence » pour des travaux jusqu’alors limités aux cas de « dangers graves et immédiats ».
Le texte apporte une utile précision en indiquant que les opérations d’entretien des cours d’eau sont dispensées de toute procédure administrative préalable pour les travaux visant à remédier à une inondation d’ampleur ou à en éviter la réitération à court terme. Je défendrai toutefois un amendement tendant à compléter ce dispositif, afin que les interventions ne se limitent pas aux cours d’eau : nous devons englober l’ensemble des opérations nécessaires à la suite d’une inondation, qu’il s’agisse de la remise en état de routes, de ponts ou de digues.
En parallèle de ces opérations d’entretien et de ces travaux nécessaires à la gestion des inondations, les auteurs ont utilement inclus dans le périmètre du texte un volet relatif à la prévention. Il s’agit ainsi de promouvoir la culture du risque en simplifiant la réalisation et la mise en œuvre des Papi.
Ces outils, dont l’intérêt est largement salué par les élus locaux, se caractérisent néanmoins par une certaine pesanteur. Jean-François Rapin vient de le rappeler, le délai entre le début du dossier de Papi et sa labellisation par les services de l’État est en moyenne de six ans. Ce délai est bien évidemment trop long, d’autant qu’il est la conséquence de lourdeurs administratives, de doublons et de complexités. Rendez-vous compte, un dossier de Papi peut atteindre 2 000 pages ! Je vous laisse imaginer le temps que cela demande à nos élus…
M. Laurent Duplomb. Personne ne les lit !
M. Pascal Martin, rapporteur. Par conséquent, le texte prévoit que le préfet coordonnateur de bassin désigne un référent Papi qui accompagnera les collectivités dans l’élaboration des programmes, et qu’un guichet unique soit mis en place pour assister les porteurs de projet dans la réalisation des actions inscrites dans le Papi.
Ces deux outils, aussi intéressants soient-ils, apparaissent toutefois insuffisants pour véritablement accélérer la mise en œuvre des Papi. Je vous proposerai donc deux amendements pour améliorer le dispositif.
Le premier vise à simplifier la mise en œuvre des actions Papi, en considérant comme acquises, au stade de la réalisation du projet, les procédures qui auront été validées en amont, au stade de l’élaboration du programme. Cela semble relever du bon sens et d’un principe de bonne administration. Il s’agit de faire appliquer la règle du « dites-le-nous une fois ».
Le second tend à permettre au préfet coordonnateur de bassin de reconnaître, pour les actions labellisées, celles qui relèvent d’une raison impérative d’intérêt public majeur (Riipm), et qui sont dispensées à ce titre de la demande de dérogation « espèces protégées ». Il n’est pas question d’assouplir de façon inconsidérée les critères de dérogation et de consacrer une protection au rabais des espèces protégées : la dérogation sera toujours soumise aux deux autres critères cumulatifs, à savoir l’existence d’une solution de remplacement satisfaisante et la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des espèces présentes.
Ces deux mesures ne révolutionneront certes pas la mise en œuvre des Papi, mais elles l’accéléreront et faciliteront le quotidien des élus.
J’en viens enfin à la dernière mesure phare de ce texte, qui concerne l’instauration d’une réserve d’ingénierie composée d’agents publics territoriaux volontaires afin de soutenir les communes sinistrées. Ce dispositif fera jouer la solidarité territoriale et permettra de mettre à disposition des communes dans le besoin des moyens administratifs et en ingénierie pour favoriser un retour à la vie normale après la survenue d’une inondation. Ce besoin a été exprimé directement par nos élus. Les ressources existent et sont disponibles dans les territoires. Ne nous en privons pas !
Je voudrais terminer mon propos en remerciant les deux auteurs de la proposition de loi, avec lesquels j’ai échangé en bonne intelligence afin d’enrichir le texte. Je remercie également Mme la ministre pour sa disponibilité, son écoute et son soutien sur cette proposition de loi d’initiative sénatoriale, sans oublier les services de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Nous avons bien conscience que ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés, mais il est une première pierre à cet édifice fondamental que constitue l’adaptation des territoires au changement climatique. Je suis convaincu que ces mesures seront utiles à nos collectivités territoriales, lesquelles seront mieux outillées pour faire face aux inondations.
J’espère qu’il ne faudra pas attendre la prochaine crue centennale de la Seine pour que nos collègues du Palais-Bourbon, contraints en 1910 de se rendre en barque à la Chambre des députés, se saisissent à leur tour de cette initiative ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi me permet de parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Les trois représentants du Pas-de-Calais, de bords politiques différents, qui se succèdent à cette tribune – je salue le sénateur Rapin, qui m’a précédée, et le sénateur Corbisez qui interviendra après moi –, sont bien placés pour évoquer l’accompagnement fourni par l’État pour renforcer la résilience de nos territoires face aux inondations, un sujet ô combien crucial : nous sommes en effet tous trois élus d’un territoire qui a été particulièrement touché en 2023 et 2024.
Nous avons vu nos concitoyens les pieds dans l’eau, dans leur maison dévastée, à quatre – parfois cinq – reprises, avec ce sentiment d’une journée éternellement recommencée, sans moyens d’agir. Cela nous a collectivement marqués.
L’État, les collectivités locales et l’agence de bassin ont plutôt bien accompagné les habitants, pour les aider à reconstruire leurs maisons, et les entreprises, pour redémarrer leur activité, mais nous savons tous que nous pouvons faire mieux. J’ai évidemment aujourd’hui une pensée pour les blessés et les victimes, pour tous nos concitoyens qui ont été touchés dans leur chair, lors d’épisodes plus anciens.
Ces catastrophes laissent des cicatrices profondes dans nos communes. Et malheureusement, les scientifiques nous disent qu’elles sont appelées à se répéter avec plus de régularité et de gravité. Il est donc crucial, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous préparer à cette réalité, d’atténuer le dérèglement climatique et de s’adapter à ses effets. C’est notre devoir collectif et notre responsabilité de protéger les Françaises et les Français.
À cet effet, je présenterai lundi prochain le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) dans sa version finale, qui fait suite aux nombreuses consultations que nous avons menées. Il s’agit d’un plan préparé de longue date, sur la base de données scientifiques ; un plan très largement concerté avec les acteurs concernés et les autres ministères, et soumis à la consultation de nos concitoyens ; un plan qui porte une ambition forte : préparer notre pays à une France à + 4 degrés d’ici à la fin du siècle, car c’est la trajectoire sur laquelle nous sommes aujourd’hui. Vous le savez, la France se réchauffe plus vite que le reste de la planète.
Pour assurer le bon déploiement du plan, il faut des moyens, ce qui passe notamment par le renforcement du fonds Barnier. C’est ce que nous avons obtenu dans le budget 2025, et nous le devons beaucoup à votre mobilisation. Ainsi, cette année, les crédits dédiés à la gestion des risques et au fonds Barnier s’élèvent à 330 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de plus de 100 millions d’euros par rapport à 2024.
En complément, j’ai lancé la mission Adaptation, qui permettra à cent territoires pionniers de bénéficier de la mise en commun de l’ensemble de l’expertise territoriale des opérateurs de l’État – Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), Agence de la transition écologique (Ademe), Météo-France, et j’en passe –, afin de leur apporter une assistance à maîtrise d’ouvrage et de les aider à élaborer leur feuille de route « Adaptation au changement climatique » en tenant compte de leurs spécificités géographiques.