M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin.
M. Alexandre Basquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous tenons tout d'abord à saluer le travail de MM. Jean-François Longeot et Cyril Pellevat, qui ont soulevé une problématique bien réelle à laquelle sont confrontés les centres de traitement des déchets et pointé les dégâts importants, tant environnementaux que budgétaires, occasionnés par les cartouches de protoxyde d'azote et les batteries au lithium.
Nous saluons également le travail de la rapporteure, Mme Jocelyne Antoine. Son rapport pertinent, qu'elle nous a présenté en commission et ici, nous a éclairés sur le sujet et sur les difficultés rencontrées.
Permettez-nous en préambule, même si ce n'est pas l'objet de la présente proposition de loi, de rappeler que l'usage du protoxyde d'azote constitue malheureusement un véritable fléau pour la santé des plus jeunes.
Depuis une dizaine d'années, ces derniers détournent de leur usage des cartouches et des bonbonnes de protoxyde d'azote pour rechercher les effets hilarants de ce gaz. La consommation ne cesse malheureusement d'augmenter, et les conséquences d'un usage régulier sont désastreuses pour la santé. Il est évident que des moyens plus coercitifs en la matière doivent être employés. C'est une question sanitaire majeure.
Aujourd'hui, ce qui nous occupe ici, ce sont les conséquences de l'usage du protoxyde d'azote et des batteries au lithium dans les centres de collecte et de tri.
Notons tout d'abord qu'il est pertinent d'avoir intégré ces deux problématiques au sein d'une même proposition de loi.
Les cartouches et les bonbonnes de protoxyde d'azote, qui sont rarement complètement vidées, peuvent exploser dans les centres de traitement des déchets et provoquer d'importants dégâts matériels. Dans le centre de valorisation énergétique de Valenciennes, cela se produit une fois par semaine en moyenne, ce qui engendre un surcoût financier considérable, de l'ordre de 1 million d'euros pour la seule année dernière.
« Le gaz hilarant ne fait pas du tout rire les usines d'incinération des déchets », comme on pouvait le lire, à juste titre, dans un article récent du journal Le Monde. Il nous semble juste de dire que ce n'est pas aux collectivités locales de prendre constamment en charge, sur leur budget propre, les dégâts.
Il est à noter également que l'impact est aussi d'ordre environnemental. En entraînant l'arrêt des chaînes de traitement des déchets, ces explosions obligent les gestionnaires des services publics de gestion des déchets à se réorienter vers des centres d'enfouissement, sans compter les conséquences sur les réseaux de chaleur, lorsqu'ils existent, et les risques de blessures pour le personnel.
Le traitement des batteries au lithium a, lui aussi, des conséquences de plus en plus lourdes. Véritable cauchemar pour les sapeurs-pompiers, les incendies liés à ces batteries ont vu leur nombre bondir de 150 % en dix ans. Dans 60 % des cas, ils surviennent dans les centres de tri.
Le traitement et, plus encore, la valorisation des déchets liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote constituent un véritable calvaire.
C'est pourquoi nous ne pouvons pas rester attentistes. Il est plus que nécessaire de prendre des mesures fortes, comme celles qui figurent dans cette proposition de loi. Je pense notamment à l'application du principe – juste, essentiel et important – du pollueur-payeur.
L'intégration des cartouches de gaz de protoxyde d'azote au sein de la filière REP DDS et la prise en charge de la prévention par les éco-organismes, afin notamment d'alerter sur l'importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés, vont dans le bon sens.
Toutefois, il faut également agir au niveau européen – nous en appelons, sur ce point, au Gouvernement – pour imposer de nouveaux process, de nouvelles normes, et contraindre avec force les industriels à produire des cartouches de protoxyde d'azote aux tailles adaptées, comportant des valves de sécurité. Sans cela, le traitement de ces contenants, lorsqu'ils sont mêlés aux ordures ménagères, sans possibilité de tri, restera un véritable nœud gordien. Il ne faut pas exonérer les industriels de leurs responsabilités, sanitaires ou environnementales.
Mais, en attendant, cette proposition de loi marque un premier pas important et constitue bien plus qu'un simple symbole ; le groupe CRCE-K invite à la soutenir et à la voter. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelque 1 400 incendies se sont déclarés entre 2010 et 2019 dans les installations de collecte, de tri et de recyclage. Des piles et des batteries au lithium, qui se sont retrouvées, en raison d'erreurs et de négligence lors du tri, dans des flux de déchets parmi lesquels elles n'auraient pas dû être, en sont en grande partie responsables.
On estime qu'entre 15 % et 20 % de ces batteries au lithium, surtout celles de petite taille, sont jetées dans la poubelle ménagère commune et ne font donc pas l'objet de la collecte sélective dont elles relèvent en principe.
Or, si elles ne sont pas traitées correctement dans le cadre de la filière REP des déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E), qui est la leur, ces batteries peuvent être endommagées dans le flux des déchets ménagers communs. Il suffit alors qu'elles entrent au contact de l'eau et de l'oxygène pour qu'elles flambent. Telle serait la cause de la moitié des incendies survenus dans les centres des opérateurs de déchets.
La présence de cartouches et de bouteilles de protoxyde d'azote parmi des déchets destinés à l'incinération constitue un autre risque chronique pour les opérateurs. Elles peuvent en effet exploser lorsque le gaz se dilate sous l'effet de la chaleur extrême. Le phénomène est d'autant plus violent que le contenant est de grande taille.
On estime que ces explosions coûtent entre 15 millions et 20 millions d'euros par an, ce qui correspond au montant des réparations nécessaires, mais aussi aux pertes dues à l'arrêt éventuel de la production des réseaux de chaleur.
En raison du développement de l'usage détourné comme drogue récréative du protoxyde d'azote, les cartouches abandonnées prolifèrent dans l'espace public, et nos collectivités doivent effectuer leur ramassage, ce qui, là aussi, a un coût.
La proposition de loi du président Longeot et de notre collègue Pellevat est donc tout à fait opportune, et le travail remarquable de Mme la rapporteure, Jocelyne Antoine, l'a rendue encore plus opérationnelle.
L'enjeu est d'abord de sensibiliser aux bons gestes de tri. Il s'agit que chacun comprenne bien que l'acte de tri n'est pas un geste de bonne volonté optionnel, mais qu'il constitue un devoir citoyen permanent. Il est donc urgent de renforcer la communication sur ce point, d'organiser des campagnes de sensibilisation inter-filières sur les gestes à adopter, pour faire en sorte de réduire, à tout prix, le nombre des batteries usagées qui sont jetées à tort avec les ordures ménagères et qui se retrouvent dès lors hors du flux, géré par la filière REP D3E, qui leur est dédié. L'article 1er de la proposition de loi est particulièrement opportun à cet égard.
Nous soutenons l'approche principalement préventive adoptée par la rapporteure et la commission à l'article 2. Celle-ci paraît, à ce stade, plus utile et praticable que l'approche indemnitaire assurantielle. La création d'un fonds d'indemnisation géré par les éco-organismes serait incompatible avec le droit européen. Les éco-organismes n'ont pas vraiment vocation à assurer ce type d'incidents.
Certes, la réparation des dommages doit, par cohérence, être largement à la charge des metteurs sur le marché et de leurs éco-organismes. Nous devrons encore travailler pour définir les conditions précises qui permettront de mettre en place ce volet assurantiel.
À ce stade, la rapporteure a eu raison de modifier le dispositif initial de l'article 2, pour le transformer en un mécanisme dans lequel les éco-organismes contribueront, y compris financièrement, avec les opérateurs de déchets, à la mise en œuvre de la prévention de ces accidents.
En ce qui concerne les cartouches de protoxyde d'azote, il convient avant tout, selon nombre d'acteurs, d'agir en faveur d'un tarissement à la source. Notre amendement, inspiré par une proposition du réseau Amorce, visant à interdire la vente aux particuliers a été considéré comme un cavalier législatif dans le cadre de l'examen de ce texte. Il ne l'est pas, en revanche, dans la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote que nous examinerons tout à l'heure.
La présente proposition de loi transfère la gestion des déchets des contenants de protoxyde d'azote de la filière REP des emballages ménagers et papiers graphiques vers la filière REP des déchets diffus spécifiques présentant un risque significatif pour la santé et l'environnement. Cette dernière est plus à même de prévenir les accidents et – c'est un point très important – d'obtenir le versement d'écocontributions suffisantes pour financer le traitement de ces déchets de la part des metteurs sur le marché, sur le fondement du principe pollueur-payeur.
Il reste encore à avancer sur l'écoconception, afin de prévoir une soupape de surpression pour éviter les explosions et de définir des normes limitant le volume des contenants. L'Agence de la transition écologique (Ademe) et les services de l'État doivent aboutir rapidement sur ce point, en bonne intelligence avec l'Union européenne, afin que les nouvelles normes deviennent au plus vite opérationnelles et soient définies au bon niveau.
Pour l'heure, cette proposition de loi apporte des réponses concrètes aux opérateurs de déchets, ainsi qu'aux collectivités qui subissent et paient les dégâts. Comme vous l'avez compris, le groupe GEST la soutient pleinement et se réjouit qu'elle puisse profiter de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelque 1 400 incendies ont été recensés à cause de l'explosion des batteries au lithium et des cartouches de protoxyde d'azote, des équipements qui sont de plus en plus présents dans nos produits de consommation. Ces éléments ont déjà été rappelés par les orateurs précédents, je n'y reviendrai donc pas.
Nous nous intéresserons tout à l'heure aux enjeux sanitaires de ce problème lorsque nous examinerons une proposition de loi, déposée sur l'initiative du groupe RDSE, qui vise à renforcer la lutte contre l'usage détourné du protoxyde d'azote en encadrant plus strictement sa vente et en interdisant sa détention par les mineurs. Les problématiques sont donc multisectorielles.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Exactement !
M. Hervé Gillé. Cette première proposition de loi vise à répondre à la nécessité de prendre des mesures pour limiter les risques d'incendie et assurer la sécurité des centres de tri. Nous devons aussi penser aux agents qui sont menacés par les risques d'explosion.
Ce texte va dans le bon sens.
Il comprend quatre articles, afin de sensibiliser au tri des déchets, de renforcer les missions de la filière REP, d'améliorer la gestion des déchets abandonnés, et d'instaurer un cadre plus rigoureux de prise en charge des coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés.
Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont toujours défendu le principe du pollueur-payeur. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette logique : nous nous en réjouissons.
Nous avons également toujours soutenu l'idée que ceux qui mettent sur le marché des produits dangereux doivent assumer les coûts associés à leur gestion en fin de vie. Nous sommes favorables, notamment, à un élargissement et à un renforcement des filières REP.
L'élargissement de la filière REP DDS, pour y inclure les cartouches de gaz et leur traitement, constitue une avancée significative. Ces cartouches, qui sont souvent abandonnées dans des lieux publics, représentent un danger non négligeable pour la sécurité. Cette mesure va dans le sens d'une gestion plus cohérente et plus responsable des déchets.
Malgré ses avancées, cette proposition de loi ne répond pas, toutefois, à tous nos questionnements.
La modification du financement de la prévention des incendies opérée par la commission, qui a supprimé le fonds d'indemnisation au profit d'un financement plus flou, mérite d'être discutée.
La nouvelle version de l'article, adoptée sur l'initiative de la rapporteure en commission, afin de garantir la compatibilité du texte avec le droit européen, inclut l'ensemble des filières REP dans le financement de la prévention des risques dans les centres de gestion des déchets. Cependant, cette rédaction substitue à un dispositif opérationnel, dont le financement est assuré à hauteur de 50 % des coûts par les metteurs sur le marché, un objectif global, plus imprécis, sans aucune garantie chiffrée de financement.
En effet, contrairement à la rédaction initiale qui prévoyait un fonds conçu à cette fin et opérationnel, le texte modifié ne précise pas les modalités exactes de la mise en œuvre de la nouvelle obligation. Le terme « concourir », utilisé pour décrire la participation des filières REP, ne définit pas clairement le montant que ces dernières devront verser.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain aurait souhaité que le soutien aux collectivités soit renforcé, afin de garantir qu'elles ne soient pas laissées seules face au coût croissant de la gestion des déchets et des incendies.
Cette proposition de loi est une première réponse à des problématiques environnementales et sanitaires graves. Elle comporte des solutions concrètes pour mieux gérer les déchets liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote.
Même si elle ne répond pas à toutes les problématiques, elle représente un pas important pour parvenir à une meilleure prévention des risques et à une gestion plus responsable des déchets. Notre groupe la votera donc. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite féliciter le président Longeot et Cyril Pellevat, auteurs de cette proposition de loi qui vise à répondre aux problèmes posés par l'essor de deux phénomènes : d'une part, l'omniprésence des batteries au lithium dans notre quotidien, qui a des conséquences sur les sites de recyclage, et, d'autre part, le développement des usages récréatifs du protoxyde d'azote, qui a des effets désastreux en termes de sécurité et de coût.
Les incendies et les départs de feu dans les sites de recyclage ne sont pas nouveaux. Toutefois, l'usage croissant des batteries de lithium ne fait qu'en accroître le nombre. Celles-ci font partie intégrante de notre quotidien. Elles sont présentes dans les téléphones, les écouteurs, les vélos, les systèmes GPS, les cigarettes électroniques, etc. Elles sont souvent mal triées ou jetées avec d'autres déchets, et peuvent provoquer des départs de feu.
Que ce soit par manque d'information sur le recyclage obligatoire ou tout simplement parce que l'on ignore même que le lithium entre dans la composition d'un objet, les conséquences d'un mauvais tri sont dramatiques d'un point de vue économique et environnemental.
Chaque incendie pollue l'air et les eaux par les fumées et les retombées des poussières et met en danger le personnel des centres de tri. Ces centres se retrouvent à l'arrêt – quelquefois plusieurs mois –, les broyeurs devant être réparés.
À tout cela s'ajoute la résiliation de certaines assurances en raison d'une sinistralité trop importante.
M. Jean-François Longeot, président de la commission. Exactement !
M. Daniel Chasseing. Il est indispensable de renforcer et d'améliorer la sensibilisation du consommateur à la question du tri, et il est nécessaire de prévenir les accidents dans les centres de la filière déchets via une campagne de sensibilisation menée par les éco-organismes et les systèmes individuels mis en place par les entreprises des filières REP.
De même, la proposition de la commission d'imposer aux éco-organismes de participer, notamment financièrement, à la prévention des accidents dans les installations de gestion des déchets nous paraît aller dans le bon sens.
Par ailleurs, l'usage détourné des cartouches de protoxyde d'azote et la négligence des consommateurs quant à leur abandon sur la voie publique ou dans les corbeilles de rue constituent une importante source de danger et de surcoût.
Pour répondre à ce double problème, il faut restreindre l'accès à ces cartouches pour limiter leur consommation chez les plus jeunes ainsi que la quantité de déchets produits. C'est bien le sens de la proposition de loi que nous examinerons cet après-midi, puisqu'elle prévoit une approche préventive dès le plus jeune âge, destinée à avertir des dangers d'une utilisation récréative.
Ce texte vise à inclure les cartouches et les bouteilles de gaz dans la liste des produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs de la filière des déchets diffus spécifiques. Ces déchets sont aujourd'hui traités comme des déchets communs, alors qu'ils sont dangereux.
Cette mesure permettra d'impliquer les producteurs via le versement d'écocontributions pour, à la fois, compenser le traitement approprié et mener des campagnes de sensibilisation.
Il est absolument anormal, comme c'est le cas aujourd'hui, de faire reposer uniquement sur les collectivités le surcoût lié au ramassage et au traitement de ces déchets dangereux. De surcroît, les explosions mettent en danger le personnel des centres de stockage de ces déchets.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, entre 2018 et 2024, le nombre d'incendies et de départs de feu dans les installations de traitement des déchets liés aux batteries au lithium a été multiplié par dix.
Parallèlement, les incinérateurs connaissent une hausse inquiétante des explosions dues à la présence de cartouches de protoxyde d'azote, engendrant un préjudice global estimé entre 15 millions et 20 millions d'euros par an.
Face à cette situation, les gestionnaires des installations de traitement des déchets se retrouvent trop souvent seuls. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, bien que technique en apparence, est en réalité profondément politique.
En effet, derrière ces accidents se cache un phénomène plus large : l'émergence de nouveaux produits – batteries au lithium et cartouches de protoxyde d'azote – qui bouleversent l'organisation de toute une filière. Cela appelle à une redéfinition des responsabilités, du producteur initial à l'opérateur de déchets, en passant par le consommateur, les collectivités territoriales et l'État.
Voilà pourquoi je remercie mes collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat de leur initiative. Je veux également remercier Mme la rapporteure, Jocelyne Antoine, pour sa contribution à ce travail.
L'augmentation des accidents doit nous conduire à repenser les objectifs et le périmètre de l'économie circulaire. Si cette politique reposait historiquement sur des considérations environnementales et sanitaires, elle doit désormais intégrer un enjeu majeur : la prévention des risques industriels. Il s'agit non plus seulement de recycler et de réduire les déchets, mais aussi de garantir la sécurité des infrastructures qui les traitent.
L'article 2 de la proposition de loi apporte, à ce titre, une avancée essentielle en élargissant le champ de la responsabilité élargie du producteur au financement de la prévention des accidents dans les installations de traitement des déchets.
Il ne serait pas juste que la gestion des risques repose uniquement sur les opérateurs de déchets ou les collectivités chargés du service public. Les producteurs doivent être pleinement associés à la lutte contre les incidents causés par leurs produits, notamment lorsque ces derniers sont mal triés.
Je tiens d'ailleurs à saluer les efforts déjà engagés par certains éco-organismes, malgré l'absence d'obligation légale. Depuis 2021, les filières REP des déchets d'équipements électriques et électroniques et des piles et accumulateurs ont ainsi mis en place les assises de la prévention du risque incendie, permettant de diffuser une véritable culture du risque parmi les opérateurs. Et les résultats sont là : les incidents y sont bien moins fréquents que dans d'autres filières.
Cependant, cette responsabilité doit rester préventive et non palliative. Il serait contre-productif que les producteurs soient tenus d'indemniser directement les dommages subis par les sites industriels au risque de créer un effet d'aubaine pour les assureurs et de déresponsabiliser certains acteurs.
Bien entendu, ce texte ne réglera pas tout.
Concernant les cartouches de protoxyde d'azote, la réponse passe aussi par la lutte contre les usages détournés – un sujet que nous examinerons dans un autre cadre –, ainsi que par l'évolution des règles de conception au niveau européen.
De même, pour les batteries au lithium, la prévention des accidents suppose une adaptation des normes applicables aux installations de traitement et une révision des standards de conception à l'échelle européenne.
S'il ne constitue qu'une première étape, ce texte marque un tournant dans notre approche de l'économie circulaire : il intègre, pour la première fois, la prévention des accidents comme un enjeu à part entière. Il nous appartiendra de poursuivre cette dynamique et d'approfondir ces évolutions à l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos déchets en disent long sur notre époque : ils reflètent les évolutions de notre société et les maux qui l'accompagnent. Lorsqu'ils deviennent un danger pour ceux qui les collectent et les traitent, il devient urgent d'agir.
L'augmentation des incendies liés aux batteries au lithium, la prolifération des cartouches de protoxyde d'azote et les explosions qu'elles provoquent dans nos incinérateurs ne sont pas de simples accidents. Ce sont des signaux d'alerte qui appellent une réponse forte et immédiate.
C'est précisément l'objectif de cette proposition de loi, portée par nos collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat et dont la rapporteure est Jocelyne Antoine. Je tiens à saluer leur travail.
La gestion de ces produits en fin de vie représente un défi majeur. Les enjeux économiques, environnementaux et sécuritaires exigent de notre part une réponse pragmatique et responsable.
Le risque incendie lié aux batteries au lithium s'est considérablement accru. En 2023, ces batteries ont provoqué vingt-quatre incendies dans les installations de tri et sont responsables de la moitié des départs de feu dans la filière des déchets, en grande partie à cause d'erreurs de tri.
Quant aux cartouches de protoxyde d'azote, elles posent un double problème : d'une part, un risque sanitaire lié à leur usage détourné ; d'autre part, un risque sécuritaire pour la filière des déchets.
Leur présence croissante dans les ordures ménagères constitue un fardeau pour les collectivités. Mal triées, elles provoquent des explosions dans les incinérateurs, avec des conséquences lourdes pour la sécurité des installations et les coûts d'exploitation.
Face à ce constat, le texte que nous examinons prévoit des solutions concrètes.
D'abord, la prévention : l'article 1er impose une campagne annuelle de sensibilisation sur les risques liés aux déchets inflammables. La commission a renforcé cette mesure en mobilisant tous les éco-organismes concernés.
Ensuite, la responsabilisation des producteurs : l'article 3 vise à intégrer les cartouches de protoxyde d'azote à la filière REP des déchets diffus spécifiques, obligeant les fabricants à financer leur collecte et leur traitement. La commission a exclu les bouteilles de gaz rechargeables, qui disposent déjà d'un circuit de reprise spécifique.
Enfin, l'application du principe pollueur-payeur : l'article 4 transfère aux producteurs la prise en charge des coûts liés au ramassage et au traitement des cartouches et bouteilles de gaz abandonnées, une charge qui pèse aujourd'hui sur les collectivités.
Initialement, un fonds d'indemnisation était prévu, mais la commission a préféré une approche préventive, plus efficace et conforme à une logique d'action durable.
Ce texte ne réglera pas à lui seul tous les défis posés par ces déchets, mais il constitue une avancée essentielle. Des efforts supplémentaires seront nécessaires au niveau européen, notamment pour prendre en compte les questions transfrontalières et imposer la standardisation des contenants et l'installation de soupapes de sécurité sur les bonbonnes de gaz.
Aujourd'hui, nous avons l'opportunité de poser un premier jalon fondamental. Le groupe RDPI soutient cette proposition de loi, convaincu de son utilité pour la sécurité des travailleurs de la filière des déchets, la protection de nos infrastructures et la défense de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons a été adopté à l'unanimité en commission. J'ose espérer qu'il en ira de même en séance.
Permettez-moi tout d'abord de remercier nos collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat d'avoir déposé cette proposition de loi.
Je reprendrai les propos que j'ai tenus à l'occasion de la discussion sur les PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées). Nous vivons aujourd'hui dans une société malade de ses paradoxes. Qui que nous soyons, nous sommes des consommateurs. Les Trente Glorieuses ont fait de la phrase d'Adam Smith – « La consommation est la seule fin et la seule raison d'être de toute production. » – une réalité qui organise nos sociétés.
Nous souhaitons tous « le mieux », « le plus », au fil des modes, des suggestions publicitaires. Cartes de vœux musicales, télécommandes, siphons à crème chantilly, création de textures originales, vêtements lumineux, automobiles, analgésiques, pétrochimie, autant de produits et de gaz développés grâce aux efforts des chimistes et des industriels.
Pourtant, nous savons que ces substances ont un coût environnemental, un coût pour la santé et un coût économique.
Lorsqu'elles ne fonctionnent plus, les batteries, bonbonnes et cartouches sont encore trop souvent jetées parmi les ordures ménagères ou abandonnées sur la voie publique. Et le service de gestion des déchets, qui relève des collectivités territoriales, supporte alors des surcoûts importants.
C'est ainsi qu'à la mi-février la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles, dans les Bouches-du-Rhône, a lancé une grande campagne d'information et de sensibilisation, par le truchement des réseaux sociaux, sur les risques d'explosion en cas d'erreurs de tri.
Le directeur de l'usine de traitement des déchets ménagers de Colombelles, dans le Calvados, a ainsi expliqué que l'usine connaissait cinq explosions par semaine. Les bonbonnes de protoxyde d'azote, qui peuvent peser jusqu'à trois kilos avec des pressions allant jusqu'à trente bars, deviennent de véritables projectiles lorsque la chaleur des incinérateurs atteint plus de 900 degrés. Au-delà des risques physiques et des problèmes sanitaires qui en découlent pour les personnels, les fours doivent alors être mis à l'arrêt. Or, avec l'incinération des ordures ménagères, l'usine alimente le chauffage urbain et fournit en eau chaude le centre hospitalier universitaire de Caen et plus de dix mille logements à Hérouville-Saint-Clair.
Grégory Richet, président du Syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains et assimilés (SVDU), chiffre le préjudice pour la filière entre 15 millions et 20 millions d'euros par an.
Il est donc temps de réinterroger les rôles et responsabilités de chacun : les acteurs du cycle de vie des batteries au lithium et des cartouches de protoxyde d'azote ; les producteurs et opérateurs de traitement des déchets ; les collectivités territoriales ; et – ne l'oublions pas ! – le consommateur.
Alors, tout simplement, je dis oui à la campagne annuelle inter-filières de prévention et de sensibilisation aux bonnes pratiques de tri, oui à la prévention des accidents dans les centres de la filière déchets, oui à l'intégration des cartouches de protoxyde d'azote et des bouteilles de gaz dans la liste des produits soumis au principe pollueur-payeur, en les assimilant à la filière REP des déchets diffus spécifiques.
Pour conclure, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi, parce qu'elle répond à de nombreux problèmes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et GEST.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.