Mes chers collègues, Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher nous ayant informés qu’elle aurait un peu de retard, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-neuf, est reprise à quatorze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
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Risque d’incendie lié aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d’azote
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, présentée par MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 79, texte de la commission n° 368, rapport n° 367).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Je vous rappelle que l’examen de ce texte est inscrit dans le cadre de l’espace réservé au groupe Union Centriste, limité à une durée de quatre heures. Dans ces conditions, je me verrai dans l’obligation d’arrêter la séance à seize heures dix.
Si nous n’avions pas achevé l’examen du texte, il appartiendrait à la conférence des présidents d’inscrire la suite de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon Santé publique France, 13 % des 18-24 ans ont déjà expérimenté l’usage récréatif du protoxyde d’azote. Facile d’accès, cette drogue aux effets dévastateurs n’est malheureusement plus une nouveauté.
La loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote, qui avait été initialement déposée par Valérie Létard, alors sénatrice, a marqué une première avancée, en interdisant la vente aux mineurs.
Un autre enjeu, de taille, reste encore à traiter : les conséquences environnementales de cette pollution silencieuse.
Je suis régulièrement alerté par des élus locaux qui assistent, démunis, à la prolifération de bonbonnes de protoxyde d’azote abandonnées dans l’espace public, à des arrêts de bus, dans des caniveaux ou des parcs. Ces déchets s’amoncellent sans solution efficace de ramassage et de traitement.
Plus grave encore, lorsque les bonbonnes jetées dans les corbeilles de rue sont envoyées dans les usines d’incinération, elles deviennent de véritables bombes à retardement. Le gaz restant dans les cartouches provoque des explosions durant la phase de traitement des déchets.
Ce texte vise ainsi à prévenir cette catastrophe permanente vécue par nos collectivités et nos infrastructures de traitement des déchets. Dans la droite ligne de loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), il tend à appliquer, enfin, le principe pollueur-payeur aux producteurs de cartouches de protoxyde d’azote.
Les conséquences sont en effet désastreuses : une seule explosion représente en moyenne un coût de 150 000 euros en raison de l’arrêt des installations. En outre, ces explosions mettent en danger les agents et perturbent l’approvisionnement en énergie des réseaux de chaleur. Ce scandale environnemental et financier ne peut plus durer.
Face à cette situation intenable, le Sénat doit prendre ses responsabilités. J’ai déposé cette proposition de loi afin que les producteurs de cartouches de protoxyde d’azote assument enfin les leurs, en prenant en charge les coûts de collecte et de traitement de ces déchets dangereux. Face à l’urgence de la situation, les articles 3 et 4 prévoient des solutions concrètes pour protéger nos territoires.
Je forme le vœu que cette proposition de loi soit adoptée à l’unanimité, comme l’a fait la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, puis que la navette aille jusqu’à son terme, au bénéfice direct de l’environnement, de nos collectivités et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi.
M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le président Longeot et moi-même avons décidé de mettre en commun nos travaux respectifs, les siens sur les risques liés aux cartouches de protoxyde d’azote, les miens sur les risques liés aux batteries au lithium – j’interviendrai donc sur ce dernier sujet.
Les batteries au lithium, extrêmement inflammables en cas de choc ou de contact avec de l’eau, se trouvent aujourd’hui dans de nombreux objets du quotidien. Chaussures ou bonnets lumineux, brosses à dent électriques, jouets, cartes de vœux musicales, elles sont partout et ne peuvent parfois pas être retirées des objets qui les contiennent, faute d’écoconception.
Ces objets se retrouvent alors dans les centres de tri des déchets où, en raison d’une orientation inadéquate lors du processus du recyclage, ils causent des incendies aux conséquences parfois désastreuses.
Rien qu’en 2023, près de la moitié des vingt-quatre incendies déclarés dans des centres de tri étaient liés à des batteries au lithium. Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) recense autant d’accidents entre 2016 et 2019 que durant les quinze années précédentes. Et nous ne parlons là que des incendies qui se sont propagés dans les installations, et non du nombre bien plus important de départs de feu ayant pu être maîtrisés avant de se transformer en incendies.
Face à la hausse du nombre d’incendies, les centres de tri sont en difficulté. La sécurité de leurs employés est en jeu et leur activité économique est affectée, les centres de traitement étant bien souvent mis à l’arrêt après un incendie. La viabilité économique des entreprises concernées est alors mise à mal, en raison des coûts de reconstruction et des investissements nécessaires pour prévenir ces incendies.
En outre, facteur aggravant, les centres de tri ont de plus en plus de difficultés à se faire assurer, leurs franchises explosant au motif que leur activité serait désormais trop accidentogène.
Enfin, les incendies dans les centres de tri ont des conséquences pour les collectivités, qui peuvent se retrouver sans solution pour trier les déchets le temps que le centre soit reconstruit.
Face à ce constat, il devient urgent d’agir pour prévenir les incendies liés aux batteries dans les centres de tri. C’est ce qui a conduit au dépôt de cette proposition de loi.
Nous prévoyons donc, par ce texte, de créer une obligation de communication dite négative pour les metteurs sur le marché de produits contenant des batteries au lithium, qui les oblige à prévenir activement les consommateurs du danger des produits contenant des batteries, et du fait qu’ils ne doivent pas être recyclés dans les bacs jaunes.
En effet, si les éco-organismes mènent régulièrement des campagnes positives au sujet des objets à trier et à recycler, ils ne mènent aucune opération de sensibilisation pour alerter sur l’importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés.
Nous avions initialement prévu de créer un fonds visant à répartir la charge économique liée aux erreurs de tri des piles et batteries entre les metteurs sur le marché, fonds qui aurait servi à participer à l’indemnisation des centres de tri victimes d’incendie.
Toutefois, lors de l’examen en commission, le choix a été fait de se concentrer sur les solutions préventives plutôt que curatives, ce qui a conduit à supprimer le fonds pour le remplacer par une obligation pour les éco-organismes de participer au financement de la prévention des accidents. J’entends la volonté d’axer le texte sur la prévention, et j’ai donc accepté ladite suppression.
Nous savons néanmoins que, dans n’importe quel domaine, la prévention ne suffit pas toujours. Après l’entrée en vigueur de cette loi, qui, je l’espère, sera rapide, il sera donc nécessaire de mener une évaluation afin de voir les effets de ces efforts de prévention sur le nombre d’incendies dans les centres de tri. S’il s’avère que la hausse du nombre d’incendies se poursuit, il faudra alors nous ressaisir de la question de l’indemnisation. Dans l’attente, nous nous contenterons d’un accroissement des efforts de prévention.
À la suite de la réécriture du texte en commission, il m’a cependant paru nécessaire de préciser en quoi consistera la contribution des éco-organismes au financement de la prévention.
En effet, financer, par exemple, la création de simples panneaux prévenant du danger ne suffira pas. Il est donc nécessaire que le financement porte notamment sur des équipements visant à prévenir les incendies, tels que des mécanismes d’extinction automatique ou encore des systèmes de détection automatique des incendies.
De même, la répartition du financement entre les éco-organismes et les centres de tri devra être précisée par voie réglementaire. J’ai déposé un amendement en ce sens, avec l’accord de la rapporteure, que je vous présenterai en détail tout à l’heure.
Je tiens pour finir à remercier Mme la rapporteure, qui a su comprendre l’urgence de légiférer pour préserver nos entreprises du secteur du recyclage, et le président Jean-François Longeot pour notre collaboration en vue de l’élaboration de cette proposition de loi.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter ce texte qui est d’une importance capitale tant pour les entreprises du recyclage que pour nos territoires. (M. Pascal Martin, Mme Mireille Jouve et M. Daniel Chasseing applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de vous présenter la position de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, déposée par le président Longeot et Cyril Pellevat, que je salue.
En 2023, 20 % des accidents et incidents technologiques recensés concernaient la filière des déchets. La tendance est malheureusement à la hausse depuis une décennie, en raison de l’émergence de nouveaux produits. L’introduction de ces déchets dangereux réinterroge les responsabilités respectives des acteurs du cycle de vie du produit, du producteur à l’opérateur de traitement des déchets, en passant par le consommateur et les collectivités territoriales.
J’évoquerai d’abord les batteries au lithium, à l’origine de la moitié des départs de feu dans les installations de traitement des déchets.
L’usage des batteries au lithium s’est démultiplié ces dernières années en raison du développement des piles boutons, ces piles de petite taille présentes dans divers objets du quotidien comme l’a rappelé M. Pellevat. Ces batteries hautement inflammables au contact de l’oxygène et de l’eau constituent un risque pour la santé des agents, pour l’environnement, en raison de leurs rejets toxiques dans l’air et dans l’eau, ainsi que pour l’équilibre économique des gestionnaires d’installations de traitement de déchets, confrontés, seuls, à la multiplication des incendies.
Cela engendre en retour une hausse exponentielle des primes d’assurance, qui met en péril la viabilité financière de certaines installations.
Deux tiers de ces incendies sont liés à des erreurs de tri : entre 15 % et 20 % des batteries au lithium, notamment les plus petites, échappent à la collecte sélective et se retrouvent dans les bacs de tri jaunes ou avec les ordures ménagères. Si elles ne sont pas détectées à temps, elles provoquent ensuite des incendies dans les installations de traitement.
Pour y remédier, l’article 1er prévoit l’organisation d’une campagne de sensibilisation inter-filières par les éco-organismes concernés.
Initialement, l’article 2 visait à créer un fonds d’indemnisation des dommages causés aux installations de traitement des déchets. Mais ce dispositif n’est pas conforme au droit européen.
La commission a préféré adopter une position d’équilibre, plus équitable et opérationnelle : nous avons substitué à ce fonds une obligation de financement par les producteurs des actions de prévention des incendies, pour passer d’une approche curative à une approche préventive.
Cette solution permet de ne pas désengager les assureurs, d’éviter d’imposer une charge disproportionnée aux producteurs et d’encourager l’investissement dans des dispositifs de prévention. Par ailleurs, dans 60 % des cas, l’implication des batteries au lithium dans un incendie n’est que supposée, d’après la direction générale de la prévention des risques (DGPR), ce qui rendait l’indemnisation complexe et juridiquement incertaine.
Le second sujet d’importance traité par la proposition de loi est la prévention des explosions dans les incinérateurs liées aux cartouches de protoxyde d’azote.
Nous connaissons malheureusement déjà tous les conséquences sanitaires de cette nouvelle drogue – le président Longeot les a rappelés. Au-delà de cet aspect sanitaire, qui sera traité dans une autre proposition de loi que nous examinerons en fin d’après-midi, l’essor du protoxyde d’azote a également des conséquences pour la filière de traitement des déchets : une fois consommées, les bouteilles ou les cartouches sont bien souvent jetées dans des corbeilles de rue ou abandonnées sur la voie publique.
Pourtant, une bouteille de protoxyde d’azote est un déchet dangereux. La chaleur extrême du four dans les unités de valorisation énergétique entraîne une dilatation du gaz encore présent dans les bouteilles et provoque une explosion. M. Longeot a indiqué les coûts importants que cela représente pour les gestionnaires. Ces explosions peuvent, en outre, perturber le service d’approvisionnement en énergie des usagers raccordés au réseau de chaleur, ce qui est également coûteux pour les collectivités territoriales.
Au total, le préjudice économique lié aux réparations et aux arrêts de production subséquents aux explosions s’établit, selon les estimations, dans une fourchette entre 15 millions et 20 millions d’euros.
Pour limiter ces accidents, l’article 3 intègre les bouteilles et les cartouches de gaz à la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des déchets diffus spécifiques (DDS), qui traite les déchets dangereux. Cette intégration implique que les producteurs devront verser des écocontributions suffisantes pour assurer le traitement approprié de ces déchets et mener des campagnes de sensibilisation sur les règles de tri appropriées. La commission a souhaité exclure du champ de cet article les bouteilles de gaz rechargeables, à usage souvent professionnel, pour lesquelles des dispositifs de collecte et de consigne fonctionnels existent aujourd’hui.
Cette disposition ne résoudra, bien sûr, pas tout. La réponse au phénomène d’explosion des bonbonnes de protoxyde d’azote ne peut pas être que nationale ; une évolution des règles européennes de conception de ces contenants serait nécessaire pour imposer la présence de soupapes de sécurité, afin de limiter les explosions à la source. Nous avons eu l’occasion d’échanger longuement sur ce sujet avec vos services, madame la ministre, et je tiens à les remercier pour leur écoute.
Au-delà des explosions dans les incinérateurs, les cartouches de protoxyde d’azote sont également à l’origine de surcoûts pour les collectivités territoriales, en raison de la prolifération dans l’espace public urbain de bouteilles abandonnées.
Il convient d’assurer, en application du principe pollueur-payeur, la prise en charge par le producteur ou son éco-organisme des coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches ou des bouteilles de gaz abandonnées. C’est l’objet de l’article 4.
Enfin, la commission a également souhaité modifier l’intitulé de cette proposition de loi afin, d’une part, de préciser que le texte vise à lutter contre les risques d’accident en général, et non pas seulement contre le risque d’incendie – les cartouches de protoxyde d’azote sont en effet sources d’explosions plutôt que d’incendies – et, d’autre part, d’élargir le champ des installations considérées, qui ne sont pas uniquement les installations de collecte, de tri et de recyclage, mais l’ensemble des installations de traitement des déchets, y compris par exemple les centres de stockage ou de transfert.
Je souhaite, en conclusion, saluer la qualité de la collaboration tout au long de mes travaux préparatoires avec les deux auteurs de cette proposition de loi, Jean-François Longeot et Cyril Pellevat, qui m’ont permis d’enrichir ce texte sans trahir leur volonté initiale.
Je tiens aussi à remercier mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qui ont adopté ce texte à l’unanimité : je m’en réjouis car cela témoigne d’une prise de conscience collective de l’urgence de cet enjeu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai d’être brève, étant responsable du léger retard avec lequel l’examen du texte a commencé.
Le sujet que nous allons aborder aujourd’hui peut sembler à première vue technique, mais il représente un enjeu important : il s’agit des accidents dans les installations de traitement des déchets.
En préambule, rappelons que la gestion des déchets est l’un des secteurs industriels qui comptent le plus grand nombre d’accidents, et que celui-ci ne cesse d’augmenter.
En trois ans, entre 2016 et 2019, on a enregistré autant d’accidents dans les centres de traitement des déchets que durant les quinze années précédentes. Cette hausse est considérable et préoccupante pour les riverains, les élus locaux, les assureurs, mais surtout pour les exploitants et les salariés des centres de tri, qui sont en première ligne face à ces risques.
Comment expliquer cette hausse soudaine ? D’où proviennent précisément ces incendies ?
Les fortes chaleurs ne sont sans doute pas étrangères au phénomène, mais, dans leur grande majorité, ces incendies trouvent leur origine dans l’explosion de batteries au lithium. Celles-ci sont devenues omniprésentes dans notre quotidien depuis leur arrivée sur le marché en 1991.
Deux tiers des incidents et des accidents enregistrés sont dus à une erreur de tri des piles et des batteries au lithium. Ces dernières alimentent souvent des objets à courte durée de vie, que les usagers ne savent pas toujours trier et qui finissent par être jetés avec les ordures ménagères, au lieu d’être déposés dans des points de collecte spécialisés.
À ces incidents liés aux batteries au lithium s’ajoute une seconde problématique, celle de la multiplication des cartouches et des bouteilles de protoxyde d’azote, qui sont souvent abandonnées sauvagement sur la voie publique ou mal triées, ce qui accroît les risques et complique la gestion des déchets.
Au-delà des effets néfastes, bien documentés, sur la santé de nos jeunes de la consommation du protoxyde d’azote, ce phénomène met en danger les personnels des installations de traitement des déchets et entraîne des coûts supplémentaires importants pour les opérateurs de la filière et les collectivités locales.
Je tiens à saluer l’initiative conjointe du président Longeot et de M. Pellevat, qui ont réuni leurs travaux respectifs afin de traiter conjointement les deux problématiques.
Vos travaux le prouvent, ces accidents peuvent être évités. Pour cela, les pratiques doivent évoluer.
Mon ministère a déjà considérablement renforcé les obligations applicables aux installations de traitement des déchets afin de réduire l’accidentologie – vous le savez, je n’y reviens donc pas.
Les dispositifs qui figurent dans le texte, notamment à la suite du travail en commission, s’inscrivent dans le prolongement de cette action. Ils traduisent également l’ambition, que nous partageons, de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne, notamment les producteurs et les consommateurs de ces produits.
Dans la philosophie du travail que vous avez mené, je partage votre volonté de renforcer les actions de prévention plutôt que de vous focaliser sur l’indemnisation. Au fond, indemniser, c’est renoncer à agir. C’est également la vision que je défends.
Je suis persuadée que des campagnes de communication pour informer le public et les professionnels sont indispensables.
Je souhaite que ces campagnes soient obligatoirement intégrées dans les cahiers des charges des filières à responsabilité élargie des producteurs de batteries et d’équipements électriques et électroniques.
Madame la rapporteure, je soutiens donc la disposition, qui a été adoptée en commission sur votre initiative, qui conduira les producteurs de batteries au lithium à soutenir financièrement des actions de prévention. Cette mesure me semble plus efficace que la création d’un nouveau fonds d’indemnisation qui figurait dans le texte initial.
En ce qui concerne la gestion des déchets liés au protoxyde d’azote, le Gouvernement est engagé dans le combat pour limiter le détournement de l’usage de ce gaz, notamment par les plus jeunes. Il s’agit d’un enjeu de santé publique, qui constitue d’ailleurs l’objet d’un texte qui sera examiné ici même cet après-midi.
Toutefois, tant que le problème se pose, il demeure nécessaire de traiter la question de la fin de vie de ces produits. Je suis donc favorable à l’intégration de ces déchets dans la filière REP des déchets diffus spécifiques.
Je précise que seraient exclues du dispositif les bouteilles rechargeables, généralement utilisées pour des usages industriels et médicaux, qui disposent déjà de conditionnements et de circuits de reprise spécifiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que ce texte est attendu par les élus locaux. Je connais les conséquences sur le plan local des catastrophes causées par ces produits. Cette proposition de loi, si elle est adoptée – et je ne doute pas qu’elle le sera –, constituera une évolution positive et utile dans la prise en compte des enjeux de prévention des risques. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que la procédure accélérée soit engagée. Voilà qui constitue une réponse aux interrogations sur la possibilité d’adopter rapidement ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Pillefer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Pillefer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les batteries au lithium et les cartouches de protoxyde d’azote constituent de véritables bombes à retardement, que nous jetons dans nos poubelles et qui finissent dans nos centres de tri et nos incinérateurs.
Les conséquences sont lourdes. Les incendies et les explosions se multiplient. Les dégâts coûtent des millions d’euros, et ce sont nos collectivités qui paient la facture.
Cette proposition de loi est particulièrement attendue, et je tiens à saluer la double initiative de mes collègues qui en est à l’origine.
Je souhaite d’abord remercier le président Jean-François Longeot, qui a suscité le débat sur la question des cartouches de protoxyde d’azote. Ce gaz hilarant ne fait plus rire personne, car nous sommes confrontés à une problématique multiple : un scandale environnemental, un problème de sécurité, mais aussi un véritable sujet de santé publique.
Les chiffres sont accablants. L’arrêt de la production et les réparations d’une unité de valorisation énergétique (UVE) à la suite d’une explosion coûtent entre 20 000 et 200 000 euros.
Cependant, le problème ne se limite pas à l’incinération. La collecte elle-même est un casse-tête. Il faut savoir que 70 % des cartouches abandonnées sont ramassées dans l’espace public. Les collectivités en assument le coût à la place des producteurs.
L’article 3 constitue une avancée essentielle : il regroupe ces produits au sein d’une même filière REP et applique enfin le principe pollueur-payeur.
Toutefois, des interrogations subsistent quant au traitement de ces produits, car le procédé est technique : les bouteilles doivent être percées, ce qui libère un gaz à effet de serre 300 fois plus nocif que le CO2. De leur côté, les ferrailleurs refusent généralement de récupérer les bouteilles, dans la mesure où ils n’ont pas la garantie qu’elles ont été complètement vidées de leur gaz.
Il est donc urgent de durcir l’encadrement de l’achat et de la consommation du protoxyde d’azote.
Je veux également saluer notre collègue Cyril Pellevat, qui s’est fait l’écho des acteurs de terrain sur la question des incendies. Nos centres de tri doivent composer avec des départs de feu de plus en plus fréquents, qui mettent en danger les agents et les infrastructures.
Les piles au lithium constituent des déchets souvent invisibles qui se logent dans certains objets du quotidien. Nous ne réalisons pas, ou pas toujours, que ces produits doivent être jetés dans des filières spécifiques. On constate que 65 % des incidents recensés sont dus à des erreurs de tri.
La première bataille à mener est donc celle de l’information et de la prévention.
L’article 1er constitue un premier pas dans cette direction. Cependant, la sensibilisation du grand public doit aller de pair avec l’information qui lui est fournie. À terme, nous pourrions envisager d’aller plus loin sur les règles encadrant l’information qui doit être portée à la connaissance du consommateur.
Un autre problème majeur concerne les assurances. Les gestionnaires de centres de tri peinent à se couvrir contre les risques, même lorsqu’ils investissent dans la prévention.
Dans sa version initiale, l’article 2 prévoyait la création d’un fonds d’indemnisation des incendies, dont le financement était pour moitié à la charge des producteurs de piles et de batteries.
Ces dispositions étaient contraires au droit européen et à l’esprit même des REP. De plus, elles s’inscrivaient dans une logique curative et non préventive. La priorité est évidemment de faire cesser les incendies, et non d’en améliorer l’indemnisation.
Notre rapporteure a donc proposé une autre solution. Elle consiste en la participation des producteurs à la prévention des risques d’incendie et d’explosion, ce qui, je l’espère, sera en mesure de créer une boucle vertueuse avec les compagnies d’assurance.
Je tiens néanmoins à souligner que, avec la nouvelle rédaction de la commission, les enjeux financiers pour les centres de tri ne sont plus les mêmes que dans la proposition de loi initiale. Mais cette réécriture était nécessaire.
Je souhaite remercier chaleureusement notre rapporteure, Mme Jocelyne Antoine, pour son travail rigoureux et méthodique. Elle a mis en lumière les quelques difficultés opérationnelles du texte et y a apporté des solutions pragmatiques et efficaces.
Mes chers collègues, nos centres de tri sont sous pression. Face à l’urgence, ce texte apporte des réponses concrètes que le groupe Union Centriste votera avec conviction ! (Applaudissements sur les travées des groupe UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin.
M. Alexandre Basquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous tenons tout d’abord à saluer le travail de MM. Jean-François Longeot et Cyril Pellevat, qui ont soulevé une problématique bien réelle à laquelle sont confrontés les centres de traitement des déchets et pointé les dégâts importants, tant environnementaux que budgétaires, occasionnés par les cartouches de protoxyde d’azote et les batteries au lithium.
Nous saluons également le travail de la rapporteure, Mme Jocelyne Antoine. Son rapport pertinent, qu’elle nous a présenté en commission et ici, nous a éclairés sur le sujet et sur les difficultés rencontrées.
Permettez-nous en préambule, même si ce n’est pas l’objet de la présente proposition de loi, de rappeler que l’usage du protoxyde d’azote constitue malheureusement un véritable fléau pour la santé des plus jeunes.
Depuis une dizaine d’années, ces derniers détournent de leur usage des cartouches et des bonbonnes de protoxyde d’azote pour rechercher les effets hilarants de ce gaz. La consommation ne cesse malheureusement d’augmenter, et les conséquences d’un usage régulier sont désastreuses pour la santé. Il est évident que des moyens plus coercitifs en la matière doivent être employés. C’est une question sanitaire majeure.
Aujourd’hui, ce qui nous occupe ici, ce sont les conséquences de l’usage du protoxyde d’azote et des batteries au lithium dans les centres de collecte et de tri.
Notons tout d’abord qu’il est pertinent d’avoir intégré ces deux problématiques au sein d’une même proposition de loi.
Les cartouches et les bonbonnes de protoxyde d’azote, qui sont rarement complètement vidées, peuvent exploser dans les centres de traitement des déchets et provoquer d’importants dégâts matériels. Dans le centre de valorisation énergétique de Valenciennes, cela se produit une fois par semaine en moyenne, ce qui engendre un surcoût financier considérable, de l’ordre de 1 million d’euros pour la seule année dernière.
« Le gaz hilarant ne fait pas du tout rire les usines d’incinération des déchets », comme on pouvait le lire, à juste titre, dans un article récent du journal Le Monde. Il nous semble juste de dire que ce n’est pas aux collectivités locales de prendre constamment en charge, sur leur budget propre, les dégâts.
Il est à noter également que l’impact est aussi d’ordre environnemental. En entraînant l’arrêt des chaînes de traitement des déchets, ces explosions obligent les gestionnaires des services publics de gestion des déchets à se réorienter vers des centres d’enfouissement, sans compter les conséquences sur les réseaux de chaleur, lorsqu’ils existent, et les risques de blessures pour le personnel.
Le traitement des batteries au lithium a, lui aussi, des conséquences de plus en plus lourdes. Véritable cauchemar pour les sapeurs-pompiers, les incendies liés à ces batteries ont vu leur nombre bondir de 150 % en dix ans. Dans 60 % des cas, ils surviennent dans les centres de tri.
Le traitement et, plus encore, la valorisation des déchets liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote constituent un véritable calvaire.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas rester attentistes. Il est plus que nécessaire de prendre des mesures fortes, comme celles qui figurent dans cette proposition de loi. Je pense notamment à l’application du principe – juste, essentiel et important – du pollueur-payeur.
L’intégration des cartouches de gaz de protoxyde d’azote au sein de la filière REP DDS et la prise en charge de la prévention par les éco-organismes, afin notamment d’alerter sur l’importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés, vont dans le bon sens.
Toutefois, il faut également agir au niveau européen – nous en appelons, sur ce point, au Gouvernement – pour imposer de nouveaux process, de nouvelles normes, et contraindre avec force les industriels à produire des cartouches de protoxyde d’azote aux tailles adaptées, comportant des valves de sécurité. Sans cela, le traitement de ces contenants, lorsqu’ils sont mêlés aux ordures ménagères, sans possibilité de tri, restera un véritable nœud gordien. Il ne faut pas exonérer les industriels de leurs responsabilités, sanitaires ou environnementales.
Mais, en attendant, cette proposition de loi marque un premier pas important et constitue bien plus qu’un simple symbole ; le groupe CRCE-K invite à la soutenir et à la voter. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelque 1 400 incendies se sont déclarés entre 2010 et 2019 dans les installations de collecte, de tri et de recyclage. Des piles et des batteries au lithium, qui se sont retrouvées, en raison d’erreurs et de négligence lors du tri, dans des flux de déchets parmi lesquels elles n’auraient pas dû être, en sont en grande partie responsables.
On estime qu’entre 15 % et 20 % de ces batteries au lithium, surtout celles de petite taille, sont jetées dans la poubelle ménagère commune et ne font donc pas l’objet de la collecte sélective dont elles relèvent en principe.
Or, si elles ne sont pas traitées correctement dans le cadre de la filière REP des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E), qui est la leur, ces batteries peuvent être endommagées dans le flux des déchets ménagers communs. Il suffit alors qu’elles entrent au contact de l’eau et de l’oxygène pour qu’elles flambent. Telle serait la cause de la moitié des incendies survenus dans les centres des opérateurs de déchets.
La présence de cartouches et de bouteilles de protoxyde d’azote parmi des déchets destinés à l’incinération constitue un autre risque chronique pour les opérateurs. Elles peuvent en effet exploser lorsque le gaz se dilate sous l’effet de la chaleur extrême. Le phénomène est d’autant plus violent que le contenant est de grande taille.
On estime que ces explosions coûtent entre 15 millions et 20 millions d’euros par an, ce qui correspond au montant des réparations nécessaires, mais aussi aux pertes dues à l’arrêt éventuel de la production des réseaux de chaleur.