M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, est-il nécessaire d’égrener la longue liste des mouvements sociaux qui ont jalonné l’histoire de nos territoires ultramarins au cours des deux dernières décennies ?

Après la grève générale de 2009 en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique, le 20 mars 2017, la Guyane se soulève à nouveau. En 2018, Mayotte se déclare « île morte » et les « gilets jaunes » embrasent l’île de La Réunion. De novembre 2021 à mars 2022, les Antilles françaises sont à nouveau le théâtre de violences. Enfin, à l’automne dernier, la Martinique crie son désespoir.

Depuis trop longtemps, à défaut de trouver des débouchés politiques à la hauteur de l’enjeu que constitue la vie chère, les mouvements de colère de nos concitoyennes et concitoyens ultramarins se transforment en révoltes.

Il est plus qu’urgent de remédier efficacement aux inégalités territoriales criantes qui pénalisent les habitants de l’outre-mer.

Au premier rang de ces inégalités figure l’accès au logement, premier poste de dépenses contraint des Français.

En Guadeloupe, les loyers sont aujourd’hui sensiblement les mêmes qu’à Marseille ou à Saint-Raphaël. En Martinique, ils sont au niveau du marché locatif bordelais ou lillois. À Saint-Pierre-et-Miquelon, entre mars 2012 et septembre 2023, ils ont progressé de 28,4 %, contre une hausse de 9,1 % au cours de la même période dans l’Hexagone.

Ce phénomène s’explique par un déficit de 110 000 logements, alors même que 80 % des habitants sont éligibles au logement social. Dans ce contexte de très forte tension – 38 communes ultramarines sont reconnues comme zones tendues – la possibilité d’un encadrement des loyers constituerait un premier outil de régulation du marché et un levier de sanction envers les propriétaires pratiquant des loyers excessifs.

Cela offrirait aux classes populaires et aux classes moyennes une plus grande mobilité résidentielle, malgré le défaut d’offre de logements. Il sera toutefois nécessaire, pour que cette mesure d’encadrement porte pleinement ses fruits, que les collectivités ultramarines n’ayant pas encore d’observatoire local des loyers, à l’image de Mayotte, puissent se doter d’une telle instance.

Si le RDSE votera en faveur de ce texte, notre groupe souligne que l’encadrement des loyers ne peut pas constituer l’alpha et l’oméga de notre réponse à la crise du logement en outre-mer, mes chers collègues.

À ce titre, nous regrettons la suppression de l’article 3 portant la création de centres scientifiques et techniques du bâtiment des territoires ultramarins. Cette approche prometteuse est considérée comme aboutie par le Gouvernement – M. le ministre d’État l’a indiqué –, ainsi que par les acteurs économiques.

Notre groupe soutiendra donc l’amendement n° 4 rectifié bis de notre collègue Audrey Bélim visant à adapter les normes outre-mer sur les produits de construction. Une telle mesure s’impose.

Enfin, pour apporter des réponses durables, cette réforme des marchés du logement ultramarin ne pourra se dispenser ni d’un combat pour des logements décents ni d’une réforme de la gestion foncière, dans un contexte de changement climatique et de transition écologique.

Afin de restaurer la qualité du lien entre la République et tous ces territoires, il est urgent que le Gouvernement, en association avec le Parlement, prolonge et approfondisse les mesures proposées par ce texte. Notre groupe y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Évelyne Perrot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui une thématique importante.

La crise du logement qui affecte les outre-mer est bien connue. Nous savons tous à quel point la situation est critique, et, comme toujours, le véritable défi est d’apporter des réponses concrètes et efficaces.

J’estime que l’encadrement des loyers ne résoudra pas à lui seul à la situation d’urgence des outre-mer au regard du logement. Bien qu’elle reste facultative, une telle mesure peut toutefois être un outil supplémentaire à la disposition des élus locaux, afin de contenir la hausse des prix.

Les Ultramarins ont en effet été privés de la possibilité d’encadrer les loyers. L’expérimentation mise en place par la loi Élan de 2018, a de facto exclu les collectivités ultramarines de son champ d’application. Légiférer consiste pourtant à arbitrer entre plusieurs choix de manière éclairée…

Or quel bilan pouvons-nous tirer de l’encadrement des loyers en métropole ? Quels enseignements pouvons-nous collectivement retenir des deux plans logements outre-mer mis en œuvre depuis 2015 ?

Le groupe Union Centriste soutiendra le texte issu des travaux de la commission des affaires économiques. Cette version propose une expérimentation ad hoc adaptée aux réalités des collectivités d’outre-mer sans interférer avec les expérimentations actuellement menées en métropole. Elle laisse toutefois la porte ouverte à d’autres mesures qui, dans bien des cas, sont aussi pertinentes en métropole qu’outre-mer.

La crise du logement ne doit pas être uniquement abordée au prisme des loyers. Elle appelle un éventail de solutions bien plus large. Qu’il s’agisse de libérer du foncier, de lutter contre la vacance, d’accélérer la rénovation et la réhabilitation ou d’adapter les techniques de construction des bâtiments selon les risques météorologiques locaux, il est évident que nous ne devons pas nous arrêter à une seule mesure.

En supprimant l’article 3, qui prévoyait la création de centres d’agrément afin d’homologuer les matériaux de construction dans les territoires ultramarins, de garantir leur qualité et d’établir des référentiels normatifs adaptés aux spécificités ultramarines, la commission a ouvert un débat plus large sur l’impérieuse question de l’adaptation des normes.

Il est urgent d’élargir la réflexion, au-delà de la construction et de l’urbanisme, à d’autres secteurs clés que sont l’agroalimentaire, la gestion des déchets, l’énergie, l’adaptation au changement climatique, dont les cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion ont révélé les lourdes et destructrices conséquences.

Enfin, le groupe Union Centriste sera particulièrement attentif à ce que la question de la vie chère en outre-mer soit abordée de manière plus exhaustive, en particulier s’agissant des loyers, qu’elle n’épargne pas. Les loyers sont en effet plus élevés dans les collectivités d’outre-mer qu’en métropole et, compte tenu du moindre niveau de revenu des Ultramarins, ils représentent une part significative du budget des ménages, davantage encore que dans l’Hexagone.

Nous savons combien la définition des quartiers prioritaires de la politique de la ville a pu être défavorable aux Ultramarins, mes chers collègues. Compte tenu des données statistiques disponibles, l’application des critères de revenus et des seuils minimaux d’habitants qui prévalent dans l’Hexagone n’était en effet ni pertinente ni possible.

Que penser de ces calculs au regard de la situation de Mayotte aujourd’hui ? La méthode de carroyage utilisée dans l’Hexagone ne peut pas s’appliquer partout. Le lien humain est une nécessité pour comprendre le territoire et les attentes des habitants.

Nous connaissons l’importance de la variable du logement dans les derniers scrutins aux États-Unis, en Irlande ou encore en Espagne, et bientôt au Canada. Lorsque les loyers augmentent plus vite que les revenus, entraînant un fossé générationnel dans l’accès au logement, avec des répercussions sur la santé, lorsque les logements sont indécents, tous les ingrédients d’un cocktail explosif sont réunis.

Face à ces enjeux, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi et sera au rendez-vous des futurs débats sur le logement, en outre-mer comme en métropole. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’adresser, au nom de mon groupe, tout mon soutien à nos compatriotes réunionnais durement touchés par le cyclone Garance.

Mes chers collègues, nous venons de parler de la vie chère. Or, s’il y a bien une chose qui rend la vie chère et difficile à supporter pour nos concitoyennes et concitoyens, c’est le coût du droit à se loger. C’est particulièrement vrai en outre-mer, où le décalage entre les salaires et le coût de la vie aggrave encore les difficultés et la précarité.

Selon les estimations du ministère du logement, les ménages ultramarins doivent faire face à des loyers aussi élevés qu’à Bordeaux, Lyon ou Marseille, malgré une offre limitée et des logements souvent vétustes. Cette situation, à laquelle s’ajoute un taux de pauvreté plus élevé qu’en Hexagone, rend l’accès au logement particulièrement ardu pour les populations les plus précaires.

D’après l’Insee, en 2021, La Réunion et la Martinique étaient les deux régions les plus pauvres, avec, respectivement, des taux de pauvreté de 36 % et de 27 %, bien supérieurs au taux de pauvreté moyen de 15 % constaté à l’échelle nationale.

Sur le marché du logement, la liberté de fixer des prix en fonction de l’offre et de la demande revient trop souvent à appliquer la loi du plus fort, ou plutôt du plus riche !

La raison en est simple : dans notre pays, 3,5 % des propriétaires possèdent 50 % des logements privés en location. Ce qui se veut la manifestation de la liberté d’entreprendre et de la liberté de la concurrence se traduit concrètement par le monopole de grands propriétaires immobiliers, qui, pour certains, profitent de la pénurie et de l’inflation afin d’augmenter les loyers, s’affranchissant de toute décence.

Pourtant, ce n’est pas une fatalité. La proposition d’encadrement des loyers qui nous est soumise aujourd’hui – je salue d’ailleurs l’auteure du texte, Audrey Bélim, ainsi que l’ensemble de nos collègues du groupe socialiste pour leur travail –, si elle concerne l’outre-mer, car c’est une urgence, devrait avoir trait à l’ensemble du territoire national et s’appliquer partout où le coût des loyers est en décalage avec les besoins.

Cet encadrement devrait nous permettre d’endiguer la hausse du prix des loyers, même si nous avons par ailleurs besoin d’une politique de rénovation et de construction de logements sociaux, que l’État refuse de financer depuis bientôt dix ans.

Ce n’est pas seulement une question de loyers qui nous est posée ce soir : c’est aussi une question d’habitat et de qualité des logements, au moment où les catastrophes climatiques nous renvoient à l’urgence écologique, que les politiques gouvernementales ont encore trop de mal à appréhender.

Il est indispensable de tenir compte des conditions météorologiques particulières dans lesquelles vivent nos compatriotes des outre-mer, à qui nous rendons la tâche difficile depuis Paris lorsque nous leur imposons des normes en complète dissonance avec la réalité.

Je pense bien sûr à la réalité des matériaux, puisque certaines filières, comme le bois ou la terre crue, présentent un intérêt certain, notamment pour l’économie locale, et sont d’une disponibilité immédiate ou presque. Il faut aussi songer à la réalité du climat et à l’isolation thermique des bâtiments. Cette dernière doit être adaptée pour faciliter les constructions et améliorer les conditions de vie de toutes et de tous.

Ce qui est certain, c’est que les personnes les mieux placées pour définir et approuver les normes de construction les plus pertinentes sont les acteurs du logement, du bâtiment, les scientifiques, toutes celles et tous ceux qui vivent dans les départements et les régions d’outre-mer, qui connaissent leur territoire et ses besoins.

C’est en ce sens que nous soutiendrons la démarche engagée à travers l’article 3 de la proposition de loi. Malgré sa suppression par la commission, cet article pourrait être rétabli dans une rédaction modifiée grâce à un amendement présenté dans quelques instants et que nous voterons, en espérant que les décrets seront rapidement pris par le Gouvernement.

Le chemin est encore long vers l’amélioration de l’habitat en outre-mer. Il faudra pourtant l’emprunter le plus rapidement possible, pour le bien de tous nos compatriotes. L’encadrement des loyers est un moyen simple et nécessaire pour avancer dans cette voie.

C’est pourquoi mon groupe votera la présente proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi au préalable de m’associer aux propos tenus par les précédents orateurs et d’avoir une pensée pour nos compatriotes réunionnais. Je tiens par ailleurs à saluer le travail accompli par notre collègue Audrey Bélim au travers de la présente proposition de loi, qui, je n’en doute pas, fera avancer les choses en outre-mer.

Avec plus de 2,6 millions de demandes de logement social non satisfaites, la crise du logement atteint un niveau alarmant en France. Derrière ce chiffre, ce sont des millions de nos concitoyens qui vivent dans des conditions indignes, peinant à offrir à leurs enfants un foyer stable, propice à leur épanouissement et à leur réussite scolaire.

Comme le souligne avec justesse la Fondation Abbé Pierre, « le mal-logement est une blessure sociale qui ronge notre pacte républicain ». Cette blessure est d’autant plus profonde dans nos territoires d’outre-mer que la fracture économique et sociale avec la métropole ne cesse de se creuser.

Aujourd’hui, 75 % des ménages ultramarins éligibles au logement social en sont exclus. Cette réalité heurte autant qu’elle interroge. Car un logement, ce n’est pas seulement quatre murs et un toit : c’est le socle d’une vie digne, la possibilité d’offrir à ses enfants un environnement stable où ils peuvent grandir, étudier et se construire un avenir.

Combien d’élèves rongés par la précarité de leur logement peinent à se concentrer à l’école ? Combien de familles s’entassent dans des espaces insalubres, exposées à l’humidité, aux moisissures, à des infrastructures menaçant de s’effondrer ?

Pour ceux qui ont un toit, la précarité persiste. À Mayotte, déjà bien avant que le cyclone Chido ne frappe, combien de familles survivaient dans des bidonvilles insalubres, sans perspective d’en sortir ?

Comment accepter que, en France, en 2025, l’accès à un logement digne soit un luxe inaccessible pour tant de nos compatriotes ? Cette situation est d’autant plus intolérable pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, qui sont confrontées à un véritable parcours du combattant au vu de la rareté des logements adaptés.

Le problème de fond est connu : le coût du logement est devenu insoutenable. En outre-mer, les loyers atteignent des niveaux comparables à ceux de la métropole, alors même que 18 % des Français vivant dans la grande pauvreté résident dans ces territoires. Les salaires y sont moins élevés, mais les ménages doivent payer plus. Cette inégalité, nourrie par la spéculation foncière, est inacceptable.

Le logement ne peut être traité comme un simple produit de marché. Il est avant tout un droit fondamental. Face à cette crise, nous avons des solutions. L’encadrement des loyers, déjà expérimenté avec succès en métropole, doit être institué de manière pérenne en outre-mer. Pourquoi ce qui fonctionne ici ne serait-il pas appliqué là-bas ?

Mais agir sur les loyers ne suffit pas. Nous devons aussi garantir des logements durables, conçus avec des matériaux résistants et adaptés aux réalités climatiques locales. Le cyclone Chido à Mayotte a montré une fois de plus l’urgence qu’il y a à repenser la construction et la rénovation de l’habitat ultramarin.

Permettez-moi au passage de vous conseiller la lecture de l’excellent rapport de mes collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel, dont on devrait s’inspirer très largement, y compris en métropole !

Madame la ministre, notre République ne peut plus détourner le regard. Trop de mesures prises jusqu’ici n’ont été que des pansements sur une plaie béante, ne permettant jamais de s’attaquer aux causes profondes de la crise. Il est temps d’apporter des réponses fortes, à la hauteur des attentes et de la dignité que nous devons à nos compatriotes ultramarins.

Ce texte offre de nouvelles perspectives, mais il nous faudra aller encore plus loin, c’est-à-dire travailler à un grand plan en faveur du logement et du parcours locatif de nos compatriotes d’outre-mer, tout en portant une grande ambition, celle de faire en sorte que plus personne ne vive sans un toit au-dessus de sa tête.

Nous voterons ce texte, qui, à notre avis, va tout à fait dans bon sens. J’espère que nous irons même encore plus loin en la matière : nous aurons prochainement un autre rendez-vous, qui, je le souhaite, permettra à chacun de prendre la mesure des enjeux et d’apporter des réponses adaptées à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord associer à mes propos notre collègue Saïd Omar Oili, qui, faute d’avion depuis Mayotte, ne peut pas être parmi nous aujourd’hui. Il aurait souhaité s’exprimer sur cette proposition de loi, qu’il soutient avec force.

Avant son examen en commission, ce texte comportait trois pistes de solutions à la crise du logement qui sévit dans les outre-mer plus gravement encore qu’en métropole.

Les territoires ultramarins, du fait de leurs multiples spécificités, sont en effet frappés plus durement par des réalités économiques, géographiques et climatiques sans commune mesure avec ce que connaît l’Hexagone.

Sans vouloir vous assommer de chiffres, je citerai les plus éloquents : en outre-mer, 80 % des ménages sont éligibles au logement social, mais seuls 25 % y résident. 70 % de la population ultramarine pourraient même légitimement prétendre au logement très social, contre 29 % seulement en France métropolitaine. C’est donc le parc privé qui concentre l’essentiel des habitants.

Or on constate plusieurs déséquilibres, au premier rang desquels un déséquilibre entre une offre faible et une demande importante, qui suscite une explosion du prix des loyers. Cela crée mécaniquement un lien entre le coût du logement et le niveau de vie, qui est évidemment défavorable aux habitants ultramarins.

L’Hexagone connaît les mêmes problèmes que les territoires d’outre-mer en matière de logement : déficit de constructions, coût des matériaux, problème de foncier et de zonage, etc. Pour tous nos concitoyens, qu’ils soient ou non ultramarins, le logement est aujourd’hui le premier poste de dépenses. Cette situation est d’autant plus prégnante dans les outre-mer.

Avec cette proposition de loi, notre collègue Audrey Bélim a pour ambition de traiter le problème avec précision et simplicité.

L’article 1er, conservé par la commission, autorise l’encadrement des loyers dans les communes ultramarines considérées comme tendues.

Compte tenu des éléments que j’ai évoqués précédemment et de la forte concentration de la population ultramarine dans le parc privé, la nécessité de rééquilibrer le marché et de donner des outils de régulation aux élus locaux s’impose. L’encadrement des loyers est un dispositif qui a fait ses preuves, puisqu’il permet de bloquer les loyers abusifs au-delà de 20 % d’un loyer de référence fixé en fonction des prix du marché.

Malheureusement, la publication du décret du 25 août 2023, qui élargissait la liste des communes tendues, est intervenue trop tard, et de nombreuses communes ultramarines n’ont pu se porter candidates.

L’article 1er prévoit donc d’étendre d’une année la durée totale de l’expérimentation et de rouvrir le délai de candidature au dispositif jusqu’au 25 novembre 2026. C’est le seul article du texte initial qui subsiste, les articles 2 et 3 ayant été supprimés avant que nous n’examinions le texte en séance publique.

Je souhaite néanmoins évoquer le dispositif originel de l’article 3, car celui-ci s’attaquait à une problématique propre aux outre-mer : la nécessaire adaptation des normes de construction et le recours à des matériaux locaux, souvent moins coûteux.

Depuis bientôt un an, l’Union européenne autorise la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin à déroger au marquage CE et à importer des produits de construction issus de leur environnement géographique. C’est un gain de temps et d’argent. Cela relève aussi du bon sens écologique : non seulement les matériaux ont une empreinte carbone plus faible, mais ils sont aussi plus adaptés aux réalités locales.

L’article 3, dans sa rédaction initiale, prévoyait ainsi de mettre en place de nouveaux mécanismes locaux de contrôle et de certification des matériaux et de créer des centres d’agrément pour homologuer les matériaux ultramarins. Il a été supprimé en commission, mais l’importance du sujet a amené l’auteure de ce texte à proposer une nouvelle rédaction.

Audrey Bélim souhaite mettre en place un cadre de travail spécifique, caractérisé par la création de comités référentiels associant toutes les parties prenantes, afin de proposer une adaptation des normes aux spécificités locales, tout en étant exigeants sur la sécurité et la fiabilité.

Sur ce sujet, nous ne partons pas d’une page blanche. En effet, dans les conclusions de leur rapport sur la politique du logement dans les outre-mer, présenté au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, nos collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel préconisaient la nécessaire adaptation des normes de construction.

De plus, ce texte s’inscrit pleinement dans la lignée du livre blanc de la construction durable en outre-mer préfacé par Mme le rapporteur.

Si cette proposition de loi, nous en sommes conscients, ne résoudra pas à elle seule le problème du logement en outre-mer, elle est bienvenue.

Néanmoins, le travail n’est pas terminé : je souhaite qu’il soit complété et enrichi par les mesures contenues dans la proposition de loi que présentera la présidente de la délégation aux outre-mer, Micheline Jacques. Je remercie d’ailleurs celle-ci du travail tout à fait considérable qu’elle réalise sur ces questions.

Pour l’heure, ce texte prévoit des mesures simples, adaptées aux spécificités des territoires ultramarins. Je souhaite donc, mes chers collègues, que nos débats vous conduisent à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’avoir à mon tour une pensée pour l’ensemble de nos concitoyens de l’île de La Réunion.

La question du logement dans les outre-mer est un enjeu majeur. Dans ces territoires, un grand nombre d’habitations sont précaires ou insalubres, exposant leurs habitants à des conditions de vie indignes. Au-delà de ces situations critiques, de nombreux foyers sont également confrontés à de véritables problèmes de confort, tels qu’un vis-à-vis trop proche, une isolation insuffisante ou des niveaux préoccupants d’humidité.

En Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et dans bien d’autres territoires encore, l’accès à un logement décent est un véritable défi, et la question de l’accès à l’eau courante en est un exemple frappant.

Si la situation de Mayotte a été largement évoquée après le passage du cyclone Chido, d’autres territoires font également face à des coupures d’eau prolongées, qui perturbent profondément le quotidien des habitants et affectent aussi bien les foyers que les établissements publics, tels que les écoles et les hôpitaux. Ces difficultés sont d’autant plus dommageables que les revenus y sont bien inférieurs à ceux de l’Hexagone, tandis que le taux de pauvreté y demeure très élevé.

Alors que dans l’Hexagone, une fraction relativement réduite de la population est confrontée à une extrême précarité, la situation dans les outre-mer est bien plus préoccupante, notamment aux Antilles et en Guyane, où une large partie des habitants vit en situation de grande vulnérabilité économique.

Par ailleurs, à la problématique de la qualité des logements s’ajoute la question de leur insuffisance, en particulier s’agissant des logements sociaux. Si 80 % des foyers ultramarins remplissent les critères d’attribution d’un logement social, seuls 15 % d’entre eux en disposent effectivement. En Guadeloupe, plus de 10 000 demandes de logement social seraient en attente ; il y en aurait 12 000 en Guyane et 45 000 à La Réunion.

Face à cette pénurie, des milliers de demandes restent en attente dans chaque territoire, forçant de nombreux habitants à se tourner vers le parc privé.

Or les loyers y sont souvent bien plus élevés que dans l’Hexagone. Ils atteignent dans certains cas des niveaux comparables à ceux des grandes métropoles françaises. À Baie-Mahault, en Guadeloupe, le prix du mètre carré en location dépasse ainsi celui de certaines grandes villes de l’Hexagone, ce qui rend l’accès au logement particulièrement difficile pour les ménages les plus modestes.

Cette situation a pour conséquence directe le poids considérable du logement dans le budget des familles ultramarines. Dans certaines communes de La Réunion, les dépenses liées au logement peuvent représenter 80 % des revenus.

Pourtant, lorsque la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, a institué un encadrement expérimental des loyers dans les zones tendues, les territoires ultramarins ont été exclus de cette mesure.

Depuis six ans, malgré les revendications constantes des élus locaux, cette expérimentation n’a jamais été étendue aux départements et régions d’outre-mer (Drom), alors même que la situation y est particulièrement critique. À titre d’exemple, à Saint-Denis de La Réunion, on note une augmentation significative des loyers ces dernières années, ce qui rend encore plus urgente la nécessité d’une régulation.

Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi : créer une expérimentation spécifique en matière d’encadrement des loyers dans les Drom, pour une durée de cinq ans. Cette mesure permettra aux collectivités ultramarines qui le souhaitent d’y adhérer librement pendant une période de deux ans.

Dans l’Hexagone, près de soixante-dix communes appliquent déjà l’encadrement des loyers. Il serait donc profondément injuste de ne pas accorder la même possibilité aux collectivités ultramarines qui en formulent la demande. Cette disposition s’inscrit pleinement dans le combat plus large mené contre la vie chère en outre-mer, qui exige des solutions multiples et adaptées aux réalités locales.

Sous réserve des ajustements qui pourraient être apportés à ce texte au cours de nos débats, nous soutiendrons cette proposition de loi, qui nous semble à la fois légitime et nécessaire pour les habitants des outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, SER et GEST.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen du texte de la commission.

proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer
Article 2

Article 1er

I. – A. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, un dispositif d’encadrement des loyers peut être mis en place dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution dans les conditions prévues à l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

B. – Par dérogation au deuxième alinéa du I du même article 140, dans ces collectivités, la proposition du demandeur est transmise dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

II. – Au plus tard six mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue au I.