Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

Procès-verbal

Hommage à roger romani et jean-pierre cantegrit, anciens sénateurs

Questions d'actualité au Gouvernement

conseil européen exceptionnel

situation en ukraine (i)

situation à la réunion (i)

situation en ukraine (ii)

avenir de l'autoroute a69

respect de la réglementation dans le cadre de la fermeture des usines michelin de cholet et vannes

situation internationale

crise de l'eau en guadeloupe

Attentat de mulhouse et sécurité des français

situation en ukraine et capacités militaires

zéro artificialisation nette

baisse du tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque

situation à la réunion (ii)

fusillade en avignon

inadéquation de l'étiquetage nutritionnel aux produits traditionnels tels que le fromage au lait cru

filière photovoltaïque

(À suivre)

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Hommage à roger romani et jean-pierre cantegrit, anciens sénateurs

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est avec émotion que nous avons appris le décès de notre ancien collègue Roger Romani, survenu voilà deux semaines. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres se lèvent.)

Ce militant gaulliste aura une véritable proximité avec Jacques Chirac, envers qui il sera d'une fidélité sans faille, à l'instar de Jean-Louis Debré. Il sera son conseiller au sein de différents ministères.

En 1977, année durant laquelle Jacques Chirac devient maire de Paris, il est adjoint au maire et questeur de l'Hôtel de Ville.

Au mois de septembre de la même année, il fait son entrée au Sénat, en même temps que Charles Pasqua. Roger Romani rejoint le groupe du Rassemblement pour la République (RPR) et devient membre de la commission des lois, avant d'être membre de la commission des finances.

Il sera tout au long de sa vie politique un ardent défenseur du bicamérisme.

En 1986, Roger Romani remplace Charles Pasqua, qui devient ministre de l'intérieur, à la présidence du groupe RPR du Sénat. J'aurai alors le plaisir de le côtoyer dès mon arrivée dans cette assemblée.

De 1993 à 1995, Roger Romani est ministre délégué aux relations avec le Sénat, chargé des rapatriés, puis, de 1995 à 1997, ministre des relations avec le Parlement dans le gouvernement d'Alain Juppé.

Il redevient sénateur en 2002. Au Sénat, il est membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

En 2008, Roger Romani fut désigné pour occuper l'une des plus hautes fonctions de responsabilité de l'institution sénatoriale, à savoir celle de vice-président du Sénat.

En ce moment de tristesse et de recueillement, je souhaite exprimer à son épouse, Joëlle, à toute sa famille et à ses proches, à tous ceux auxquels il était cher et qui sont aujourd'hui dans la peine, les condoléances très sincères et le souvenir de l'ensemble de ses anciens collègues du Sénat de la République.

Il repose aujourd'hui à Ghisoni, dans la terre de Corse si chère à son cœur.

C'est avec la même émotion que nous avons appris le décès de notre ancien collègue Jean Pierre Cantegrit.

Devenu sénateur des Français de l'étranger, en 1977, Jean-Pierre Cantegrit sera un pionnier en matière de protection sociale des Français expatriés.

La loi du 17 juin 1980, sur le fondement de deux propositions de loi qu'il avait déposées au Sénat, étend la protection sociale aux Français de l'étranger non salariés, pensionnés ou retraités.

En 1984, s'appuyant sur sa proposition de loi, un projet de loi prévoyant l'extension de la couverture à l'ensemble des citoyens français résidant hors de France sur la base d'une adhésion volontaire est adopté. Le texte instaure également la création d'une caisse autonome de sécurité sociale, la Caisse des Français de l'étranger. Il la présidera de 1985 à 2015.

Jean Pierre Cantegrit appartiendra à la commission des affaires sociales dans laquelle il siégera pendant trente-quatre ans. En 2011, il rejoint la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Il présidera le groupe d'amitié France-Sénégal, puis le groupe France-Afrique centrale. Il effectuera de nombreux déplacements, notamment avec moi lors du cinquantième anniversaire des Indépendances, sur la demande du président Sarkozy.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à son épouse, à sa famille, à ses proches.

Je vous propose d'observer un instant de recueillement en hommage à nos deux anciens collègues. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres observent un moment de recueillement.)

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

conseil européen exceptionnel

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Europe est à un tournant critique de son histoire.

Cette nuit, devant le Congrès, Donald Trump a claironné que, « d'une manière ou d'une autre », il « aur[a] » le Groenland, territoire sous souveraineté d'un pays de l'Union européenne – d'une manière ou d'une autre…

De l'autre côté de l'Atlantique, l'ancien président intérimaire Dimitri Medvedev indiquait ce matin que la Russie devait infliger une défaite « maximale » à l'Ukraine.

C'est sans doute ce que Trump appelle « donner des signaux forts de paix ».

La vérité, mes chers collègues, c'est que Poutine ne s'arrêtera pas à l'Ukraine, pas plus qu'il ne s'est arrêté à la Crimée en 2014.

La nécessité de bâtir une défense européenne pour assurer la sécurité du continent doit donc maintenant être une évidence pour tous. Dans la douleur, tous les Européens en prennent conscience.

La France défend depuis toujours l'autonomie stratégique européenne.

Ursula von der Leyen a dévoilé des propositions d'ampleur, pour une montée en puissance militaire en urgence : 800 milliards d'euros pour permettre à l'Union européenne de s'équiper et de se préparer à la poursuite de conflits de haute intensité.

Demain aura lieu un Conseil européen exceptionnel sur ces questions, monsieur le ministre. La sécurité de notre continent passe par le soutien à la résistance ukrainienne.

Avec l'abandon de l'aide américaine, les Européens devront fournir des efforts encore plus importants que par le passé.

Pour se défendre, les États membres doivent se réarmer. Les domaines prioritaires sont identifiés : défense antiaérienne, missiles, artillerie, drones et antidrones.

Monsieur le ministre, ma question est très simple.

Comment pouvons-nous accélérer enfin pour aider efficacement l'Ukraine et pour que notre base industrielle de défense soit le socle de la défense européenne ? Très concrètement, quelle est la position que vous défendrez demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les déclarations provenant d'outre-Atlantique. Sur ces sujets, comme sur tous les autres, notre réponse est claire : les frontières de l'Union européenne ne sont pas négociables.

J'en viens plus spécifiquement au sujet de l'Ukraine. Les épisodes de ces derniers jours ont fait apparaître, de manière très éclatante – le Premier ministre l'a rappelé hier lors du débat organisé en application de l'article 50-1 de la Constitution –, la dépendance inacceptable de l'Ukraine et des Européens aux approvisionnements militaires en provenance des États-Unis et d'ailleurs.

Nous avons vécu pendant des décennies dans l'insouciance, acceptant progressivement que, dans la richesse nationale, la part de nos dépenses militaires baisse, au point d'être divisée par trois. Elle est en effet passée de 6 % à 7 % du PIB dans les années 1950 à moins de 2 % aujourd'hui.

Heureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis huit ans, sous l'impulsion du Président de la République, sous l'autorité du ministre des armées, vous avez adopté deux lois de programmation militaire nous permettant de revenir à un niveau qui se rapproche des 2 % du PIB et de réarmer notre pays. Il faut évidemment aller beaucoup plus loin.

C'est tout l'objet du Conseil européen extraordinaire qui se tiendra demain. Ce sera l'occasion de réaffirmer avec beaucoup de force que nous soutiendrons la résistance ukrainienne, qui est la première ligne de défense de l'Union européenne, et de nous accorder sur des moyens extraordinaires pour réarmer les pays européens.

La présidente de la Commission européenne a fait une proposition : 800 milliards d'euros mis à disposition des États membres pour se réarmer. Cela passe à la fois par un assouplissement des critères du pacte de stabilité et de croissance, par une nouvelle facilité pour que les pays européens puissent s'endetter jusqu'à hauteur de 150 milliards d'euros, par une repriorisation des fonds européens non utilisés aux fins de la sécurité de notre continent.

Tout cela converge vers la priorité française, vous l'avez dit, monsieur le sénateur, celle de l'autonomie stratégique que nous avons inlassablement réaffirmée depuis huit ans et à laquelle un certain nombre de nos partenaires européens, enfin, sont en train de se rallier. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

situation en ukraine (i)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Près de 64 % de nos concitoyens sont inquiets de l'évolution de la situation géopolitique depuis l'arrivée de l'administration Trump au pouvoir.

On les comprend. La loi du plus fort redevient l'épine dorsale de l'ordre international, d'un côté, sous la pression de l'impérialisme russe, de l'autre, par la monétisation de la valeur paix par Washington.

Monsieur le Premier ministre, vous avez tenu hier au Sénat des propos graves et responsables sur le changement brutal de la diplomatique américaine et ses conséquences sur le dossier ukrainien.

Au nom du RDSE, j'ai pour ma part rappelé notre souhait de voir maintenue l'aide française et européenne à l'Ukraine. Nous le devons aux Ukrainiens, qui se sacrifient depuis trois ans, mais c'est nécessaire aussi pour garantir notre propre sécurité.

J'ai également souligné combien la mise en œuvre d'une défense européenne crédible et concrète ne pouvait plus attendre. Nous serons attentifs aux conclusions du sommet européen extraordinaire de demain à Bruxelles.

En attendant, en tant que responsables politiques, nous devons tenir un langage de vérité. À ceux qui considèrent que ceux qui défendent la souveraineté stratégique et continuent à aider l'Ukraine seraient des va-t-en-guerre, je réponds : relisez les comptes rendus des débats parlementaires dans les années 1930 ! Ce sont les mêmes mots, les mêmes postures, les mêmes renoncements de la part des extrêmes. (Mme Sonia de La Provôté acquiesce.) On sait où cela nous a menés : à l'impréparation de notre pays et à sa capitulation face aux nazis.

Pour autant, nous ne pouvons pas seulement promettre à nos concitoyens, en particulier aux jeunes, une économie de guerre comme seul horizon. Il faut donner des signes d'espoir et d'apaisement.

Le Président de la République s'adressera ce soir aux Français qui attendent des réponses. Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, quels sont les moyens et les atouts de la France et de l'Union européenne pour forcer la place du Monde libre ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, GEST et SER. – Mmes Évelyne Perrot et Anne-Sophie Patru applaudissent également.)

M. Rachid Temal. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, au cours de votre intervention dans le cadre du débat portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe qui s'est tenu hier, vous avez à très juste titre souligné que le cap que nous devons arrêter est celui de l'autonomie stratégique.

Cette expression, qui peut sembler abstraite à certains, nous devons en faire une réalité. « Autonomie stratégique », cela signifie que nous pouvons nous défendre par nos propres forces sur notre propre décision ; c'est bien cela, l'autonomie.

Les Français comme les autres Européens découvrent en cet instant, dans les jours que nous vivons, à quel point la situation est profondément déstabilisée. Deux événements sont survenus.

D'une part, lors des récentes réunions de l'Organisation des Nations unies, qu'a évoquées hier le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour refuser que les résolutions des Nations unies fassent allusion à l'agression contre l'Ukraine. Je rappelle que la Fédération de Russie et les États-Unis d'Amérique sont deux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. C'est dire à quel point la situation est fragile.

D'autre part, l'autonomie stratégique n'est pas acquise. En effet, une disposition du droit américain prévoit que les équipements militaires ou les armes acquis auprès des États-Unis ne peuvent pas être déclenchés s'il y a un veto des États-Unis. Je rappelle que les deux tiers des armements au sein de l'Union européenne sont acquis auprès des États-Unis.

Avec le recul, on mesure bien la justesse des positions de la France, laquelle, depuis le général de Gaulle jusque dans les huit dernières années, a défendu sans cesse l'idée que l'armement des Européens devait être un armement européen,…

M. François Bayrou, Premier ministre. … ce à quoi beaucoup de nos partenaires européens ont renoncé.

Que peut-on faire, me direz-vous ?

M. François Bayrou, Premier ministre. Le plus important, c'est de convertir l'ensemble des décideurs européens à l'idée de relancer notre base industrielle et technologique de défense et de faire en sorte que chacun y participe.

Quelle est la clé du renversement de la position des décideurs européens ? C'est que l'opinion publique européenne prenne enfin pleinement conscience que notre destin se joue en Ukraine et que notre destin est entre nos mains. L'importance des programmes de réarmement, de remise à niveau et de retour de l'indépendance dont nous avons besoin sera enfin comprise. Merci de l'avoir rappelé au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et RDSE. – M. Cédric Perrin applaudit également.)

situation à la réunion (i)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim. Monsieur le ministre d'État, ministre chargé des outre-mer, je tiens, en mon nom et en celui de l'ensemble de mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à adresser nos pensées, nos condoléances et notre soutien aux familles des victimes du cyclone Garance. Je remercie également l'ensemble des élus locaux, des agents publics, mais aussi ceux du secteur privé et du secteur associatif, ainsi que les citoyens mobilisés depuis samedi, qui contribuent sans relâche, jour après jour pour, à ce que notre île se relève.

Avec le dérèglement climatique, les cyclones s'intensifient : Belal l'an dernier, Chido, Garance. Météo France indique que ses modèles robustes confirment que ceux-ci seront de plus en plus forts dans l'océan Indien.

En a-t-on tiré toutes les conséquences en termes d'adaptation ?

Voilà un an, après Belal, j'alertais déjà sur la nécessité d'amplifier l'enfouissement du réseau électrique. À quoi sert d'élaguer les branches, quand les arbres se couchent désormais chaque année sur les fils ? Quelque 30 000 foyers sont toujours sans électricité ce matin. Je remercie les équipes. Reste qu'il faudra que les 25 % du réseau de basse et moyenne tensions encore aériens fassent l'objet d'une réflexion si l'enfouissement n'est pas possible.

Quid du réseau d'eau ? Après Belal, le préfet a demandé aux fournisseurs d'eau de s'équiper de groupes électrogènes en cas de besoin. Ce n'est toujours pas le cas partout. Comment cela est-il possible dans une île où les dates de la saison cyclonique sont, hélas ! bien connues ?

Il y a aussi la question des normes. Selon l'Association des maires du département de la Réunion, dans l'est de l'île, 80 % des maisons dont le toit a été emporté ont été construites voilà moins de quinze ans.

Monsieur le ministre d'État, je vous remercie d'avoir lancé la procédure de catastrophe naturelle.

Pour aller plus loin, pouvez-vous vous engager à ce que le prochain Ciom (comité interministériel des outre-mer) permette de parfaire et d'anticiper les actions en amont, durant et après ces événements, mais aussi nos stratégies à court, moyen et long termes ? Il y va de la protection de nos populations ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Bélim, je le dis au nom du Gouvernement, comme nous l'avons fait hier, nous nous inclinons devant ces cinq vies, cinq vies emportées par ce cyclone, cinq vies de trop. Je m'associe à vos condoléances et réaffirme notre soutien aux familles des victimes, ainsi qu'à l'ensemble des Réunionnaises et des Réunionnais.

C'est vrai, la mobilisation sur le terrain est forte. Je le constaterai demain et vendredi, puisque je me rends à La Réunion à la demande du Premier ministre. Le ministre de l'intérieur a mobilisé l'ensemble des moyens. Pour autant, il faut mieux anticiper ces phénomènes.

Concernant le réseau électrique, je suis d'accord avec votre proposition. Un travail doit être mené avec Sidélec, le syndicat intercommunal d'électricité du département de la réunion, propriétaire du réseau, et EDF, pour améliorer l'enfouissement des réseaux ou envisager d'autres solutions pour sauvegarder son intégrité. Il faudra être beaucoup plus pragmatique et tenir compte des contraintes et des risques.

L'alimentation électrique a par ailleurs un impact sur l'eau potable. Elle doit être sécurisée. C'est pourquoi je souhaite que soit lancée une démarche de résilience de l'approvisionnement en eau pour faire face à la gestion des crises climatiques.

Enfin, la ministre chargée du logement et moi pouvons mieux analyser l'adéquation de la réglementation cyclonique avec la survenance de phénomènes de plus en plus violents ; nous en avons déjà parlé. Nous aborderons ce sujet lors de l'examen de votre proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer.

Il faut tirer toutes les leçons de ces changements climatiques et être capable de s'y adapter. C'est le sens du texte que vous avez déposé. Ce sujet sera évidemment au cœur du prochain comité interministériel des outre-mer, qui se tiendra dans quelques semaines.

situation en ukraine (ii)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Trois ans de guerre en Ukraine, c'est trois ans d'échec face à l'odieuse agression de Poutine : échec d'avoir cru à la guerre et à ses souffrances comme unique issue, échec d'une vision obsolète, celle d'un monde régenté par les États-Unis avec une Europe à leur remorque.

Malgré tout, votre adhésion à un atlantisme sous domination américaine perdure.

Le Gouvernement approuve-t-il le plan von der Leyen ? Il s'agit d'un tournant d'économie de guerre et de rationnement, à 800 milliards d'euros, c'est-à-dire d'une Europe politique de la défense, qui achète encore et toujours des armes américaines.

Acceptons-nous que nos armées soient placées sous le commandement d'un général américain obéissant à Trump (Marques de désapprobation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) ou songeons-nous enfin à sortir de l'Otan ?

Ce soir, devant les Français, le Président de la République fera-t-il le choix de l'escalade militaire ou celui d'un calendrier de la paix et de la sécurité collective ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, l'escalade, ce n'est pas celle des Européens ou des Ukrainiens. L'escalade, c'est celle de la Russie ! (Bravo ! et applaudissements sur l'ensemble des travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K.)

N'ayons aucune indulgence vis-à-vis de Vladimir Poutine, aucune : assassinat d'opposants politiques, déportation des enfants ukrainiens, crimes de guerre, asphyxie de sa propre économie et de son propre peuple,…

Mme Cécile Cukierman. Vous avez trente ans de retard !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … pilonnage des pays européens de désinformation. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Monsieur Savoldelli, est-ce que les Européens déportent les enfants de la Russie ? Est-ce que les Européens provoquent constamment, par une rhétorique nucléaire, la Russie de Vladimir Poutine ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

L'agresseur dans cette affaire, c'est la Russie de Vladimir Poutine. Il n'y en a pas d'autre !

Mme Cécile Cukierman. Est-ce qu'on a dit le contraire ? (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Le Premier ministre vient de le dire : la préférence européenne est une priorité française.

Certains pays européens ont mis du temps avant de se rallier à cette idée-là, mais tous ont pris pleinement conscience que les dépendances que nous avons accumulées vis-à-vis des États-Unis, que ce soit dans le domaine de l'armement comme dans d'autres secteurs, sont tout à fait inacceptables et compromettent notre indépendance.

Les 800 milliards d'euros de Mme von der Leyen, nous comptons bien en faire une opportunité historique du développement d'une base industrielle de défense européenne, de manière à être forts et indépendants.

Il faut que, dans le monde qui vient, nous puissions défendre nos intérêts et notre vision du monde, laquelle, contrairement à celle de Vladimir Poutine, repose sur le droit international et la justice. Nous ne parviendrons à imposer nos intérêts et notre vision du monde qu'en étant plus forts et plus indépendants.

Quant à la sortie de l'Otan, ce n'est ni notre politique ni notre objectif.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Notre objectif, c'est de nous emparer de l'Otan et, au moment où les États-Unis s'en désengagent, d'y développer nos capacités, notre stratégie et notre vision pour, en Européens, assurer notre propre sécurité. (Bravo ! et applaudissements sur l'ensemble des travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, votre réponse m'étonne.

M. Christian Cambon. Nous, c'est votre question !

M. Pascal Savoldelli. Elle est à la limite un peu haineuse et fausse. J'ai parlé de « l'odieuse agression de Poutine ». Je le redis ici : odieuse agression de Poutine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Je vous prie de m'excuser, si je n'avance pas, comme je l'ai entendu hier, d'éléments technocratiques, alors qu'il y a des dizaines et des dizaines de milliers de morts en Ukraine. Donc stop !

Il faut faire de la politique et assumer le débat démocratique. Que se passe-t-il aujourd'hui ? Les marchés applaudissent. Les profits s'envolent. Les commandes d'armes sont assurées par l'endettement public.

Les Français ne veulent pas de la guerre.

M. Emmanuel Capus. Personne ne veut de la guerre !

M. Pascal Savoldelli. Regardez la situation dans laquelle nous sommes !

Trump met 500 milliards de dollars de terres rares comme contrepartie à une éventuelle trêve. Et on s'alignerait sur une telle position ?

Il faut sortir du duo Trump-Poutine ! Les Ukrainiens n'auront ni la paix ni la souveraineté et notre sécurité ne sera pas plus garantie.

Le monde a changé, il est multipolaire. Il faut être aux côtés des Ukrainiens et des Européens pour de vraies négociations de paix dans un cadre multilatéral.

M. le président. C'est terminé !

M. Pascal Savoldelli. Pour notre part, nous proposons une conférence de paix, pas le bruit des armes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

avenir de l'autoroute a69

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Marie-Lise Housseau. Ma question s'adresse à M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

Le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'autorisation environnementale de l'A69, qui doit relier Castres à Toulouse, au motif que la « raison impérative d'intérêt public majeur » n'était pas prouvée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Pour les Tarnais que je représente avec mon collègue Philippe Folliot, c'est un véritable séisme et un immense désastre.

Le chantier s'arrête à moins de dix mois de la mise en service : 70 % des ouvrages d'art sont réalisés et plus de 300 millions d'euros ont été dépensés !

C'est un désastre social pour les 1 000 ouvriers qui se sont retrouvés sur le carreau du jour au lendemain.

C'est un désastre économique pour les entreprises.

C'est un désastre écologique et paysager pour les habitants. (Rires sur les travées du groupe GEST.)

C'est une cicatrice de 53 kilomètres – et les compensations environnementales ne seront jamais mises en place.

C'est un désastre politique, enfin, pour tous les élus, et un désastre financier pour l'État et le contribuable.

À court terme, que va devenir ce chantier ? Nous vous remercions d'avoir immédiatement annoncé faire appel du jugement et demandé un sursis à exécution, mais quelles sont les chances de reprise du chantier, et avec quel calendrier ?

À plus long terme, ce jugement pourrait faire jurisprudence. C'est une véritable épée de Damoclès qui est désormais suspendue au-dessus de tous les futurs projets d'infrastructures, petits et grands. N'y a-t-il pas urgence à faire évoluer la loi pour éviter que notre pays ne se retrouve définitivement sous cloche ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Xavier Iacovelli et Rachid Temal applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, je vais rappeler la position du Gouvernement dans ce dossier qui suscite de vives réactions – et c'est un euphémisme !

Contrairement à ce qui a pu être hurlé hier par certains à l'Assemblée nationale, je ne remets nullement en cause l'indépendance de la justice ni sa décision. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.) En tant que ministre de la République, je respecte pleinement l'État de droit. Mais respecter l'État de droit, ce n'est pas se résigner à l'insensé et à la situation des 1 000 personnes qui, comme vous l'avez dit, madame la sénatrice, se retrouvent sans travail du jour au lendemain. C'est aussi avoir le courage de dire quand une situation devient absurde.

L'A69 est un projet porté par un territoire tout entier, qui se bat depuis trois décennies pour son désenclavement. La région Occitanie, le département du Tarn, les collectivités locales et les entreprises l'attendent désespérément. Comment ne pas être stupéfait ? Comment comprendre qu'un projet déclaré d'utilité publique, ayant fait l'objet de six recours déjà rejetés, dont les autorisations environnementales avaient été validées et dont les travaux sont avancés à 70 %, comme vous l'avez dit, puisse se retrouver brutalement à l'arrêt ?

M. Philippe Folliot. C'est scandaleux !

M. Philippe Tabarot, ministre. Face à cette situation, bien sûr que l'État fera appel ! Nous demanderons rapidement un sursis à exécution. Notre détermination est intacte : les travaux doivent reprendre au plus vite.

Mais cette situation révèle, vous l'avez dit également, un mal profond, l'empilement des procédures, qui paralyse notre action publique. Ce qui arrive à l'A69 aujourd'hui menace tous nos projets de demain, qu'il s'agisse de sécuriser vos routes ou de moderniser vos réseaux ferroviaires.

Le droit environnemental est essentiel, sauf quand il devient un instrument d'obstruction systématique. (Protestations sur les travées du groupe GEST. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)

C'est pourquoi nous allons travailler à des réformes avec le Parlement, pour simplifier nos procédures sans renoncer à nos exigences environnementales.

M. Yannick Jadot. Alors, supprimez le droit !

M. Philippe Tabarot, ministre. L'État de droit doit être le garant de la sécurité juridique des projets d'intérêt général, mais pas leur fossoyeur ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour la réplique.

Mme Marie-Lise Housseau. Merci de votre réponse, monsieur le ministre, mais il est impératif de mieux définir ce qu'est la raison impérative d'intérêt public majeur. Cela ne doit pas rester une notion subjective laissée à l'appréciation des seuls juges. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Sinon, il faudra écrire dans la loi que l'A69 est d'intérêt public majeur ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

respect de la réglementation dans le cadre de la fermeture des usines michelin de cholet et vannes

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Grégory Blanc. Madame la ministre, l'inspection du travail reconnaît dans ses rapports l'état de détresse psychologique des salariés des usines Michelin de Cholet et de Vannes. Certains d'entre eux évoquent même le suicide.

Après l'annonce de fermeture, d'une brutalité inouïe, la seule chose que l'entreprise dit à ses salariés, aujourd'hui, c'est : « Continuez de produire à cadences soutenues ! Mais vous aurez à peine plus qu'à La Roche-sur-Yon, il y a six ans, avant les bénéfices records, avant le choc d'inflation. »

Michelin vient de réaliser, en 2024, un résultat opérationnel de 3,4 milliards d'euros. Et il refuse de lâcher quelques millions d'euros pour reconnaître le travail d'une vie, assurer, malgré le licenciement, que la maison sera bien payée. En français, cela porte un nom : bien plus que du mépris, c'est de la maltraitance !

Madame la ministre, il y aurait bien des questions à vous poser sur l'échec des politiques industrielles du Gouvernement. Les syndicats de Michelin alertent déjà sur la situation à Montceau-les-Mines et à Troyes.

En ce moment même, le cinquième et dernier round de négociation se conclut à Clermont-Ferrand. L'urgence est donc pour nous de connaître la position du Gouvernement.

J'ai donc deux questions simples. D'abord, en droit, licencier pour raisons économiques quand l'entreprise réalise des bénéfices records est illégal. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que la loi soit appliquée ?

Ensuite, j'ai en main le procès-verbal d'une réunion tenue en janvier chez Michelin ; l'entreprise y évoque le démantèlement des machines qui vont être délocalisées. Michelin ne respecte donc pas la loi de 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi Florange. Comment comptez-vous sanctionner ce comportement, et récupérer les aides versées à cette entreprise ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Grégory Blanc, l'annonce du départ de Michelin de Cholet, dans votre département, a été un choc, comme à Vannes. Ce fut un choc pour les salariés, pour leurs familles et pour ces villes tout entières.

La priorité du Gouvernement est bien celle de la loi : la continuité professionnelle et salariale des salariés, la continuité économique pour les territoires. L'État ne décide pas d'un plan social. En revanche, il joue un rôle crucial pour s'assurer que tout soit fait pour la sauvegarde de l'emploi, par un repreneur ou au travers de la revitalisation des territoires, et il prend toute sa part dans cette démarche. La loi Florange, notamment, que vous avez citée, impose de chercher un repreneur pendant la durée de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Dans le cas précis de Michelin, tous les moyens sont mis en œuvre pour cette sauvegarde de l'emploi. Je rappelle tout de même que l'entreprise a prévu 300 millions d'euros pour la reconversion des salariés. (M. Fabien Gay s'exclame.) On aimerait que toutes les entreprises qui déposent des plans sociaux fassent le même effort. C'est absolument impossible, hélas, pour les sous-traitants. L'entreprise Michelin s'est engagée à créer un emploi dans le territoire pour chaque emploi supprimé. Elle participe à la recherche d'un repreneur, comme elle l'a fait par le passé.

Le Gouvernement s'active aussi pour aider à la recherche d'un repreneur : c'est le rôle du réseau des commissaires aux restructurations économiques. Nous travaillons avec le cabinet qui a été mandaté par Michelin et les administrations centrales pour faciliter l'identification de ces repreneurs.

Plus largement, France Travail se tient aux côtés des salariés pour élargir l'offre qui leur est proposée. Mais nous devons travailler avec les partenaires sociaux à la simplification drastique des dispositifs de reconversion qui, entre l'individuel, le collectif, l'interne, l'externe, sont aujourd'hui beaucoup trop compliqués. C'est pour nous une priorité.

Enfin, nous devons préserver la compétitivité de nos entreprises. L'audition au Sénat du directeur général de Michelin a eu beaucoup de retentissement.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Elle a montré les structures de coût qui pèsent plus en France que dans des pays comme le Canada ou l'Allemagne. Si nous voulons préserver notre patrimoine industriel, nous devons traiter ce problème. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour la réplique.

M. Grégory Blanc. Madame la ministre, quand Michelin délocalise les machines, c'est illégal. Comment comptez-vous faire respecter la loi ?

En 2024 encore, c'est-à-dire il y a quelques semaines, Michelin faisait alterner dans ses usines temps de travail à plein régime et chômage partiel. C'est nous tous qui payons le chômage partiel… En 2024, Michelin touchait encore des aides à l'emploi. Je demande que le Gouvernement agisse. Les 1 200 familles de Cholet et de Vannes vous regardent. Pour qu'un gouvernement dure, il faut aussi poser des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

situation internationale

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, permettez-moi d'abord, au nom du groupe Les Républicains, mais aussi au nom de tout le Sénat, de réaffirmer notre solidarité avec le peuple ukrainien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)

Ma question, monsieur le ministre, est d'un autre ordre. N'avez-vous pas le sentiment que ce qui se passe en Ukraine est le révélateur de la fin d'un système international fondé en 1945 sur deux valeurs, la démocratie et la liberté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Vous avez quatre heures ! (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Il n'a rien dit sur Poutine…

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, merci pour votre excellente question, à laquelle je tâcherai de répondre en quelques minutes…

M. le président. Deux ! (Sourires.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Nous ne savons pas très bien ce que l'avenir nous réserve. Vous avez raison – et le Premier ministre l'a rappelé à la tribune du Sénat comme il l'avait fait à la tribune de l'Assemblée nationale –, nous assistons au réveil des logiques d'empires qui, ne reconnaissant pas les frontières, foulent aux pieds l'ordre international fondé sur le droit que nous avons contribué à bâtir sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale.

Le Premier ministre rappelait lundi, devant l'Assemblée nationale, les premiers mots de la Charte des Nations unies. Ceux-ci rappellent que l'ONU a été fondée pour écarter le risque de la guerre, sur le principe simple du respect de l'intangibilité des frontières.

Nous voyons ces logiques d'empires se déployer sous différentes formes ici et là, et nous retrouvons dans les déclarations de la nouvelle administration américaine les germes de cet impérialisme que l'ONU avait réussi à contenir.

Mme Cécile Cukierman. Ils ne peuvent pas nous sauver, alors ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Soyons clairs : dans un moment comme celui-ci, nous pouvons nous détourner de cet héritage, de cette construction dont nous sommes les dépositaires, considérant que, à notre tour, nous devons entrer dans ces logiques d'empire. Mais nous ne le ferons pas, car nous considérons que seuls le droit et la justice peuvent garantir à la communauté internationale une paix durable. Les logiques d'empires, dans lesquels certains voudraient nous entraîner, nous mèneraient un jour ou l'autre dans des guerres que nous n'aurons pas choisies.

Mais pour défendre nos intérêts, les intérêts de la France et notre vision du monde qui repose sur le droit international et la justice, nous n'aurons pas d'autre choix que d'être beaucoup plus forts et beaucoup plus indépendants. Si nous restons dans la situation de vassalisation et d'asservissement dans laquelle nous nous sommes laissés enfermer, nous laisserons inévitablement les empires dicter la loi à l'échelle internationale, et nous n'aurons plus voix au chapitre.

C'est pourquoi le moment que nous vivons est si important. En renforçant l'Europe et en renforçant la France, nous avons l'occasion, le choix – et quand il y a un choix, il y a encore de l'espoir, comme disait le Premier ministre. Nous pourrons alors infléchir le cours des choses et faire entendre notre voix. Nous allons à présent entendre la vôtre, monsieur Karoutchi… (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je n'avais pas l'intention de vous entraîner dans une logique d'empire…

En revanche, je m'interroge sur le fonctionnement de l'ONU, vous savez, cette organisation qui est censée assurer la paix dans le monde. Où était-elle lors de la crise entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ? Où est-elle pour les Kurdes ? Pour les chrétiens d'Orient ? Quel jeu ambigu a-t-elle joué au Proche-Orient depuis des années ?

L'ONU a changé de nature. Elle a été fondée essentiellement par des États démocratiques. Or, comme je le rappelais hier avec Cédric Perrin devant la commission des affaires étrangères, les États démocratiques ne sont plus majoritaires dans le monde. Ce qui revient à dire qu'il n'y a plus une majorité d'États démocratiques à l'ONU. Nous sommes dans un système fou, qui dérape, déraille.

Si nous ne voulons pas que se reproduisent des situations à l'ukrainienne, nous devons donc réformer profondément le fonctionnement de l'ONU. Sinon, cela ira de mal en pis. Puis, très clairement, l'Europe et l'Occident doivent se réarmer moralement, militairement, pour être en état de faire face. La France, notamment, a un rôle éminent à jouer. Ne nous laissons pas engluer dans des organisations internationales qui ne jouent plus le leur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et RDSE.)

crise de l'eau en guadeloupe

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Solanges Nadille. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer. Permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée pour nos amis de la Réunion, après le passage du cyclone Garance, qui a fait cinq morts, de nombreux blessés et d'importants dégâts.

Monsieur le ministre d'État, vous le savez, des coupures d'eau régulières impactent considérablement la vie des Guadeloupéens. Il y a trois semaines, les agents du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe ont entamé une grève, qui s'est poursuivie par un conflit autour du paiement des jours de grève.

Ces actions ont touché l'ensemble des communes de la Guadeloupe et privé d'eau la moitié de la population au plus fort de la crise. En plus des conséquences humaines et sanitaires, l'effet est dramatique pour l'économie locale. L'eau est indispensable à de nombreux secteurs d'activité tels que l'agroalimentaire, le tourisme, l'éducation ou encore le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP). Chaque jour de restrictions menace directement l'activité des entreprises et l'emploi de milliers de Guadeloupéens.

Si l'exercice du droit de grève est légitime, il est inacceptable de prendre en otage les habitants en les privant d'accès à l'eau. Je salue le travail des collectivités territoriales de Guadeloupe, qui poursuivent les investissements destinés à fiabiliser et moderniser les infrastructures de production et de distribution d'eau potable.

Au-delà du seul cas de la Guadeloupe, d'autres territoires ultramarins font également face à des difficultés de gouvernance, des manques en capacités techniques et des fragilités financières, qui impactent la qualité et la continuité du service public de l'eau.

Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) tenu en juillet 2023 avait acté le renforcement du plan Eau DOM. Monsieur le ministre d'État, où en sommes-nous, et quelle est votre feuille de route sur le sujet ? Le dossier de l'accès à l'eau est prioritaire et devra être central lors du prochain Ciom. Il n'est plus possible que, en 2025, sur le territoire de la République, nos concitoyens n'aient pas un accès continu à l'eau potable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Solanges Nadille, vous avez raison, les questions d'eau doivent nous préoccuper, nous mobiliser, dans les territoires ultramarins en général, et notamment en Guadeloupe. Elles sont au cœur des mesures nouvelles du plan que vous avez évoqué, et devront figurer parmi les priorités du prochain Ciom.

Vous évoquez la situation du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe. J'ai suivi de près le mouvement de grève survenu il y a trois semaines. Il a effectivement donné lieu à des dégradations volontaires, qui ont privé d'eau jusqu'à 112 000 habitants, soit 30 % de la population. Je condamne fermement ces méthodes irresponsables. Les auteurs de ces actes de malveillance doivent être identifiés et poursuivis par la justice. Je salue les agents non grévistes qui ont relancé les sites de production grâce à la sécurisation assurée par les forces de l'ordre.

Ce syndicat mixte fait l'objet d'un contrat d'accompagnement renforcé depuis 2023. L'État se tient à ses côtés en apportant un soutien financier et technique. Les élus ont décidé d'exercer pleinement leur responsabilité et j'attends que chacun joue pleinement son rôle. C'est vital pour les Guadeloupéens.

Attentat de mulhouse et sécurité des français

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, il y a une semaine environ, un homme mourrait à Mulhouse, poignardé. Un autre homme était interpellé. C'est un étranger en situation irrégulière, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Vous nous avez dit vous-même que vos services avaient essayé à plusieurs reprises de procéder à son expulsion, mais que l'Algérie, son pays d'origine, avait refusé de le reprendre sur son sol.

C'est un fait divers, peut-être, mais c'est un fait divers qui se reproduit si souvent que cela devient un phénomène qui attente à la sécurité des Français – notamment, je veux le dire, dans le cadre de nos relations avec l'Algérie. (Murmures sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.) Dans ces conditions, monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice Muriel Jourda, une évidence, d'abord : à Mulhouse, si l'Algérie avait respecté le droit, nos accords, ses obligations, il n'y aurait pas eu d'attentat islamiste ni de victimes.

Une certitude, ensuite : on peut avoir des approches différentes, il peut exister des nuances dans la vision de la relation spéciale entre nos deux pays, mais s'il y a bien un point, un élément sur lequel nous pouvons nous retrouver et sur lequel nous devons être intransigeants, c'est la sécurité de nos compatriotes. Je suis ministre de l'intérieur et la sécurité, c'est ma priorité.

Les centres de rétention administrative (CRA) regroupent les individus que nous souhaitons éloigner et dont les profils sont les plus dangereux. Eh bien, 43 % de ceux qui sont retenus dans les CRA sont de nationalité algérienne. Ils sont libérés au bout de 90 jours. Que faire si nous n'obtenons pas de laissez-passer consulaires de l'Algérie ?

Le Premier ministre a présidé il y a quelques jours un comité interministériel de contrôle de l'immigration. Ce fut l'occasion de prévoir une réponse graduée vis-à-vis des autorités algériennes. Il ne faut rien écarter. Je crois, pour ma part, que nous devons discuter de l'accord de 1968. En effet, celui-ci procure des avantages qui ne sont plus justifiés aujourd'hui, notamment lorsque l'Algérie ne respecte pas elle-même, de son propre fait, l'accord de 1994.

Il faut protéger les Français, tous les Français, y compris Boualem Sansal. Il lui est reproché d'avoir choisi un avocat français juif ! C'est ce que lui ont dit ses geôliers. Que lui reproche-t-on ? D'être amoureux de la langue française ? De trop aimer la France ? On veut le faire taire ? Eh bien, je vous le dis, nous, nous ne nous tairons pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. Merci, monsieur le ministre. La sécurité, c'est ce que l'État nous doit, c'est ce qu'il doit à chaque citoyen français. Je crois que chacun en est convaincu ici.

Vous démontrez aussi que vous en êtes convaincu et que vous savez comment renforcer la sécurité des Français. Puissiez-vous en convaincre le Président de la République comme vous en avez convaincu le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation en ukraine et capacités militaires

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Georges Berthoin, à qui l'histoire offrit un destin européen aux côtés de Jean Monnet, et que je voulais évoquer en ces heures sombres, fut associé à la rédaction du traité créant la Communauté européenne de défense (CED), une sorte de plan Schuman élargi. Il reconnut ultérieurement qu'il était heureux que ce projet n'ait pas abouti en l'état, car, si le volet militaire était prêt – et l'on parlait tout de même d'une armée intégrée de plus de 500 000 hommes –, il n'en allait pas de même du volet politique.

Je crains, monsieur le ministre, que ce ne soit aujourd'hui l'inverse. Les conclusions du sommet de Londres et celles du Conseil européen qui se tiendra demain à Bruxelles devraient acter l'existence d'une volonté politique servie par des organes – ceux de l'Union européenne et de l'Otan – susceptibles de donner corps au projet d'une défense européenne.

Reste néanmoins le volet militaire. Plus de 80 % des budgets militaires des États membres de l'Union sont consacrés à l'acquisition d'équipements extra-européens. Alors que les États-Unis fournissent 63 % des commandes de l'Union européenne, l'industrie européenne de défense souffre de faiblesses structurelles majeures, comme nous le savons. Parmi les entreprises les plus importantes en Europe, une seule figure parmi les dix premières mondiales – encore est-elle britannique, et donc hors de l'Union européenne.

Quant aux coûts de production, il est de notoriété publique qu'un char coréen K2 Black Panther coûte trois fois moins cher qu'un Leopard 2A allemand.

La présidente de la Commission européenne évoque des investissements de 800 milliards d'euros sur quatre ans. À qui ces sommes vont-elles bénéficier ? Il y a urgence à apporter le soutien promis à l'Ukraine dans le contexte d'un possible retrait américain d'Europe, à la fois humain et matériel.

Faute de disposer des chaînes de montage et des personnels nécessaires – car doubler le budget des armées sans augmenter leurs ressources humaines n'aurait aucun sens – auprès de qui l'Union européenne va-t-elle acheter les matériels nécessaires dans les mois à venir ? À Israël, à la Turquie ou à la Corée du Sud ? (M. Philippe Folliot applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Madame la sénatrice, pour entrer dans la mêlée de cette réponse, dans la continuité du débat que nous avons eu hier, je rappellerai que, en quatre ou cinq ans seulement, la part des ventes d'armes françaises effectuées en Europe a largement augmenté. Il y a dix ans, elle était de moins de 10 %. En 2024, son volume a dépassé 10 milliards d'euros, sur un total de 18 milliards d'euros d'exportations. Certes, les sous-marins, les Rafales représentent une large part de cette somme. Mais la situation politique en Corée du Sud, par exemple, n'a pas spécialement rassuré plusieurs capitales européennes. Et les lignes de production américaines ne sont pas complètement passées en économie de guerre. D'ailleurs, les choses sont désormais claires, le réarmement américain bénéficiera avant tout à l'armée américaine, qui se prépare à d'autres schémas de tension, notamment dans le Pacifique Nord.

Ce n'est même plus une affaire de choix, d'ailleurs. Si les capitales européennes veulent vraiment se réarmer, elles vont bien être obligées, sauf à mentir à leur population, de faire des achats au sein de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE).

En ce qui nous concerne, je ne serai pas aussi catégorique que vous lorsque vous dites que l'accroissement du format va forcément de pair avec une augmentation des ressources humaines. Nous avons tellement diminué le capacitaire tout en préservant – heureusement – les ressources humaines que nous avons avant tout un effort important à faire sur ce dernier.

L'exemple des munitions, à mon avis, est parlant. Pour les munitions simples, l'aide à l'Ukraine nous a appris à reprendre du muscle, notamment sur les obus de 155 millimètres. Le vrai segment critique sera constitué par les munitions complexes : missiles de défense sol-air, missiles de frappe dans la profondeur, comme le missile Aster 30 B1NT. Nous allons continuer à remonter en puissance.

Un chiffre montre que l'économie de guerre fonctionne : entre 2026 et 2030, l'industrie française pourra absorber 7 milliards d'euros de commandes nouvelles passées en matière de munitions, soit pour nous-mêmes, soit pour de l'export. Les effets de l'économie de guerre se font sentir. Il faut que les commandes suivent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Merci pour ces précisions, monsieur le ministre. Les chiffres que vous dévoilez sont très importants. Ils sont rassurants, à défaut d'être suffisants. Nos amis ukrainiens n'ont pas le temps d'attendre – et nous non plus. (M. Rachid Temal applaudit.)

zéro artificialisation nette

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guislain Cambier applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et portera, monsieur le ministre, sur le zéro artificialisation nette (ZAN) : quatre ans d'incompréhension et parfois de discorde, quatre ans que les maires entendent parler de ce sujet, quatre ans que le Sénat se bat. À mes côtés dans ce combat, je citerai Guislain Cambier, Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer, Hervé Maurey… et il y en a tant d'autres, sur toutes les travées ! Le Sénat se bat pour contrecarrer une logique planificatrice et dirigiste imposée par les gouvernements successifs. Voilà quatre ans que nous essayons de concilier la sobriété foncière avec un vrai accompagnement des élus.

Aujourd'hui, nous ressentons une forme de lassitude. Nous avons en effet eu connaissance la semaine dernière d'une note provenant de Matignon et laissant à penser que l'État reviendrait une fois de plus sur sa parole…

M. Jean-François Husson. Impossible ! (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Il veut maintenir des industries dans les territoires, mais il refuse de prendre à son compte la consommation foncière qui en résulte. L'État se dit aux côtés des maires, mais ne fait rien pour que les préfets tiennent compte de la loi votée au Parlement. Les exemples sont nombreux… L'État prétend territorialiser, mais il entend maintenir une date couperet en 2034 pour l'application du ZAN à toutes les communes. L'État veut davantage de logements sociaux, mais il continue à priver les communes de leur pouvoir foncier.

Ma question est simple, monsieur le ministre : pouvons-nous enfin vous faire confiance, à la veille d'une discussion sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace) ? On trace, ou on ne trace pas ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Blanc, je vous remercie pour votre question. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger et nous allons continuer à tracer notre chemin ensemble, si vous en êtes d'accord.

Dès la semaine prochaine d'ailleurs, nous aurons l'occasion d'échanger lors de l'examen de cette proposition de loi, déposée par vous-même et le sénateur Cambier. Dès le début – c'est une habitude dans notre pays –, le choix a été fait d'une procédure descendante, sans s'interroger sur ce qui se passait au niveau des territoires. Pour ma part, je considère qu'il faut partir des territoires pour arriver à une proposition ascendante, dans le bon sens. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

C'est ce que nous faisons en essayant d'assouplir ce texte, comme vous le savez, afin de tenir compte des remarques des uns et des autres. Pour autant, l'objectif de sobriété foncière est au cœur de tous les élus de chaque territoire.

Cela fait d'ailleurs longtemps que nos élus de terrain, en particulier les maires, ont ce souci écologique : préserver leur territoire d'une trop grande artificialisation.

Je regarde les amendements qui ont été déposés. J'ai moi-même proposé d'alléger le dispositif et de décaler l'échéance, en prenant l'année 2024, et non plus 2021, comme point de départ de la période de référence.

Entre 2021 et 2024, il y a eu beaucoup de confusion. Certaines régions ont mis en place des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), tandis que d'autres – vous le savez – ne l'ont pas fait. La situation est donc assez complexe.

Je propose de maintenir une mesure de vérification à l'issue d'une période de dix ans – je sais que vous n'y êtes pas favorables (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) –, mais celle-ci n'interviendrait qu'en 2034, la période de référence débutant en 2024.

Je sais que vous et tous les maires de France partagez le même objectif : lutter pour la sobriété foncière ! (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Blanc. Dont acte, monsieur le ministre : nous avons la même vision sur le sujet.

Mais j'espère que c'est bien vous, et pas votre administration, qui l'emporterez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Car ce qui ressort des travaux et des échanges sur le sujet nous inquiète un peu.

Certes, nous avons un objectif à atteindre. À cet égard, je remercie Matignon d'avoir demandé à Bercy de nous aider à chiffrer nos propositions financières et fiscales en la matière.

Car, au Sénat, nous travaillons déjà sur les outils et sur l'accompagnement financier et fiscal. D'où l'importance de voter la proposition de loi Trace ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)

baisse du tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Madame la ministre, le Gouvernement a évoqué le 20 janvier dernier au Sénat, lors de l'examen du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), son intention de rationaliser le soutien aux énergies renouvelables, notamment vers les installations les plus efficaces concernant le photovoltaïque.

Depuis, un projet de révision de l'arrêté tarifaire nous alerte. Il pénaliserait de nombreuses initiatives locales citoyennes œuvrant de longue date, en cohérence avec leur localisation, en faveur de la promotion des énergies renouvelables, en particulier le solaire.

Même si je comprends la nécessité de réduire la dépense publique, ce changement abrupt de cap heurte de plein fouet des initiatives vertueuses, la lisibilité des règles, ainsi que la stabilité des modèles économiques. Pourtant, s'appuyer sur les projets citoyens est un levier formidable pour éviter les oppositions locales ! (M. Jacques Fernique applaudit.)

Nos voisins européens, plus pragmatiques, l'ont bien compris. En Allemagne, plus de 40 % d'énergies renouvelables sont détenues par les citoyens et agriculteurs. Aux Pays-Bas, il y a 500 coopératives énergétiques locales. Avec notre dérisoire 1 %, nous faisons figure de mauvais élève de l'Europe pour le photovoltaïque.

La suppression du soutien au segment 100 kilowatts-crête à 500 kilowatts-crête, qui constitue aujourd'hui un moteur de croissance du solaire en France, indispensable à la réussite de la décarbonation de l'énergie dans les territoires, risque d'aggraver notre retard, mais également d'exposer le pays à des sanctions financières à l'échelon européen.

Madame la ministre, une telle décision n'entre-t-elle pas directement en contradiction avec nos objectifs nationaux de décarbonation ? En conséquence, allez-vous revenir dessus ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Claude Kern, j'ai trois éléments de réponse à vous apporter.

Premièrement, je rappelle que l'État soutient depuis de nombreuses années le photovoltaïque sur les toitures. Le succès du dispositif de soutien proposé depuis le mois d'octobre 2021 dans le cadre de l'arrêté tarifaire dont vous avez fait mention en atteste. Au mois de janvier dernier, nous avons atteint près d'un gigawatt de demandes de contrat sur le segment que vous avez évoqué, en l'occurrence 100 kilowatts-crête à 500 kilowatts-crête. C'est déjà la moitié de l'objectif annuel. Il y a eu un véritable emballement.

M. Yannick Jadot. Cela s'appelle un succès !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cela nous conduit à ajuster le soutien de l'État.

La production d'électricité doit être ajustée à la consommation. Il ne sert à rien de produire ce qui ne peut pas être consommé. Les prix négatifs en sont une illustration.

Deuxièmement, la filière ne partage pas votre sentiment quant à la brutalité supposée de la décision qui a été prise. Il y a au contraire eu beaucoup de concertation. D'ailleurs, comme nous l'ont confirmé les acteurs concernés, le tarif qui sera proposé au prochain trimestre, en l'occurrence 95 euros le mégawattheure, est compatible avec le développement du photovoltaïque.

Troisièmement, la filière a elle-même proposé des solutions de rechange à la baisse des tarifs de rachat pour atteindre nos objectifs. Pour les installations du segment que vous évoquez, un appel d'offres simplifié permettrait de contrôler le volume soutenu avec un tarif viable économiquement pour les projets.

Les discussions sont en cours. Elles se poursuivront demain au sein du Conseil supérieur de l'énergie. Nous continuerons de dialoguer avec les acteurs de la filière, afin que le développement du photovoltaïque, auquel nous sommes très attachés, soit compatible avec les besoins énergétiques du pays. Je suis certaine que vous partagez cet objectif.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Madame la ministre, n'oubliez pas que de nombreux comités de citoyens se sont créés. Or, au train où vont les choses, beaucoup de projets en cours risquent malheureusement d'être abandonnés. Puissent les discussions auxquelles vous faites référence aller dans le bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.)

situation à la réunion (ii)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Viviane Malet. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

Cinq personnes ont perdu la vie après le passage du cyclone Garance. J'adresse ici tout mon soutien et celui de mon groupe à leurs familles. Des centaines de familles réunionnaises sont sinistrées ; je souhaite leur exprimer ma solidarité. Je tiens également à saluer l'action de nos élus, de nos pompiers, de nos soignants et des agents des services publics ou privés, ainsi que de l'État, qui sont venus en aide à l'ensemble de la population dans ces circonstances tragiques.

Après la dévastation de l'archipel mahorais, c'est La Réunion qui a été à son tour durement éprouvée ce 28 février, avec des vents dévastateurs de plus de 200 kilomètres-heure et des pluies diluviennes. Avec la chute de 21 pylônes de très haute tension, cette catastrophe majeure a privé des familles de toit et a endommagé de nombreuses habitations. À l'heure actuelle, 40 000 foyers sont sans électricité, et 30 000 sont privés d'eau. Des pans entiers de l'économie locale sont touchés ; des commerces, des entreprises et des bâtiments publics sont fortement endommagés.

Nos agriculteurs voient leur production totalement détruite, alors qu'ils se relevaient à peine du cyclone Belal de 2024, pour lequel les aides tardent à être versées.

Le centre hospitalier universitaire (CHU) a été inondé, ce qui complique considérablement la prise en charge des patients, alors même que les risques sanitaires post-cycloniques sont connus et peuvent entraîner des épidémies.

Monsieur le ministre, à compter de demain, vous vous rendez sur l'île. Face à une situation aussi dramatique, allez-vous annoncer, outre la mobilisation du fonds Barnier, la déclaration de l'état de catastrophe naturelle et de calamité agricole, des mesures exceptionnelles pour venir en aide aux familles réunionnaises sinistrées, pour alléger les charges de nos entreprises et pour accompagner nos collectivités, dont les budgets sont déjà contraints ? Allez-vous préconiser des dispositifs concrets de prévention des risques face aux phénomènes climatiques, afin d'anticiper de telles crises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Malet, vous avez eu raison de rappeler la mobilisation de tous.

Depuis la levée de l'alerte rouge samedi matin, les services de l'État et les collectivités sont pleinement mobilisés pour venir en aide à la population, réparer les premiers dégâts et rétablir la situation.

Les effectifs engagés sont particulièrement importants. Ainsi, 900 personnels des forces de sécurité et 245 personnels de secours, dont 188 sont venus en renfort, ont été mobilisés. En outre, à la demande du ministre de l'intérieur, 100 personnels de la sécurité civile ont rejoint l'île hier.

Je suis très attentif à la restauration – j'en ai parlé tout à l'heure – de l'accès à l'électricité, à l'eau potable et aux réseaux de télécommunications sur l'ensemble de l'île.

Je me rends dès ce soir à La Réunion, afin d'être aux côtés de la population éprouvée, des élus locaux et de l'ensemble des équipes de secours. Nous ferons un état des lieux précis des actions prioritaires pour soutenir les habitants sinistrés de l'île et permettre la reconstruction.

La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, à laquelle vous avez fait référence, est enclenchée. Elle devrait aboutir en urgence cette semaine.

La situation des agriculteurs qui voient leur travail et leur production anéantis par le cyclone Garance doit être examinée avec attention et rapidité. Les travaux de la direction de l'alimentation de l'agriculture et de la forêt (Daaf) et du préfet en vue de la reconnaissance de calamité agricole ont déjà commencé.

D'une manière générale, tous les dossiers devront être traités dans les délais les plus brefs. Surtout, les indemnisations devront être versées rapidement. J'y veillerai.

J'aurai sur place l'occasion de compléter ces annonces au regard de ce que je pourrais constater avec l'ensemble des professionnels. J'espère que nous pourrons répondre le plus vite possible aux attentes – elles sont fortes – de nos compatriotes réunionnais.

fusillade en avignon

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Lucien Stanzione. Avignon mitraillée ! Avignon meurtrie ! Avignon terrorisée !

Ce dimanche, à dix-sept heures, dans la Cité des papes, une nouvelle fusillade a éclaté. Deux semaines plus tôt, dans le quartier Saint-Chamand, il y avait eu un homme abattu et cinq blessés graves. C'est une mécanique implacable qui broie des vies !

Comment ne pas penser au capitaine de police Éric Masson, assassiné en pleine ville sur un point de deal ?

Trois ans après, la situation a empiré. La violence et les deuils se multiplient. Les habitants vivent sous tension. La peur paralyse. Aujourd'hui, les transports en commun sont bloqués dans tous ces quartiers. La délinquance est là, s'affirme et s'étale.

Je pourrais évoquer Grenoble, Dijon, etc. On brûle des bibliothèques en représailles contre l'action des pouvoirs publics. À Avignon, ce sont des tirs pour intimider, des règlements de comptes pour contrôler. En 2024, il y a eu six « narchomicides », soit deux fois plus qu'en 2023. Les guerres de territoires s'intensifient.

Vous avez intégré Avignon au dispositif Villes de sécurité renforcée, comme Grenoble, Rennes et d'autres. Je veux ici saluer cette décision.

Il faut tirer les leçons des échecs passés. Votre prédécesseur, Gérald Darmanin, enchaînait des opérations spectaculaires pour faire « place nette ». Mais une place nette sans projet, c'est une place vide, qui devient perdue pour notre République !

Saint-Chamand, Monclar, La Rocade… Dix ans de violence ! Combien de services publics, de centres sociaux et d'associations laissés à l'abandon ? Quand on abandonne un quartier, il se remplit d'autres lois que celles de notre République.

Il faut un État qui protège, une police formée et dotée de moyens réels, une justice efficace et juste.

Je veux ici saluer le travail du préfet Thierry Suquet et celui des forces de l'ordre et des acteurs de terrain emmenés par la maire Cécile Helle, qui, avec des moyens contraints, tentent de ralentir une telle spirale.

Quels moyens durables et pérennes comptez-vous mettre en place pour Avignon ? Les criminels, eux, n'attendent pas !

Monsieur le ministre d'État, nous espérons votre venue sur place dans les prochains jours. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir rendu hommage au capitaine Éric Masson, dont la compagne était enceinte lorsqu'il a été tué.

Vous m'interrogez sur les moyens de rétablir l'ordre. À Avignon, comme dans d'autres grandes villes, nous menons précisément une lutte acharnée contre les trafiquants de drogue. Vous sollicitez une réponse durable de la part de l'État. C'est ce que je voudrais vous apporter.

La réponse durable, ce sera le vote – je salue MM. Jérôme Durain et Étienne Blanc, présents dans cet hémicycle – de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic dans quelques jours, je l'espère, à l'Assemblée nationale.

Sans attendre, nous avons décidé une nouvelle stratégie, que nous expérimentons à Grenoble, ainsi, bien entendu, qu'à Avignon. Elle comporte trois réponses : une réponse judiciaire, une réponse sécuritaire et une réponse administrative. Il s'agit donc d'une stratégie globale.

Réponse judiciaire d'abord. Les coups de filet pour attraper les têtes de réseau sont préparés par l'autorité judiciaire, notamment avec du renseignement.

Réponse sécuritaire ensuite. La CRS 84, qui est une CRS de nouvelle génération, a été dépêchée sur place. Nous occupons l'espace public et les transports. Nous effectuons des fouilles de caves et d'immeubles. Nous exerçons des contrôles de police et de gendarmerie sur la voie publique.

Réponse administrative enfin. Nous tapons les narcotrafiquants au portefeuille, afin de détruire l'écosystème ; je pense notamment au système des blanchisseuses. Nous menons aussi des enquêtes patrimoniales ; c'est fondamental !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Nous en voyons les premiers résultats : 200 interpellations pour stupéfiants ; 30 kilos de cannabis, 5 kilos de cocaïne et 5 kilos de kétamine saisis ; 230 amendes forfaitaires délictuelles (AFD) infligées. Et nous avons arrêté des trafiquants. Je ne peux pas en dire plus, car l'enquête, sous la direction de l'autorité judiciaire, est en cours.

Croyez-moi, nous allons combattre ces narcoracailles pied à pied ! J'espère pouvoir vous dire un jour : « Avignon libérée ! » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

inadéquation de l'étiquetage nutritionnel aux produits traditionnels tels que le fromage au lait cru

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

En 2017, la France a expérimenté le Nutri-score et le système de notation censé indiquer la qualité nutritionnelle des aliments. Or ce système est contesté. Défavorable aux produits traditionnels, tels que les fromages au lait cru et la charcuterie, il soulève de nombreuses craintes chez les producteurs et les filières de qualité, qui en dénoncent les critères.

En 2020, la Commission européenne envisageait de rendre le Nutri-score obligatoire à l'échelle de l'Union européenne. Cependant, le 28 février 2025, un vote de la Commission européenne a validé le retrait du Nutri-score obligatoire ; à cette occasion, la France s'est abstenue.

Cet abandon répond à des préoccupations légitimes. Je les avais déjà soulevées avec d'autres ici auprès de vos prédécesseurs en insistant sur la nécessité d'éviter une obligation qui aurait fragilisé les filières de qualité.

Nous sommes au lendemain du Salon de l'agriculture et du concours général agricole, et nous célébrons cette année le centenaire de l'appellation d'origine protégée du roquefort. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est la plus ancienne appellation de France. Je le rappelle, la filière roquefort a été la première à dénoncer les incohérences du Nutri-score et les menaces qu'il faisait peser sur la pérennité des productions de qualité.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quel est l'avenir de l'étiquetage nutritionnel en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Anglars, lorsque le Nutri-score a été mis en place, on pensait que toute l'Europe allait s'en emparer. En réalité, ce système a eu un faible succès ; aujourd'hui, sept pays de l'Union européenne seulement l'ont adopté.

Avec la filière roquefort, vous avez été le premier – je vous en félicite – à soulever les problèmes que posait un tel étiquetage.

Certes, l'intention était louable. Il est bon de communiquer la qualité nutritionnelle des produits aux consommateurs.

Mais le problème pour le roquefort chez vous, comme pour le comté chez moi, ou pour toutes les magnifiques salaisons françaises, c'est que le classement de ces produits remarquables était très mauvais. Ils étaient jugés tantôt trop gras, tantôt trop sucrés.

Mme Raymonde Poncet Monge. C'est la réalité !

Mme Annie Genevard, ministre. Nous voyons donc que le Nutri-score pose un certain nombre de difficultés à des filières d'une très grande qualité. À tel point que, consciente des difficultés créées par un tel étiquetage, la France a – vous l'avez rappelé – voté non à la proposition de la Commission européenne de le rendre obligatoire.

En 2023, l'algorithme a été revu. Nous aurions pu espérer que les désagréments et les effets de bord négatifs seraient corrigés. Cela n'a pas du tout été le cas ! Au contraire, il y a même eu une aggravation. Ainsi, le lait a été classé non plus comme aliment, mais comme boisson ! De mon point de vue, c'est proprement scandaleux. Cela le prive automatiquement de la note A, qu'il obtenait généralement.

Il y a donc un vrai sujet. D'un côté, les politiques encouragent à la consommation de produits laitiers : deux par jour pour les adultes, et trois à quatre par jour pour les enfants. De l'autre, on désincite les consommateurs, puisque le lait est mal classé au Nutri-score. C'est tout de même problématique.

Nous sommes, je le rappelle, dans la semaine de la lutte contre l'obésité…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Annie Genevard, ministre. La décision a été prise voilà plus d'un an. L'arrêté est à ma signature. Je n'ai pas encore signé. Je ne sais pas quelles sont mes marges de manœuvre pour corriger les effets négatifs. Mais croyez bien que je m'y intéresse de très près.

Cela étant, les consommateurs apprécient le Nutri-score. Il faut aussi en tenir compte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Jomier. Tout de même !

filière photovoltaïque

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, depuis plusieurs années, les orientations du pays en termes de politique énergétique sont pour le moins sinueuses, pour ne pas dire branchées sur courant alternatif.

La dernière déclaration du Président de la République, avec la fameuse formule Plug, baby plug !, laissait entrevoir une trajectoire un petit peu plus rectiligne vers une électrification de nos usages. Ce n'est visiblement pas le cas.

De même, alors qu'une programmation pluriannuelle de l'énergie est réclamée depuis deux ans, il faut bien faire le constat aujourd'hui d'une éclipse totale.

Notre électricité est, comme chacun sait, à 95 % décarbonée, en grande partie grâce à notre nucléaire. Nous pouvons profiter de productions locales photovoltaïques avec des installations intégrées à des bâtiments, c'est-à-dire sans dénaturer les sols naturels.

C'est précisément le cas du secteur dit S21. Des installations photovoltaïques de moins de 500 kilowatts sur des bâtiments sont déjà financées par des collectivités locales, des particuliers, voire des exploitants agricoles.

Or les professionnels de la filière que nous avons rencontrés nous disent que nous ne sommes pas à l'abri d'un nouveau court-circuit général. En effet, le décret que le Gouvernement s'apprêterait à prendre signerait l'arrêt brutal de subventions d'aide aux petites installations, qui sont bien dimensionnées.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer une telle intention ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, comme j'ai eu l'occasion de le souligner en réponse à une question précédente, l'État soutient le développement du photovoltaïque, notamment sur les toitures, depuis plusieurs années.

Pour autant, toute politique, quelle qu'elle soit, doit être budgétairement soutenable.

Je le rappelle, aujourd'hui, le coût des installations du photovoltaïque sur toiture est deux fois plus élevé que celui du photovoltaïque au sol ou des installations d'une importance autre. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite effectivement recentrer le soutien vers des installations plus performantes.

L'arrêté tarifaire qui existe depuis 2021 a fait l'objet d'une demande particulièrement forte. Comme je le disais, au mois de janvier dernier, près d'un gigawatt de demandes, soit la moitié de l'objectif annuel, ont été déposées.

Un ajustement est en cours, avec deux orientations : premièrement, favoriser pour les plus petites installations tout ce qui concerne l'autoconsommation ; deuxièmement, prévoir pour tout ce qui est injection sur le réseau un soutien orienté vers des installations plus performantes et économiquement viables de plus grande puissance.

Encore une fois, l'électricité ne se stocke pas et il n'est pas du tout vertueux de produire de l'électricité que l'on ne peut pas consommer. Dans ce cadre, un arrêté spécifique sur le photovoltaïque au sol plus compétitif sera publié avant la fin du premier trimestre de 2025, afin d'encourager ce type d'installations et de diversifier les sources de production d'énergies renouvelables.

L'État soutient l'énergie photovoltaïque et ajuste les aides publiques dont vous avez fait mention pour orienter les financements vers des solutions plus efficaces et plus adaptées aux enjeux de la transition énergétique. Il vise en parallèle à favoriser l'autoconsommation pour les particuliers.

Au demeurant, les contrats en cours qui sont déjà signés ne sont pas du tout concernés par de telles modifications.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, il y a des contrats qui ne sont pas encore signés, mais qui sont déjà bien engagés. Les collectivités comme les particuliers ont pris des engagements sur la base d'aides publiques actées précédemment.

Ce qui est reproché par les acteurs de la filière, c'est la brutalité de la baisse annoncée. Ils ne sont pas hostiles à un changement des règles du jeu, mais pas comme cela. Les changements de réglementation incessants fragilisent toute une filière.

J'attire aussi votre attention sur le fait qu'il s'agit d'emplois locaux – il y en a plus de 60 000 au total –, du maçon au poseur d'installation. Je me refuse à voir toute la filière fragilisée par des mesures aussi brutales ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 12 mars, à quinze heures. 

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq,

(À suivre)