M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Dans la mesure où les OPMR ne sont pas capables de satisfaire eux-mêmes cette obligation de publication, l’autorité administrative peut se charger de l’opération. Cette proposition me paraît positive. Elle permettra de mieux faire connaître l’ensemble des travaux et études que réalisent les OPMR.
Ces observatoires devront donc réaliser chaque année un rapport annuel, ce qui n’est peut-être pas le cas systématiquement aujourd’hui. Ce document pourra être publié en ligne sur le site des services du représentant de l’État concerné. Il s’agit d’une avancée : je suis donc favorable à cet amendement.
M. Teva Rohfritsch. Merci !
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. La commission se range à l’avis favorable du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(Supprimé)
Après l’article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 442-1 du présent code et, en conséquence, interdite. »
2° L’article L. 441-1-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 441-1-2 du présent code et, en conséquence, interdite. »
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Mon amendement vise les conditions générales de vente.
En effet, les plateformes de vente et les centrales d’achat considèrent les outre-mer comme des territoires étrangers. Au début de la conclusion d’une relation commerciale, il est question des conditions générales de vente, qui relèvent d’un document unique ou d’un accord-cadre. Puis, ces éléments sont déclinés dans des contrats dits d’application, dont on supprime la mention des outre-mer ! Il convient donc d’affirmer, simplement, que ces conditions s’appliquent de plein droit dans les outre-mer.
Mon collègue Teva Rohfritsch a déposé un amendement analogue. Je souhaite que, tous ensemble, quelle que soit la rédaction que nous retiendrons, nous votions pour l’égalité et que nous adoptions cette disposition ; là encore, la navette pourra l’améliorer.
Toutefois, j’ai la faiblesse de croire que mon amendement est quelque peu mieux rédigé que celui de mon collègue Teva Rohfritsch. La raison en est que ce dernier confond le statut douanier fiscal et notre appartenance à la République française. Cette appartenance est constitutionnelle, quand les dispositions sur les territoires d’exportation se réfèrent aux pays étrangers.
Or nous sommes considérés comme des territoires d’exportation au sens douanier et fiscal du terme, ce qui justifie les différences d’imposition – octroi de mer, taux de TVA à 8,5 % au lieu de 20 %, taux de TVA réduit à 2,1 %, etc.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Rohfritsch et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Fouassin, Buval, Patient et Théophile, Mmes Nadille et Ramia, MM. Kulimoetoke et Buis, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Lemoyne, Lévrier et Rambaud, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 442-1 du présent code et, en conséquence, interdite. »
2° L’article L. 441-1-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 441-1-2 du présent code et, en conséquence, interdite. »
La parole est à M. Teva Rohfritsch.
M. Teva Rohfritsch. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 15, présenté par M. Ruel, est ainsi libellé :
Amendement n° 3, alinéa 5
Après les mots :
ainsi que
insérer les mots :
Saint-Pierre-et-Miquelon,
La parole est à M. Jean-Marc Ruel.
M. Jean-Marc Ruel. Cet amendement vise à inclure Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce dispositif très intéressant pour l’ensemble de nos territoires ultramarins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Ces deux amendements et ce sous-amendement visent à étendre aux outre-mer les conditions générales de vente appliquées en métropole. Nous l’avons dit tout à l’heure, l’uniformisation des conditions générales de vente est un sujet fondamental.
Le dispositif proposé ici aurait des conséquences positives sur le pouvoir d’achat des Ultramarins, dès lors qu’il permettrait de réduire un certain nombre de coûts imposés aux distributeurs. Toutefois, il ne suffirait pas à éliminer les causes des écarts de prix entre la métropole et l’outre-mer.
C’est pourquoi la commission recommande plutôt l’adoption de l’amendement n° 10 rectifié, qui sera présenté dans un instant. En effet, il est mieux rédigé et ses dispositions renforceraient la lisibilité du dispositif. Pour une fois que M. Lurel propose quelque chose de simple, je puis qu’y être favorable ! (Rires.)
En conséquence, la commission sollicite le retrait des amendements nos 13 rectifié et 3 rectifié, ainsi que du sous-amendement n° 15.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Sur le plan fiscal, les territoires ultramarins sont définis comme des zones d’exportation. Aussi, nous devons être attentifs à ne pas créer d’effets de bord juridiques en inscrivant dans la loi des formulations qui seraient en apparence positives, mais qui, en réalité, auraient des conséquences néfastes.
Les conditions générales de vente auxquelles se réfèrent les contrats ne doivent pas exclure les outre-mer. Au contraire, ils doivent tenir compte des spécificités et de l’éloignement de ces territoires. Il convient donc de retravailler l’incompatibilité de tout amendement avec le régime fiscal applicable.
L’amendement n° 10 rectifié, qui sera examiné dans un instant, est mieux rédigé de ce point de vue. En conséquence, tout comme la commission, le Gouvernement sollicite le retrait à son profit des amendements nos 13 rectifié et 3 rectifié, ainsi que du sous-amendement n° 15.
M. le président. Monsieur Lurel, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Rohfritsch, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Teva Rohfritsch. Puisque le ministre a donné son blanc-seing à l’adoption de l’amendement n° 10 rectifié, et compte tenu de l’esprit constructif de nos débats, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré et, en conséquence, le sous-amendement n° 15 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Lurel et Kanner, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Stanzione et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 441-2 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-2- … ainsi rédigé :
« Art. L. 441-2-… – Dans les collectivités relevant de l’article 3 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les conditions générales de vente établies au niveau national entre un fournisseur, un distributeur ou un prestataire de services et définies dans la présente section s’appliquent de plein droit, de façon transparente et non discriminatoire. »
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
Article 4
Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Ces débats l’ont montré, la vie chère est une réalité que le tout le monde entend combattre. Nous allons d’ailleurs le prouver en adoptant aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Victorin Lurel. Celui-ci a travaillé en bonne intelligence avec Mme le rapporteur, malgré un dialogue musclé et « compétitif », comme il l’a lui-même affirmé lors de la discussion générale.
Je tiens, bien sûr, à saluer Mme le rapporteur, Évelyne Renaud-Garabedian.
M. Victorin Lurel. Nous la saluons nous aussi !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Le rapport produit sur ce texte est le premier qu’elle a rédigé au nom de la commission des affaires économiques. Elle a réalisé un excellent travail, épaulée par les services de la commission.
Ce débat est important, même s’il a révélé quelques dissensions, comme c’est souvent le cas lorsque l’on discute des outre-mer. En effet, si cette proposition de loi prévoit des outils supplémentaires, ces derniers se révèlent insuffisants. Nous avons donc encore du travail à faire.
Nous poursuivrons nos efforts dans un esprit qui, je l’espère, sera toujours aussi constructif et positif. La délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par Micheline Jacques – je veux la remercier, ainsi que l’ensemble de nos collègues membres de la délégation – constituera également un bon cadre de réflexion.
Enfin, je tiens, une fois de plus, à remercier très sincèrement M. le ministre d’État de son engagement depuis qu’il a pris ses fonctions. En témoignent notamment ses déplacements outre-mer – Dieu sait s’il en a fait – et les échanges que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte.
Nous aurons encore bien d’autres textes à examiner avec vous, monsieur le ministre d’État, pour continuer à œuvrer en faveur des outre-mer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour explication de vote.
Mme Solanges Nadille. Mes chers collègues, alors que nos débats sur ce texte prennent fin, je dois vous avouer ma déception. Je ne fais pas de gamineries, pour reprendre un terme qui a été employé : j’exprime la réalité des territoires. Ne trompons pas nos concitoyens ultramarins, même s’ils se trouvent à 8 000 kilomètres de l’Hexagone.
Monsieur Lurel, vous ajoutez une proposition de loi à un texte qui a été voté en 2012. Vous l’avez vous-même affirmé, celui-ci est resté au fond des tiroirs ; il a pris la poussière. En réalité, la présente proposition de loi ne vise qu’à l’appliquer, puisqu’il est resté ineffectif depuis une dizaine d’années.
Après les événements de Martinique, le directeur de cabinet du préfet s’est empressé de se rendre dans les supermarchés de Guadeloupe, afin de vérifier si le bouclier qualité-prix y était bien respecté.
Dans le premier supermarché, il a observé que c’était bien le cas. Mais dans le second, il s’est aperçu qu’on n’appliquait pas ce dispositif – catastrophe ! Mais cette inapplication de la loi, c’est tous les jours que nous la constatons, nous, monsieur Lurel ! Votre texte a donc de quoi en faire rire certains.
Au reste, je déplore l’absence dans cet hémicycle de la majorité de nos collègues ultramarins ; ils ont choisi de ne pas exprimer de position de vote aujourd’hui, sans doute pour ne pas déplaire à certains. Ce n’est pas respecter leurs engagements envers nos concitoyens d’outre-mer, de Guadeloupe et d’ailleurs.
Pour ma part, je prends mes responsabilités et j’affirme que je ne suis pas satisfaite par le présent texte.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Solanges Nadille. En 2009 déjà, en Guadeloupe, le Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), ou collectif contre l’exploitation outrancière, tirait la sonnette d’alarme sur la vie chère en outre-mer. Voilà seize ans qu’il évoque ce problème et qu’il nous demande d’appliquer ses propositions. (M. Victorin Lurel s’exclame.) Or le Parlement s’y refuse et préfère accumuler les textes inutiles. (Marques d’impatience sur diverses travées.)
Par ailleurs, vous nous demandez de faire preuve de mimétisme…
M. le président. Vous avez dépassé de plus de vingt secondes votre temps de parole, chère collègue. Je suis d’un naturel magnanime, mais je dois veiller à ce que chacun respecte le règlement.
Plus personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et Les Républicains. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)
5
Encadrement des loyers et amélioration de l’habitat dans les outre-mer
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la discussion de la proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer, présentée par Mme Audrey Bélim et plusieurs de ses collègues (proposition n° 198, texte de la commission n° 364, rapport n° 363).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rendre de nouveau hommage aux victimes réunionnaises, après le passage du cyclone Garance sur notre île. J’adresse, en votre nom à tous, nos pensées émues à leurs familles et à leurs proches.
Je commencerai mes propos de la même manière que lorsque j’ai été invitée à m’exprimer devant la commission des affaires économiques : le Sénat s’honore toujours à exercer le rôle qui lui est dévolu par la Constitution, celui d’être la chambre des territoires.
Je souhaite à cet égard tout particulièrement remercier le président de notre groupe, Patrick Kanner, qui a souhaité consacrer une niche entière à des textes relatifs aux outre-mer.
La présente proposition de loi comporte deux mesures particulièrement attendues par nos territoires. Elle est le fruit d’un travail collectif et doit beaucoup à l’investissement des sénateurs de l’Hexagone et des outre-mer en faveur de l’adaptation des normes de construction dans les territoires ultramarins.
Ces dernières années, des jalons importants ont été posés. Le Sénat y a fortement contribué par ses travaux successifs. Je pense notamment au rapport fondateur, Le BTP au pied du mur normatif dans les outre-mer, rédigé en 2017 par Vivette Lopez, Karine Claireaux et Éric Doligé, ainsi qu’au rapport La Politique du logement dans les outre-mer, élaboré en 2021 par nos collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel.
On peut également citer le livre blanc des Assises de la construction durable en outre-mer, préfacé par Micheline Jacques, fruit d’une collaboration entre les forces vives de chacun de nos territoires. Ce document établit une feuille de route claire et opérationnelle, que le présent texte propose de prolonger.
Dans cette préface, Micheline Jacques écrivait : « Les bouleversements géopolitiques récents, les enjeux climatiques et écologiques de réduction de l’empreinte carbone font de la nécessité de disposer de référentiels propres aux outre-mer une urgence, tant du point de vue des matériaux que des modes de construction. » Je souscris pleinement à ces propos.
Notre collègue Jacques avait d’ailleurs plaidé pour une telle adaptation lorsqu’elle était rapporteur du projet de loi d’urgence pour Mayotte. Sur ce point, je la soutiens entièrement. Nous avançons ensemble aujourd’hui vers ces référentiels de construction.
Je souhaite remercier également la présidente de la commission des affaires économiques, Mme Dominique Estrosi Sassone, experte du logement, comme chacun le sait, qui a examiné avec un œil bienveillant ce travail des filières socioprofessionnelles ultramarines.
Quant aux ministres Manuel Valls et Valérie Létard, ils se sont engagés à remédier concrètement à ce problème qui persiste depuis trop longtemps.
Manuel Valls a fait preuve d’un réel et remarquable investissement personnel. Nous avons pu échanger ensemble régulièrement, y compris lorsqu’il s’est rendu en Nouvelle-Calédonie. Je tenais à le souligner, car l’outre-mer est un ministère bien difficile, écartelé entre les urgences du présent et le besoin de construire l’avenir.
Je veux également saluer Valérie Létard, ministre déterminée, qui connaît parfaitement les enjeux du logement et de la construction. Nos échanges furent riches et précieux.
Enfin, permettez-moi de remercier le président Mathieu Darnaud, qui, comme nous le savons tous, est toujours particulièrement attentif aux outre-mer.
Nous avons sans doute, chacune et chacun, des divergences partisanes, mais nous nous rejoignons sur un sujet essentiel, celui de l’égalité des territoires. Nous partageons une conviction très simple : la République doit être partout chez elle, en Ardèche comme à La Réunion, dans les Alpes-Maritimes comme en Martinique, en Essonne comme en Guyane.
Je le disais, cette proposition de loi comporte deux mesures très attendues dans les outre-mer. L’article 1er prévoit l’expérimentation de l’encadrement des loyers dans les territoires d’outre-mer, que nous ont demandée de nombreuses collectivités.
Lors du lancement de l’expérimentation initiale dans l’Hexagone, les communes de nos territoires n’étaient pas classées en zone tendue et n’ont donc pas pu participer aux premières phases, contrairement à des villes comme Paris ou Montpellier.
Les chiffres sont incontestables : 80 % des foyers ultramarins sont éligibles au logement social. Pourtant, nombre d’entre eux n’ont d’autre choix que de se tourner massivement vers le parc locatif privé, tant la construction de logements, notamment sociaux, s’est effondrée ces dernières années.
L’Association des communes et des collectivités d’outre-mer (Accd’om) a distribué un questionnaire sur cette proposition de loi à l’ensemble des maires ultramarins. Le résultat est unanime : de Mayotte à la Guyane, en passant par la Guadeloupe, l’expérimentation dans les communes volontaires – j’insiste sur cet adjectif – est ardemment souhaitée. C’est à cette attente que le Sénat doit répondre aujourd’hui.
L’article 2, qui prévoyait de revoir la cartographie des quartiers prioritaires de la ville (QPV) dans les outre-mer, a été supprimé en commission. En effet, un décret a récemment élargi le nombre de QPV dans les outre-mer après le dépôt de la présente proposition de loi. J’espère que, ainsi, nous avons permis d’accélérer les délais de publication de ce texte attendu.
Si je ne suis pas entièrement satisfaite, j’accepte toutefois le compromis. C’est pourquoi je n’ai pas tenu à réintroduire cet article.
Enfin, l’article 3 prévoit d’autoriser l’adaptation des normes de construction dans les outre-mer. Grâce à une remarquable mobilisation du gouvernement et des eurodéputés français, le Parlement européen, en avril 2024, a exempté les outre-mer de l’obligation du marquage CE pour les matériaux de construction.
Nous devons être à la hauteur de ce vote historique, continuer à avancer et réaliser des progrès concrets sur ce sujet crucial dans notre hémicycle : la maison des territoires, c’est nous !
L’urgence est triple.
Elle est tout d’abord économique, car ces normes inadaptées freinent le développement des filières locales du BTP.
Elle est ensuite environnementale, car l’importation massive de matériaux suscite des émissions de gaz à effet de serre inadmissibles face à l’urgence climatique.
Elle est enfin et surtout sociale, car le surcoût lié à l’importation des matériaux pourrait être réduit en utilisant des ressources produites sur le territoire ou dans le bassin géographique.
Il s’agit d’intervenir directement sur le coût des loyers, donc d’agir, une fois encore, sur le pouvoir d’achat, c’est-à-dire sur le pouvoir de vivre.
Voici les propos qu’a tenus Manuel Valls à nos collègues députés, le 19 février dernier : « Pour réduire les prix, il nous faut rompre avec un modèle infantilisant, parfois ubuesque. Limitons les importations – très coûteuses – depuis l’Hexagone ou l’Union européenne à ce qui est strictement indispensable. Mayotte importe son bois de Lettonie, alors qu’il existe des alternatives en Afrique du Sud. » M. le ministre a indubitablement raison, hélas.
Pourtant, des solutions existent. À Mayotte, justement, la brique de terre comprimée (BTC), utilisée dans la construction du lycée des métiers du bâtiment (LMB), a démontré son excellence, résistant notamment au passage du cyclone Chido.
En outre, le référentiel de la construction en Nouvelle-Calédonie (RCNC) permet, depuis 2020, de réaliser des constructions de qualité et adaptées à l’archipel. La Nouvelle-Calédonie ajoute ainsi à son système normatif de référence des règles dont l’impact positif sur la qualité de la construction a été démontré. Ce peut être le cas des normes australiennes, parfois plus protectrices en matière anticyclonique. Le passage du cyclone Garance à La Réunion nous montre que nous pouvons encore progresser en matière d’adaptation de nos constructions.
L’Association des maires du département de La Réunion (AMDR) note que, dans l’est de l’île, 80 % des habitations ayant perdu leur toit datent de moins de quinze ans. Nos normes anticycloniques sont-elles bien adaptées ? Ne pourrions-nous pas nous inspirer de ce qui fonctionne ailleurs ?
Pour amplifier les initiatives prises à Mayotte, tout en nous inspirant de la dynamique néo-calédonienne, nous vous proposons de créer des comités relatifs aux produits de construction.
Ces comités seront chargés de contribuer à la nécessaire mise en œuvre de l’exemption de marquage CE, en tenant compte des besoins de la production, des spécificités et des contraintes locales. En outre, ils devront soutenir l’innovation locale dans le domaine des matériaux et des procédés de construction, donc définir des référentiels de construction adaptés aux contraintes climatiques, géographiques et culturelles locales, en tenant compte d’objectifs de construction durable et frugale.
Ces comités devront compter parmi leurs membres les acteurs locaux ; c’est une condition essentielle à leur fonctionnement. Devraient ainsi figurer parmi les représentants, de façon non exhaustive, les instances représentatives des filières locales de la construction et du bâtiment et travaux publics (BTP), les scientifiques et les experts locaux.
Ces comités ne doivent pas pouvoir valider l’utilisation de matériaux à la qualité fragile. Pour approuver, sur un plan technique, l’utilisation de tels matériaux et procédés, il faut des procédures rigoureuses associant les services de l’État et les instances nationales de normalisation concernées, comme le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment (BNTEC), qui agit en délégation de l’Agence française de normalisation (Afnor). C’est une condition essentielle demandée par France Assureurs pour que le dispositif fonctionne.
Les travaux entrepris par le département de Mayotte pour recourir à la BTC ont été longs et coûteux, mais ils se sont révélés fructueux. Nous devrions permettre à la Guyane de s’inspirer de ces référentiels.
Étant donné l’important travail mené par l’ensemble des acteurs publics et privés dans le cadre des Assises de la construction durable en outre-mer, le dialogue et la concertation doivent présider à la rédaction des décrets d’application.
La consultation du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), ainsi que des acteurs des principaux bassins, est dès lors impérative sur les projets de décret. Rappelons que le dispositif envisagé, qui dépasse les clivages politiques, associe le BNTEC et le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA).
L’adaptation urgente des normes de construction dans les outre-mer est souhaitée par 15 sénateurs ultramarins qui ont publié une tribune conjointe, hier, via le média Outremers 360°. Ces sénateurs représentent l’ensemble des bassins océaniques et des groupes politiques comptant des élus ultramarins.