M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi. L’adaptation des normes dans les outre-mer est non plus une option, mais une nécessité. Elle permettra de créer des emplois locaux, de réduire notre empreinte carbone, de développer notre résilience face au changement climatique et de valoriser nos savoir-faire traditionnels.

Le Sénat est la maison des territoires ; il doit faire confiance aux élus et aux acteurs locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – MM. Teva Rohfritsch, Philippe Grosvalet et Cédric Chevalier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai, moi aussi, une pensée particulière pour nos compatriotes réunionnais, frappés par le cyclone Garance la semaine dernière.

Le bilan est lourd, trop lourd. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur une action forte de l’État et des acteurs locaux pour venir en aide aux sinistrés le plus rapidement possible.

J’en viens à la proposition de loi de notre collègue Audrey Bélim, dont je sais l’engagement pour son territoire, particulièrement en ces moments difficiles. Ce texte vise à renforcer l’adaptation des normes en outre-mer dans trois domaines : le logement abordable, les QPV et les normes applicables aux produits de construction.

En commission, avec l’accord de Mme Bélim, nous avons resserré le texte autour du logement abordable, en permettant aux collectivités d’outre-mer qui le souhaitent de mettre en œuvre un dispositif d’encadrement des loyers. En effet, l’expérimentation actuelle d’encadrement des loyers, prévue par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Élan, n’a pas été ouverte aux collectivités ultramarines.

Ainsi, les 48 communes bénéficiaires sont toutes situées dans l’Hexagone. À l’époque, aucune commune ultramarine n’entrait dans la catégorie des communes situées en zone tendue, éligibles au dispositif.

Ce n’est plus le cas depuis que la liste des communes situées en zone tendue a été actualisée en août 2023. Or, à cette date, le délai fixé par la loi Élan pour candidater à l’expérimentation d’encadrement des loyers était déjà échu. La commission a donc estimé légitime de donner aux collectivités d’outre-mer la possibilité de candidater à ce dispositif, comme ont pu le faire celles de l’Hexagone.

Une telle évolution s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la vie chère outre-mer, même si le poste le plus emblématique en la matière reste l’alimentation, avec des écarts de prix pouvant s’élever jusqu’à 40 % entre l’Hexagone et la Guadeloupe, par exemple.

Les loyers ne sont pas en reste : ils représentent une part très significative du budget des ménages, plus encore que dans l’Hexagone, compte tenu du moindre niveau de revenus de nos compatriotes ultramarins.

Bien évidemment, l’encadrement des loyers est un outil qui doit demeurer facultatif et être laissé aux mains des élus locaux. Il ne doit pas nous conduire à ménager notre soutien à l’investissement locatif, au développement du logement social et, plus largement, à la construction. On déplore tout de même un déficit de 110 000 logements dans les outre-mer !

Vraisemblablement, seules quelques collectivités seront concernées par l’expérimentation. Depuis l’actualisation du zonage de tension locative en août 2023, sont passées en zone tendue 38 communes ultramarines. Seules celles qui disposent d’un observatoire local des loyers (OLL) pourront en bénéficier, à savoir La Réunion et la communauté d’agglomération de Cap Excellence, en Guadeloupe.

Or ces observatoires sont le préalable à la mise en place d’un encadrement des loyers. La commission a donc renforcé le dispositif proposé par notre collègue Bélim, sans pour autant interférer dans l’expérimentation actuelle d’encadrement des loyers en métropole, qui arrive à échéance à la fin de l’année 2026.

La ministre du logement a diligenté une mission d’évaluation de cette expérimentation. Il est essentiel de ne pas la prolonger avant d’en avoir dressé le bilan. Nous avons ainsi créé une nouvelle expérimentation ad hoc dans les collectivités ultramarines, distincte de l’expérimentation actuelle.

Afin que le dispositif soit pleinement opérationnel, la durée de l’expérimentation et les délais de candidature des collectivités ont été calqués sur ceux qui ont été prévus lors de l’examen de la loi Élan. Cela permettra aux collectivités de disposer d’un temps suffisant pour constituer un dossier de candidature, attendre qu’il soit examiné et préparer la mise en place du dispositif.

L’article 2 visait à rendre moins restrictifs les critères utilisés pour délimiter les QPV dans les outre-mer. L’objectif était d’accroître le nombre de QPV dans les territoires ultramarins, mais il a été en grande partie atteint grâce à une réforme intervenue à la fin du mois de décembre 2024.

La nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville est désormais fondée sur des critères mieux harmonisés et moins restrictifs. Notamment, la méthode du carroyage, qui avait été très défavorable à La Réunion, à la Martinique et à la Guadeloupe, n’a pas été retenue. Cette nouvelle géographie inclut dorénavant 247 QPV ultramarins, contre 218 précédemment.

En accord avec Mme Bélim, la commission a supprimé l’article 2 pour tenir compte de cette réforme intervenue après le dépôt de la proposition de loi.

Enfin, l’article 3 concerne l’élaboration d’un marquage régions ultrapériphériques (RUP) dérogatoire au marquage CE dans le domaine de la construction, conformément à un règlement européen publié à la fin du mois de décembre 2024. Il s’agit d’une avancée substantielle, soutenue de longue date par les acteurs et, au Sénat, par la délégation aux outre-mer.

Nous pouvons nous réjouir qu’un travail collectif ait été accompli au service des territoires ultramarins. Il a trouvé un premier débouché en 2021, avec le rapport que Guillaume Gontard, Victorin Lurel et moi-même avons rédigé et dans lequel nous appelions déjà à promouvoir un marquage RUP.

Un pas important a été franchi en octobre 2024 avec la publication du livre blanc des Assises de la construction durable en outre-mer. Celui-ci a nécessité plus d’un an de concertations, preuve que ces sujets requièrent un travail de longue haleine.

En janvier 2025, l’entrée en vigueur partielle du nouveau règlement sur les produits de construction et l’exemption pour les régions ultrapériphériques qu’il contient est également une étape décisive.

Toutefois, la question des normes est aussi et peut-être même surtout celle des normes volontaires, qui doivent être partagées par l’ensemble des acteurs, permettant tout particulièrement de veiller à l’assurabilité des bâtiments. Les travaux de la délégation aux outre-mer l’ont montré dès 2017 ; je pense notamment au rapport sur les normes en matière de construction et d’équipements publics dans les outre-mer, élaboré par Éric Doligé, Karine Claireaux et Vivette Lopez.

Nous savons tous combien la question de l’assurabilité devient complexe dans les outre-mer, frappés régulièrement et durement par des phénomènes climatiques de plus en plus intenses.

En somme, si l’évolution du droit européen est une avancée très importante, les travaux pour aboutir concrètement sont toujours en cours. C’est la raison pour laquelle la commission a, avec l’accord de Mme Bélim, supprimé l’article 3.

Rappelons que la question de l’adaptation des normes aux spécificités ultramarines dépasse le seul secteur de la construction.

Tel est d’ailleurs l’objet de la proposition de résolution européenne présentée par Christian Cambon, Stéphane Demilly et Georges Patient. Ces derniers recommandent l’adoption d’un paquet RUP à l’échelon européen, pour lever les obstacles normatifs à l’insertion régionale des territoires ultramarins dans les secteurs de l’agroalimentaire, du traitement des déchets et de l’énergie.

Il est important d’organiser des concertations, même si cela prend du temps, de réfléchir à l’adaptation normative de façon large et, surtout, de laisser des marges d’organisation aux collectivités et aux acteurs locaux, qui ne devraient pas être systématiquement contraints de passer par un central. Sur ce point, on ne peut que déplorer l’échec des différents plans relatifs au logement, largement conçus et pilotés depuis Paris.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire en introduction de nos débats. Je tiens encore une fois à remercier Audrey Bélim de nos échanges constructifs. Je salue sa disponibilité et son engagement en amont de l’examen de cette proposition de loi.

En tant que présidente de la délégation aux outre-mer, je me félicite que notre agenda parlementaire mette une fois de plus à l’honneur des problématiques ultramarines. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Dominique Estrosi Sassone, madame le rapporteur, chère Micheline Jacques, madame la sénatrice Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’associe à vos propos relatifs à la situation de La Réunion, où je me rendrai tout à l’heure, et, de manière plus générale, je souhaite saluer l’esprit qui règne au Sénat.

Comme nous avons pu le constater précédemment lors de l’examen de la proposition de loi de M. Victorin Lurel, et comme nous ne manquerons pas de l’observer dans le cadre de l’examen de la présente proposition de loi, cet esprit est propice à la construction d’un consensus, particulièrement nécessaire s’agissant des outre-mer.

La vie chère dans les outre-mer est souvent abordée au prisme des prix à la consommation. Si les écarts de prix avec la métropole sont immenses, pouvant atteindre jusqu’à 40 % dans l’alimentaire, le constat est le même en matière de logement. Selon l’Insee, en 2022, les loyers ultramarins étaient supérieurs aux loyers hexagonaux à raison de 3 % en Martinique et à La Réunion, de près de 5 % en Guadeloupe et de près de 10 % en Guyane.

Les loyers constituent une part bien plus significative du budget des ménages ultramarins que de celui des ménages hexagonaux, alors que les revenus sont souvent moins élevés dans les outre-mer.

Faciliter l’accès à un logement abordable, digne et répondant aux besoins des habitants et des territoires est donc l’un des leviers pour lutter contre la vie chère. C’est un combat que je suis résolu à mener.

L’enjeu que constitue l’accès au logement est toutefois beaucoup plus large, dans la mesure où il conditionne en grande partie la réussite de nos politiques publiques. Il y va donc de l’avenir de nos territoires.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous agissons d’ores et déjà au travers de plusieurs politiques publiques.

Par le biais de la ligne budgétaire unique, ou LBU, tout d’abord, le ministère des outre-mer finance notamment la construction de logements locatifs sociaux, des ouvrages de résorption de l’habitat insalubre et de réhabilitation du parc social, ainsi que des actions visant à améliorer l’accession sociale à la propriété. En 2024, les crédits de la LBU, qui ont été consommés à hauteur de 98 %, ont financé la construction et la rénovation de 8 000 logements.

Ensuite, la géographie actualisée des quartiers prioritaires de la politique de la ville, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, à laquelle ma collègue Juliette Méadel a notamment travaillé, constitue une avancée pour les territoires ultramarins, auxquels – il faut le reconnaître – cette nouvelle carte est bien plus favorable.

Plusieurs dispositifs fiscaux, notamment l’octroi d’un taux de TVA réduit et de crédits d’impôt, complètent enfin les mesures prises.

Je n’entends nullement me féliciter de ce que je considérerais comme des succès. Il reste tant à faire que cela n’aurait aucun sens : le besoin annuel de logements sociaux supplémentaires est considérable – il est estimé entre 8 000 et 10 000 logements –, le nombre de logements insalubres et indignes est supérieur à 150 000, l’habitat informel et dégradé atteint des niveaux records dans certains de nos territoires et l’offre abordable est insuffisante.

Ces constats appellent une action forte. Il nous faut en particulier continuer à accélérer pour construire plus de nouveaux logements, réhabiliter les logements anciens, lutter contre l’habitat indigne et proposer de vrais parcours résidentiels comportant des logements très sociaux, des logements sociaux, mais aussi des logements intermédiaires et dans le parc libre.

Ces constats appellent également une action collective, qui doit s’appuyer sur des moyens d’ingénierie, sur les opérateurs, sur les bailleurs, sur les entreprises, sur les partenaires financiers et, naturellement, sur les collectivités.

Afin de dynamiser cette action commune, je souhaite être en mesure, d’ici à l’été prochain, de signer avec toutes les parties prenantes le plan logement outre-mer 3, ou Plom 3, fixant les priorités territoire par territoire et déroulant une stratégie globale en conséquence.

J’y travaille activement avec ma collègue Valérie Létard, chargée du logement, dont chacun dans cette enceinte connaît le professionnalisme et qui me remplacera dans un instant, parce que je dois me rendre à La Réunion et que le vol Corsair ne m’attendra pas. (Sourires.)

Le soutien apporté à votre proposition de loi s’inscrit donc dans le cadre d’une action plus large, madame Bélim. Je vous remercie du reste de votre engagement, de la qualité de votre travail et de votre ténacité.

L’article 1er, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des affaires économiques et largement réécrite, grâce à votre engagement, madame Bélim, et à celui de Mme le rapporteur Micheline Jacques, avec laquelle vous avez travaillé main dans la main et dans la bonne humeur, met en place l’expérimentation ad hoc d’un dispositif d’encadrement des loyers dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, celles qui ont été exclues de l’expérimentation instaurée par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan.

Cet encadrement serait réservé aux communes situées en zone tendue et son expérimentation serait naturellement facultative, laissée à la main des élus locaux. S’il s’agit d’une réelle avancée, j’estime que ce n’est pas une solution magique. Pour faire baisser le coût du logement, il faut avant tout soutenir la production de nouvelles habitations.

C’est un équilibre que cette proposition de loi défend, puisque l’article 3 initial entend faciliter la production de logements neufs en octroyant au domaine de la construction la possibilité de déroger, dans les régions ultrapériphériques, au marquage CE en vigueur dans l’Union européenne, une exemption obtenue de haute lutte à Bruxelles – vous l’avez souligné, madame la sénatrice Bélim –, l’année dernière, grâce à la forte mobilisation du gouvernement français, donc de mes prédécesseurs.

Comme je l’ai indiqué précédemment, je suis convaincu, tout comme les sénateurs qui ont récemment signé un appel en ce sens, que l’adaptation des normes applicables outre-mer est une priorité de bon sens, en particulier pour lutter contre la vie chère.

Je le répète, il faut en finir avec l’économie de comptoir et le tout-importation depuis l’Hexagone. Vous avez cité plusieurs exemples probants, madame la sénatrice Bélim. Cela nuit au développement de filières locales et renchérit naturellement les coûts.

Le Gouvernement soutiendra donc l’amendement n° 4 rectifié bis de l’auteure de la proposition de loi, qui vise à rétablir l’article 3 dans une réaction améliorée et – parole magique ! – à financer les dispositions introduites.

Cet amendement, issu d’un travail mené avec le Gouvernement, a pour objet de permettre au représentant de l’État de constituer des comités référentiels construction, compétents dans des zones géographiques précisées par décret, afin de contribuer à la mise en œuvre de l’exemption que j’évoquais, en tenant compte des besoins de la production, ainsi que des spécificités et des contraintes locales.

De tels comités contribueront à faire baisser les coûts des matériaux, en facilitant leur importation depuis les pays voisins et, surtout, en valorisant les techniques et matériaux développés localement.

J’ai pu constater, avec le dossier de Mayotte – votre connaissance de l’Océan indien a du reste permis de faire avancer ce dossier, madame la sénatrice –, que nous nous heurtons à des difficultés absurdes.

En adoptant cette proposition de loi, bien plus que de lutter contre la vie chère dans les outre-mer, vous ferez le choix du bon sens, de la simplification et de la proximité, valeurs qui sont si chères à la Haute Assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, permettez-moi de saluer notre collègue Audrey Bélim, dont la proposition de loi nous permet aujourd’hui d’ouvrir un débat essentiel sur le logement en outre-mer.

Trop souvent, nos territoires sont les grands oubliés des politiques nationales de logement, alors même que les difficultés y sont exacerbées du fait de loyers inabordables, d’un accès au foncier limité, de normes de construction inadaptées et d’un habitat insalubre. Ce texte a le mérite de proposer des solutions pragmatiques, adaptées à nos réalités locales.

Dans nos collectivités ultramarines, notamment à Saint-Martin, le logement constitue un enjeu crucial. Les loyers élevés, le manque d’infrastructures adaptées et les difficultés d’accès au logement pèsent lourdement sur nos populations.

La collectivité de Saint-Martin a acquis la compétence logement en 2012. Au cours des dernières années, nous avons commencé à structurer une véritable politique locale de l’habitat. C’est une compétence que nous appréhendons progressivement, notre priorité étant de mettre en œuvre efficacement les dispositifs que nous avons récemment mis en place.

Si Saint-Martin n’est pas incluse dans la liste officielle des zones dites tendues, en raison de son statut spécifique régi par l’article 74 de la Constitution, son marché immobilier connaît des tensions comparables à ces territoires.

Nous faisons face à un fort déséquilibre entre l’offre et la demande, caractérisée par des loyers élevés et un déficit de logements accessibles, notamment pour les ménages les plus modestes. 1 295 logements sont vacants, soit 8,7 % du parc immobilier. Et quelque 1 700 bâtiments doivent toujours d’être construits ou reconstruits pour reconstituer le parc détruit par la catastrophe qu’a constitué l’ouragan Irma.

Un autre défi majeur réside dans l’augmentation des locations saisonnières, qui réduit l’offre de logements de longue durée. Actuellement, 11 % des logements sont des résidences secondaires.

Face à cette tension sur le marché du logement, la collectivité de Saint-Martin a engagé des actions concrètes pour structurer une politique efficace et durable.

L’adoption en octobre 2024 du programme local de l’habitat (PLH) 2025-2030 a marqué une étape essentielle pour nos territoires. Ce programme vise en effet à développer l’offre de logements adaptés, à encourager la réhabilitation du parc existant, à structurer une politique foncière durable et à faire du logement un levier d’attractivité pour le territoire.

Le 13 février 2025, la collectivité de Saint-Martin a signé une convention tripartite avec le groupe Action Logement et l’État, afin de renforcer l’offre de logements et d’accompagner les Saint-Martinois. Ce partenariat structurant permettra de sécuriser les bailleurs, grâce à la garantie locative Visale, de faciliter l’accession à la propriété, via des prêts adaptés, de développer des logements sociaux et abordables, avec Sikoa, et de soutenir les salariés et les entreprises, grâce à des aides ciblées.

La mise en œuvre de ce dispositif commencera rapidement. Il constitue une avancée concrète et immédiate pour le logement.

Notre priorité est aujourd’hui de stabiliser ces dispositifs et d’accompagner leur mise en œuvre. Ajouter de nouvelles régulations risquerait de complexifier un cadre que nous venons tout juste d’organiser, alors même que nous avons besoin de clarté et d’efficacité.

L’adaptation des normes de reconstruction est un enjeu déterminant pour accélérer la reconstruction et garantir des logements durables et accessibles. Grâce au vote intervenu au Parlement européen le 10 avril 2024, notre collectivité pourra désormais déroger au marquage CE pour les matériaux de reconstruction, ce qui constitue une avancée majeure pour notre territoire encore marqué par les séquelles de l’ouragan Irma.

Je soutiendrai donc l’amendement n° 4 rectifié bis, qui vise à préciser les modalités de mise en œuvre de cette exemption et à garantir que Saint-Martin puisse pleinement en bénéficier.

Cet amendement tend également à instaurer des comités référentiels construction, qui pourraient jouer un rôle essentiel dans l’identification des matériaux adaptés aux réalités locales, en s’appuyant sur l’expertise du bassin caribéen dans la sécurisation des choix techniques, en impliquant les professionnels du BTP, les scientifiques et les services de l’État, enfin dans la mutualisation des expertises entre les territoires ultramarins, pour éviter la dispersion des efforts et gagner en efficacité.

Il est essentiel que cette adaptation se fasse dans un cadre rigoureux et concerté, en lien avec les acteurs économiques et les collectivités concernées.

Saint-Martin doit être un acteur majeur de cette évolution et tirer parti de cette opportunité pour développer une filière de construction plus autonome, plus durable, mieux adaptée aux réalités climatiques et économiques de la Caraïbe.

J’en viens à la politique de la ville. En décembre dernier, un troisième quartier, Saint-James, a été ajouté aux quartiers prioritaires de la ville (QPV), rejoignant Sandy Ground et les quartiers de l’Orient. Une telle évolution n’est pas anodine. Saint-James, qui était auparavant classé en quartier de veille active, appelait depuis longtemps un accompagnement renforcé.

Depuis 2015, les contrats de ville ont permis d’investir plusieurs millions d’euros pour soutenir plus d’une centaine d’actions dans les quartiers prioritaires de Saint-Martin.

Un contrat de ville spécifique sera accordé au quartier Saint-James en raison de son intégration à la liste des quartiers prioritaires de la ville. La rédaction du futur contrat de ville 2025-2030 est attendue avant l’été. Il est essentiel que ces nouveaux dispositifs puissent se mettre en place sans obstacle financier.

Il nous faut pour cela assurer un financement stable et immédiat pour les politiques de la ville en outre-mer. La récente actualisation de la géographie prioritaire a permis d’augmenter le nombre de quartiers concernés, mais elle ne doit pas conduire à un vide budgétaire en attendant la signature des nouveaux contrats.

J’avais du reste déposé un amendement au projet de loi de finances 2025 visant à assurer l’engagement des crédits du programme 147, « Politique de la ville », y compris en l’absence de contrat de ville signé. Son adoption a permis d’éviter ce blocage et de garantir que les territoires ultramarins bénéficient d’un financement stable en attendant la signature des nouveaux contrats de ville.

Monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons plus nous contenter de constats. Nous devons agir de façon pragmatique, avec efficacité et en tenant compte des réalités locales.

Le logement est un enjeu fondamental pour le développement de nos territoires et pour la qualité de vie de nos concitoyens. Il est donc de notre responsabilité collective d’apporter des réponses durables et adaptées aux défis qui nous font face.

À titre personnel, je soutiens pleinement cette proposition de loi, car elle ouvre la voie à des avancées nécessaires pour le logement en outre-mer. Le groupe Les Républicains auquel j’appartiens suivra pour sa part la position de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Évelyne Perrot applaudissent également.)

M. le président. Je salue M. le ministre d’État Manuel Valls, qui doit nous quitter pour s’envoler vers La Réunion, et j’accueille Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement, qui connaît très bien notre hémicycle ! (Sourires.)

La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, proposé par notre collègue élue de La Réunion Audrey Bélim, que je salue, vise à répondre aux spécificités des territoires ultramarins en matière de logement.

Ces territoires sont en effet marqués par une pression immobilière croissante et des coûts de logement particulièrement élevés, atteignant les niveaux constatés dans les plus grandes villes de l’Hexagone.

Nos concitoyens ultramarins doivent également faire face à une offre souvent insuffisante ou peu adaptée aux réalités locales. La rareté du foncier outre-mer entraîne des conflits d’usage entre urbanisation, activité agricole et conservation des espaces naturels.

Le manque de logements dans les territoires ultramarins est criant. Dans son trentième rapport sur l’état du mal-logement en France, tout juste publié, la Fondation Abbé Pierre, nouvellement nommée Fondation pour les logements des défavorisés, constate d’ailleurs que, en dépit des efforts de différents acteurs, l’habitat informel et indigne demeure un problème crucial dans les outre-mer, la puissance publique n’étant pas encore parvenue à résorber ce parc.

Dans ce contexte, l’encadrement des loyers est l’un des leviers qui pourraient contribuer à assurer l’accès à un logement abordable pour l’ensemble de la population. Introduit par la loi dite Élan du 23 novembre 2018, ce dispositif vise à réguler les hausses excessives de loyer dans les zones dites tendues, où la demande locative est supérieure à l’offre disponible.

En l’absence de cadrages spécifiques, ce dispositif n’a toutefois pas été appliqué aux territoires ultramarins. L’article 1er du présent texte vise donc à l’étendre à ces derniers.

La commission des affaires économiques a souhaité recentrer cette proposition de loi sur ce seul article 1er, quand le texte initial abordait également la question des normes. Si cette dernière est assurément importante, elle appelle un travail de longue haleine. Il est donc assez périlleux de la porter, à ce stade, sous une forme nécessairement non finalisée, au sein d’une proposition de loi dont le principal objet est l’encadrement des loyers.

Le logement et l’habitat outre-mer sont un sujet complexe, qui ne peut pas être réglé en deux heures dans le cadre d’une niche parlementaire, en survolant les sujets. Nous espérons qu’un texte plus complet, s’appuyant notamment sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer, puisse être examiné dans les mois à venir.

Une concertation large de tous les acteurs de terrain est nécessaire pour faire aboutir de la manière la plus solide et pérenne possible les questions du marquage CE et des normes dans nos territoires ultramarins. Je souhaite notamment alerter sur un point : en l’absence de garantie de la part de l’ensemble des assureurs présents dans nos territoires, la portée d’un éventuel article 3 serait nulle.

J’estime par ailleurs qu’il faudra s’inspirer du rapport Ensemble, refaire la ville – Pour un renouvellement urbain résilient des quartiers et des territoires fragiles, remis au Gouvernement il y a quelques jours par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Au regard des besoins spécifiques de ces territoires, qui se caractérisent actuellement par un faible niveau d’ingénierie et de maîtrise foncière, ainsi que par la fragilité, voire le défaut des opérateurs, ce rapport préconise notamment un programme de renouvellement urbain pour les outre-mer.

Comme vous le constatez, madame Bélim, madame le rapporteur, le groupe RDPI souhaite prendre à bras-le-corps le sujet du logement et de l’habitat en outre-mer. Il ne faut toutefois pas nous y méprendre, mes chers collègues : en dépit de son intitulé accrocheur, le texte qui nous est proposé n’apporte qu’une réponse balbutiante aux nombreux enjeux qu’il soulève et qui sont ô combien prégnants pour nos territoires.

Nous ne pouvons pas jouer avec les attentes des Ultramarins, échaudés par des crises successives et l’instabilité qu’elles ont emportée.

Je souhaite du reste alerter sur le risque que ces sujets ne soient pris en étau entre les contraintes temporelles inhérentes à la niche parlementaire dans le cadre de laquelle le présent texte est examiné et les compromis anesthésiants qui pourraient en découler : cela pourrait susciter chez nos compatriotes un effet déceptif. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)