M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
article 3
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À l’alinéa 3, substituer aux mots :
« décret du »
le mot :
« le ».
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18, insérer l’alinéa suivant : « 1° ter A Au dernier alinéa du même article L. 811-5, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 4° » ; »
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À l’alinéa 29, supprimer les mots :
« ou aquacoles ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. L’aquaculture étant comprise dans le champ des activités agricoles, il est inutile de préciser que les établissements peuvent disposer d’exploitations aquacoles dès lors qu’ils peuvent disposer d’exploitations agricoles.
Cet amendement rédactionnel vise à ce que la définition soit exactement identique qu’il s’agisse d’établissements publics ou d’établissements privés.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30, insérer les deux alinéas suivants :
« Les exploitations agricoles mentionnées au présent article peuvent bénéficier des aides de toute nature, ainsi que des avantages prévus par le code général des impôts, le code de la sécurité sociale et le livre VII du code rural et de la pêche maritime, dont bénéficient les entreprises agricoles.
« Les ateliers technologiques mentionnés au présent article peuvent bénéficier des aides de toute nature, ainsi que des avantages prévus par le code général des impôts, le code de la sécurité sociale et le livre VII du code rural et de la pêche maritime, dont bénéficient les entreprises. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Comme cela a été prévu au Sénat pour les exploitations agricoles des établissements publics agricoles, cet amendement tend à ce que les exploitations des établissements privés puissent bénéficier des mêmes aides que les entreprises ou exploitations privées.
Il s’agit donc de faire en sorte que la nouvelle disposition s’applique aussi bien aux exploitations agricoles des établissements publics qu’à celles des établissements privés.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 32
insérer les trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° ter Aux articles L. 841-6 et L. 843-3, les mots : « septième alinéa » sont remplacés par les mots : « onzième alinéa du I » ;
« 2° quater La neuvième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 843-2 est ainsi rédigée :
«
L. 811-8 (onzième alinéa) |
Résultant de la loi n° du d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. |
».
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les quatre alinéas suivants :
« II. – L’article L. 238-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
« a) L’avant-dernière phrase et la dernière phrase du deuxième alinéa sont ainsi rédigées : « Il est également consulté sur les missions confiées aux établissements d’enseignement supérieur privés relevant du ministre de l’agriculture mentionnés à l’article L. 813-10. La composition, les attributions et les modalités de désignation des représentants des personnels, étudiants et apprentis des établissements publics et des établissements privés ainsi que les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixées par décret. »
« b) Après le troisième alinéa il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il formule toute proposition sur les questions d’intérêt national dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire. Il peut être saisi de toute question par le ministre chargé de l’agriculture. »
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 35, insérer l’alinéa suivant :
« 1° bis L’article L. 371-12 est abrogé ; »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Il s’agit également d’un amendement de coordination juridique.
article 14 bis A
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À la deuxième phrase de l’alinéa 15, substituer aux mots :
« des articles L. 820-2 et L. 820-3 »
les mots :
« de l’article L. 820-2 ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence juridique.
Article 21
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À l’alinéa 8, substituer aux mots :
« six mois »
les mots :
« douze mois ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. L’article 21 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à réviser et à actualiser les dispositions du code rural et de la pêche maritime en matière d’enseignement agricole en outre-mer.
Le Gouvernement partage la conviction qu’il est nécessaire d’aller vite au regard de l’ampleur des modifications apportées au code précité, notamment par le présent projet de loi, mais le délai de six mois apparaît trop court. Il est en effet nécessaire, dans un premier temps, de recenser les dispositions à mettre en cohérence et, dans un second temps, celles qui sont devenues sans objet, puis de prendre une ordonnance.
Nous vous proposons donc, pour des raisons de faisabilité, de porter le délai d’habilitation de six à douze mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Il est favorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Yannick Jadot, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, il faut le reconnaître, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, votre victoire est totale, sans aucun compromis, sans aucune nuance, et avec une complaisance coupable du Gouvernement.
Mais la fête risque d’être courte et les lendemains sombres. Car, si votre victoire sert les intérêts d’une minorité d’agriculteurs – toujours les mêmes : les plus puissants –, si elle sert les intérêts de l’agro-industrie et de l’agrochimie, elle se fait au détriment de tous les autres.
Au détriment de la majorité des agricultrices et des agriculteurs qui expriment chaque jour leur colère et le mal-être qu’ils vivent face à la précarité de revenus trop souvent indignes, face à l’isolement et à l’épuisement, face à une bureaucratie parfois absurde et face à une nature et à un climat qui sont aujourd’hui malades.
Cette loi est en fait une loi du déni.
Un déni de la nature, d’abord : ignorer les conséquences parfois lourdes de l’agriculture sur la biodiversité, les sols, l’eau, le climat et la santé est irresponsable. Les agriculteurs en sont les premières victimes.
Rabaisser les vérités scientifiques à de l’idéologie ou à des opinions parmi d’autres n’aurait jamais dû animer nos débats. Acter les faits, ce n’est ni insulter ni culpabiliser tous les agriculteurs : c’est nous rendre collectivement responsables !
En remettant systématiquement en cause le travail de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et de l’Office français de la biodiversité (OFB), vous vous êtes enfermés dans une forme d’obscurantisme qui nous éloigne des réponses et des transitions nécessaires.
Deux administrateurs de l’Anses démontrent dans le journal Le Monde du jour que l’usine à gaz instaurée par cette loi pour subordonner de fait les avis de l’Anses aux intérêts économiques de certains…
M. Yannick Jadot. … rappelle celle qui avait été installée en son temps sur l’amiante et qui a retardé les interdictions indispensables, malgré la catastrophe sanitaire annoncée.
Votre principe « pas d’interdiction sans solution », en ignorant de fait nombre d’alternatives qui reposent parfois sur des changements de pratiques, nous rappelle le même argument invoqué par les planteurs de bananes pour retarder sans cesse la fin de l’utilisation du chlordécone dans les Antilles – là encore, malgré la catastrophe sanitaire annoncée et connue.
Alors que partout les scientifiques alertent sur l’explosion des cancers, en particulier chez les jeunes, chacune, chacun ici devra un jour rendre des comptes.
Un déni de la société et de ses attentes, ensuite : le contrat entre l’agriculture et la société repose sur la reconnaissance et le respect de ce métier si essentiel et pourtant si difficile d’agriculteur, en qui nous plaçons notre confiance.
C’est pourquoi personne dans notre pays n’a remis jusqu’à présent en cause le financement public de l’agriculture, qui représente 200 euros en moyenne par Français et par an. Mais nos concitoyens attendent en retour une agriculture nourricière, une alimentation de qualité, le respect de l’environnement, la protection de la santé et des paysans nombreuses et nombreux dans nos campagnes ; et certainement pas une zone de non-droit et d’impunité, lorsqu’il s’agit d’atteintes à l’environnement. La confiance est fragile ; cette loi l’abîme.
Un déni, enfin, de la principale revendication du monde agricole : le revenu. S’il y a bien un scandale auquel vous ne vous êtes pas attaqués, c’est celui du rapport brutal, déséquilibré, qui lie les agriculteurs à l’agro-industrie et à l’agroalimentaire. Rien n’est prévu malgré les marges et le pouvoir de ces acteurs trop puissants qui écrasent nos paysans ; rien pour garantir des prix rémunérateurs et des revenus dignes.
Mes chers collègues, en ce triste jour, nous, écologistes, gardons pourtant espoir. Parce que, sur le terrain – et toutes les enquêtes le confirment –, les agriculteurs prennent bien plus au sérieux qu’ici les enjeux environnementaux et les attentes de la société, la nécessité de la transition si elle est justement et efficacement accompagnée. Ils sont bien plus lucides qu’ici sur le combat à mener face à l’industrie et à la grande distribution pour obtenir des revenus dignes.
Les jeunes, particulièrement, qui veulent reprendre ou s’installer et qui sont si mal traités par cette loi, sont lucides.
Pour eux, la souveraineté agricole et alimentaire, ce ne seront jamais des fermes usines alimentées par du soja brésilien qui détruit l’Amazonie et le climat pour que soit vendue de la viande de l’autre côté de la planète.
Pour eux, l’agroécologie est non pas un gros mot, que vous avez voulu rayer du texte de cette loi, ou une idéologie, mais la seule option sérieuse, raisonnée et responsable pour le métier qu’ils envisagent.
Nous leur devons une autre loi. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera évidemment contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. Où avez-vous vu qu’il était question de l’Anses ? Vous vous trompez de texte !
M. Yannick Jadot. J’ai bien écouté les débats !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise agricole qui s’est exprimée pendant le printemps 2024 nous oblige, car personne ici ne peut nier cette crise multidimensionnelle.
La crise est d’abord sanitaire et environnementale, avec la résurgence d’épidémies, autrefois tropicales, mais désormais hexagonales. Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles, et elles mettent sous pression les facteurs de production.
Le malaise agricole est aussi l’expression d’une crise de renouvellement des générations, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises durant les débats. Alors que le déficit en actifs agricoles est déjà marqué, et que les départs à la retraite seront loin d’être tous remplacés, l’avenir est inquiétant. N’oublions pas, en effet, qu’il n’existe pas de pays sans paysans.
Enfin, et surtout, la crise agricole est économique. C’est un constat sans appel. La revendication principale des paysans est de vivre dignement du travail qu’ils fournissent.
Au terme de l’examen du texte, quelle réponse allons-nous fournir à cette crise multidimensionnelle ?
Les paysans attendaient des mesures fortes ; ils n’auront qu’une loi bavarde, programmatique, qui n’apporte pas de réponse à la hauteur de leurs revendications.
Alors, oui, je ne nie pas que quelques dispositions pourraient aller dans le bon sens.
Je pense au guichet unique départemental, même si son rôle et ses contours demeurent incertains et flous. Le nouveau diplôme n’est pas non plus une mauvaise idée en soi, mais son impact réel interroge. Quant au diagnostic modulaire, il aurait pu être utile, mais il restera facultatif et tourné vers la compétitivité.
En revanche, je déplore l’absence d’avancées sur des thématiques pourtant centrales qui permettraient de répondre directement au malaise agricole.
Rien en faveur d’un meilleur revenu des agriculteurs ; rien en faveur d’un rééquilibrage des relations commerciales ; rien pour réguler le foncier agricole ; et rien pour réformer notre système d’aides qui reste orienté vers le productivisme.
L’occasion manquée est terrible. Avec cette loi d’orientation, on n’avance pas ; pire, on recule !
Je déplore cette logique libérale d’allégement des règles environnementales, dans la continuité des nombreuses mesures de simplification annoncées et mises en œuvre depuis 2022.
On recule avec le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire », dont l’adéquation avec nos engagements environnementaux interpelle.
On recule aussi avec le refus d’interdire les produits phytos dès lors qu’ils sont autorisés par l’Union européenne : c’est la porte ouverte à la réautorisation des néonicotinoïdes.
On recule avec l’abaissement démesuré des sanctions applicables à la destruction illicite d’espèces, d’habitats naturels ou de sites protégés.
On recule avec l’introduction du principe de présomption de non-intentionnalité des infractions et avec la dépénalisation de certaines d’entre elles.
On recule, enfin, avec l’accélération des recours contre les projets d’ouvrage hydraulique agricole, ou mégabassines.
Nous vous rejoignons sur un point : l’agriculture française doit rester compétitive et permettre à ses filières d’exporter. En un mot : rester d’excellence.
Non, nous ne sommes pas ceux qui voudraient faire « tomber » l’agriculture française, la réduire à néant. Mais, si nous voulons conserver une agriculture d’excellence, nous devons amorcer un virage agroécologique indispensable à sa survie, alliant performance économique, environnementale et sociale.
Pour cela, nous désirons que soient défendus tous les agriculteurs dans leur diversité, en promouvant l’ensemble des modes de production et en préconisant un plus grand pluralisme dans les instances agricoles.
Nous désirons que soit mise en œuvre une loi de régulation foncière qui lutte contre les agrandissements incontrôlés, l’accaparement et la financiarisation de nos terres.
Nous désirons que soit engagée une grande réforme des aides de la politique agricole commune (PAC), comme je l’ai dit à plusieurs reprises, au travers de notre plan stratégique national (PSN), afin d’en finir avec le modèle dominant des aides à l’hectare.
Nous désirons que soient reconnus le rôle majeur des opérateurs de l’État et les travaux scientifiques de l’OFB, de l’Anses ou de l’Inrae.
Nous désirons que soient supprimés tous les dispositifs constituant des reculs environnementaux inacceptables dans le présent projet de loi.
Je vous le dis, mes chers collègues qui allez voter ce texte, vous porterez désormais une responsabilité : celle de ne pas avoir engagé l’agriculture sur la voie de sa survie, en proposant un modèle alliant compétitivité, productivité et respect des paysans, des consommateurs et de l’environnement.
Le groupe socialiste n’a pas d’autre choix que de voter contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y sommes ! Certes, in extremis, à deux jours de l’ouverture du salon de l’agriculture, mais la chimère qu’était le projet de loi d’orientation agricole est enfin devenue réalité !
Ce texte est-il à la hauteur des attentes qui ont motivé son élaboration ?
Présentée en réponse à la colère du monde agricole, exténué par la hausse des coûts de production, la baisse de compétitivité, la multiplication et la complexification des normes et des procédures administratives, et l’inquiétude face au renouvellement des générations d’actifs agricoles, cette loi d’orientation avait l’ambition de donner un cap clair permettant d’atteindre la souveraineté alimentaire.
Ce cap, qui doit nous permettre de faire face à l’avenir, a-t-il été trouvé ? Nous permettra-t-il de nous adapter aux enjeux à venir, notamment dans le nouveau contexte international qui se dessine ?
Simplification et pragmatisme : voilà la méthode qui a été définie et le cap que nous devons suivre. L’agriculture est stratégique, nous devons la soutenir.
Nous nous réjouissons que la version du Sénat ait été essentiellement reprise. Nos échanges ont été longs, tendus parfois, mais ils nous ont permis d’aboutir à une proposition, certes incomplète, mais qui tend à apporter plus de souplesse aux agriculteurs.
Certaines dispositions de ce texte, toutefois, semblent échapper à cette logique de simplification, ce qui laisse notre groupe quelque peu perplexe. Nous étions les seuls à nous abstenir sur la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie. Ses dispositions, réintégrées à l’article 14 d’une loi visant à limiter la multiplication et la complexification des normes, nous interrogent. Nous resterons très attentifs quant à son application et aux remontées de terrain.
Nous pouvons également regretter que les dispositions sur les compétences « eau » et « assainissement » n’aient pas été retenues en commission mixte paritaire. Toutefois, et c’est le point essentiel, il est fort heureux que la chambre des collectivités ait pu de nouveau témoigner, lors de la discussion, ici en séance, de son attachement à ce sujet essentiel.
Je souhaitais également revenir sur un point. Toutes ces mesures de simplification doivent permettre de favoriser la transmission et l’installation. Pour cela, il faut de la rentabilité économique pour nos exploitations, non pas dans une démarche productiviste, comme cela a été dit, mais parce que sans rentabilité il n’y aura ni transmission ni installation. Les débats qui se sont tenus sur la suppression de la notion de viabilité économique nous étonnent encore.
Qui souhaiterait s’installer et reprendre une exploitation qui ne serait pas viable économiquement ? Diriez-vous la même chose à des artisans, à des commerçants ou à des responsables de PME ? L’objectif d’un exploitant est bien évidemment de vivre de son métier.
Madame la ministre, nous l’avons rappelé, ce texte n’est pas le vôtre. Vous avez hérité du projet de Marc Fesneau, avec un périmètre très restreint. Nous vous remercions pour votre engagement ; nous avons ici tout donné pour essayer de l’enrichir autant que possible.
Je tenais également à vous remercier de votre capacité à tenir vos engagements. Mon collègue Vincent Louault, qui aurait dû être à ma place aujourd’hui et que je vous prie d’excuser, a en ce moment même des échanges avec vos services et ceux du ministère de la transition écologique sur les zones humides, comme vous le lui aviez proposé.
Finalement, nous pourrions presque regretter que ce texte tant attendu ait été discuté si vite tant les sujets restent nombreux : l’urgence à alléger les surtranspositions, la question de la rémunération ou encore l’innovation.
Mais ce n’est qu’une première étape. La prochaine sera la discussion, par l’Assemblée nationale, de la proposition de loi visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur. Ces deux textes sont les deux jambes d’un même corps. Ils sont nécessaires pour apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par les agriculteurs.
Pour conclure, nous pouvons nous réjouir que les débats de ces dernières semaines aient permis de réaffirmer que l’agriculture est « stratégique » pour la souveraineté de la Nation. Cette qualité appelle une nouvelle méthode, axée sur la simplification et le pragmatisme. Nous avons tâché de l’employer ici. Il est nécessaire désormais de l’appliquer à l’industrie, à l’énergie ou à nos PME, autres secteurs essentiels de notre économie.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera unanimement ce texte. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, presque un an après le dépôt du projet de loi d’orientation agricole sur le bureau de l’Assemblée nationale, nous achevons aujourd’hui l’examen d’un texte au parcours chaotique, quelques jours avant l’ouverture du salon de l’agriculture.
Depuis un an, il n’aura échappé à personne que la colère agricole a connu plusieurs épisodes. L’exaspération face à la complexité et à la profusion des normes est constante. Les agriculteurs attendent de la clarification, et c’est la volonté du Sénat d’y répondre, en élaborant un texte complémentaire à la loi d’orientation agricole, à savoir la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.
Au terme du processus législatif, la loi d’orientation agricole a été considérablement améliorée et clarifiée. Le travail réalisé par la commission des affaires économiques, principalement, et les commissions du développement durable et de la culture y a contribué. Je salue le travail des rapporteurs Laurent Duplomb et Franck Menonville.
Durant l’examen du projet de loi et les dix jours de débats, il a été nécessaire de défendre la vision que nous en avions et ses objectifs, qui sont les suivants : garantir notre souveraineté agricole ; promouvoir une agriculture qui soit compétitive et durable sur l’ensemble du territoire, et capable de produire une alimentation saine, conformément au principe de souveraineté alimentaire. Nous défendons plus que tout la nécessité de faire confiance aux agriculteurs, à ces femmes et à ces hommes qui donnent tout à leur métier pour nous nourrir, et qui le font avec passion, consciencieusement.
La version finale, issue de la commission mixte paritaire, est satisfaisante. L’accord trouvé avec les députés conserve de nombreux apports du Sénat.
N’attendons toutefois pas du projet de loi qu’il résolve tous les problèmes. Nous savons que ce texte d’orientation est aussi un texte de circonstance et de nécessité. Il aborde des sujets parfois plus urgents que structurants pour l’agriculture. Certains pourront lui reprocher un caractère parfois hétéroclite, mais je soulignerais, à l’inverse, qu’il apporte une vision cohérente, soutenue par des objectifs communs, déclinés dans des solutions pragmatiques.
Parmi les réponses ambitieuses et utiles, je mentionnerai notamment : l’inscription de la souveraineté alimentaire comme intérêt fondamental de la Nation, et le principe de non-régression de cette souveraineté ; la création de dispositifs permettant réellement de faciliter l’installation des agriculteurs – droit à l’essai en agriculture, aide au passage de relais ou encore volontariat agricole – ; l’atténuation des sanctions environnementales en l’absence d’intention de commettre un délit, ce qui vise à garantir la présomption de bonne foi des agriculteurs lors des contrôles et à exclure les sanctions en cas de normes contradictoires ; et, enfin, la simplification de l’article sur les haies.
Mes chers collègues, je pourrais encore citer d’autres points de l’accord de commission mixte paritaire sur lesquels le Sénat a été entendu. Vous me permettrez d’en mentionner deux qui sont, selon moi, particulièrement importants et qui marquent l’aboutissement d’un travail législatif commencé il y a deux ans.
Il s’agit, d’abord, de l’adoption définitive de l’exclusion des bâtiments agricoles du « zéro artificialisation nette » (ZAN), à la suite de l’amendement que j’ai déposé et qui a été largement soutenu ici. L’avenir de l’agriculture exige de ne pas mettre en concurrence les bâtiments agricoles nécessaires à l’élevage avec la construction de nouvelles habitations.
Désormais, contrairement à ce que voulait imposer la loi Climat et Résilience, et tout en respectant l’objectif de sobriété foncière, les constructions ou aménagements nécessaires à l’activité agricole ne seront pas considérés comme artificialisés après 2031. C’est un changement majeur pour l’aménagement de l’espace, notamment en zone rurale, qui rassure les agriculteurs et les élus ruraux.
Il s’agit, ensuite, de l’autorisation des procédés de valorisation des produits lainiers sous forme d’engrais.
L’amendement, soutenu par le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, que j’ai déposé et qui a été adopté permettra aux éleveurs de tirer un revenu complémentaire de la vente des produits de la tonte et de créer une filière de transformation nationale de fertilisants organiques.
Cette méthode était jusqu’alors interdite en France du fait d’une application trop restrictive du droit européen, alors que de tels procédés étaient autorisés en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Je sais que les éleveurs concernés attendaient ce déblocage ; ce texte l’a fait.
Pour terminer, je me félicite bien sûr des avancées contenues dans l’ensemble des textes votés au Sénat sur l’agriculture en ce début d’année. Mais les enjeux sont encore devant nous : avec la proposition de loi Trace (trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux), qui arrive dans quelques jours, et, surtout, l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne, sur lequel nous devons rester vigilants et déterminés – et vous l’êtes, madame la ministre –, afin de ne pas introduire une concurrence déloyale pour nos agriculteurs.
Le groupe Les Républicains votera avec satisfaction le texte de la commission mixte paritaire et espère une promulgation rapide de cette loi tant attendue. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour une entrée en application rapide et conforme à nos ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)