M. André Reichardt. Pour 1,3 milliard d'euros !
M. Thierry Cozic. Alors que, partout dans nos territoires, les maires nous alertent sur les fermetures de classes, nous avons obtenu le rétablissement des 4 000 postes menacés dans l'éducation nationale.
Enfin, en ce qui concerne les collectivités locales, je salue la possibilité offerte aux départements de majorer de 0,5 % les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), tout en préservant les primo-accédants.
Le Sénat avait réduit la mise à contribution des départements, en la portant de 2,2 milliards d'euros à un peu plus de 900 millions d'euros, soit 40 % de l'effort demandé aux collectivités. Il est à noter que le gel de la TVA est maintenu, ce qui représente une perte de près de 700 millions d'euros pour les départements. Cette mesure nous conduit à nous interroger sur le respect de la parole donnée par l'État.
La CMP n'a pas modifié le montant de l'effort demandé aux collectivités locales qui figurait dans la rédaction du Sénat. Celui-ci s'établit à 2,2 milliards d'euros environ. Une telle mise à contribution est encore trop élevée pour les collectivités territoriales, alors que leurs budgets sont en tension.
Les régions auront la possibilité de prélever, sur les entreprises, un versement mobilité à hauteur de 0,15 % de la masse salariale, afin de financer le développement des mobilités alternatives. Nous saluons cette mesure, même si elle ne va pas assez loin ; nous étions favorables à un taux de 0,2 %.
D'une manière générale, nous déplorons les coupes claires dans les diverses missions budgétaires. Par cette austérité, vous cherchez dans les poches de ceux qui n'ont pas créé le problème des solutions qui ne fonctionnent pas !
Enfin, mue uniquement par l'esprit de responsabilité et soucieuse de l'intérêt du pays et de nos concitoyens, notre famille politique a pris la décision de ne pas censurer le Gouvernement, alors que la France attend de disposer d'un budget.
Nous avons entendu les inquiétudes des Françaises et des Français. Nous connaissons les craintes des entreprises, des collectivités territoriales et des associations, qui attendent d'avoir de la visibilité et de la stabilité pour construire leur propre budget, embaucher, investir et engager leurs projets.
L'absence prolongée de budget pour notre pays est pour notre économie un risque, qui affecterait d'abord les plus vulnérables.
Pour conclure, ce budget, issu de la commission mixte paritaire, ne nous convient pas, en dépit de quelques légères inflexions positives par rapport à la version initiale. Je tiens à le dire très solennellement : la préparation du budget 2026 commencera bientôt, et la marche sera haute. Nous veillerons à ce qu'il soit plus équilibré que celui que vous nous présentez aujourd'hui.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France a besoin d'un budget. Le Rassemblement national a été, durant cette phase budgétaire, force de propositions concrètes pour nos concitoyens.
Si censure il y eut à l'égard du précédent gouvernement, ce fut uniquement pour protéger les entreprises et les ménages d'un alourdissement trop lourd des impôts, qui conduirait inévitablement à la récession.
Voilà quelques semaines, on entendait, dans cet hémicycle, que ce budget était le pire à l'exception de tous les autres. Mais le « moins pire » n'exclut pas de faire mieux, et, en l'occurrence, nous pouvions faire mieux !
L'objectif de 5,4 % de déficit et la cible de croissance, qui figurent dans ce texte sont fragiles, alors que la situation internationale et interne est plus que jamais instable.
Contrairement à ce que l'on peut lire ou entendre ici ou là, mais comme je le craignais lors de mon explication de vote au Sénat sur la deuxième partie, ce budget cumule injustice sociale et purge fiscale.
Il prévoit une augmentation apparemment temporaire de l'impôt sur les sociétés, une hausse des DMTO, la suppression de la CVAE, l'instauration d'un malus automobile, une augmentation scandaleuse du prix de l'électricité... La liste est longue, très longue, de ces mesures qui aboutissent à saigner les classes moyennes aussi bien que les classes populaires, les entreprises comme les personnes en situation de précarité.
Un autre budget était pourtant possible, un budget qui n'aurait pas alourdi encore davantage le fardeau fiscal de la France productive, qui aurait économisé les dépenses superflues de l'État et permis de respecter nos trajectoires de programmation des finances publiques et de maintenir nos ambitions en matière d'investissement.
Il était possible de rompre avec cinquante années de gabegie et de copinage, en coupant dans les crédits des agences Théodule inefficaces, en réduisant les dépenses qui ne profitent pas prioritairement aux Français et en s'attaquant au désordre budgétaire. Mais ce budget, nous ne l'aurons pas… En tout cas pas cette fois.
À tout le moins, nous avons eu droit à la réhabilitation du terme de submersion…
La submersion migratoire, tout d'abord, que le Gouvernement a feint de reconnaître, avant de plier, je le regrette, sous les cris d'orfraie de la gauche. Mais, mauvaise nouvelle, les chiffres viennent d'être publiés, et le constat est simple : l'immigration est incontrôlée et massive.
Alors que la demande populaire unanime est de réduire ce flux et son financement, ce budget ne s'attaque nullement à cette question. Même la droite sénatoriale, trop heureuse de retrouver les ors des ministères, n'a obtenu qu'une baisse dérisoire de l'AME, malgré ses rodomontades, dont nous prédisions qu'elles étaient artificielles.
La submersion fiscale, ensuite, puisque, comme je l'ai rappelé, on assiste à une augmentation de la dépense publique et de la charge fiscale. Ce sont toujours les mêmes maux qui produiront les mêmes résultats : la submersion par le chômage.
En définitive, après la submersion fiscale qui se poursuit et la submersion migratoire qui est protégée, nous voyons poindre la submersion due à la crise économique, qui s'accompagne de son lot de drames et de plans sociaux.
Pour éviter le chaos, le Gouvernement a choisi, dans ce budget, la ruine. Mais, n'en doutez pas, nous aurons l'un et l'autre, dans quelque temps !
Tout le monde retient son souffle et, pardonnez-moi d'employer cette expression, serre les fesses jusqu'à la prochaine dissolution. Il y aura un temps légitime, légal et bienvenu pour le retour aux urnes. Les Français devront se saisir de cette chance, sans céder à la pression médiatique et moralisatrice.
Pour l'heure, nous voterons contre ce budget.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, « en politique, le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal ».
Je tiens tout d'abord à remercier les quatorze membres de la commission mixte paritaire de la qualité de leur travail et des – nombreuses ! – heures passées à élaborer le texte dont nous sommes saisis. Le Sénat avait lui-même travaillé longuement sur ce projet de loi de finances.
Aujourd'hui, le moindre mal dont nous parlait Nicolas Machiavel est de voter ce budget d'urgence, pour lequel tous les partis de gouvernement ont fait le choix de s'asseoir autour de la table dans l'intérêt des Françaises et des Français. Il s'agit de redonner confiance à tous.
Être parlementaire, c'est discuter et échanger avec des convictions fortes pour convaincre et atteindre un résultat escompté. C'est aimer les autres et être tourné vers eux. Ce n'est pas refuser systématiquement de débattre.
Comme je le disais, les partis de gouvernement ont fait exactement ce que les Français attendaient d'eux, c'est-à-dire laisser de côté l'intérêt de leur parti pour faire primer l'intérêt général. Aussi, bien sûr, la potion est amère pour tout le monde. Ce budget n'est pas forcément satisfaisant et chacun lui trouve, selon ses idées, des défauts.
Je vais revenir très rapidement sur les griefs de mon groupe pour prendre, ensuite, le temps de parler de l'avenir.
Ce budget ressemble finalement à beaucoup d'autres depuis cinquante ans : nous allons voter, cette année encore, un projet de loi de finances en déficit – entre 130 et 140 milliards d'euros. Ce déficit viendra nourrir notre dette, qui, chaque année, gonfle davantage au détriment de l'avenir de nos enfants.
Pour répondre à l'urgence budgétaire, nous avons fait comme on fait toujours ! Nous avons sorti le livre posé sur l'étagère de la cuisine et répété la même recette avec les mêmes ingrédients : peu de baisses de la dépense publique, réparties en majorité sur les dépenses d'investissement, et une augmentation de la fiscalité à peu près mesurée sur ceux qui produisent de la richesse dans ce pays, c'est-à-dire les actifs, les classes moyennes et les entreprises.
Dans le contexte que nous connaissons, nous n'avons pas beaucoup d'autres choix que d'accepter ce compromis. Il est le seul qui permette à la France d'avoir un budget et donc au pays de fonctionner.
Nous devons toujours avoir en tête l'importance, d'une part, des moyens humains mis en place par l'État, que ce soit en métropole ou outre-mer, notamment ceux des trois fonctions publiques, et, d'autre part, de la solidarité en faveur des collectivités territoriales – plus de 100 milliards d'euros.
Mes chers collègues, dans à peine huit mois, le Gouvernement présentera au Parlement un nouveau budget. Contrairement aux idées reçues, ce texte n'est pas toujours le meilleur véhicule législatif pour réaliser des économies. Ce sont les réformes qui auront lieu pendant l'année à venir qui nous permettront d'en faire en 2026.
Aussi, malgré la situation politique à l'Assemblée nationale, nous devons nous hâter de réformer le pays pour préparer un avenir de sérénité et de prospérité à nos enfants.
Les sénateurs de mon groupe n'ont eu de cesse de le répéter lors des débats sur ce budget : l'État ne peut pas et ne doit pas tout faire, sinon il fera mal. Nous devons recentrer l'action publique sur la raison d'être de l'État, à savoir ses missions régaliennes. Et puisque le modèle de société auquel les Français sont attachés est celui d'un État stratège, alors celui-ci doit faire porter l'essentiel de sa stratégie sur la préparation de leur futur.
En cela, l'instruction publique, l'enseignement supérieur, le financement de la transition écologique, la recherche, l'innovation et la modernisation de l'action publique sont autant d'investissements stratégiques. En effet, pour réduire la dépense publique tout en modernisant nos administrations, nous allons devoir investir. La proposition du Premier ministre de créer un fonds spécial consacré à la réforme de l'État, financé par la cession d'actifs immobiliers, nous semble une bonne idée.
Pour faire des économies, il faut aussi simplifier les normes applicables à tous les acteurs économiques et adopter des réformes de justice économique. Il n'est pas normal, par exemple, que les règles soient aussi différentes pour les salariés du public et du privé, lorsqu'ils occupent des emplois similaires.
Mes chers collègues, nous allons voter ce texte pour donner un budget au pays, mais nous devons aussi penser au financement de la sécurité sociale, dont le volume, je le rappelle, est plus important que celui de l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de l'explication de vote en première lecture sur ce projet de loi, ma collègue Christine Lavarde avait conclu en disant que ce projet était « le plus mauvais, à l'exclusion de tous les autres »… Cela reste vrai, ce PLF est imparfait. Mais comment pourrait-il en être autrement ?
Préparé par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, qui n'introduisait aucun infléchissement dans la trajectoire calamiteuse de nos finances publiques et laissait à notre pays un très lourd héritage budgétaire…
M. Michel Savin. Eh oui !
M. Stéphane Sautarel. … et amendé en hâte par le gouvernement Barnier pour tenter de tenir la barre des 5 % de déficit, il a été ajusté par le gouvernement actuel après la dégradation suscitée par la censure, pour intégrer une croissance moindre et un déficit affiché à 5,4 %.
Ce budget est en fait, pour beaucoup, celui du Sénat, qui a tenté de le redresser et de l'améliorer en responsabilité et avec gravité. Il s'agit finalement du budget de la Nation, fruit d'une commission mixte paritaire historique et conclusive, qui est le signe de l'affirmation d'un régime parlementaire et d'une méthode nouvelle de dialogue entre le Gouvernement et le Parlement.
Ce budget, malgré ses limites, doit permettre à notre économie de retrouver un souffle grâce à la lisibilité qu'il offre. Il est une bouffée d'oxygène pour nos agriculteurs et nos outre-mer. Il doit surtout être le début d'un nouveau chemin, pour engager dans la durée la réduction du déficit public par la baisse de la dépense – j'y reviendrai.
Je veux donc tout d'abord remercier tous ceux qui permettent à notre pays de disposer d'un budget : vous, madame, messieurs les ministres, par votre écoute et votre action ; les rapporteurs de la commission mixte paritaire, Jean-François Husson et David Amiel, qui ont su dans le dialogue trouver une voie majoritairement approuvée en commission et acceptable par d'autres ; les équipes de la commission des finances ; et vous tous, mes chers collègues, par les votes que vous allez exprimer ce matin après celui des députés hier.
Ce budget répond à cinq exigences fortes.
Premièrement, réduire le déficit de nos finances publiques, en le ramenant à 5,4 % en 2025 et en l'inscrivant sur une trajectoire devant nous permettre de renouer avec les 3 % en 2029. C'est essentiel pour réduire enfin le coût de notre dette, via la baisse de la dépense.
Deuxièmement, répondre aux enjeux du régalien et des lois de programmation de nos armées, du ministère de l'intérieur et de la justice.
Troisièmement, refuser toute hausse de fiscalité touchant les classes moyennes limitée ou non dans le temps.
Quatrièmement, prendre en compte les préoccupations de pouvoir d'achat de nos concitoyens, notamment s'agissant de l'énergie, en ne ramenant pas la fiscalité de l'électricité au-delà de son niveau d'avant crise, afin de garantir la baisse effective des tarifs, mais aussi de MaPrimeRénov', tout en adaptant notre pays au changement climatique.
Cinquièmement, et enfin, traduire concrètement certaines priorités pour nos territoires, en limitant l'effort des collectivités locales. Il n'est en fait que de 1,2 milliard d'euros grâce au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), soit bien moins que leur part relative dans la dépense publique – c'est heureux, mais il convient de le reconnaître. Ce texte ouvre aussi quelques voies nouvelles, même si elles restent encore limitées, en faveur en particulier du logement et de la mobilité.
Face à l'urgence, le groupe Les Républicains adoptera les conclusions de la commission mixte paritaire, qui sont très proches du texte adopté par le Sénat en première lecture.
Au-delà de cette adoption, nous devons surtout donner des signes pour davantage de liberté et de lisibilité et conjuguer sincérité dans l'approche de nos finances et efficacité de nos politiques publiques.
Nous allons devoir faire preuve d'audace et de courage si nous voulons sortir de la sédimentation qui nous étreint depuis trop d'années : empilement de fiscalités, de réglementations, de compétences... La commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État va nous y aider, comme la nécessaire révision de notre niveau de dépense sociale.
Les sujets prioritaires dont nous avons à traiter sont de trois ordres : la démographie, l'innovation et la souveraineté.
Les conséquences de l'évolution démographique que nous connaissons sont et vont être considérables –elles sont pourtant insuffisamment anticipées – sur nos écoles, la prise en charge de la dépendance, les charges de santé, le financement des retraites, l'immigration, l'empreinte carbone, la relation nouvelle au travail, etc.
L'innovation autour des transitions – on peut parler du numérique, du dérèglement climatique, des mobilités ou du logement – constitue le deuxième enjeu majeur.
Le troisième est bien sûr la souveraineté, qu'elle soit industrielle, agricole, militaire, sécuritaire, financière ou budgétaire, qui s'impose en clé de voûte de l'ensemble.
Voilà tracées quelques balises qui doivent nous conduire vers un retour à la confiance, à l'espoir et au sursaut. Le budget n'est finalement qu'un outil au service d'une vision, d'un projet, pour la France et les Français. Il nous faut commencer à l'esquisser pour ensuite adapter notre maquette budgétaire à un nouveau paradigme.
Le contexte actuel ne permet sans doute pas la reconstruction profonde de notre système, mais nous devons, à tout le moins, ouvrir la voie à sa réforme. Nous en avons tant besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de finances pour 2025 dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
Je rappelle que, en application de cet article, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Aux termes de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 188 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 107 |
Le Sénat a adopté définitivement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Fonctionnement des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole (proposition n° 261, texte de la commission n° 291, rapport n° 290).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en créant les chambres d'agriculture il y a cent un ans, le législateur a permis la diffusion jusque dans nos champs de notre modèle démocratique, afin que notre politique agricole s'adapte aux réalités des hommes et des territoires.
Ce modèle de représentativité, cette représentation des paysans par les paysans eux-mêmes, doit être réaffirmé et conforté.
Je profite d'ailleurs de cette occasion pour saluer l'engagement essentiel de toutes les candidates et de tous les candidats aux élections des chambres d'agriculture qui se sont achevées vendredi dernier et dont nous attendons les résultats dans la journée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte répond à un impératif électoral lié au renouvellement des instances des chambres d'agriculture ; il a pour objectif de ne pas empêcher l'élection de nombreux candidats légitimes. Ce risque est induit, vous le savez, par la séparation entre les activités de vente et de conseil qu'a introduite la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim.
La légitimité théorique de cette séparation n'est pas en cause aujourd'hui ; celle-ci a été discutée ici même au Sénat dans le cadre de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, dont les premiers signataires sont les sénateurs Duplomb et Menonville et qui a été adoptée en première lecture au Sénat il y a moins de deux semaines. Ce texte sera examiné prochainement – je l'espère – à l'Assemblée nationale.
Aujourd'hui, ce sont les effets pratiques de cette séparation qui nous intéressent. Et ce sont des effets de bord qu'il convient de corriger en urgence.
Dans la mesure où, dans les faits, les activités de vente sont conduites notamment par des coopératives, alors que les activités de conseil sont des missions intrinsèques des chambres d'agriculture, le cadre en vigueur empêche de facto un contingent substantiel d'élus, issus des coopératives notamment, de se présenter au bureau de leur chambre d'agriculture.
La proposition de loi de la députée Nicole Le Peih répond donc à une situation d'urgence électorale, qu'il n'était pas possible de renvoyer à des discussions futures au regard du contexte électoral dans lequel nous sommes.
C'est ainsi que le premier article de ce texte tend à pérenniser la dérogation, qui existe depuis 2019, au principe de la séparation entre la vente et le conseil pour l'exercice de mandats dans les chambres.
Cette dérogation fonctionne. Il est important de la proroger d'ici à ce que la modification plus substantielle des dispositions relatives à la séparation de la vente et du conseil soit votée après examen par l'Assemblée nationale de la proposition de loi dont je viens de parler.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi répond à une urgence que connaissent l'ensemble de nos territoires, y compris l'outre-mer.
Il était donc impossible d'ignorer la réalité du drame que vivent les Mahorais. Vous le savez, le cyclone Chido a complètement dévasté Mayotte, dont les habitants sont aujourd'hui plus préoccupés par l'acheminement de biens de première nécessité et par la réhabilitation des services publics essentiels que par les échéances électorales.
Les représentants que vous êtes savent mieux que quiconque l'importance de permettre la tenue d'élections dans la sérénité. Aujourd'hui, les conditions de cette dernière ne sont clairement pas réunies à Mayotte.
Aussi, c'est en responsabilité que le Gouvernement a déposé un amendement visant à décaler d'un an la tenue des élections à la chambre d'agriculture de Mayotte, afin que celles-ci puissent se dérouler dans des conditions convenables entre la fin de l'année 2025 et le début de l'année prochaine. L'Assemblée nationale l'a adopté, et c'est désormais sur votre responsabilité que je compte pour graver cette disposition dans le marbre de la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une proposition de loi sur la démocratie en agriculture ne pouvait non plus s'exonérer d'examiner les imperfections qui affectent les élections à la mutualité sociale agricole (MSA).
Outre la resynchronisation de la durée des mandats des délégués des caisses, qui fait l'objet d'un consensus transpartisan, cette proposition de loi permet de revenir sur la limitation du droit de vote qui s'applique aujourd'hui à l'ensemble des personnes qui ne se seraient pas acquittées de leurs cotisations sociales depuis au moins six mois.
Cette limitation, je le dis, me pose une difficulté, puisqu'elle porte une double sanction : elle revient à ce que les personnes frappées sur le plan économique et social le soient aussi sur le plan démocratique.
C'est donc une injustice que corrige ce texte. Si ces nouvelles dispositions ne pourront malheureusement s'appliquer aux prochaines élections, trop proches de nous, elles trouveront à s'appliquer en 2030.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre de son examen en commission, des amendements sont aussi venus intégrer au texte des dispositions visant à la parité sur les listes électorales présentées pour la MSA.
Ces dispositions permettent de poursuivre le combat en faveur de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Elles s'inscrivent donc dans le sens de l'histoire.
Comme toujours – c'est une règle que je me fixe en politique –, je souhaite que les progrès que nous portons ne s'exonèrent pas des réalités de terrain. L'agriculture souffre aujourd'hui encore d'une inégale représentation des femmes et des hommes. En effet, un peu moins d'un quart des chefs d'exploitation sont des femmes, et ces dernières représentent à peine plus de 38 % des salariés du secteur.
Viser la parité, c'est permettre à chacun et chacune de participer à la représentativité du monde paysan. C'est également mon ambition que de permettre aux femmes d'être plus nombreuses en agriculture, mieux protégées et ainsi plus visibles. Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture apportera des réponses à cette question – nous avons commencé à en débattre hier.
Je soutiens donc pleinement la proposition qui avait été portée par la députée et rapporteure de ce texte à l'Assemblée nationale, Nicole Le Peih, ayant pour objet que la parité sur les listes pour les élections aux caisses de la MSA s'applique à partir de 2030. Il s'agit là d'un horizon ambitieux, mais réaliste.
Enfin, le Gouvernement appuie pleinement les dispositions de cette proposition de loi permettant de réaliser des coordinations juridiques s'agissant de l'élection des délégués dans les anciens cantons de la métropole de Lyon.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les représentants des territoires et gardiens de la démocratie que vous êtes voteront en pleine responsabilité. En effet, nous commettrions une faute lourde en ajoutant à la crise économique et sociale qui traverse le monde agricole une crise démocratique.
Je compte donc sur vous pour vous saisir du sujet et offrir à nos paysans une représentation fidèle dans l'ensemble de leurs instances. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Bernard Buis et Antoine Lefèvre applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Vincent Louault, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous poursuivons notre marathon législatif agricole pour discuter d'une proposition de loi qui est nettement plus circonscrite que le projet de loi d'orientation, mais qui est tout à fait utile.
Cette proposition de loi relative à l'exercice de la démocratie agricole vise non pas à apporter des réponses de fond à certaines problématiques bien connues du monde agricole, mais plutôt à répondre à l'urgence. Déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale par Nicole Le Peih, députée morbihannaise du groupe Ensemble pour la République, elle a été travaillée, si mes informations sont exactes, en lien étroit avec le ministère.
Par lettre rectificative du Gouvernement, ce texte a été inscrit à l'ordre du jour dans des délais extrêmement serrés, presque inédits hors temps de crise, avec un examen en commission le 29 janvier et ce jour en séance publique. Vous le voyez donc, madame la ministre, quand on veut aller vite, on peut le faire…
M. Laurent Duplomb. C'est vrai !
M. Vincent Louault, rapporteur. Je le disais à l'instant, ce texte est un texte d'urgence.
Cette urgence provient de l'imminence de la mise en place des bureaux des chambres d'agriculture : les élections, qui ont lieu tous les six ans, sont à peine achevées – les résultats seront proclamés aujourd'hui –, et il faudra reconstituer les bureaux des chambres au plus tard un mois après, c'est-à-dire le 5 mars prochain.
Or la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires – je ne m'attarde pas sur ce sujet, car nous en avons longuement débattu en séance publique dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de Laurent Duplomb et Franck Menonville – interdit aux associés des coopératives ayant conservé l'activité de vente d'accéder aux instances dirigeantes des chambres, dans la mesure où ces dernières réalisent des activités de conseil aux agriculteurs – c'est même, j'ose le dire, leur raison d'être !
Dans les faits, cette incompatibilité exclut un large vivier d'agriculteurs engagés qui font vivre notre démocratie agricole et risque de les priver de représentation dans les chambres d'agriculture.
Nous avons, au Sénat, alerté de longue date sur l'impasse dans laquelle tout cela allait nous plonger et sur le besoin d'aménager la séparation de la vente et du conseil. Les chambres d'agriculture n'ont d'ailleurs pas manqué de nous faire remonter cette question, notamment lors de l'audition de leurs représentants en février 2024 devant la commission des affaires économiques.
Dans la précipitation, le texte que nous examinons se contente, à l'article 1er, de lever l'incompatibilité sans revenir sur la séparation vente-conseil en elle-même. Autrement dit, c'est un aménagement minimaliste, qui plus est avec l'instauration d'une règle de déport s'agissant des travaux et délibérations concernant l'activité de conseil. Chacun le constatera, l'ambition est très éloignée de ce que le Sénat a voté il y a peu dans le cadre de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur…
Pour autant, il va de soi que cet article 1er est nécessaire pour éviter une situation de blocage. Il est nécessaire, mais loin d'être suffisant. La Coopération agricole l'a d'ailleurs redit elle-même publiquement. Il serait dommage de s'arrêter en si bon chemin.
Pour le reste, le texte initial contenait trois articles, les deux autres portant sur divers aménagements des élections à la mutualité sociale agricole : l'article 2 tend à supprimer la condition d'être à jour de ses cotisations, qui était bloquante pour participer aux élections, et précise la délimitation de la circonscription de la métropole de Lyon ; l'article 3 tend à réaligner les dates auxquelles auront lieu ces élections, car le covid-19 a tout désorganisé.
Autant de mesures techniques, sur lesquelles nous n'avions pas d'objections.
Le Gouvernement avait initialement exprimé son souhait que le Sénat adopte ce texte dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale, afin de gagner du temps et d'éviter une nouvelle lecture ou tout du moins une commission mixte paritaire. Nous souscrivions à cette intention.
Seulement, cinq nouveaux articles ont été ajoutés à l'Assemblée nationale, dont un en particulier nous semblait bloquant. Notre commission a donc adopté un amendement de suppression de notre collègue Franck Menonville. En effet, l'article 1er ter, qui a fait l'objet de cet amendement, était une demande de rapport sur l'opportunité d'adopter un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections aux chambres d'agriculture.
Si nous sommes, au Sénat, plutôt réservés sur les demandes de rapport, celle-ci se révélait particulièrement inopportune.
Aussi, c'est d'un texte expurgé de cette demande de rapport que nous allons discuter ce jour, ce qui devrait conduire le Gouvernement à réunir une commission mixte paritaire dès lundi prochain.
En la matière, j'ai toute confiance dans le Gouvernement pour aider les parlementaires que nous sommes à respecter l'échéance d'une promulgation au Journal officiel avant le 5 mars prochain, d'autant plus qu'au-delà de ce désaccord, somme toute mineur, ce texte est largement transpartisan, comme en témoignage d'ailleurs le nombre réduit d'amendements dont nous nous apprêtons à débattre.
Certaines mesures ajoutées à l'Assemblée nationale ont, du reste, renforcé la pertinence et l'urgence du texte. Je pense en particulier à l'amendement que Mme Le Peih a déposé afin de reporter les élections des chambres d'agriculture à Mayotte, créant l'article 1er bis B.
Cette disposition avait été jugée irrecevable dans le cadre de l'examen du projet de loi d'urgence pour Mayotte, et nous devions donc lui trouver un véhicule législatif adapté. Cette proposition de loi sur la démocratie agricole le permet, qui confirme le caractère d'urgence de ce texte, en attendant des réformes plus substantielles.
Songeons que, à Mayotte, et pour ne parler que du secteur agricole, 90 % de la production maraîchère et fruitière a été détruite, que l'élevage a été durement touché et que l'essentiel des bâtiments est endommagé ou détruit.
Dans ce contexte terrible pour le département, il paraît très difficile d'envisager la bonne tenue des élections de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture suivant le calendrier électoral initial. La démocratie agricole doit pouvoir s'exprimer dans des conditions minimales de sérénité, qui ne sont malheureusement pas remplies actuellement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)