M. Jean-Claude Tissot. Nous n'avons jamais été autosuffisants pour les ovins : nous ne produisons que 37 % de ce que nous consommons !
M. Guillaume Gontard. C'est le Rainbow Warrior !
Mme Annie Genevard, ministre. Et ainsi de suite… Il y a les chiffres, et la réalité des choses.
Je vais vous livrer une confidence que m'a faite Christiane Lambert, que chacun d'entre vous connaît. (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.) Elle me disait que lorsqu'elle avait commencé à évoquer la notion de souveraineté alimentaire dans des réunions européennes, on la regardait avec beaucoup de méfiance, voire de réprobation. En effet, à l'époque, l'Union européenne avait la religion de la libre concurrence. Or – je ne vous l'apprendrai pas, monsieur Salmon – une concurrence complètement dérégulée entraîne du désordre.
Nous parlons non pas seulement de libre concurrence, mais aussi de souveraineté alimentaire, ce qui ne revient pas non plus à parler de nationalisme alimentaire. En matière de souveraineté, chaque perte de terrain se rappellera toujours à nous. L'alimentation comme le médicament peuvent en effet devenir des armes stratégiques.
M. Jean-Claude Tissot. Bien sûr !
Mme Annie Genevard, ministre. Regardez le conflit russo-ukrainien : l'alimentation n'est-elle pas devenue une arme stratégique, une arme de guerre ? C'est aussi de cela qu'il faut se prémunir.
Nous voulons encourager la production de nos agriculteurs, mais cela ne revient pas à dire que nous encourageons le productivisme : nous ne sommes ni en l'Ukraine, ni en Pologne, ni aux États-Unis ! Nous connaissons parfaitement le caractère raisonnable du modèle français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la souveraineté alimentaire est une notion régalienne : je n'hésite pas à utiliser ce mot.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Tout à fait !
Mme Annie Genevard, ministre. Nous parlerons beaucoup de souveraineté alimentaire. Le Gouvernement vous fera des propositions car il s'agit d'un intérêt fondamental majeur de la Nation.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Nous pouvons parler de souveraineté, mais également de dépendance. Certaines dépendances ne se trouvent pas là où on le pense : nous sommes également très dépendants de nos exportations.
Madame la ministre, regardons notre dépendance aux exportations en direction des marchés américain et chinois. Des régions entières de notre territoire ne vivent que grâce à ces exportations.
Mais, quand on exporte du vin, nous sommes à la merci d'un Trump qui, à tout moment, peut décider d'augmenter les droits de douane. Que deviendrait alors notre production ? Il s'agit d'une vraie question !
Souvent, nous entrons dans un jeu de tractations. On parle de libre-échange, mais, on l'a vu, le conflit entre Boeing et Airbus a affecté notre agriculture ! Il faut prendre tout cela en compte.
Si l'on produit 265 % de notre consommation de poudre de lait, cela signifie qu'on est dépendant des marchés extérieurs. Il faut prendre ces dépendances en compte, car elles mettent également notre agriculture en péril.
Il faut tendre vers un autoapprovisionnement pour tous les produits agricoles. J'y insiste, que certains domaines, en lien avec une hyperspécialisation de notre agriculture, soient très fortement dépendants des exportations ne va pas sans poser problème.
Par exemple, nous produisons également presque 300 % de l'orge que l'on consomme. Là encore, il y a une dépendance.
Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Au début du débat sur ce texte qui nous occupera de longues journées, il ne faudrait pas laisser croire qu'au sein de cet hémicycle certains seraient favorables à la souveraineté alimentaire et d'autres non.
Le vrai débat, c'est de savoir quels moyens nous nous donnons et quelles méthodes nous souhaitons appliquer pour atteindre l'objectif de souveraineté alimentaire.
J'observe que, dans les discours, il y a ceux qui, comme moi, souhaitent d'abord traiter la question de la souveraineté alimentaire, même si nous ne partageons pas toujours les mêmes orientations et les mêmes stratégies, et ceux qui veulent profiter de l'examen de ce projet de loi pour favoriser le productivisme et les exportations. Je n'ai rien contre celles-ci, mais – nous aurons l'occasion d'y revenir – elles ne doivent se faire au détriment ni des territoires ni de la santé des agriculteurs ou des sols.
Nous devons essayer de construire un équilibre. Madame la ministre, ne croyez pas que deux visions totalement contraires de la souveraineté alimentaire s'opposent.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Il est certain que nous n'avons pas tous la même vision de la souveraineté alimentaire. Certains veulent la plomber, en faisant à la limite tout reposer sur les importations brésiliennes et ukrainiennes ! Une souveraineté alimentaire entièrement importée, c'est possible !
Pour ma part, je défends une souveraineté agricole. Au bout du compte, on défend nos agriculteurs, et pas seulement le fait d'avoir à manger en France, quitte à tout importer des quatre coins du monde, comme on le fait déjà pour les fruits et les légumes !
Oui, nous voulons participer à une économie que certains considèrent peut-être comme productiviste. Notre système économique repose en partie sur nos exportations, mais nous sommes fiers d'exporter nos produits, issus de l'excellence de nos filières. Nous avons les meilleures terres du monde, et nous n'avons pas à avoir honte de nos réussites !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Nous sommes confrontés à la difficulté qui tient à la contradiction entre compétitivité, souveraineté et libre-échange.
Permettez-moi de prendre l'exemple du poulet. La mondialisation des prix de cette denrée n'a aucun sens, parce que, quoi qu'il se passe, il sera toujours possible de faire deux récoltes d'oléoprotéagineux par an au Brésil, alors qu'il sera impossible de faire deux récoltes de maïs en France. En conséquence, la production de poulet coûte par nature moins cher au Brésil qu'en France.
Si les poulets brésiliens ne servaient qu'à nourrir les Brésiliens, l'affaire ne regarderait qu'eux ; mais lorsqu'ils entrent en concurrence avec nos propres volailles, cela porte atteinte à notre commerce, mais également à nos productions et à nos prix. Ce sont ces mécanismes qui ne conviennent pas.
Intégrer l'agriculture dans le Gatt (General Agreement on Tariffs and Trade) fut une décision terrible.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 657 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Avant l'article L. 1, sont insérés deux articles L. 1 A et L. 1 B ainsi rédigés :
« Art. L. 1 A – La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal.
« L'agriculture au sens du présent livre, qui s'entend par des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture.
« On entend par souveraineté agricole et alimentaire, le droit de chaque pays de maintenir et de développer ses systèmes d'exploitation agricoles afin de garantir sa propre capacité à produire son alimentation et aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l'année et issue d'aliments produits de manière durable. À ce titre, elle garantit aux exploitants agricoles la liberté de gérer leur capacité et leur mode de production dans le but d'atteindre les objectifs nationaux fixés par la loi.
« On entend par sécurité alimentaire la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin.
« On entend par sécurité sanitaire alimentaire, la capacité à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de notre alimentation, par l'évaluation des risques sanitaires dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement et du travail, avec une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes, en reconnaissant que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement en général est étroitement liée et interdépendante.
« Art. L. 1 B – I. Six mois avant le début des négociations de chaque cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement transmet (pour avis aux commissions compétentes) au Parlement une programmation pluriannuelle de l'agriculture pour les sept années couvrant le prochain cadre financier (ou fixée par décret) qui définit les modalités d'action des pouvoirs publics pour atteindre les objectifs définis aux L1-A, L1, L2, L3 et L4 du code rural et de la pêche maritime ainsi que par la présente loi.
« Cette programmation pluriannuelle de l'agriculture détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ces objectifs doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles-ci.
« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d'apprécier l'évolution de leur trajectoire de production.
« S'il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l'agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l'écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d'aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés.
« Elle est compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone mentionné à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement, ainsi qu'avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B, ainsi qu'avec le plan national d'adaptation au changement climatique et la stratégie nationale biodiversité mentionnée à l'article L. 110-3 du même code.
« La programmation pluriannuelle de l'agriculture fait l'objet d'une synthèse pédagogique accessible au public.
« Le décret prévu au présent article précise les objectifs et les priorités d'action de la politique agricole nationale.
« II. – Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l'état de la souveraineté agricole et alimentaire de la France, détaillant l'atteinte des objectifs par filière mentionnés au II du présent article et comportant une annexe spécifique sur l'état de la souveraineté alimentaire de chacune des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi que de la Nouvelle-Calédonie. ».
2° L'article L. 1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :
« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté agricole et alimentaire de la France, en préservant et en développant ses systèmes de production et en préservant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne, tout en veillant à préserver les écosystèmes et les ressources naturelles sur l'ensemble du territoire national et en promouvant les systèmes de production agroécologiques, d'agriculture raisonnée et d'agriculture de conservation des sols ;
« 2° De développer des filières de production et de transformation ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale, notamment par un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, afin qu'elles soient capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale, et de veiller, dans tout nouvel accord de libre-échange, au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l'accès au marché ainsi qu'à un degré élevé d'exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien- être animal, en vue d'une protection toujours plus forte des consommateurs et d'une préservation des modèles et des filières agricoles européens ;
« 3° De préserver la souveraineté de l'élevage et de l'agropastoralisme en France par un plan stratégique déterminant notamment les objectifs de potentiel de production, d'assurer le maintien de l'élevage, en préservant le pâturage et en luttant contre la décapitalisation dans l'élevage, en cohérence avec les besoins alimentaires, d'assurer l'approvisionnement en protéines animales des Français et de maintenir et de restaurer l'ensemble de ses fonctionnalités environnementales, sociales, économiques et territoriales ainsi que ses complémentarités agronomiques avec les productions végétales ;
« 4° De favoriser l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles et de soutenir le revenu, en assurant une juste rémunération, de développer l'emploi et d'améliorer la qualité de vie et les conditions de travail des agriculteurs et des salariés agricoles et de l'agroalimentaire, de préserver un modèle d'exploitation agricole familial ainsi que la possibilité pour les agriculteurs de choisir leurs systèmes de production dans un cadre clair et loyal et dans le respect de la liberté d'entreprendre, de rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l'organisation collective des acteurs et de valoriser le rôle essentiel des agricultrices par un accès facilité au statut de chef d'exploitation, à la formation continue et à une rémunération équitable ;
« 5° D'anticiper et de s'adapter aux conséquences du changement climatique, en atténuant ses effets, en accompagnant les agriculteurs et en surmontant de façon résiliente, efficiente et efficace les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte à ses capacités de production nationale et à son approvisionnement alimentaire, notamment par l'établissement de toutes mesures de sauvegarde, dérogatoires si nécessaire, permettant le respect des objectifs et priorités d'action visée par le présent article ;
« 6° De reconnaître et de mieux valoriser les externalités positives de l'agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire ;
« 7° De concourir à la transition énergétique et climatique, en contribuant aux économies d'énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu'à l'indépendance énergétique de la Nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d'origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d'économie circulaire et de retour de la valeur aux agriculteurs ;
« 8° De soutenir la recherche, l'innovation et le développement, notamment des technologies et des filières de production de fertilisants agricoles sur le sol national pour limiter la dépendance aux importations en engrais, de produits biosourcés, de la chimie végétale, de nouvelles techniques génomiques et de solutions fondées sur la nature ; et d'assurer la décarbonation de l'économie par la production durable de biomasse, y compris sylvicole, la captation et le stockage du carbone, l'efficience et l'efficacité de l'eau ;
« 9° De contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, en assurant le développement de la prévention sanitaire des actifs agricoles, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses en prenant en compte l'approche “une seule santé” ;
« 10° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment celles des zones dites “intermédiaires” et des zones de montagne mentionnées au VI du présent article ;
« 11° D'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits par le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine et de promouvoir l'information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;
« 12° De promouvoir la préservation, la conversion, le développement et le maintien de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13, en veillant à l'adéquation entre l'offre et la demande sur le marché national pour atteindre les objectifs inscrits dans le programme national sur l'ambition en agriculture biologique et dans l'objectif d'atteindre une surface agricole utile cultivée de 21 % avant le 1er janvier 2030 ;
« 13° De promouvoir l'autonomie de la France et de l'Union européenne en protéines, en tendant vers une autonomie protéique nationale avant 2050, en augmentant la surface agricole utile cultivée en légumineuses à 10 % avant le 1er janvier 2030 ;
« 14° De promouvoir la souveraineté en fruits et légumes, par un plan stratégique dédié ;
« 15° De répondre à l'accroissement démographique, en assurant la sécurité alimentaire de la population en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté agricole et alimentaire et permettant un développement durable et équitable, pour lutter contre la précarité alimentaire définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles, et en luttant contre la faim dans le monde en soutenant l'émergence et la consolidation de l'autonomie alimentaire dans le monde.
« 16° De favoriser l'acquisition pendant l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation et de l'agriculture, en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires.
« La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;
b) À la première phrase du II, après le mot : « biologique, » sont insérés les mots : « d'agriculture raisonnée et de conservation des sols, » ;
c) Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – La politique d'installation et de transmission en agriculture a pour objectif de contribuer à la souveraineté agricole définie à l'article L. 1 A et aux transitions agroécologique, énergétique et climatique en agriculture, en favorisant le renouvellement des générations d'actifs en agriculture. Elle contribue à relever le défi démographique posé notamment par le vieillissement de la population active agricole, en accompagnant les reprises d'exploitation et en favorisant la diversification des profils des porteurs de projets à l'installation. Elle affirme le caractère stratégique de ce renouvellement pour, d'une part, renforcer la création de richesse et la compétitivité de l'économie française et, d'autre part, répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grâce aux services écosystémiques et énergétiques rendus par l'agriculture. Elle participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental.
« À ce titre, elle oriente en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté agricole et alimentaire et les transitions écologique et climatique, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement, au moyen de mesures visant à :
« 1° Faire connaître les métiers d'exploitant agricole et de salarié agricole et communiquer sur l'enjeu stratégique du renouvellement des générations pour assurer la souveraineté alimentaire de la France ;
« 2° Susciter des vocations agricoles dans le public scolaire et parmi les personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi ;
« 3° Proposer un accueil, une orientation et un accompagnement qui soient à la fois personnalisés, pluralistes et coordonnés, à l'ensemble des candidats à l'entrée en agriculture et des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité ;
« 4° Mettre en relation les porteurs de projets en agriculture et les personnes en activité agricole ou en fin de carrière agricole et favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial comme hors de ce cadre ;
« 5° Encourager les formes d'installation collective et les formes d'installation progressive, y compris le droit à l'essai, permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant un projet d'exploitation ainsi que l'individualisation des parcours professionnels ;
« 6° Favoriser la fourniture d'informations claires et objectives sur l'état des exploitations à transmettre, afin de garantir leur viabilité d'un point de vue économique, humain et environnemental ;
« 7° Soutenir l'installation en agriculture, en facilitant la possibilité de construire un nouveau bâtiment à usage d'habitation, attenant au bâtiment technique, sur le terrain agricole ;
« 8° Prévoir les leviers fiscaux et bancaires permettant la reprise d'exploitation.
« Dans le cadre de cette politique, l'État facilite l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de l'aquaculture et de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles ainsi qu'aux métiers qui leur sont liés. Cette formation est adaptée aux transitions écologique et climatique, aux enjeux de la souveraineté alimentaire, aux évolutions économiques, sociales et sanitaires affectant l'activité agricole ainsi qu'au développement des territoires.
« La mise en œuvre de cette politique d'aide à l'installation et à la transmission s'appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l'État, les régions et les autres partenaires concernés. » ;
d) La seconde phrase du V est ainsi modifiée :
– après le mot : « marchés, », sont insérés les mots : « le revenu des agriculteurs, » ;
– après le mot : « durable, », sont insérés les mots : « l'adaptation des exploitations au changement climatique, » ;
– le mot : « locale » est supprimé ;
– après le mot : « l'emploi, », sont insérés les mots : « la formation, le renouvellement des générations, » ;
– après le mot : « locales, », sont insérés les mots : « notamment en s'appuyant sur les filières de diversification, la préservation et la pleine mobilisation de la surface agricole utile, ».
La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Pour être parfaitement clair, cet amendement de rédaction globale est le fruit de concertations de fond conjointement menées par les députés rapporteurs du texte, les groupes politiques et le gouvernement de l'époque, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale.
Nous définissons clairement l'agriculture au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Nous y intégrons l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, ainsi que la viticulture, les semences, l'horticulture et l'apiculture, qui avaient été oubliés dans la rédaction initiale du projet de loi.
Nous proposons ensuite trois définitions.
D'abord, celle de la souveraineté agricole et alimentaire.
Ensuite, celle de la sécurité alimentaire, qui est « la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin ». Cette définition est reprise, je le signale au passage, de celle de la FAO ; ce n'est pas une invention de ma part, et je ne veux plus qu'on présente cet amendement comme le mien, car il s'agit de celui de l'Assemblée nationale .
Enfin, celle de la sécurité sanitaire alimentaire, très importante dans le contexte mondial du One Health.
Pour faire plaisir au rapporteur, j'ai ajouté une référence à la défense des « intérêts fondamentaux tels que définis à l'article 410-1 du code pénal ». J'ai tout donné, et tout y est !
En outre, avec mon amendement, nous sommes en avance de phase. En effet, nous anticipons la suppression des alinéas prévue par l'amendement n° 905, que nous examinerons dans quelques minutes, avant que leur réintroduction ne soit prévue par l'amendement n° 907 examiné après l'article 1er, probablement dans deux jours. Avec mon amendement, nous parvenons au même résultat que cette carambouille, qui nécessitera dix heures de débat pour en arriver exactement à la même rédaction que la mienne !
Mme la présidente. L'amendement n° 452, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
« I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
« 1° Au début, il est ajouté un article L. 1 A ainsi rédigé :
« Art L. 1 A. – I. – La souveraineté alimentaire se définit comme la capacité de la nation à définir elle-même une stratégie agricole qui lui permette de déterminer son degré d'autonomie alimentaire pour fournir une alimentation de qualité à sa population, tout en garantissant sa sécurité alimentaire. Consolider, renforcer ou sécuriser au maximum la production atteignable localement est le premier levier de souveraineté alimentaire. La protection, la valorisation, le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur : ce sont les garants de la souveraineté alimentaire.
« La sécurité alimentaire est définie comme la capacité à assurer à toute personne et à tout moment un accès physique et économique aux denrées alimentaires dont elle a besoin, en en garantissant la qualité sanitaire.
« II. – À compter de la promulgation de la loi n° du d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, puis tous les dix ans, la loi d'orientation de l'agriculture française a pour objectif, dans le cadre de la politique économique, sociale et environnementale, de contribuer au développement du secteur agricole et à l'innovation à parité avec les autres activités économiques :
« 1° En accroissant la contribution de la production agricole, en équilibrant la balance commerciale agricole globale du territoire national, compte tenu de la défense de la souveraineté alimentaire, de la sécurité alimentaire et de l'évolution des besoins ;
« 2° En garantissant un revenu et des prix rémunérateurs pour les agriculteurs, et en encadrant les marges abusives des multinationales de l'industrie agroalimentaire et de la grande distribution.
« 3° En préservant et en développant la résilience et le potentiel des facteurs de production agricole sur l'ensemble du territoire national ainsi que les facteurs de transformation et de distribution de ces productions par la lutte contre la concurrence déloyale et par l'établissement de toutes mesures de sauvegarde en cas de crise, dérogatoires si nécessaire, permettant le respect des objectifs et priorités d'action mentionnée au présent article ;
« 4° En assurant la souveraineté alimentaire du pays aux fins de fournir à l'ensemble de la population une alimentation garantissant la sécurité alimentaire tout au long de l'année ;
« 5° En priorisant les produits alimentaires français dans la commande publique pour la restauration collective des différentes administrations et la restauration scolaire et universitaire ;
« 6 En promouvant l'innovation agricole et l'investissement dans toute technologie contribuant à la souveraineté alimentaire tout en diminuant l'impact sur l'environnement ;
« 7° En promouvant les produits protégés par les différents labels agricoles et en priorité les Indications Géographiques Protégées ;
« 8° En développant une politique d'installation et de transmission en agriculture permettant de lutter contre la chute du nombre d'installations, en favorisant le renouvellement des générations d'actifs en agriculture par l'accompagnement des reprises d'exploitation en prenant en compte les services écosystémiques qu'elles rendent. Dans le cadre de cette politique, l'État facilite aux agriculteurs l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables, tout en protégeant l'exploitation familiale pour compenser les désavantages naturels et économiques auxquels elle reste soumise comparativement aux autres secteurs de l'économie ;
« 9° En assurant une formation diversifiée et de qualité aux métiers de l'agriculture et de la pêche, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, par la création de pôles d'excellences, en assurant la résilience de l'écosystème.
« III. – Tous les dix ans, la programmation pluriannuelle de l'agriculture, fixée par décret, définit les modalités d'action des pouvoirs publics pour la gestion de l'ensemble des formes d'agriculture sur le territoire métropolitain continental, afin d'atteindre les objectifs définis aux articles L. 1 A, L. 1, L. 2, L. 3 et L. 4 ainsi que par la loi n° du d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Les objectifs de productions nationaux par filière doivent tendre à être excédentaires par rapport aux consommations nationales sur celles- ci.
« Elle contribue autant que possible sans porter atteinte à la souveraineté alimentaire, aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans le budget carbone mentionné à l'article L. 222-1 A du code de l'environnement, ainsi qu'avec la stratégie bas-carbone mentionnée à l'article L. 222-1 B du même code. La programmation pluriannuelle de l'agriculture fait l'objet d'une synthèse pédagogique accessible au public.
« Le décret prévu au premier alinéa du présent III précise les objectifs et les priorités d'action de la politique agricole nationale tel que mentionnés au II.
« IV. – Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport portant sur l'état de la souveraineté agricole et alimentaire de la France détaillant les indicateurs de suivi de la politique agricole nationale telle que mentionnée au III. » ;
« 2° L'article L. 1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – La politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :
« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France et de promouvoir l'indépendance alimentaire de la France à l'international, en préservant son modèle agricole, ses systèmes d'exploitation, la qualité et la sécurité de son alimentation et en préservant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation française et européenne ; de garantir la sécurité sanitaire des importations par un niveau de contrôle efficace aux frontières ;
« 2° De développer la valeur ajoutée dans chacune des filières agricoles et alimentaires et de renforcer la capacité exportatrice de la France ; de développer des filières de production et de transformation en alliant performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale ;
« 3° De garantir le revenu, de développer l'emploi et d'améliorer la qualité de vie des agriculteurs et des salariés ainsi que de préserver le caractère familial de l'agriculture et l'autonomie et la responsabilité individuelle de l'exploitant et de rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée ;
« 4° De s'interdire les surtranspositions et les surrèglementations françaises par rapport aux normes européenne car elles accroissent les distorsions de concurrence et pénalisent la compétitivité de l'agriculture française ;
« 5° Dans le cadre de la politique de l'alimentation définie par le Gouvernement, d'assurer la sécurité alimentaire de la population en favorisant l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire telle que définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles. La sécurité sanitaire des importations est garantie par un niveau de contrôle efficace aux frontières ;
« 6° De contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses, en veillant à l'intégration du principe d'une seule santé ;
« 7° De reconnaître et mieux valoriser les vertus de l'agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire ;
« 8° De soutenir la recherche, l'innovation et le développement, en particulier des technologies et filières de production de fertilisants agricoles sur le sol national, des filières de produits biosourcés et de la chimie végétale, ou encore de nouvelles techniques génomiques ;
« 9° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région et les difficultés relatives aux zones intermédiaires ;
« 10° D'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la valorisation et la diversité des produits par le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ;
« 11° De promouvoir l'information des consommateurs quant aux lieux et modes de production, notamment d'abattage des animaux, et de transformation des produits agricoles et agro- alimentaires par une amélioration de la répression de la fraude ;
« 12° De promouvoir en accord avec les besoins du marché, le maintien et le développement de l'agriculture et des filières biologiques, au sens de l'article L. 641-13 ;
« 13° De veiller à l'exclusion des secteurs agricoles volontaires des traités de libre-échange ;
« 14° De favoriser l'acquisition dès l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique liés aux choix alimentaires ;
« 15° De protéger et de valoriser les terres agricoles ;
« La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;
b) Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – La politique d'installation et de transmission en agriculture a pour objectif de contribuer à la souveraineté alimentaire de la France, en favorisant le renouvellement des générations d'actifs en agriculture par l'accompagnement des reprises d'exploitation. Elle prend en compte le caractère stratégique de ce renouvellement pour, d'une part, renforcer la création de richesse et la compétitivité de l'économie française et, d'autre part, répondre aux enjeux environnementaux et climatiques grâce aux services écosystémiques rendus par l'agriculture. Elle participe à la transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental et favorise la diversification des profils des porteurs de projets d'installation.
« À ce titre, elle oriente en priorité l'installation en agriculture vers des secteurs stratégiques pour la souveraineté alimentaire, adaptés aux enjeux de chaque territoire, et vers des systèmes de production diversifiés et viables humainement, économiquement et écologiquement, à travers des mesures visant à :
« 1° Faire connaître le métier d'exploitant agricole et communiquer sur l'enjeu stratégique du renouvellement des générations pour assurer la souveraineté alimentaire de la France ;
« 2° Susciter des vocations agricoles au sein du public scolaire, mais aussi parmi des personnes en reconversion professionnelle ou en recherche d'emploi ;
« 3° Proposer un accueil, une orientation et un accompagnement personnalisés et coordonnés de l'ensemble des candidats à l'entrée en agriculture, comme des personnes envisageant de cesser et de transmettre leur activité ;
« 4° Mettre en relation les porteurs de projets en agriculture et les personnes en activité agricole ou en fin de carrière agricole et favoriser ainsi la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial comme hors de ce cadre ;
« 5° Encourager les formes d'installation collective et d'installation progressive, y compris le droit à l'essai, permettant d'accéder aux responsabilités de chef d'exploitation tout en développant un projet d'exploitation ainsi que l'individualisation des parcours professionnels ;
« 6° Favoriser la fourniture d'informations claires et objectives sur l'état des exploitations à transmettre afin de garantir leur viabilité d'un point de vue économique, humain et environnemental avec les actions à mener pour préserver les capacités de production compte tenu des contraintes climatiques.
« Dans le cadre de cette politique, l'État facilite pour les agriculteurs, l'accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux transitions écologique et climatique, à l'enjeu de souveraineté alimentaire et aux autres évolutions économiques, sociales et sanitaires ainsi qu'au développement des territoires.
« La mise en œuvre de cette politique d'aide à l'installation et à la transmission s'appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l'État, les régions et les autres partenaires concernés. »
La parole est à M. Joshua Hochart.