Mme la présidente. L'amendement n° 288 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Reconquérir notre souveraineté alimentaire

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à renommer l'intitulé du titre Ier du projet de loi, en cohérence avec les amendements que nous défendrons ultérieurement, notamment à l'article 1er.

Nous sommes en effet très réservés, pour ne pas dire critiques, quant au fait d'ériger l'agriculture au rang d'intérêt fondamental de la Nation, au même titre que l'indépendance de notre pays, l'intégrité de son territoire, sa sécurité ou la préservation de son environnement. Le Conseil d'État a d'ailleurs émis les mêmes réserves concernant la portée réelle de cette disposition.

J'espère que personne ne fera de procès d'intention à quiconque dans cet hémicycle ! Nous sommes tous des ardents défenseurs de nos agriculteurs et de notre agriculture. Il est d'ailleurs arrivé de nombreuses fois que nous nous retrouvions, de façon transpartisane, sur cette ligne de défense, particulièrement au moment de la crise du covid-19 ou lors de la négociation de certains traités de libre-échange.

Toutefois, l'article 1er de ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, définit une orientation beaucoup trop économique et libérale pour que les sénateurs du groupe socialiste puissent en soutenir le principe.

En commission, les rapporteurs ont modifié l'intitulé du titre Ier afin que celui-ci reflète leurs ambitions, ce qui semble d'ailleurs logique. À notre tour, donc, de le faire !

Nous sommes favorables à la reconquête de notre souveraineté alimentaire – c'est une évidence –, mais nous pensons que celle-ci ne saurait advenir à n'importe quel prix, notamment au regard de la préservation de notre environnement et de la sécurité de nos concitoyens.

C'est pourquoi, et même si cet objectif reste de taille, nous vous proposons de renommer plus sobrement le titre Ier : « Reconquérir notre souveraineté alimentaire ». En effet, si nous y parvenons, ce sera déjà une grande victoire !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la ministre, vous avez raison : la commission n'a pas supprimé la partie relative à l'installation de l'article 1er, mais elle l'a déplacée. Pour la clarté du texte, nous avons réécrit l'article 1er afin qu'il ne traite que de la souveraineté alimentaire. Il est donc intéressant de renommer le titre Ier, et la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 799 du Gouvernement.

Les dispositions relatives à l'installation prévues dans la version initiale de l'article 1er ont été replacées dans l'article 8, afin de faire de ce dernier un véritable article programmatique sur l'installation, la transmission et la formation.

La commission est attachée à la notion d'intérêts fondamentaux de la France. Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 288 rectifié ter, qui vise à la supprimer du titre Ier.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de vous en remettre à la sagesse du Sénat sur mon amendement : cela ressemble presque à un avis favorable. (Sourires.)

M. Jean-Claude Tissot. Ce serait trop beau !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Madame la ministre, pour moi, la sagesse du Sénat vaut mieux qu'un avis favorable !

Mme Annie Genevard, ministre. Vous auriez presque pu aller jusque-là, mais je ne veux pas empiéter sur la liberté des parlementaires. (Nouveaux sourires.)

Monsieur Tissot, vous conservez notre expression de « reconquête de la souveraineté alimentaire », ce dont je vous remercie, mais la mention de « défense de ses intérêts fondamentaux » est précisément tout à fait fondamentale. Je suis donc défavorable à votre amendement, à moins que vous le retiriez.

M. Jean-Claude Tissot. Et l'avis du Conseil d'État ?

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Il est vrai que nous parlons beaucoup de souveraineté, un terme qui est apparu depuis quelque temps dans le débat : interrogeons-nous donc sur ce que ce mot recouvre.

Pour comprendre ce qu'est la souveraineté alimentaire, je me suis inspiré du rapport sur le sujet de FranceAgriMer (L'orateur brandit un document.), qui semble faire foi sur toutes les travées de cette assemblée.

À la lecture de ce rapport, les conclusions sont tout autres que celles que l'on entend très souvent. J'invite tout un chacun à regarder par exemple le tableau qui figure page 14. Si l'on ne regarde que la colonne « importations », tout est dans le rouge, et on semble en plein déclin.

Cette impression est pourtant totalement faussée : les importations ne sont pas totalement significatives, car la France, du fait de sa situation géographique en Europe, constitue une plaque de transit pour nombre des produits agricoles, importés dans notre pays uniquement pour être ensuite réexportés. La colonne sur laquelle il faut se concentrer, c'est celle de l'autoapprovisionnement. Et là, miracle, pratiquement tous les produits sont dans le vert !

Notre vision de l'agriculture française est souvent complètement décliniste, alors que cela ne correspond pas à la réalité. À la page 26 du rapport, on lit : « En évolution (depuis 10 ans), on n'identifie pas de tendance généralisée, notamment pas dans le sens d'une dégradation même si certaines productions connaissent des évolutions importantes. »

Il y a des plus, il y a des moins. Il faut vraiment bien regarder les chiffres, et ne pas en avoir une lecture biaisée. (MM. Guillaume Gontard et Jean-Claude Tissot applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous n'aborderons pas ce sujet mille fois, et je tiens donc à prendre la parole. Winston Churchill disait qu'il ne croyait que les statistiques qu'il avait lui-même trafiquées. Quand on prend des chiffres, on peut leur faire dire ce qu'on veut, dans un sens ou dans un autre.

Mon rapport de 2019 sur la souveraineté alimentaire indiquait que les Français mangeaient intégralement des produits importés pendant 1,5 jour par semaine.

M. Jean-Claude Tissot. Ce ne sont pas des statistiques !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Si l'on fait le même calcul aujourd'hui, six ans plus tard, ce chiffre est passé à 2,2 jours !

M. Guillaume Gontard. Quelles sont vos sources ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Comme je l'ai dit à de nombreux journalistes, la semaine compte non pas trente jours, mais seulement sept. Alors lorsqu'on atteint 2,2 jours sur sept, on peut s'interroger sur notre souveraineté alimentaire et notre capacité à nous nourrir…

En voulant éviter de regarder la réalité, on se jette encore un peu plus dans les importations, et on refuse de comprendre que nous devons véritablement travailler à améliorer notre souveraineté.

Je le sais, mes chers collègues, les exportations vous gênent. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Jean-Claude Tissot. Pas du tout !

M. Laurent Duplomb. Dans mon département, on produit 400 millions de litres de lait pour 220 000 habitants. Si ceux-ci devaient tout consommer, il faudrait leur faire boire du lait nuit et jour, sans arrêt !

Des territoires sont faits pour certaines productions, qui sont ensuite transportées vers d'autres territoires afin d'être consommées. C'est aussi cela, l'autonomie et la souveraineté alimentaire !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Nous soutiendrons l'amendement du Gouvernement, même si la notion d'intérêt fondamental, dont nous ne serons jamais convaincus, est d'une portée « pas claire » et d'une utilité « douteuse », comme l'indique le Conseil d'État à la page 4 de son avis sur le texte.

Juridiquement, nous sommes là pour établir du droit dur et non du droit mou. La notion d'intérêt fondamental relève de cette deuxième catégorie ; elle posera des difficultés aux juristes, c'est certain ! (M. Jean-Claude Tissot acquiesce.)

En revanche, la notion d'intérêt général majeur n'est pas du tout déclaratoire ; elle est porteuse de droits.

M. Pierre Cuypers. Le message n'est pas le même.

M. Vincent Louault. Oui, mais nous ne faisons pas qu'envoyer des messages. Ainsi que Mme la ministre l'a rappelé, les pratiques des agriculteurs entrent souvent en conflit avec le code de l'environnement, qui est fondé sur la notion d'intérêt général. Amener du droit dur dans le code rural est important ; à cet égard, la notion d'intérêt général majeur est bien plus solide que celle d'intérêt fondamental.

Mes chers collègues, je vous invite à comparer les deux codes. Le code rural est très mal écrit, et son côté programmatique ne sert en réalité à rien. Nous ne sommes même pas capables de définir des notions claires !

En revanche, le code de l'environnement définit très clairement la biodiversité. Tout y est parfaitement écrit.

Nous serons bientôt embourbés dans l'examen de la rédaction d'un article L. 1 où rien n'est défini. Les modifications proposées complètent un millefeuille écrit depuis 1960, de nouveaux pans de texte ne cessant d'être ajoutés par des lois de programmation, pour en arriver à un article de dix pages qui parfois se contredit.

M. Henri Cabanel. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.

M. Pierre Cuypers. Nous évoquons des données chiffrées. Il faut savoir que, pour sa consommation alimentaire, notre pays importe autant que ce qu'il produit. Je veux bien que l'on parle de souveraineté alimentaire, mais nous ne devons pas oublier l'autonomie. (Marques d'approbation sur les travées des groupes SER et GEST.) car nous sommes justement à la veille d'une rupture forte. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des écarts si nous voulons satisfaire notre autonomie, avant d'acquérir la souveraineté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 799.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé et l'amendement n° 288 rectifié ter n'a plus d'objet.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au début, sont ajoutés des articles L. 1 A à L. 1 C ainsi rédigés :

« Art. L. 1 A. – (Supprimé)

« Art. L. 1 B. – La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l'article 410-1 du code pénal. À ce titre, l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur.

« Art. L. 1 C. – Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l'agriculture, la pêche et l'aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » ;

2° L'article L. 1 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Au début, il est ajouté un I A ainsi rédigé :

« I A. – La politique en faveur de la souveraineté alimentaire mentionnée à l'article L. 1 A a pour priorités :

« 1° D'assurer la pérennité et l'attractivité de l'agriculture ainsi que le renouvellement de ses générations d'actifs ;

« 2° D'assurer un haut niveau de compétitivité de l'agriculture ;

« 3° De soutenir la recherche et l'innovation notamment pour permettre l'adaptation de l'agriculture au changement climatique ;

« 4° D'assurer la juste rémunération des actifs en agriculture.

« En matière d'agriculture, les normes réglementaires ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu'elles sont motivées et évaluées avant leur adoption, et dès lors qu'elles ne sont pas susceptibles d'engendrer une situation de concurrence déloyale.

« La France tire le plein parti des règles européennes en matière d'agriculture, en particulier dans le cadre de la politique agricole commune.

« Six mois avant le début des négociations du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, le Gouvernement transmet pour avis un rapport aux commissions compétentes du Parlement présentant une programmation pluriannuelle de l'agriculture française pour les sept années couvrant le prochain cadre financier.

« Ce rapport détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs.

« Le Gouvernement publie annuellement des données de production par filière permettant d'apprécier l'évolution de leur trajectoire de production.

« S'il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l'agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l'écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d'aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés. » ;

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – Les priorités figurant aux 2° à 4° du I A du présent article se traduisent par des politiques ayant pour finalités :

« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France, en préservant et en développant ses systèmes de production et en protégeant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne ;

« 2° De maintenir et développer des filières nationales de production, de transformation et de distribution ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale et environnementale, de manière à garantir une sécurité alimentaire permettant l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, tout au long de l'année, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles ;

« 3° D'améliorer la compétitivité et la coopération agricole sur le plan international, de soutenir les capacités exportatrices nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale, de maîtriser et réduire les dépendances aux importations dans les filières stratégiques pour la souveraineté alimentaire, de sécuriser les approvisionnements alimentaires du pays, en privilégiant l'approvisionnement national ;

« 4° De veiller, dans tout accord de libre-échange, au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l'accès au marché ainsi qu'à un degré élevé d'exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, en vue d'une protection toujours plus forte des consommateurs et d'une préservation des modèles et des filières agricoles européens ;

« 5° De répondre à l'accroissement démographique, en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté alimentaire permettant un développement durable et équitable, en luttant contre la faim dans le monde et en soutenant l'émergence et la consolidation de l'autonomie alimentaire dans le monde ;

« 6° De rechercher des solutions techniques et scientifiques d'adaptation au changement climatique et d'accompagner les agriculteurs pour surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production nationale et à son approvisionnement alimentaire ;

« 7° De reconnaître et mieux valoriser les externalités positives de l'agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d'aménagement du territoire ;

« 8° De favoriser l'installation économiquement viable d'exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un développement de la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique en adéquation avec la demande de ces produits, en réduisant les importations de ces produits et en développant l'appareil industriel de transformation agroalimentaire pour diversifier l'offre et répondre au mieux à la demande ;

« 9° De préserver la surface agricole utile, d'atteindre une surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d'ici au 1er janvier 2030 et de tendre à l'autonomie protéique en 2050 ;

« 10° De concourir à la transition énergétique et climatique, en contribuant aux économies d'énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu'à l'indépendance énergétique de la nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d'origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d'économie circulaire et de retour de la valeur aux agriculteurs ;

« 11° De soutenir la recherche, l'innovation et le développement, notamment dans les domaines des semences, des nouvelles techniques génomiques, de la sélection variétale, des fertilisants agricoles, de la production de biomasse, y compris sylvicole, des solutions fondées sur la nature et la réduction des dépendances à l'égard des intrants de toute nature ;

« 12° De définir des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;

« 13° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment des zones dites “intermédiaires” et des zones de montagne, d'encourager l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits par le développement des productions sous signes d'identification de la qualité et de l'origine ;

« 14° De veiller à une juste rémunération des exploitants, salariés et non-salariés agricoles et de l'agroalimentaire ainsi que leurs conditions de travail, leur protection sociale et leur qualité de vie, de rechercher l'équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l'organisation collective des acteurs ;

« 15° De valoriser le rôle essentiel des agricultrices par un accès facilité au statut de chef d'exploitation, à la formation continue et à une rémunération équitable ;

« 16° De contribuer à la protection de la santé publique ;

« 17° D'assurer le maintien de l'élevage et l'agropastoralisme en France et lutter contre la décapitalisation, par un plan stratégique dédié déterminant notamment les objectifs de production ;

« 18° De promouvoir la souveraineté en fruits et légumes, par un plan stratégique dédié ;

« 19° De favoriser l'acquisition pendant l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation et de l'agriculture, en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires ;

« 20° De promouvoir l'information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;

« 21° De veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l'objectif d'amélioration du potentiel productif agricole, notamment en allégeant la fiscalité sur l'énergie, dont le carburant, en exonérant de taxes et impôts les indemnisations en cas de crises sanitaires en élevage, en allégeant de façon pérenne le coût du travail, notamment temporaire, et en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission dans la moyenne européenne afin de favoriser les installations.

« La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités. » ;

b et c) (Supprimés)

d) À la première phrase des V et VI et au VII, les mots : « l'agriculture et de l'alimentation » sont remplacés par les mots : « la souveraineté alimentaire ».

II. – (Supprimé)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, sur l'article.

M. Vincent Louault. Je vous prie de m'excuser de revenir un peu lourdement sur la notion d'intérêt fondamental, mais lorsque le champ est mal semé, il est impossible de faire de bonnes récoltes !

Juridiquement, l'article 1er, qui date de 1960 et a été très largement modifié, a fini par devenir illisible. Je vous proposerai donc une réécriture totale de l'article, issue de l'examen de presque 3 000 amendements à l'Assemblée nationale, après plusieurs dizaines d'heures de négociations et de débats.

J'étais autour du berceau, près de l'équipe de Marc Fesneau. Le travail n'était pas aisé : les définitions de certains termes étaient difficiles, car il fallait les comparer avec celles de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ou de FranceAgriMer, qui définit la souveraineté alimentaire bien plus clairement que notre propre code rural.

L'amendement de réécriture globale de l'article 1er que je défendrai s'appuie sur l'intégralité des travaux de l'Assemblée nationale : il n'est pas seulement celui de Vincent Louault, mais aussi celui de Julien Dive, de Marc Fesneau, de l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale, et même du groupe écologiste ! (M. Guillaume Gontard opine.)

Je le sais, il est peut-être difficile d'accepter une réécriture aussi globale, mais je vous demande, mes chers collègues, de bien regarder ma proposition, qui est d'importance. Je n'ai pas réussi à « vendre » mon amendement en commission, car l'adoption d'un amendement du rapporteur a fait tomber tous les autres.

Puisque nous n'avons pas eu ce débat en commission, nous l'aurons dans l'hémicycle, durant les huit heures ou plus que nous passerons probablement sur l'article 1er. Mes chers collègues, je ne vous lâcherai pas : quand vous me sortirez par la porte, je reviendrai par la fenêtre pour défendre une rédaction permettant une jurisprudence plus stable face à un code de l'environnement beaucoup plus puissant.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l'article.

M. Olivier Jacquin. Nous sommes à un rendez-vous très important pour notre agriculture et nos agriculteurs. J'en suis d'ailleurs un : j'ai terminé ma quarantième moisson cette année, et je suis en train de transmettre mon exploitation de grande culture bio de 150 hectares à un jeune de 23 ans.

Au début de l'examen de l'article 1er, j'appelle votre attention sur un raté important : le lien entre agriculture et environnement nécessiterait un véritable approfondissement, similaire à celui que nous avons connu il y a quelques années avec l'avènement de l'agroécologie.

Madame la ministre, je veux souligner les hésitations du Gouvernement au sujet de l'agriculture biologique. Des objectifs de surface à atteindre avaient d'abord été écartés, avant d'être rajoutés à l'article 8 bis. Ces hésitations font écho aux attaques sur l'agriculture bio, notamment à l'adoption d'un amendement félon de suppression de l'Agence Bio, laquelle a été ensuite rétablie.

Cessons ces régressions, regardons l'avenir avec plus de confiance et de sérénité : notre agriculture le mérite.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l'article.

M. Daniel Salmon. Dans un monde où la désinformation fait rage, il faut faire confiance à certains chiffres. Je l'ai dit, je me suis appuyé sur le rapport de FranceAgriMer, une institution régulièrement citée sur toutes les travées de cet hémicycle et qui semble faire foi.

Dans la colonne du tableau que je mentionnais plus tôt, celle qui mesure le taux d'autoapprovisionnement – c'est-à-dire, mon cher Pierre Cuypers, le rapport entre la production et la consommation –, sur trente produits agricoles, vingt-cinq sont en vert et cinq sont en rouge. Lesquels ? Les fruits tropicaux et les agrumes, ce qui semble assez logique ; le riz ; le soja ; l'huile de palme.

En effet, pour ces quatre produits, il sera difficile d'arriver à l'autonomie si l'on ne change pas notre consommation. Le dernier produit concerné pose davantage de difficultés : ce sont les ovins.

Regardons les chiffres et analysons-les. Un certain nombre de productions sont effectivement déficitaires et le resteront. En revanche, on oublie souvent de dire que nous atteignons des taux de 265 % pour ce qui concerne la poudre de lait écrémé, de 113 % pour les pommes de terre ou de 195 % pour le blé tendre !

Dans l'ensemble, nous n'arrivons pas à 100 % partout, mais nous sommes encore souvent en très bonne position. Même si quelques dynamiques peuvent être négatives, il faut rapporter notre production à notre consommation plutôt que de se morfondre en disant que tout part à vau-l'eau ! Car cela ne correspond pas à la réalité des chiffres.

Mme la présidente. L'amendement n° 710 rectifié, présenté par M. Lahellec, Mme Varaillas, M. Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. La notion d'intérêt fondamental va faire couler beaucoup d'encre. Dans son principe, mon amendement ne s'oppose pas à cette ambition de conquête de la souveraineté alimentaire.

Toutefois, il ne suffit pas d'affirmer cet objectif de manière péremptoire, au risque de cliver, ce qui nous ferait perdre de vue que l'article 1er part du principe que la compétitivité et la conquête des marchés sont les moyens d'atteindre la souveraineté. À tout le moins, nous voyons là une contradiction. Il faut des mécanismes de régulation, que je ne développerai pas davantage.

Du point de vue du droit pur, cet article ne me semble pas efficient. Pour être clair, soyons plus modestes, pour être plus justes.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car supprimer l'article 1er reviendrait à abandonner l'objectif d'atteindre la souveraineté alimentaire, qui nous semble fondamental.

Le rapport de 2019 sur la souveraineté alimentaire démontrait clairement que 70 % de nos pertes en la matière étaient liées à une perte de compétitivité, laquelle s'explique par plusieurs facteurs : des charges plus élevées, un État insuffisamment protecteur, une guerre des prix entre la grande distribution et l'industrie agroalimentaire, ainsi qu'une capacité à vilipender sans cesse le modèle agricole français.

Cela ne fait peut-être pas plaisir à entendre, mais c'est malheureusement la réalité.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement. Nous reviendrons à plusieurs reprises sur la notion de souveraineté alimentaire.

Monsieur Salmon, il y a les rapports de FranceAgriMer, et puis il y a la réalité que nous connaissons.

Mme Annie Genevard, ministre. Permettez-moi de vous donner un exemple, celui de la filière noisette.

M. Guillaume Gontard. Comme par hasard !

Mme Annie Genevard, ministre. La France produit 10 % de sa consommation de noisettes, tandis que nous en sommes les quatrièmes mangeurs au monde. C'est un fait : les Français aiment manger des noisettes !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Eh oui !

Mme Annie Genevard, ministre. Malheureusement, les rendements de la filière noisette, magnifique coopérative de 300 producteurs, ont baissé de 70 %. Alors que l'on importe 90 % des noisettes consommées, il faudra m'expliquer comment on reste souverain pour cet aliment ! L'exemple que je choisis est, hélas ! très triste – et vous en connaissez les raisons.

On me fait des retours de ce qui se passe au marché de Rungis. Ce matin, il n'y avait pas d'agneau. Pourquoi ? Parce que, alors que nous étions autosuffisants dans cette filière il y a quelques années, depuis l'accord avec la Nouvelle-Zélande nous importons la moitié de nos ovins !