Mme la présidente. Mon cher collègue, il faut conclure.
M. Laurent Somon. Depuis près d'un an, les agriculteurs de presque tous les départements attendent des mesures d'ordre législatif, conformément aux promesses qui leur ont été faites.
Le groupe Les Républicains votera donc ce texte, et appelle à ce qu'il produise au plus vite ses effets sur notre compétitivité agricole. Redonnons confiance aux paysans dans leur pays et affirmons l'attention de notre pays à l'égard de ses paysans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Bleunven applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bleunven. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Yves Bleunven. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, enfin, nous y voilà !
Malgré l'enlisement qu'a connu ce projet de loi, je tiens à saluer le travail remarquable des rapporteurs, qui ont su transformer un texte initialement peu engageant en une véritable promesse d'avenir pour nos agriculteurs.
M. Jean-François Husson. Bravo !
M. Yves Bleunven. Tous nos débats dans cet hémicycle devront s'articuler autour de deux notions fondamentales : la compétitivité et la souveraineté. Ce n'est qu'en renforçant ces deux piliers de notre agriculture que nous pourrons répondre aux défis de l'attractivité et de l'adaptation au changement climatique.
L'agriculture française est belle, et bénéficie d'une reconnaissance dans le monde entier. Pourtant, le constat est sans appel : notre agriculture décline. Nous marchons bel et bien sur la tête.
La ferme France perd des parts de marché à l'international, tandis que sa production, que l'on a cherché à faire monter en gamme, devient de plus en plus l'apanage d'une minorité de Français aisés.
Parallèlement, l'inquiétude grandit face à une agriculture où les fermes familiales laisseraient place à des exploitations industrielles. L'image d'Épinal du paysan de village reste chère au cœur des Français, mais la réalité a évolué : la mécanisation a réduit le nombre d'agriculteurs, agrandi les exploitations, et fait de la productivité et de la compétitivité des enjeux incontournables, tout en offrant des conditions de travail bien meilleures.
Trop longtemps, ces sujets ont été éludés, comme si l'agriculture ne pouvait être qu'une vocation détachée des réalités économiques et sociétales. Or nos paysans sont avant tout des entrepreneurs, dont l'activité repose sur une logique de coûts et de bénéfices. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille sacrifier tout à la rentabilité.
Notre responsabilité est de garantir à nos agriculteurs un revenu digne et d'engager une véritable simplification des normes et des obligations. J'en veux comme exemple les contraintes administratives liées aux seuils d'ICPE pour nos élevages qui, comme d'habitude, vont au-delà de ce que nous impose la législation européenne.
Le texte qui nous est proposé est une belle promesse pour nos paysans, mais nous devons rester vigilants.
Le titre Ier érige l'agriculture « au rang d'intérêt fondamental de la Nation » et la consacre, à l'article 1er, comme étant d'« intérêt général majeur ». Néanmoins, cet article n'est que bavardage s'il ne vient pas concrètement renforcer la protection des agriculteurs face aux trop nombreuses attaques qu'ils subissent. Ces affirmations doivent nous permettre de créer du droit et de défendre concrètement nos agriculteurs.
Les mesures du titre II laissent, quant à elles, transparaître une lueur d'espoir en matière d'éducation et de formation des futures générations. Le texte apporte quelques réponses au défi de l'attractivité du métier. En revanche, face au bouleversement démographique à venir, nous allons devoir mieux anticiper la transmission. Le sujet du foncier, véritable marronnier, devra, à cet effet, être au cœur des discussions à venir.
Nous avons besoin d'un cap clair pour relancer notre innovation, alléger nos coûts de production et redonner des perspectives à notre agriculture – une véritable loi d'orientation en somme.
Madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous attendions avec impatience ce texte,…
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Yves Bleunven. … nous pouvons, sur la base du travail de fond mené en commission, apporter ensemble en séance de premières réponses en faveur de la ferme France, afin que notre agriculture renoue avec l'optimisme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'agriculture française est à un tournant. Vieillissement des exploitants, difficultés d'installation et de transmission, poids administratif écrasant : nos agriculteurs demandent des réponses fortes.
Ce projet de loi consacre enfin la souveraineté alimentaire comme un intérêt fondamental de la Nation. C'est une avancée nécessaire, mais elle doit s'accompagner d'une programmation pluriannuelle ambitieuse, avec des objectifs précis et des moyens adaptés. Proclamer ne suffit pas, nous devons agir !
L'un des enjeux majeurs de ce texte concerne l'installation et la transmission des exploitations. Dans mon département de la Manche, nous avons recensé 108 installations aidées en 2023 et 96 en 2024. Ces chiffres demeurent cependant insuffisants face aux objectifs affichés par la région Normandie de 450 installations par an, dont 150 dans la Manche.
Par ailleurs, l'évolution des modèles d'exploitation doit être prise en compte. En Normandie, terre d'élevage, seulement 38 % des installations concernent l'élevage bovin laitier.
Ce constat impose d'adapter nos dispositifs d'accompagnement. Le guichet unique France Services agriculture, désormais rebaptisé France installations-transmissions, doit être pleinement opérationnel pour accompagner efficacement ces transitions. Son rôle doit être clair : mettre en relation cédants et repreneurs, et faciliter chaque étape, de l'installation à la transmission.
Dans la Manche, entre 2019 et 2024, nous avons perdu 1 100 exploitants agricoles. Certes, cette baisse a été partiellement compensée par une hausse de 1 000 emplois salariés agricoles, mais cela ne suffit pas. Il est impératif d'assurer un renouvellement dynamique et durable des générations agricoles, dont la formation est un élément important.
L'article 4 du projet de loi encadre la contractualisation avec l'État, notamment au travers des contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP) dans l'enseignement agricole.
Je le regrette mais, malheureusement, depuis 2022, les établissements privés de l'enseignement agricole se retrouvent lésés. L'État a modifié la base de calcul des aides, excluant les financements régionaux qui bénéficient pourtant aux lycées agricoles publics. Résultat, le manque à gagner est estimé entre 35 millions et 40 millions d'euros, soit 25 % des subventions actuelles. Ce déséquilibre fragilise directement ces établissements et compromet leur capacité à former la prochaine génération d'agriculteurs. Il est impératif de rétablir une égalité de traitement en prenant en compte l'ensemble des financements nécessaires à leur bon fonctionnement.
Concernant l'article 13, qui allège la pénalisation de certaines infractions environnementales, nous allons dans la bonne direction. Mais nous devons consacrer un véritable principe de présomption de bonne foi pour nos agriculteurs. Ils ne doivent plus être traités comme des suspects face à des réglementations toujours plus complexes.
L'article 14 introduit une nouvelle réglementation des haies, un enjeu fondamental pour nos exploitants.
En Normandie, le bocage est un élément structurant de notre paysage agricole. Il est donc essentiel d'accompagner cette transition en prévoyant des dispositifs de soutien technique et financier pour les agriculteurs. La gestion des haies doit être territorialisée afin d'être un atout à la fois pour l'environnement et pour la rentabilité des exploitations.
Pour les professionnels de l'agriculture, nous devons veiller à une mise en œuvre équilibrée qui prenne en compte à la fois les exigences environnementales et la réalité du travail des agriculteurs.
Enfin, nous devons mieux anticiper les effets des infrastructures électriques et de télécommunications sur les exploitations agricoles. L'amendement que j'ai déposé après l'article 15 vise à imposer un diagnostic préalable obligatoire avant toute installation d'éolienne, de panneaux solaires ou d'antenne-relais à proximité d'un élevage. En effet, trop d'exploitants découvrent tardivement les effets des courants parasites sur leurs animaux, ce qui met en péril leur activité.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Béatrice Gosselin. Ce projet de loi constitue une première étape, mais il est encore perfectible. Nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d'abord nos collègues rapporteurs des commissions concernées pour leur travail éclairant et pragmatique sur ce sujet important.
Ce texte tombe à point nommé car l'agriculture française, qui fut un fleuron et une fierté nationale, va mal. La profession, dont le travail est dur et souvent peu rémunérateur, n'attire plus les jeunes. La population agricole vieillit. Les mouvements de colère des derniers mois, qui sont toujours latents, nous rappellent cette situation à quelques semaines de l'ouverture du salon de l'agriculture.
Sur ces travées, nous savons que l'attention portée à la préservation de l'agriculture et à la souveraineté alimentaire est une constante du Sénat. Je salue ainsi l'initiative prise par notre collègue Laurent Duplomb de déposer une proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, qui a été récemment adoptée.
Les nombreux territoires agricoles, et notamment le Calvados, ne veulent plus être les variables d'ajustement des politiques publiques.
En agriculture, comme pour d'autres sujets, le mot « souveraineté », jadis sacrifié à la loi du marché, s'est imposé à la faveur de la crise du covid et de la guerre en Ukraine. Il est l'un des mots-clés de ce texte. Pour autant, la prise de conscience est-elle à la hauteur des enjeux et cette loi suffisante pour inverser la tendance ? Les difficultés sont en effet nombreuses.
Les accords commerciaux européens présentés par Bruxelles comme étant exclusivement « gagnant-gagnant » posent problème au monde agricole. J'avais eu l'occasion de le souligner, en tant que rapporteur, lors du débat sur l'Accord économique et commercial global (Ceta).
Il ne faut pas se voiler la face. Comment défendre notre agriculture quand nos 3 300 milliards d'euros de dette entament notre poids politique et notre crédibilité à Bruxelles ? Quelles marges budgétaires aurons-nous dans les prochaines années pour défendre et moderniser ce secteur ?
La place importante de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans notre économie est une spécificité partagée par peu d'États européens, d'où notre difficulté à trouver des soutiens. C'est actuellement le cas concernant l'accord avec le Mercosur, que la Commission européenne tente, par divers artifices, de faire avaliser.
L'agriculture doit redevenir une priorité. Sinon, nous continuerons à importer toujours plus de produits agricoles, dont certains – on le sait – sont obtenus dans des conditions sociales et environnementales moins bonnes aux nôtres, y compris chez nos voisins européens.
La France a été le deuxième exportateur mondial de produits agricoles ; depuis lors, nous régressons. Ira-t-on vraiment vers plus de souveraineté si les jeunes continuent de s'éloigner des filières agricoles, faute d'avenir dans un système de concurrence faussée ?
Par solidarité, les Européens ont favorisé les importations ukrainiennes. Résultat, plusieurs filières agricoles ont été déstabilisées. De ce point de vue, la perspective de l'entrée dans l'Union européenne de l'Ukraine, pays qui fut durant des décennies la puissance agricole de l'URSS, est un autre sujet d'inquiétude auquel il faudra bien – il ne faut pas se le cacher – apporter une réponse.
La restauration d'une agriculture française compétitive doit être un chantier d'urgence nationale au service de notre souveraineté. Ne commettons pas avec l'agriculture la même erreur funeste qu'avec l'industrie ! C'est une vision de long terme qu'il nous faut, et pas une « politique du chéquier », au coup par coup. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Jeanne Bellamy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise agricole anime la France et la parole publique depuis de nombreuses années. Le sujet est complexe et la crise profonde.
Entre 2018 et 2023, le Parlement a examiné pas moins de trois lois Égalim, qui n'ont pas mis fin à la crise et témoignent de l'impuissance politique. Dès 2019, le Sénat alertait pourtant sur l'état de notre agriculture. En 2022, le rapport d'information Compétitivité de la ferme France dénonçait de nouveau la politique anti-compétitivité menée par le Gouvernement et appelait à un choc d'ici à 2028.
Initialement, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui visait uniquement à répondre à l'urgence du renouvellement des générations. L'urgence est là : la moitié des agriculteurs atteindra l'âge de la retraite entre 2025 et 2026. Or seuls deux départs à la retraite d'agriculteurs sur trois sont remplacés.
En septembre 2022, le Président de la République s'engageait à adopter dans les six mois un pacte d'orientation et d'avenir pour notre agriculture portant sur les sujets de l'orientation, de la formation, de la transmission et de la transition. La concertation a été lancée en décembre 2022 et les rapports ont été déposés six mois plus tard. Entretemps, le mouvement agricole de l'hiver 2023 appelait une réponse du Gouvernement. C'est ainsi que le texte issu de la concertation s'est trouvé enrichi de deux titres, l'un relatif à la souveraineté alimentaire, l'autre à la simplification normative en matière environnementale.
Ce texte, initialement conçu comme une loi de programmation agricole, a donc été présenté comme une réponse à la crise agricole. Déposé à l'Assemblée nationale en avril 2024, il a été voté le mois suivant, mais il faudra encore attendre neuf mois pour que nous puissions l'examiner. L'instabilité politique a un prix, et ce sont nos concitoyens qui le paient.
Devant nos collègues de l'Assemblée nationale, Marc Fesneau, alors ministre de l'agriculture, avait affiché une double ambition : premièrement, « fixer un cap clair et lisible aux agriculteurs » ; deuxièmement, adapter nos politiques publiques agricoles afin de relever deux défis immenses et émergents pour notre souveraineté alimentaire.
Nous partageons ces ambitions, mais le projet de loi proposé n'est malheureusement pas à la hauteur. Il ne correspond pas à une loi de programmation et ne dresse aucune perspective en matière de revenu, de fiscalité, de foncier et d'innovation. Or la question du revenu est essentielle. Comment penser la transmission si les nouvelles générations ne peuvent vivre de leur travail ? Rappelez-vous qu'en 2017 l'une des promesses du candidat Emmanuel Macron était de « permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail ».
Cela fait sept ans que le sujet anime le débat public et que les agriculteurs survivent. Il est temps de répondre à leurs attentes !
Je tiens ici à saluer le travail des rapporteurs et de nos collègues de la commission des affaires économiques, qui ont considérablement enrichi le texte afin de mieux répondre aux ambitions affichées et aux attentes légitimes du monde agricole. Ainsi que l'ont rappelé les rapporteurs, ce projet de loi doit être considéré comme un maillon d'une séquence agricole plus large.
En agriculture, comme dans de nombreux autres domaines, la France souffre des effets d'annonce, de l'absence de cohérence des politiques publiques, et encore et surtout de l'absence d'une vision à long et moyen termes. Plus que des belles paroles, les agriculteurs attendent et méritent des avancées concrètes.
Dans nos départements, et notamment le mien, la Vienne, les agriculteurs sont en grande souffrance financière et psychologique.
Derrière l'agriculture, il y a des femmes, des hommes, des familles qui méritent que nous trouvions enfin les réponses aux difficultés rencontrées, lesquelles durent depuis trop longtemps. Agissons rapidement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite ajouter quelques mots avant que nous n'entamions ensemble un long périple, ainsi que l'examen de multiples amendements, afin de vous donner mon sentiment sur vos interventions.
Vous avez rappelé, madame Bellamy, que ce texte était le fruit d'une volonté ministérielle autre que la mienne. Son auteur, Marc Fesneau – à tout seigneur, tout honneur ! –, a souhaité présenter ce texte à la suite des mouvements agricoles que vous connaissez, avec deux ambitions : donner un cap clair et adapter nos politiques agricoles, en particulier pour renforcer notre souveraineté alimentaire – ce sujet sera souvent évoqué au cours du débat. Je souscris à vos propos et vous en remercie, car il est bon de rappeler l'origine de ce projet de loi très attendu.
Vous avez souligné, monsieur Médevielle, que nous aurions davantage de temps pour en débattre que si nous avions procédé à son examen au mois de juin. Je vous remercie pour ce commentaire positif !
Ce texte, je le répète, est attendu par les agriculteurs. En effet, il est toujours bon de prendre son gain. Or il y a justement dans ce projet de loi des gains pour les agriculteurs ; eux-mêmes le disent !
Vous avez dit, madame Jacquemet, que des solutions concrètes étaient attendues. Il est vrai que l'article 1er pose des orientations qui n'ont pas de déclinaisons programmatiques opérationnelles. Mais il s'agit d'un projet de loi d'orientation, et il nous faut bien définir les axes de la politique que nous allons mettre en œuvre dans les années qui viennent.
Lorsque nous disons que l'agriculture est d'« intérêt général majeur » en tant qu'elle garantit « la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux », ce ne sont pas seulement des mots ! Ces termes vont en effet trouver une traduction juridique. Or, vous le savez, le monde agricole est extrêmement judiciarisé.
M. Vincent Louault. Exactement !
Mme Annie Genevard, ministre. L'introduction de ces éléments sera donc fondamentale dans les débats administratifs et juridiques qui ne manqueront pas – n'en doutons pas ! – de survenir. Vous ne devez donc pas sous-estimer la portée de cet article.
La question de l'enseignement me paraît également très importante.
L'enseignement agricole est une pépite française. Tous les pays européens ne disposent pas d'un enseignement d'une telle qualité. Ceux d'être vous qui sont des spécialistes du sujet et se penchent sur les indicateurs pourront constater que, en matière d'insertion professionnelle, l'enseignement agricole est une école de la réussite. Il faut le dire et le répéter !
Toutes les dispositions du projet de loi relatives à l'enseignement, en particulier celle relative à la création du bachelor agro, sont de nature à répondre en partie au problème de la déprise de l'emploi agricole.
Concernant l'installation et la transmission – des questions absolument fondamentales –, si le présent texte n'apporte pas de réponses à tous les enjeux, il y répond pour partie, notamment au travers de la simplification que représente l'instauration du guichet unique France Services agriculture, que vous avez renommé France installations-transmissions. Nous y reviendrons pour débattre de ce point majeur.
Lorsque j'étais députée, j'ai beaucoup travaillé sur ce projet de loi. Je tiens donc à saluer, à mon tour, le travail de la commission que vous présidez, chère Dominique Estrosi Sassone, et en particulier celui des deux rapporteurs, comme de nombreux orateurs l'ont fait, à juste titre, lors de la discussion générale.
Vos homologues députés ont également beaucoup travaillé. Pendant près de quinze jours, en séance, et, me semble-t-il, tout aussi longtemps en commission, le texte a été largement réécrit.
Il s'agit, un peu comme en archéologie, d'extraire des strates successives la substantifique moelle. Ce travail de simplification, vous l'avez fait, et je l'accomplirai aussi avec vous durant ce débat.
Le guichet unique, qu'on le nomme France Services agriculture ou France installations-transmissions, vise, au fond, une seule et même ambition : la simplification.
D'autres dispositions, elles aussi tout à fait importantes, concernent la dépénalisation des atteintes involontaires à l'environnement. Je tiens à battre en brèche une idée reçue : ce n'est pas l'agroécologie que l'on assassine, contrairement à ce que certains d'entre vous avez affirmé ! Il ne s'agit ici que d'une surtransposition du droit européen. (On opine sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Kristina Pluchet. Bien sûr !
Mme Annie Genevard, ministre. En droit européen, je le rappelle, les atteintes involontaires à l'environnement ne sont pas pénalisées. Quant à la dépénalisation prévue dans le projet de loi, elle est bornée : seules les atteintes circonstanciées sont concernées, et non les atteintes définitives, les préjudices graves et les préjudices irréparables. Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions. Ce point du texte n'est pas négligeable.
Sans détailler entièrement le projet de loi, je souhaite citer quelques exemples pour vous montrer qu'il a de la substance, même s'il ne contient pas tout ce que l'on peut en attendre. Vous avez en effet été nombreux à insister sur ce qui manquait dans le texte.
Pour ce qui concerne le foncier agricole, je puis vous dire, pour l'avoir souvent évoqué lorsque j'étais députée, qu'il s'agit d'un sujet en soi. L'introduire dans une loi d'orientation telle que celle-ci aurait donc été, selon moi, une erreur stratégique puisque la question essentielle du foncier aurait alors probablement été rabotée – c'est un mot de circonstance ! –, du fait de sa spécificité et de la multiplicité des thèmes que nous allons aborder.
Cette question mérite aussi d'être revisitée à l'aune d'un certain nombre d'études qui ont été faites, notamment dans mon ministère par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), sur le poids du foncier dans la reprise agricole.
J'étais ainsi persuadée, avant de lire ce rapport, que le foncier constituait une part essentielle dans le coût d'une reprise agricole. Vous seriez surpris, mesdames, messieurs les sénateurs, par les chiffres figurant dans l'analyse du CGAAER ! Nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.
Vous avez identifié un autre manque : la question du revenu agricole, laquelle englobe trois sujets.
Le premier sujet recouvre les charges qui pèsent sur l'exploitation agricole. Mes chers amis sénateurs – j'allais dire, par réflexe « mes chers collègues »... (Sourires.)
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Lapsus révélateur !
Mme Annie Genevard, ministre. Quand on est parlementaire, on le demeure !
M. Cabanel a insisté sur la question du budget de l'agriculture et des moyens que l'on y consacre. Ce budget prévoit presque un demi-milliard d'euros d'allègements de charges pour les agriculteurs. Nous sommes loin de l'épaisseur du trait, vous en conviendrez !
Je puis vous dire que j'ai jalousement protégé ce demi-milliard depuis le premier jour qui a suivi la censure, car je savais ce qu'il en coûterait aux agriculteurs. Aujourd'hui encore, j'ai défendu des allègements menacés par une éventuelle censure, notamment la mesure de défiscalisation en faveur des éleveurs bovins. Et je veux remercier mes collègues de Bercy, Éric Lombard et Amélie de Montchalin, qui ont, eux aussi, protégé ces crédits, ce qui fut tout à fait déterminant.
Je veux répondre à tous ceux qui considèrent, comme M. Ravier, que la politique agricole commune et l'Union européenne sont mauvaises pour les agriculteurs, que pas un seul agriculteur ne pense comme eux !
Les agriculteurs savent ce qu'ils doivent à l'Union européenne en termes de revenus. Le premier pilier de la PAC, je le rappelle, porte notamment les mesures de soutien aux revenus des exploitants agricoles. Et il s'agit de revenus directs ! Il faut donc faire attention à ce que l'on dit.
Le deuxième sujet relatif au revenu est celui de la production.
Il faut pouvoir produire si l'on veut tirer un revenu de son exploitation, ce qui pose la question des moyens de la production agricole, c'est-à-dire la terre, l'eau et la protection des productions, qu'elles soient animales ou végétales. Ce sujet, énorme, est en partie couvert par celui de la souveraineté alimentaire.
Le troisième sujet est celui des prix.
Ne demandez pas à ce texte ce qu'il ne peut vous donner ! Tout ce qui concerne les prix agricoles relève en effet des lois Égalim. Deux textes vous seront prochainement présentés : une proposition de loi relative à la prolongation de l'application du dispositif de seuil de revente à perte de 10 % (SRP + 10) ; et un projet de loi que vous aurez à examiner, en vous référant aux excellents rapports sur les lois Égalim de vos collègues Mme Loisier et M. Gremillet, et des anciens députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard.
Nous allons donc travailler, sur la base de ces travaux parlementaires, à ce projet de loi, qui aura un impact direct sur les prix.
Il n'est pas possible d'introduire dans le présent projet de loi un chapitre consacré au revenu des agriculteurs parce que ce sujet est traité, à la fois, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le projet de loi de finances, les dispositifs de la PAC, la loi Égalim, une future loi foncière et une future loi sur l'eau dans l'agriculture – autre grande question.
Ne sous-estimez donc pas l'importance que nous attachons aux thèmes, nombreux, que vous avez évoqués.
Je vous remercie d'avoir abordé, au travers de vos diverses interventions, à peu près toutes les questions agricoles. Les discussions générales sont très intéressantes car elles permettent de couvrir l'ensemble du champ d'un sujet. Je reviendrai sur vos différents propos dans la suite du débat.
Pour autant, je souhaite répondre dès à présent à votre intervention relative aux retraites agricoles, chère Pascale Gruny. Vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet, et je tiens à vous en remercier publiquement.
Nous avons été très attentifs à ce que la loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses soit applicable dès le 1er janvier 2026, et nous serons vigilants sur la question des polypensionnés.
Je souhaite, pour ma part, porter une attention particulière à la question de la retraite des femmes agricultrices. Si le dossier des retraites devait être ouvert de nouveau, j'aimerais que ce point soit pris en compte et je vous invite à y apporter votre expertise, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Jacquemet et M. Yves Bleunven applaudissent également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Intitulé du titre Ier
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 799, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Titre Ier : Reconquérir la souveraineté alimentaire de la France pour la défense de ses intérêts fondamentaux
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à prévoir une nouvelle formulation de l'intitulé du titre Ier, afin qu'il corresponde mieux au contenu de l'article 1er du projet de loi.
L'article 1er, dans sa rédaction actuelle, traite essentiellement de la souveraineté alimentaire, puisque les éléments relatifs au renouvellement des générations en ont été retirés lors de l'examen du texte par la commission des affaires économiques du Sénat.
Vous avez considéré, en rédigeant l'intitulé du titre Ier, que l'agriculture devait être érigée au rang d'intérêt fondamental de la Nation.
Or ce qui est mentionné comme étant un intérêt fondamental de la Nation à l'article 1er, c'est bien la souveraineté alimentaire. C'est pourquoi il est, selon nous, nécessaire de redonner un intitulé clair et porteur de sens au titre Ier. Il s'agit d'aller à l'essentiel, c'est-à-dire la reconquête de notre souveraineté alimentaire, qui est un impératif.