Ce satellite qui voit tout l’inverse de ce que les agriculteurs constatent en nombre, réalité décrite à l’instant par Daniel Gremillet, est une de ces injustices.

Nous avons reçu les assureurs, qui nous ont dit qu’ils ne nous suivraient pas si nous changions l’unité de mesure, parce qu’ils ne sauraient plus à quel saint se vouer. Nous pouvons, en toute objectivité, les comprendre. (M. Franck Menonville acquiesce.) Ils se sont rapprochés de la profession pour négocier avec elle la rédaction de cet article ; les discussions menées la semaine dernière ont permis d’avancer, mais pas au point d’aboutir à une conclusion définitive.

Les assureurs sont prêts à aller encore plus loin. Mais l’amendement que nous avions déposé a été censuré par la commission des finances en vertu de l’article 40. Or, pour continuer à avancer, nous devons voter une rédaction, même perfectible.

Comme Daniel Gremillet et d’autres de mes collègues, je suis conscient qu’en l’état l’article 4 ne suffit pas à régler le problème. Mais je suis aussi conscient que personne ne peut pas porter toute la misère du monde. Les assureurs et la profession doivent travailler ensemble pour parvenir à une rédaction de compromis.

Nous ne pouvons pas être les seuls à proposer des solutions, pour nous faire, tôt ou tard, taper dessus !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Il s’agit à l’évidence d’un dossier très complexe.

Monsieur le rapporteur, je salue l’effort accompli par la commission ; mais, dans la pratique, la solution proposée via votre sous-amendement ne fonctionne pas ! Il n’y a rien à constater quand il n’y a plus de récolte. Seuls des comités d’expertise peuvent effectuer un bilan annuel, en se rendant sur le terrain. C’est ainsi que l’on évaluera le niveau des récoltes. C’est cela, la vraie vie.

Pour en avoir tous fait l’expérience, nous savons que les événements climatiques affectent parfois différemment plusieurs points d’un même territoire. La réalité de la production herbagère sur le terrain exige donc une finesse d’appréciation.

D’ailleurs, madame la ministre, combien d’éleveurs sont assurés pour leurs prairies ? Très peu. En la matière, c’est l’un des problèmes qui se posent. Et si l’on n’améliore pas les choses, je puis vous assurer qu’il n’y en aura plus du tout.

Le hasard – mais je ne crois pas trop au hasard – a voulu qu’un éleveur du département des Vosges me fournisse, ce week-end, copie du document d’assurance relatif à ses prairies. Il s’agit d’un cas tout à fait concret.

Selon les relevés satellites, cet éleveur a vu ses volumes de fourrages augmenter de 28,9 % par rapport à la moyenne triennale. Il m’a dit : « Daniel, j’aimerais bien avoir réellement tant de bottes de foin supplémentaires ! » En effet, il en est loin…

En pratique, les calculs obtenus par ce biais sont bien éloignés de la réalité.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 110.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé.

Après l’article 4

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, MM. Chevrollier, Verzelen et Saury, Mme Guidez, M. Delcros, Mme Lermytte, M. Cambier, Mme Vermeillet, M. Perrion, Mmes Pluchet et Billon, MM. Wattebled et Houpert, Mmes Perrot et Jacquemet, MM. Chasseing, Longeot, J.M. Arnaud, Brault et P. Vidal et Mmes Herzog et O. Richard, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 431-6 du code de l’environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Constitue un étang piscicole tout plan d’eau naturel ou artificiel relié aux milieux aquatiques utilisé pour une activité d’aquaculture et toute autre activité liée à l’étang lui-même.

« Les dispositions relatives aux étangs piscicoles s’appliquent également aux installations de transformation et de commercialisation situées à leurs abords immédiats et nécessaires à leur exploitation. »

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je tiens à attirer votre attention sur une catégorie d’agriculteurs très particuliers : les pisciculteurs d’étang.

Puisqu’il s’agit de lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, je vous alerte quant aux normes que ces professionnels doivent appliquer, qu’il s’agisse des vidanges, des démarches administratives ou de lutte contre la prédation des cormorans.

Ces contraintes sont encore complexifiées par l’absence de définition juridique de l’étang piscicole. À ce jour, on est contraint de s’en tenir à la notion générale de plan d’eau, sans aucune distinction d’usage.

Cet amendement vise précisément à donner une définition aux étangs piscicoles.

La production de poissons assurée par cette filière a baissé de presque 60 % en dix ans. Ce déclin aggrave le déficit de la balance commerciale française en matière de produits issus de la pêche et de l’aquaculture, lequel dépasse désormais 4 milliards d’euros.

Les rapports sont unanimes : non seulement le développement de la pisciculture en étang est un enjeu de souveraineté alimentaire, mais il peut contribuer à réduire l’empreinte environnementale globale de la consommation de protéines animales en France.

J’ajoute que les étangs rendent des services écosystémiques, parmi lesquels la régulation des régimes hydrologiques, l’épuration de l’eau et l’augmentation de la biodiversité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ma chère collègue, votre demande est satisfaite par l’article 17 du projet de loi d’orientation agricole.

En outre, je rappelle que nous avons, sur ce sujet, adopté des amendements de notre collègue Guillaume Chevrollier.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, j’entends votre préoccupation. Mais, comme l’a dit M. le rapporteur, votre demande est déjà satisfaite par plusieurs textes, dont le code de l’environnement et deux arrêtés ministériels relatifs aux étangs piscicoles.

En conséquence, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Madame Sollogoub, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je vous fais confiance, mais ma demande n’est pas satisfaite par le code de l’environnement. Peut-être le sera-t-elle par des décrets à venir ou par le projet de loi d’orientation agricole. Quoi qu’il en soit, en l’état, rien n’est fait.

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

TITRE III

FACILITER LA CONCILIATION ENTRE LES BESOINS EN EAU DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA RESSOURCE

Intitulé du titre III

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié octies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mmes Saint-Pé et L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Romagny, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :

Concilier la nécessaire protection de l’agriculture et de la ressource en eau

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement rédactionnel vise à apporter quelques clarifications importantes pour la jurisprudence, demain.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Honnêtement, je ne vois pas ce que cette modification peut apporter. La commission y est donc plutôt défavorable, mais s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié octies.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 5

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 211-1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– après la seconde occurrence du mot : « gestion », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « respecte le principe de non-régression du potentiel agricole, prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : » ;

– au 1°, les mots : « , ou dont » sont remplacés par les mots : « et dont » ;

– au 5° bis, la seconde occurrence des mots : « l’eau » est remplacée par les mots « la ressource » et, après le mot : « garantir », sont insérés les mots : « le développement de » ;

– après le même 5° bis, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter La préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’élevage ; »

b) Le II est ainsi modifié :

– après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle doit permettre de satisfaire les exigences du maintien et du développement des activités agricoles et piscicoles. » ;

– au début du 3°, les mots : « De l’agriculture, » sont supprimés ;

1° bis (nouveau) Après l’article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-2. – Pour l’application du présent titre, et notamment du VII de l’article L. 212-1, et dans le respect des dispositions de l’article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, les projets destinés au stockage de l’eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d’eau, permanents ou non, qui répondent à un usage partagé au sens du 5° bis du I de l’article L. 211-1 sont réputés d’intérêt général majeur. » ;

2° L’article L. 212-1 est ainsi modifié :

a) Le II est ainsi modifié :

– au 1°, le mot : « économique » est remplacé par les mots : « des nécessités économiques » ;

– la dernière phrase du 3° est ainsi rédigée : « Elles sont compatibles avec le principe de non-régression du potentiel agricole, qui implique une préservation voire un accroissement ponctuel des prélèvements d’eau aux fins agricoles, notamment d’irrigation et d’élevage. » ;

b) Au premier alinéa du VII, après le mot « humaines », sont insérés les mots : « , notamment agricoles, » ;

c) Le XI est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils prennent particulièrement en compte et évaluent, dans leur phase d’élaboration ou d’instruction, les impacts attendus sur l’économie agricole, et s’assurent du respect du premier alinéa et du 5° bis du I de l’article L. 211-1, du 3° du II et du VII du présent article. » ;

d) Le XIII est complété par les mots : « , notamment celles relatives au respect du principe de non-régression du potentiel agricole » ;

3° Le 1° du II de l’article L. 212-5-1 est complété par les mots : « , dans le respect des dispositions relatives à la protection du potentiel agricole mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l’article L. 211-1, au 3° du II et au VII de l’article L. 212-1 » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 212-6 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « département », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « , qui s’assure notamment du respect du principe de non-régression du potentiel agricole, tel que mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l’article L. 211-1, au 3° du II et du VII de l’article L. 212-1. » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Son arrêté d’approbation est publié. » ;

5° L’article L. 213-8 est ainsi modifié :

a) Au 2°, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;

b) Au 2° bis, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l’article.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réellement surpris que cette proposition de loi n’ait pas fait l’objet, a minima, d’une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, tant les sujets qu’elle traite relèvent également du champ de compétence de celle-ci. Je m’en suis d’ailleurs ouverte au président de notre commission.

Cette ostracisation délibérée est une nouvelle preuve de la volonté des auteurs de ce texte de faire passer des normes d’intérêt général pour des contraintes d’intérêt privé.

La gestion de l’eau, dont nous traitons ici, est l’une des grandes thématiques sur lesquelles travaille notre commission. De nombreux collègues ont rédigé des rapports d’information importants sur la question. Je pense notamment à Hervé Gillé et à Rémy Pointereau.

Au lieu de s’inspirer des propositions de bon sens figurant dans leurs rapports, cet article risque de fragiliser un édifice juridique indispensable à la conciliation des usages de l’eau. La définition des zones humides est ainsi remise en cause, alors que le bon fonctionnement du cycle de l’eau en dépend en grande partie.

Il serait bon que nos collègues lisent et entendent, ne serait-ce qu’une seule fois, les travaux d’hydrologues de renom. Si la nouvelle définition prévue par l’article devait être adoptée, un très grand nombre de zones humides seraient déqualifiées, alors qu’elles sont parfaitement caractérisées. De ce fait, elles ne feraient plus l’objet des mesures de préservation fonctionnelle dont elles peuvent bénéficier.

Mes chers collègues, il s’agit là d’un enjeu d’intérêt général majeur : en rendant cumulatifs les critères de sol et de végétation, cette rédaction rendra impossible le classement en zone humide d’une parcelle cultivée sur laquelle l’activité agricole empêche le développement de la végétation naturelle caractéristique – je pense par exemple à la production de maïs.

Malgré toutes les circonlocutions de M. le rapporteur, cet article aura de lourdes conséquences sur l’environnement et pour le partage de l’eau.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, sur l’article.

M. Vincent Louault. Ce sujet est très important et mérite que nous y passions un peu de temps.

La définition actuelle des zones humides empêche de construire sur des zones cultivables, des zones classées U par les plans locaux d’urbanisme (PLU) ou UI dans les zones industrielles. Le rapport de compensation est d’un sur trois, et je ne parle pas du « zéro artificialisation nette » (ZAN) : c’est alors la double peine !

Dans un village de mon département, un terrain situé à 100 mètres de l’église est classé en zone humide sur la base du seul critère pédologique, à cause de la présence d’oxydes ferreux. Or des régions entières ont des sols riches en oxydes ferreux : je pense à la Vendée, territoire à l’origine entièrement marécageux (Mme Annick Billon le confirme.), ou encore au Pas-de-Calais, département intégralement classé en zone humide.

La loi portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, est revenue sur une jurisprudence que l’on avait mis trente ans à établir. Ce travail a pris beaucoup de temps, car il a fallu définir ce qu’est un étang, puis ce qu’est une zone humide. Selon cette jurisprudence, une terre doit cumuler la présence d’oxydes ferreux dans le sol et celle de plantes hygrophiles pour être qualifiée comme humide. Je demande que l’on revienne à cette définition.

Je suis très déçu de la réponse technocratique du Gouvernement. Ce dernier tend une simple sucette aux agriculteurs, en les autorisant à mener des projets agricoles, et oublie purement et simplement les collectivités territoriales.

Le Sénat est l’assemblée des collectivités : nous ne saurions accepter de voir nos zones U bousillées par les zones humides créées par les semelles de labour de nos charrues !

Nous nous sommes donc entendus en commission pour réinstaurer le caractère cumulatif des critères définissant une zone humide. Mes chers collègues, j’en appelle à votre vigilance : il faut rejeter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.

M. Michel Canévet. Avant tout, je tiens à féliciter les auteurs de cette proposition de loi. Il faut effectivement lever un grand nombre des contraintes qui pèsent sur les agriculteurs pour assurer la souveraineté alimentaire et économique de notre pays.

Des contraintes, il y en a partout : samedi dernier, je me suis rendu à la cérémonie des vœux de la commune de Lampaul-Guimiliau, où a fermé il y a onze ans l’abattoir Gad, qui employait 850 personnes. Cette fermeture s’explique tout simplement par la diminution de l’élevage breton.

Un projet vise à installer sur l’ancien site de Gad une unité de transformation du lin, dont la culture a jadis fait la prospérité d’une partie du Léon, au nord de la Bretagne. Or les porteurs du projet, qui souhaitent construire sur ce site déjà industrialisé, ont découvert que l’on y soupçonnait la présence d’un couple de chauves-souris : ils doivent non seulement déployer plus de 100 000 euros d’investissement pour construire une tour susceptible d’héberger, le cas échéant, ces animaux, mais aussi geler 2 000 mètres carrés devant la future unité de production.

C’est là une simple illustration des contraintes que nous faisons peser sur tous ceux qui entreprennent. Le résultat est clair : alors que nous aurions pu produire du lin dès cette année sur 400 à 500 hectares, le projet est reporté à des jours meilleurs. Voilà, madame la ministre, la réalité du terrain ! Et il ne s’agit que d’un exemple parmi bien d’autres.

Nous devons lever les contraintes et faire en sorte que notre réglementation tienne compte des réalités économiques. Là où il y a eu une activité industrielle, une nouvelle activité industrielle doit pouvoir s’implanter.

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, sur l’article.

Mme Lauriane Josende. Je tiens à alerter le Gouvernement sur les difficultés que rencontrent les territoires touchés par la sécheresse.

Madame la ministre, vous connaissez très bien la situation terrible dans laquelle se trouvent les Pyrénées-Orientales : le rendement des vignobles y a été divisé par deux à cause de la sécheresse dont nous faisons les frais depuis deux ans.

J’avais déposé des amendements sur cet article, mais ils ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 41 de la Constitution. Puisqu’il s’agit a priori de mesures réglementaires, je m’en remets à vous.

Il convient de simplifier les normes et d’alléger les contraintes. Je précise que ces dispositions ont été élaborées avec l’ensemble des acteurs locaux, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des acteurs économiques, en particulier les agriculteurs.

Il s’agit tout simplement de coller à la réalité du terrain. En France, les règles relatives au débit des cours d’eau sont applicables partout et inadaptées aux spécificités de la géographie méditerranéenne.

Le débit de nos cours d’eau peut être très fort en hiver, mais, malheureusement, quasi inexistant en été, du fait de la sécheresse. L’arrosage dépendant des canaux gravitaires, la question des retenues collinaires est cruciale.

Je tiens à souligner que vous vous êtes intéressée à nos difficultés dès votre prise de fonction et que vous vous êtes rendue dans notre département. Si nous ne pouvons passer par la loi, il est temps d’adopter par voie réglementaire ces mesures, qui sont prêtes et faciles à appliquer.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Lauriane Josende. Je compte sur votre engagement.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, sur l’article.

M. Mickaël Vallet. Le fait de passer par une proposition de loi nous prive d’étude d’impact, ce qui pose tout de même problème.

De nombreux collègues appellent à porter un regard objectif sur la situation en se fondant sur des données scientifiques ; mais, faute d’étude d’impact, l’on risque de minimiser les conséquences d’un tel article.

Dans l’exposé des motifs, on se contente d’indiquer que le retour à la définition des zones humides de 2019 a pour objet de « réduire l’insécurité juridique des agriculteurs ». Selon cette définition, pour être qualifié de zone humide, un terrain devra cumuler deux critères – un sol hydromorphe et une végétation hygrophile – et non plus à répondre à l’un des deux.

Pour ma part, je ne parviens pas à comprendre de quelle insécurité juridique il est question. J’ai consulté le compte rendu des débats en commission : il a été question de pertes de chances pour la construction de zones industrielles, comme à l’instant au sujet du lin.

Mes chers collègues, nous pouvons tous donner des exemples locaux, mais cela ne fera pas une étude d’impact. En revanche, comme chacun d’entre vous, je sais que les zones humides, qui filtrent naturellement l’eau, constituent des zones tampons irremplaçables. La construction de stations d’épuration se heurte à de nombreuses difficultés urbanistiques : nous devrions donc nous réjouir d’en avoir de « naturelles ».

Je souligne également que ces zones sont des réserves de biodiversité, sans tomber dans la caricature du couple de chauves-souris ou de je ne sais quel pélobate cultripède qui empêcherait la construction d’une unité de production.

En outre, ces zones sont utiles pour capter le carbone – ce n’est pas un petit sujet – et permettent de maintenir un élevage extensif.

Un rapport de 2009 estimait que 67 % des zones humides avaient disparu en un siècle, et l’on voudrait encore en retrancher. L’argument de la sécurité juridique des agriculteurs ne colle pas à bien des réalités de terrain. Voici la mienne : mon département compte plus de 100 000 hectares de zones humides, dont plus de 10 000 dans un seul canton. Mais les agriculteurs, toutes tendances syndicales confondues, n’appellent pas à requalifier ces zones.

Monsieur le président, mon temps de parole étant écoulé, je poursuivrai mon propos après la présentation des amendements de suppression de l’article.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 12 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 47 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel et Guiol, Mme Jouve et MM. Masset et Roux.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 5.

M. Daniel Salmon. L’article 5 modifie la hiérarchie des usages de l’eau en reconnaissant par principe un ouvrage de stockage d’eau pour une activité agricole comme d’intérêt général majeur et en inscrivant le principe de « non-régression du potentiel agricole » dans le code de l’environnement. Ce faisant, il remet en cause l’ensemble de la politique sanitaire et écologique de la gestion de l’eau.

De plus, il modifie la définition des zones humides afin d’en réduire le périmètre, donc le niveau de protection. Or les scientifiques et les organismes chargés de la protection des écosystèmes ont largement documenté le fait que ces zones cruciales pour la biodiversité, le fonctionnement du cycle de l’eau et la lutte contre les inondations étaient en train de disparaître.

Certains réclament que nous nous fondions sur la science pour légiférer : c’est précisément ce que je fais.

Ces constats ne sortent pas du chapeau : ils sont issus des travaux d’hydrologues spécialistes du sujet. Il est donc hors de question de revenir sur la définition des zones humides.

En l’absence de tout encadrement et de toute distinction entre les usages agricoles de l’eau, cet article favorise les pratiques intensives et ouvre la voie à l’accaparement des ressources par les acteurs dont les moyens financiers sont suffisants pour réaliser des ouvrages.

À l’heure actuelle, les zones de répartition des eaux (ZRE) couvrent plus d’un tiers de l’Hexagone. Autrement dit, la quantité d’eau disponible est inférieure aux besoins de la population, y compris hors des périodes de sécheresse. Ce déséquilibre structurel menace à la fois les usages et les milieux. Il nuit aux objectifs de reconquête et de maintien du bon état des eaux.

Une telle situation devrait nous conduire à adopter une trajectoire généralisée de sobriété, applicable à tous les usages. Pourtant, l’irrigation continue de se développer – les surfaces irrigables ont augmenté de 23 % entre 2010 et 2020. Elle est essentiellement destinée à la culture du maïs et du soja. Bref, on irrigue ici et on déforeste au Brésil : bonjour le développement durable !

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 5.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Jean-Claude Tissot. Nous proposons nous aussi de supprimer l’article 5, relatif à l’usage de la ressource en eau en agriculture.

Nous pensons sincèrement que les solutions proposées ne sont pas les bonnes. Ce n’est pas en traitant la question de l’eau sous le seul prisme de l’agriculture que nous trouverons un système efficace, durable et acceptable par tous.

La crainte que cet article nous inspire a encore été renforcée lorsque nous avons pris connaissance de certains amendements déposés par nos collègues centristes, qui tendent à aller encore plus loin. Il nous paraît impensable de légiférer avec tant de légèreté sur ce sujet crucial – l’eau est notre bien commun le plus précieux.

Nous nous opposons fermement à la modification de la hiérarchie des usages de l’eau consistant à reconnaître par principe un ouvrage de stockage d’eau pour une activité agricole comme d’intérêt général majeur et à inscrire le principe de non-régression du potentiel agricole dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ou les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage).

Dans le contexte actuel, le fait de diminuer la part de la société civile au profit de celle des agriculteurs dans les comités de bassin s’apparente clairement à une provocation. Cet article nous apparaît davantage comme un tract politique, visant à donner des gages à une partie des représentants du monde agricole, qu’à une réforme réfléchie de notre modèle de gestion de la ressource en eau en agriculture.

Pourtant, face aux effets du changement climatique, nous pourrions nous accorder sur la nécessité d’une réforme globale de notre politique de l’eau en vue d’un usage raisonné et partagé de cette ressource. Mais une telle réforme doit faire l’objet d’un texte de loi à part entière, fondé sur la concertation de tous les acteurs, accompagné d’une étude d’impact solide et documentée, nourrie notamment de la littérature savante.

À cet égard, je tiens à mentionner les travaux de notre collègue Hervé Gillé. Dans son rapport d’information sur la gestion durable de l’eau, remis en 2023, M. Gillé relève que le dialogue et la concertation sont la clef d’un usage raisonné et partagé de la ressource. L’une des précieuses recommandations de ce rapport est de conditionner les retenues d’eau à des contrats d’engagement réciproque portant notamment sur des changements de pratiques pour aller vers davantage de sobriété.

En tout état de cause, cet article ne ferait que déséquilibrer le système et attiser les tensions existantes. Les membres du groupe socialiste demandent donc sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 47.

M. Gérard Lahellec. L’article 5 facilite les projets de stockage de l’eau présentant un intérêt général majeur, en oubliant que le partage de l’eau est essentiel et qu’il faut, en priorité, assurer la disponibilité de l’eau potable pour chacun.

De plus, cet article propose une nouvelle définition des zones humides, au risque de voir ces dernières disparaître sinon entièrement, du moins en partie.

Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à proposer la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié.

M. Henri Cabanel. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?