M. Pierre Cuypers, rapporteur. L’article 5 est crucial pour sécuriser les usages agricoles de l’eau. La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour cet article absolument déterminant comme pour presque tous les autres articles du présent texte, nous avons travaillé en bonne intelligence avec le ministère de la transition écologique. (Marques dironie sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) L’eau relevant, comme vous le savez, du périmètre de ce ministère, il était important que nous travaillions de concert.

Il s’agit là d’un sujet majeur pour les agriculteurs, car la question du stockage est particulièrement déterminante. Au cours de l’année qui vient de s’écouler, malgré une pluviométrie exceptionnelle, de nombreux territoires ont subi des sécheresses aux conséquences dramatiques. Face à ces manifestations du changement climatique, des mesures de stockage de l’eau seraient plus qu’utiles.

Madame Josende, j’ai été réellement marquée par les visites que j’ai effectuées dans votre département : la sécheresse y provoque des ravages inimaginables. Sans eau, il ne peut y avoir d’agriculture. Il faut prendre la mesure de la situation.

J’y insiste, cet article est déterminant. Le Gouvernement est donc défavorable à ces quatre amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Je profite de cette explication de vote pour poursuivre mon propos précédent.

Madame la ministre, vous avez abordé la question de l’élevage en montagne, que vous connaissez bien. Aussi, peut-être pourrez-vous nous éclairer.

On souhaite aujourd’hui s’inspirer de l’élevage extensif pratiqué dans les zones de montagne au profit des zones humides, notamment des marais. C’est précisément pourquoi on l’étudie de très près. Sans doute êtes-vous vous-même sensible à cette question. Sur le fond, qu’en pense le Gouvernement ?

Par ailleurs, le fait que vous ayez travaillé de concert avec le ministère de la transition écologique n’est pas vraiment de nature à nous rassurer, étant donné l’actuelle titulaire du poste et les décisions prises ces derniers mois.

Vous entendez conforter le métier d’agriculteur et vous vous dites favorable à la redéfinition des zones humides ; soit, mais pour qui ? Pour ceux qui pensent encore qu’il est de bon aloi de retourner des terres de marais, parce qu’elles sont extrêmement productives ? Ne vous y trompez pas, ils ne sont qu’une minorité ! Il faut plutôt d’écouter tous les autres.

Je sais que, d’un point de vue juridique, la définition des zones humides ne remet pas en cause le classement en zone de marais. Mais quel signal votre ministère enverrait-il en acceptant de redéfinir les zones humides de manière si restrictive ?

À cet égard, permettez-moi d’invoquer un de nos anciens collègues, qui siégeait du reste à la droite de l’hémicycle : il s’agit de Jérôme Bignon, qui est toujours président de Ramsar France. M. Bignon a pour habitude de dire que, lorsqu’on touche aux zones humides, il ne faut le faire que d’une main tremblante.

Madame la ministre, au moment d’apporter votre soutien à cet article, votre main a-t-elle un peu tremblé ? En assumez-vous l’intégralité, y compris au sujet des zones humides ?

Je vous invite à venir dans le marais de Brouage pour constater l’importance de ces zones, pour les agriculteurs comme pour l’ensemble de la population.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je ne crois pas que la décision de supprimer le caractère cumulatif des deux critères en 2019 ait été étayée par une quelconque étude d’impact. Rendez-vous compte : 30 % de notre pays est, de ce fait, classé en zone humide !

Auparavant, tout se passait très bien. Les agents des directions départementales des territoires (DDT) savaient faire preuve de pragmatisme, ils examinaient au cas par cas la présence de plantes hygrophiles et les critères pédologiques. Désormais, des cabinets d’études s’en chargent, ce qui donne lieu à des situations pour le moins exotiques : dans ma commune, sur les 50 hectares de la zone industrielle, la part de zones humides a été tour à tour évaluée à 60 %, à 30 % et à 10 % par trois cabinets différents, sur la base du seul critère pédologique.

Mes chers collègues, comment croire que le but d’un tel article est de détruire des zones humides ? Il n’est pas question de cela ! Mais rendez-vous bien compte que 30 % de nos zones urbanisées sont actuellement classées dans cette catégorie !

Un maire agriculteur des Ardennes m’a présenté, dans sa commune, un terrain caractéristique : d’un côté, une prairie, des joncs et une petite mare ; de l’autre, un grand vallon labouré. Les deux côtés sont classés en zone humide ! Aucune différenciation n’est faite. Dès lors que vous labourez, vous libérez des oxydes ferreux, d’où le classement en zone humide.

Madame la ministre, en cédant au délire, en voulant tout surprotéger, nous finirons par sanctuariser la France ! Dans certaines régions, toutes les exploitations agricoles sont en zone humide. En Bretagne, pour construire un poulailler sur un hectare, il faut trouver trois hectares au titre de la compensation. Cela vaut pour toutes les exploitations agricoles situées en fond de vallée. Un peu de pragmatisme et de bon sens !

M. Mickaël Vallet. Ah, le bon sens !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, j’estime comme chacun d’entre nous que la question de l’eau est fondamentale pour l’avenir de l’agriculture. Mais que faites-vous de l’engagement pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale ?

Je rappelle que M. Bayrou s’est engagé à lancer une conférence nationale sur l’eau, organisée dans chaque région. Au-delà de ce qui a déjà été fait en la matière avec plus ou moins de succès, cette idée mérite d’être concrétisée. Cela constituerait une nouvelle étape dans la manière d’appréhender cette question fondamentale pour l’avenir de notre pays, de notre agriculture et de notre alimentation.

Je comprends que ce texte a une dimension d’affichage, qu’il répond à des enjeux politiques et syndicaux et qu’il faut émettre des signaux. Il n’en faut pas moins adopter une démarche structurée, à la hauteur des enjeux et des besoins. Je partage les préoccupations de mes collègues sur toutes les travées, mais il convient de procéder dans l’ordre.

Pourquoi n’aborder ce sujet que par les quelques points traités dans cette proposition de loi ? Bien d’autres doivent être pris en considération pour faire preuve d’efficacité collective et répondre à l’intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour explication de vote.

M. Ludovic Haye. Je suis d’accord avec Mme la ministre, et j’enfoncerai même le clou.

J’ai participé à la mission d’information de nos collègues Hervé Gillé et Rémy Pointereau, dont il est ressorti qu’il convenait d’insister sur la gestion de l’eau.

Actuellement, les eaux pluviales sont plus abondantes qu’au cours des années précédentes, mais elles s’infiltrent rapidement dans les sous-sols. L’enjeu n’est pas de sanctuariser toujours plus de parcelles, mais d’entretenir les infrastructures existantes.

Nos mares et nos ruisseaux sont totalement sédimentés. Je rappelle qu’à la base un ruisseau est un volume d’eau et non un simple segment entre un point A et un point B. Je respecte le travail de nos DDT, mais j’observe aussi nous n’avons plus le droit de toucher au moindre ruisseau, ne serait-ce que pour l’entretenir.

Commençons par entretenir l’existant, remettons de l’eau en surface et soyons capables de gérer cette ressource avec nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La gestion de l’eau est effectivement une question centrale.

Pendant plusieurs décennies, on s’est affranchi de la science et, plus largement, du savoir. En Bretagne, le remembrement a eu des conséquences terribles. Des cours d’eau ont été rectifiés de sorte qu’une goutte d’eau tombant sur les monts d’Arrée, qui mettait auparavant plusieurs jours pour rejoindre la mer, le fait désormais en quelques heures. En résultent de nombreuses crues, qui touchent notamment la ville de Quimper.

Il est temps de rompre avec le simplisme et d’appréhender de nouveau le grand cycle de l’eau, ce qui exige une réflexion aboutie. Nous ne saurions traiter une telle question de manière si segmentée.

J’entends les arguments de mes collègues, mais, pour ma part, j’estime qu’il va falloir pousser la réflexion beaucoup plus loin que nous ne le faisons ce soir.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 12, 47 rectifié et 82 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le 5° bis du I de l’article L. 211-1, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter La préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement ; »

2° Après l’article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-2. – Les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés, qui poursuivent à titre principal une finalité agricole, sont présumés d’intérêt général majeur dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu’ils sont issus d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers, qu’ils s’accompagnent d’un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour ces usagers. » ;

3° L’article L. 214-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une zone humide, telle que définie à l’article L. 211-1, est considérée comme fortement modifiée dès lors que l’usage qui en est régulièrement fait ne lui permet plus d’assurer l’essentiel des fonctions écosystémiques spécifiques caractérisant les zones humides.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions selon lesquelles les impacts des installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L. 214-1 sur une zone humide fortement modifiée, sont suffisamment faibles pour justifier qu’ils ne soient pas soumis à autorisation ou déclaration au seul titre de la préservation des zones humides. »

4° Après l’article L. 411-2-1, il est inséré un article L. 411-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 411-2-2. – Sont présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411-2, les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu’ils résultent d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre tous les usagers, qu’ils s’accompagnent d’un engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour tous les usagers. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. De nombreux sujets ont déjà été abordés, sur lesquels nous reviendrons dans la suite de la discussion.

Les auteurs de cette proposition de loi entendent sécuriser l’accès à la ressource en eau pour les agriculteurs. J’ose espérer que nous visons tous cet objectif.

Toutefois, la rédaction initiale n’était pas opérante juridiquement et exposait à des risques majeurs d’un point de vue conventionnel.

Par cet amendement, le Gouvernement assure ainsi une nécessaire sécurisation juridique au regard des textes européens, notamment la directive-cadre sur l’eau et la directive Habitats, tout en répondant à trois fortes attentes exprimées par le monde agricole.

Tout d’abord, il inscrit la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement du bétail. Il s’agit là d’un point majeur : pour pratiquer l’élevage, il faut non seulement des prairies, mais aussi de l’eau, tout simplement car il faut abreuver les bêtes. Il me semble que cet enjeu de santé animale fait l’objet d’un large consensus.

Ensuite, il précise la rédaction de l’article quant aux projets de stockage de l’eau – l’objectif est de concilier préservation du potentiel agricole et préservation de la ressource en eau tout en assurant le juste partage de cette dernière. On en revient à la nécessité de sécurisation juridique, au regard du droit européen, quant à la qualification d’intérêt général majeur.

Enfin, nous proposons de renforcer la conformité au droit européen des projets de stockage d’eau présentant un intérêt général majeur ou étant motivés par une raison impérative d’intérêt public au regard de la directive-cadre sur l’eau ou de la directive concernant la conservation des habitats naturels. Ainsi, il convient de centrer la présomption d’intérêt général majeur sur des ouvrages dont la réalisation résulte d’une concertation locale et qui visent spécifiquement à répondre à un enjeu de stress hydrique pour l’agriculture.

Lorsque j’étais maire, j’ai connu dans ma commune des rectifications de cours d’eau qui ont empêché de créer des retenues en cas d’inondations. Celles-ci ne sont pas aussi dramatiques que dans certains territoires, mais elles sont fréquentes en raison des crues du Doubs.

Monsieur Salmon, vous n’êtes pas sans savoir que, dans beaucoup d’endroits en France, l’on reméandre. (M. Jean-Jacques Michau opine.) On cherche, ce faisant, à ralentir les cours d’eau et à mieux capter l’eau, afin d’empêcher les inondations. (M. Daniel Salmon acquiesce.)

Il n’est pas question pour nous de revenir sur la définition des zones humides, dont on sait toute importance environnementale. Il convient tout simplement de s’adapter à la réalité du terrain.

Il y a des zones humides qui ne le sont plus – vous en connaissez comme moi –, soit parce qu’un cours d’eau a été rectifié, soit parce que l’eau disparaît, par exemple dans les sous-sols karstiques : c’est le cas dans ma circonscription et dans bien d’autres territoires.

Il est opportun d’alléger la réglementation dès lors que les zones humides ne le sont plus. Voilà, dans le principe, ce que nous suggérons d’inscrire dans la loi, dans un esprit de simplification.

Sachez que nous avons travaillé sur ce sujet avec le ministère de la transition écologique. C’est tout de même un gage… (Exclamations à gauche.)

M. Mickaël Vallet. Justement, on se méfie d’Agnès Pannier-Runacher !

Mme Annie Genevard, ministre. C’est bien la preuve que nous avons veillé au respect de l’environnement en rédigeant cet amendement.

J’insiste sur l’importance de la notion de zone humide fortement modifiée, par parallélisme avec les cours d’eau fortement modifiés.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement souhaite réécrire l’article 5. Il est essentiel d’assurer la conventionnalité de la qualification d’intérêt général majeur, de sécuriser les stockages d’eau et d’adapter des zones humides à la réalité du terrain. Ces mesures, fondamentales, sont particulièrement attendues par les agriculteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Selon la formule consacrée, l’eau, c’est la vie. Cette ressource est importante et même indispensable pour les plantes, donc pour l’agriculture, et in fine pour chaque être humain.

Cet amendement est le fruit des nombreux échanges intervenus entre la commission et le Gouvernement, puis des concessions faites de part et d’autre.

De notre côté, nous acceptons de renvoyer à la conférence sur l’eau, dont le M. Premier ministre a annoncé la tenue prochainement, les dispositions relatives aux Sdage, aux Sage et à la hiérarchie des usages de l’eau. Nous acceptons également de réécrire la disposition relative aux zones humides, qui constitue une véritable avancée.

Le Gouvernement, lui, s’est engagé à sécuriser juridiquement la qualification d’intérêt général majeur s’attachant aux ouvrages de prélèvement d’eau et aux prélèvements y afférents. Il s’agit pour la profession agricole d’une victoire majeure, dont il ne faut pas mésestimer la portée.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Madame la ministre, j’ai beau être d’un tempérament pugnace, mais je sais rester raisonnable dans les combats que je mène. Aussi, je vais vous faire confiance. Mais, en retour, j’espère que vous répondrez à mes questions.

Mes chers collègues, l’application d’une telle mesure sur 30 % de la surface de la France aurait d’énormes conséquences. Bientôt, du fait de la jurisprudence, plus aucun projet ne pourrait voir le jour, alors même que les zones humides, dont je suis un fervent défenseur, ne sont absolument pas menacées.

C’est un sujet que j’ai évoqué avec le président de l’association Ramsar et une dizaine d’opérateurs. Ils admettent tous que le cumul des deux critères n’est pas vraiment ce qu’ils avaient demandé.

En parallèle, la loi ne définit toujours pas ce qu’est un étang, une zone humide ou un cours d’eau : c’est bien là sa faiblesse. Ces lacunes finissent par créer des réticences et beaucoup de conflits, notamment avec l’Office français de la biodiversité (OFB). Assimiler à un cours d’eau un étang qui demeure sans fossé depuis deux cents ans, cela pose quelques problèmes.

Encore une fois, je vous fais confiance, madame la ministre… Mais ne me décevez pas ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Me voilà soumise à un challenge redoutable, monsieur le sénateur Louault ! (Nouveaux sourires.)

Je prends devant vous l’engagement de demander dès demain aux directions concernées, notamment, outre les services du ministère de l’agriculture, la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) et la direction générale des collectivités locales (DCGL), d’organiser un groupe de travail auquel vous serez associé, afin d’étudier précisément vos propositions dans le cadre de la navette parlementaire.

M. Vincent Louault. Merci, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Décidément, nous faisons une fois de plus du bon travail dans cet hémicycle.

À partir des dispositions élaborées par les auteurs de cette proposition de la loi et par la commission, le Gouvernement est conduit à formuler une rédaction qui reprend l’esprit du présent texte et tient compte de l’importance des zones humides. Nous empruntons ainsi un chemin tout à fait fécond.

Madame la ministre, je tiens également à vous remercier : vous vous efforcez de concilier la nécessaire protection des zones humides, qui sont de véritables poumons pour nos territoires, et les projets des agriculteurs. C’est sans hésitation que je voterai cet amendement. (Exclamations les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Mes chers collègues, je me réjouis que nous débattions à présent de manière un peu plus sereine, et je tiens à formuler deux remarques.

Premièrement, en l’absence d’étude d’impact et de moyens d’objectiver cette question, on peut être un peu lassé d’entendre les uns et les autres revendiquer les mesures qu’ils ont prises dans leurs territoires respectifs, que ce soit au titre d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un schéma de cohérence territoriale (Scot).

Je vous en prie, calmons-nous un peu ! Si nous siégeons dans cet hémicycle, c’est que nous avons tous tâté de ces questions d’aménagement du territoire. Épargnons-nous ce genre d’arguments, cela nous fera gagner du temps. (M. Jean-Marc Boyer proteste.)

Deuxièmement, madame la ministre, nous regarderons de très près le décret qui sera pris, conformément à notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement. Je note que votre rédaction n’est pas aussi simpliste que la version initiale : le couperet se révèle moins tranchant.

Je conclus par une invitation tout à fait spontanée : nous vous accueillerons avec plaisir en Charente-Maritime pour y visiter les zones humides. Nous pourrons parler d’élevage extensif et de notre projet de parc naturel régional (PNR), qui, sans créer ni contrainte ni norme, fait travailler tout le monde ensemble.

M. Laurent Duplomb. Ah là là…

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. L’amendement du Gouvernement tend à améliorer l’orientation initiale de ces dispositions. Il a peut-être reçu l’aval du ministère de la transition écologique ; mais, pour ma part, je reste extrêmement prudent.

L’eau est un sujet de la plus haute importance. Or nous en sommes réduits à l’aborder via un simple amendement et sous le seul angle agricole.

Il nous faut voir cette question par un prisme beaucoup plus large, notamment en tenant compte de la consommation d’eau potable et de la consommation d’eau dans le domaine industriel.

L’eau, au sens large, n’est pas du tout prise en compte dans nos travaux de ce soir ; c’est précisément pourquoi je redouble de vigilance.

Mme la ministre nous promet un travail spécifique. Dans ce cas, est-il bien sérieux d’engager ainsi le chantier, sans attendre l’organisation de la conférence sur l’eau annoncée par le Premier ministre ? À quoi va servir cette conférence ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Vallet, sachez que j’ai moi-même contribué à créer un parc naturel régional dans mon territoire. Si vous n’êtes qu’au début de la démarche engagée avec les élus, je vous souhaite bon courage : la réalisation d’un tel projet prend dix à quinze ans.

M. Jean-Claude Tissot. Heureusement, il est jeune ! (Sourires.)

Mme Annie Genevard, ministre. L’organisation d’une conférence de l’eau à l’échelle nationale avait été annoncée par le Premier ministre Michel Barnier. François Bayrou a repris ce projet en lui donnant une dimension régionale. Je pense que c’est une bonne idée : quiconque parcourt la France du nord au sud comprend très vite que le vécu de l’eau n’est absolument pas le même dans les différents territoires.

Au travers de cet amendement, le Gouvernement vous demande simplement de prendre des dispositions pour empêcher les inondations et permettre l’accès à l’eau en vue de poursuivre une activité agricole.

Tel est d’ailleurs le sens du fonds hydraulique que mon prédécesseur Marc Fesneau a mis en place et dont j’ai annoncé les premiers lauréats il y a quelques mois. Les méthodes considérées sont multiples : réutilisation de la ressource, retenues collinaires, remise à niveau des systèmes d’adduction d’eau, etc. Tout dépend des besoins des régions. Il est donc essentiel d’organiser la conférence sur l’eau dans un cadre régional.

L’adoption de l’amendement gouvernemental ne compromettrait en rien cette démarche : aucune redondance n’est à craindre.

La conférence sur l’eau régionalisée a simplement pour but de réunir autour de la table tous ceux qui d’ordinaire ne se parlent pas, mais qui ont en commun la volonté d’aboutir. Ce point est déjà important.

Bien entendu, il appartiendra au Premier ministre de donner ses instructions. Quoi qu’il en soit, l’objectif est bien de permettre un certain nombre d’installations utiles au monde agricole, que nous voulons tous défendre et pérenniser.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé, et les amendements nos 78 rectifié, 52 rectifié nonies, 39 rectifié nonies, 38 rectifié septies, 79 rectifié, 36 rectifié nonies, 35 rectifié octies, 41 rectifié octies, 40 rectifié octies, 42 rectifié nonies, 34 rectifié octies, 20 rectifié octies, 21 rectifié nonies, 32 rectifié octies et 22 rectifié nonies n’ont plus d’objet.

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 28 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte, Sollogoub et Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 215-7 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les étangs piscicoles et aquacoles en travers d’un cours d’eau non domanial sont exclus de la police de l’eau. »

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Mes chers collègues, l’adoption de l’amendement du Gouvernement a rendu sans objet les nombreux amendements que j’avais déposés sur l’article 5. Je les aurais retirés quoi qu’il en soit ; ils ont au moins eu le mérite de mettre la pression sur le Gouvernement…

Avec ces dispositions, rédigées par les trois meilleurs cabinets d’avocats de France, nous pointions du doigt bon nombre d’irritants. Je pense en particulier aux Sage et aux Sdage, qui, pour les agriculteurs, compliquent considérablement l’accès à la ressource en eau. Je suis fier d’avoir poussé le Gouvernement au fond du terrier ! (Rires.)

Madame la ministre, je propose à présent d’exclure du champ d’application de la police de l’eau les étangs piscicoles et aquacoles situés en travers d’un cours d’eau non domanial. Par cet amendement un peu provocateur – je le reconnais –, je souligne que nous n’avons pas de solution à cet égard, car nous ne parvenons toujours pas à définir ce qu’est un étang.

En période de sécheresse, les agriculteurs se voient opposer des mesures de restriction sur les cours d’eau ordinaires, alors qu’ils disposent parfois de dizaines d’étangs, prétendument sur un cours d’eau. Ils ne peuvent plus utiliser cette ressource, alors que leurs étangs sont pleins.

En la matière, il est grand temps de renouer avec le pragmatisme : il faut stocker l’eau. M. Salmon le souligne à juste titre – vous voyez que je suis parfois d’accord avec lui ! –, il faut une gestion globale de l’eau. Si nous ne retenons pas l’eau pour l’utiliser ou créer des zones humides, nous sommes perdus.

Mme Nicole Bonnefoy. Et la préservation des sols ?

M. Vincent Louault. En créant un étang, on crée une zone humide d’accompagnement qui, in fine, recharge la nappe phréatique.

J’ignore quel sera le sort de cet amendement d’appel ; mais, en le votant ce soir, nous jetterions un véritable pavé dans la mare. J’y insiste, aujourd’hui, nos agriculteurs ne peuvent plus utiliser leurs étangs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, il n’est pas souhaitable d’exclure du champ d’application de la police de l’eau les étangs piscicoles et aquacoles en travers d’un cours d’eau domanial, notamment parce que les vidanges doivent être encadrées. En conséquence, j’émets, à regret, un avis défavorable au nom de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, ce sujet pourra être soumis au groupe de travail que je viens d’annoncer.

Le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable.

M. Vincent Louault. Je retire mon amendement, monsieur le président !