M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 178 :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l'adoption 197
Contre 111

Le Sénat a adopté.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
Article 3

Après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. V. Louault, Malhuret, Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Grand, L. Vogel et Wattebled et Mme Perrot, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le V de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement est rétabli dans la rédaction suivante :

« V. – Le montant de la redevance est réduit à la proportion que les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime représentent dans l'ensemble des produits phytopharmaceutiques acquis. »

II. – La perte de recettes résultant du I pour l'agence de l'eau est compensée, à due concurrence, par l'État.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement de Mme Vanina Paoli-Gagin vise à assurer le déploiement des solutions de biocontrôle et à mettre en adéquation avec les enjeux constatés le montant de la redevance pour pollution diffuse (RPD).

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, l'idée est intéressante, mais je rappelle que cette redevance est déjà modulée selon la dangerosité des produits. Ainsi, les agriculteurs sont incités à se tourner vers le biocontrôle.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, pour les raisons avancées par M. le rapporteur.

M. le président. Monsieur Louault, l'amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Louault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié est retiré.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, il nous reste cinquante-trois amendements à examiner, et Mme la ministre accepte, si nécessaire, que nous poursuivions nos travaux jusqu'à une heure du matin.

Nous souhaiterions finir l'examen de cette proposition de loi ce soir, d'autant que nous commencerons demain à étudier un autre texte très attendu : la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

Je vous appelle donc à la concision, qu'il s'agisse des présentations d'amendements ou des explications de vote. Nous n'en pourrons pas moins débattre, évidemment, dans le respect des uns et des autres.

TITRE II

SIMPLIFIER L'ACTIVITÉ DES ÉLEVEURS

Après l'article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
Article 4

Article 3

I. – Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du V de l'article L. 122-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'avis de l'autorité environnementale se fonde sur les enseignements de la science et cite les études académiques mobilisées pour son élaboration. » ;

2° (Supprimés)

3° bis (nouveau) L'article L. 181-10-1 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après le mot « organise », sont insérés les mots : « , après concertation avec le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête, » ;

b) Le 1° du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peuvent néanmoins choisir, en concertation avec l'autorité administrative chargée de la consultation du public, de remplacer cette réunion publique par une permanence à des lieux, jours et heures qu'ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d'implantation du projet ; »

c) Après la première phrase du 5° du même III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peuvent néanmoins choisir, en concertation avec l'autorité administrative chargée de la consultation du public, de remplacer cette réunion publique par une permanence à des lieux, jours et heures qu'ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d'implantation du projet. » ;

d) Au dernier alinéa dudit III, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « ,ou le premier jour de la permanence qui lui est substituée, » ;

e) Au premier alinéa du IV, le mot : « clôture » est remplacé par le mot : « fin » ;

4° Après le premier alinéa de l'article L. 511-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent titre prennent en compte les spécificités des projets des exploitations agricoles, qui peuvent faire l'objet de procédures et prescriptions adaptées. » ;

5° L'article L. 512-7 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après le mot : « industrielles », sont insérés les mots : « et aux émissions de l'élevage » ;

b) (nouveau) Après le I bis, il est inséré un I ter ainsi rédigé :

« I ter. – Peuvent également relever du régime de l'enregistrement les installations d'élevage mentionnées à l'annexe I bis de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles et aux émissions de l'élevage, à l'exception des installations destinées à l'élevage intensif énumérées à l'annexe I de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. » ;

6° (nouveau) L'article L. 512-7-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Si, sur la base notamment des informations fournies par le maître d'ouvrage, les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents définis par décret en Conseil d'État, sans préjudice des obligations résultant du droit de l'Union européenne. Le cas échéant, le préfet tient compte des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables ; »

b) Au 2°, les mots : « ouvrages, ou travaux » sont remplacés par les mots : « d'ouvrages, de travaux ou d'activités » ;

c) Au 3°, le signe : « ; » est remplacé par le signe « : » ;

II. (nouveau) – Le 5° du I du présent article entre en vigueur à la date de publication de l'acte d'exécution prévu au 2 de l'article 70 decies, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles et aux émissions de l'élevage.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 11 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 46 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 81 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Guiol, Masset et Roux.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 4.

M. Daniel Salmon. Cet article, dans sa rédaction initiale, était déjà fortement problématique. Il instaurait en effet une procédure spécifique pour l'évaluation environnementale des projets d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) élevage : les projets de fermes-usines pourraient ainsi s'affranchir de la plupart des obligations relatives aux enquêtes publiques. Or il s'agit là d'une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement.

Sous couvert de simplifier, on assortit d'une dérogation le nouveau dispositif de participation du public – les décrets d'application n'ont été publiés qu'en novembre 2024 –, lequel s'ajoute à l'enquête publique.

La loi relative à l'industrie verte rendait déjà le droit moins lisible, et cette nouvelle dérogation empirerait cet état de fait. Nous demandons une stabilisation du droit relatif aux autorisations environnementales, trop fréquemment modifié.

La commission a encore aggravé cette rédaction, en modifiant les dispositions relatives à la consultation du public dans le cadre des enquêtes publiques pour tous les types d'ICPE – on s'éloigne ici de l'agriculture. Elle a ainsi supprimé les deux réunions publiques obligatoires, qui sont pourtant l'un des éléments-clefs de la loi relative à l'industrie verte en matière de démocratie environnementale.

Lesdites réunions publiques, qui sont les seuls moments de démocratie participative dans ces procédures, permettent de s'entretenir directement avec le maître d'ouvrage.

Le dernier alinéa relève les seuils faisant basculer de l'enregistrement à l'autorisation d'ICPE, ce qui aggravera encore la confusion. Une nouvelle catégorie d'ICPE doit être créée, soumise à autorisation, mais non à évaluation environnementale. C'est un exemple typique de dérogation qui rend le droit illisible, à l'opposé de la simplification !

Enfin, l'autorité environnementale doit fonder ses avis sur les enseignements de la science, en citant les études académiques mobilisées pour leur élaboration. Or cette précision est inutile : il va de soi que l'on s'appuie sur la science, même si, en entendant certains propos, on peut en douter…

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour présenter l'amendement n° 11.

M. Jean-Jacques Michau. Nous proposons nous aussi de supprimer l'article 3, dont l'objectif est clairement de promouvoir le laisser-faire en limitant autant que possible les contrôles et la participation des citoyens sur des projets qui affecteront pourtant leur territoire, voire leur vie quotidienne.

Les dispositifs proposés remettent en cause le dépôt d'avis par les autorités environnementales : il faudrait préciser dans la loi que ces derniers doivent être fondés sur la science… On sous-entend ainsi que les décisions actuelles ne le sont pas, et qu'elles seraient dictées par des groupes de pression.

De plus, cet article remet clairement en cause le principe de non-régression environnementale, en excluant les activités d'élevage du cadre applicable aux autorisations environnementales, en simplifiant le système des ICPE ou encore en proposant de relever les seuils en deçà desquels on peut s'affranchir de l'enquête publique.

Nous défendrons toujours une agriculture familiale, à taille humaine et en phase avec les attentes sociétales. Dans ce cadre, nous militons pour une agriculture soucieuse de l'environnement, qui amorce réellement sa transition agroécologique ; une agriculture respectueuse des hommes comme des animaux.

Ce n'est pas en facilitant toujours davantage l'agrandissement de nos exploitations et de nos élevages, en limitant les contrôles et le dialogue démocratique, que nous serons à la hauteur des besoins et des attentes de notre société.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 46.

M. Gérard Lahellec. Assouplir encore le régime applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, c'est porter une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement et nous exposer à un important risque contentieux. De nombreuses associations l'ont souligné, à l'instar de la direction générale de la prévention des risques (DGPR).

Pis, en proposant d'inscrire dans la loi que les avis de l'autorité environnementale doivent être fondés sur la science, on suggère que les décisions actuelles ne le sont pas ; de tels sous-entendus posent quand même question.

Enfin, cet article participe de l'instabilité du droit, donc à l'insécurité juridique, puisqu'il revient sur les dispositions de la loi Industrie verte de 2023 quant à la participation du public pour les ICPE élevage.

Comme le soulignent de nombreux acteurs, en voulant « simplifier », on crée une dérogation à l'application de ce nouveau dispositif de participation du public : les décrets d'application datent de novembre 2024. Ils viennent donc tout juste d'être publiés.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. L'amendement n° 81 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ce n'est pas en niant les difficultés que les problèmes vont se résoudre ; nous serons au moins d'accord sur ce point.

Nous sommes face à une vraie dissonance cognitive : nos concitoyens, du moins les plus militants d'entre eux, tolèrent de moins en moins la présence de bâtiments d'élevage. Ils n'ont de cesse de dénoncer leurs nuisances, mais ils mangent toujours autant de viande…

La véritable alternative est donc la suivante : voulons-nous consommer la viande que nous produisons nous-mêmes, selon nos propres normes environnementales et sociales, ou souhaitons-nous en importer toujours plus de Pologne, d'Ukraine, de Thaïlande ou du Brésil ?

J'émets évidemment un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, rendez-vous compte de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui certains éleveurs !

Dans la nuit de vendredi à samedi derniers, des activistes ont forcé l'entrée du siège social d'Evel'Up, une coopérative porcine de Bretagne. Ils ont tenté d'y mettre le feu, causant des dégâts importants, qui s'élèvent probablement à plusieurs centaines de milliers d'euros. Naturellement, une enquête est ouverte.

Il faut bien prendre la mesure des difficultés qu'éprouvent les éleveurs à se doter de nouvelles installations, voire à maintenir celles qui existent, face à des personnes qui veulent détruire leur outil de travail.

Plus que jamais, nos éleveurs sont en proie au découragement. Aux crises sanitaires et aux épizooties en tout genre s'ajoutent les difficultés causées par des environnements défavorables, ainsi que les attaques de certains activistes. Ces derniers ne veulent plus voir du tout d'élevage en France ; ils s'en prennent systématiquement aux bâtiments d'élevage, voire aux éleveurs eux-mêmes.

Dans un contexte si difficile pour nos éleveurs, la suppression de l'article 3 serait particulièrement regrettable.

Cet article vise à apporter une simplification majeure et très attendue, grâce au travail du rapporteur et de la commission, que je salue et félicite.

La rédaction initiale de la proposition de loi soulevait de nombreuses difficultés. Or le travail accompli en commission a permis d'améliorer sensiblement le texte.

Ainsi, on a pris soin d'adapter la procédure d'autorisation environnementale introduite par la loi relative à l'industrie verte afin d'ajuster les modalités de consultation du public. Au total, deux réunions publiques pourront avoir lieu ; mais, selon la nature du projet, le commissaire enquêteur pourra les remplacer par une permanence en mairie, comme cela se fait très souvent pour les projets soutenus, par exemple, par les collectivités territoriales.

Par ailleurs, les élevages soumis à autorisation au titre de la directive relative aux émissions industrielles, ou directive IED, pourront également être soumis à enregistrement.

Ces deux simplifications très importantes figurant à l'article 3, je suis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Bien entendu, nous condamnons toute forme de violence, qu'elle vienne des activistes que vous évoquez, madame la ministre – l'enquête fera la lumière sur cette affaire –, ou de ceux qui murent les locaux l'Office français de la biodiversité (OFB). Il faut aussi le rappeler, car il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures.

Pour autant, ce n'est pas en édulcorant la consultation du public que l'on améliorera l'acceptabilité des projets. Nous sommes en démocratie et nous avons toujours intérêt à débattre.

Lorsque nous défendons les énergies renouvelables (EnR), nous, écologistes, nous acceptons le débat public.

Des réunions publiques sont prévues. Il faut avoir le courage de dialoguer avec nos concitoyens : moins on le fera, plus les oppositions seront fortes et moins elles seront contrôlables.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Je m'associe à tous ceux qui, ici, défendent l'élevage.

Je pense plus précisément à la Bretagne. Dans le seul département des Côtes-d'Armor, la production laitière a diminué de 10 millions de litres en un an. Au cours de l'année écoulée, le cheptel breton a perdu 120 bovins par jour. La production de volailles a baissé de 10 % depuis 2021, et la production de porcs de 8 %.

Les causes de cette chute doivent être cherchées ailleurs que dans la stigmatisation évoquée par certains : elle réside dans l'attractivité des métiers, dans la rémunération du travail paysan. Ces facteurs expliquent en grande partie les difficultés que je viens de citer.

De grâce ! Considérons l'élevage dans son ensemble. C'est précisément pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Alain Cadec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je ne sais pas si tout le monde ici se figure ce dont on parle.

On parle d'éleveurs qui, comme moi, se lèvent très tôt tous les matins, 365 jours par an, et travaillent plus de 70 heures par semaine.

On parle d'éleveurs que l'on a jetés dans la concurrence avec d'autres pays et d'autres continents,…

M. Daniel Salmon. Qui les y a jetés ?

M. Laurent Duplomb. … en leur infligeant, jour après jour, des contraintes supplémentaires.

Ces éleveurs doivent investir des centaines de milliers d'euros, qu'ils rembourseront à la sueur de leur front.

Aujourd'hui, avec la loi Industrie verte, on leur impose d'organiser un débat avec tous leurs voisins au début de l'enquête publique ; puis un second débat, à la fin de cette procédure, après que vous aurez fait monter la mayonnaise, en expliquant à ces mêmes voisins que des paysans près de chez eux, ce sont des nuisances qui feront baisser la valeur de leur bien, qui les empêcheront de dormir, qui entraîneront de mauvaises odeurs, qui attireront les mouches, etc.

M. Jean-Claude Tissot. Et si c'est vrai ?

M. Laurent Duplomb. À cause de vous, ces débats tourneront au pugilat !

Qui, en France, accepterait de faire 70 heures par semaine, de se lever si tôt tous les matins, de travailler pour gagner si peu…

M. Daniel Salmon. Pourquoi les éleveurs gagnent-ils si peu ?

M. Laurent Duplomb. … et d'investir en se mettant tous ses voisins à dos après avoir été stigmatisé ? Personne !

Il faut revoir ce régime, sinon plus aucun éleveur n'acceptera d'investir, et nous ne mangerons plus de viande française. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Bravo, monsieur Duplomb ! Avec ces amendements, nous voyons bien les deux blocs qui s'affrontent.

M. Lahellec a raison : nous assistons à la décapitalisation de nos élevages. On voit que tout menace de s'arrêter. Plus un poulailler ne se crée en Bretagne, pour une simple et bonne raison : les opposants se dressent de toutes parts et les associations utilisent le débat public pour se faire mousser. Même un pauvre poulailler de poules pondeuses fait polémique. Plus aucun agriculteur ne veut en créer un. C'est cela, la réalité !

M. Daniel Salmon. Pas du tout !

M. Vincent Louault. La simplification est indispensable.

Vous pouvez nous accuser de défendre je ne sais quel schéma… La vérité, c'est que vous n'aimez pas la production française ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Votre seul but, c'est de porter atteinte à nos outils de production.

Vous voulez sanctuariser la France. Vous voulez faire de la campagne une carte postale pour bobos parisiens. En attendant, nous ne pouvons plus produire ni installer un seul poulailler en Bretagne. (Mêmes mouvements.) Vous rendez-vous compte de cela ?

Mes chers collègues, cet article est indispensable pour que nos jeunes agriculteurs puissent encore avoir des projets et espérer produire en France.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, nous devrions pouvoir débattre de ces questions plus calmement.

À aucun moment je ne m'en suis pris à qui que ce soit. En revanche, nous avons été directement attaqués par M. Duplomb. De quoi nous accuse-t-on, d'ailleurs ? D'être des bobos ? À tout prendre, j'aime mieux être bobo que bourrin… (Marques d'approbation sur les travées des groupes GEST et SER. – Protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)

J'ai grandi dans un village, entouré d'éleveurs : je n'ai de leçons à recevoir de personne ! Je viens d'un territoire de montagne qui ne vivrait pas sans l'élevage. Comme vous, j'ai la prétention de défendre l'élevage et l'agriculture, mais un certain type d'agriculture, celle qui fait vivre nos villages, alors que votre agriculture a littéralement vidé les campagnes.

Les exploitations ne cessent de s'agrandir et nos villages sont en train de mourir. C'est cela, votre modèle ? En tout cas, ce n'est pas le mien. Au lieu de donner des leçons, confrontons plutôt nos arguments !

Madame la ministre, vos propos m'interpellent, car ils ne semblent pas de nature à favoriser un climat de sérénité. Je suis contre toute forme de violence ; il est intolérable que les agriculteurs soient pris pour cibles. Mais il faut aussi s'interroger : pourquoi ne veut-on plus d'un certain type de poulaillers ? Parce que la société évolue – et il faut en tenir compte.

Quoi qu'il en soit, j'aurais aimé que vous évoquiez, en parallèle, les attaques contre France Nature Environnement (FNE) ou contre le siège de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Et, surtout, quel est le rapport entre l'attaque de cette coopérative et l'article dont nous débattons ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur Louault, monsieur Duplomb, j'exerce le même métier que vous : un peu de respect, je vous prie ! Vous pouvez hausser les épaules… Pourquoi auriez-vous le monopole, sinon du cœur, du moins du bon élevage ?

Nous n'avons tout simplement pas la même vision de notre métier. J'irai même plus loin : ce dont vous rêvez, en somme, c'est de faire ce que vous voulez, quand vous voulez et où vous voulez, qu'importe si cela gêne les voisins ou qui que ce soit d'autre.

Pourtant, certains chiffres parlent d'eux-mêmes. Notre pays compte aujourd'hui 400 000 paysans. Demain, ils ne seront plus que 200 000 ou 300 000 : pourquoi donneraient-ils le la à 69 millions d'habitants ?

Bien sûr, rien ne m'énervait davantage que d'entendre quelqu'un venir dans ma ferme pour me donner des leçons. Mais si l'on veut cohabiter, si l'on veut pratiquer l'élevage dans de bonnes conditions, il faut parler à nos concitoyens, aux « bobos », comme vous les appelez ; il faut leur expliquer comment nous travaillons. Il faut leur dire ce dont nous avons besoin pour gagner notre vie.

Il est inadmissible de stigmatiser ainsi certaines personnes, de dresser les uns contre les autres.

Quant à votre ritournelle sur les 70 heures de travail par semaine, c'est bon, nous l'avons assez entendue !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. M. Salmon a eu l'honnêteté de dénoncer les actions violentes de certains activistes contre des stations d'élevage ; je lui en donne acte.

Néanmoins, je me dois de relever une contradiction : à longueur d'articles sur internet, la nébuleuse environnementale, à laquelle s'associe le Parti vert, défend la théorie de la désobéissance civile.

M. Daniel Salmon. La désobéissance civile, c'est autre chose !

M. François Bonhomme. Vous appelez des militants ou des sympathisants à contester une règle, y compris par l'entrave et la suspicion, sous prétexte qu'elle ne vous convient pas, qu'elle irait à l'encontre de l'action climatique ou de la protection de l'environnement, quand bien même des discussions sont en cours avec les autorités légitimes ; cela me paraît tout à fait contradictoire avec la dénonciation vertueuse de la violence.

Vous encouragez des mouvements de protestation, puis vous prétendez que vous n'y êtes pour rien : assez d'hypocrisie ! (M. Daniel Salmon proteste.) Il y a là un problème de cohérence sur lequel j'attire votre attention. En dépit de vos condamnations, vous alimentez en sous-main des actes de violence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Je ne peux pas laisser dire que mon collègue Laurent Duplomb est un bourrin ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Tissot. Qui a dit que l'on parlait de M. Duplomb ?

M. Jean-Marc Boyer. Ceux qui tiennent de tels propos ne défendent pas l'agriculture ; d'ailleurs, je me demande bien où ils habitent…

Pour ma part, j'habite dans un village, entouré d'agriculteurs. Je vis près de jeunes producteurs de saint-nectaire, qui comme Laurent Duplomb se lèvent très tôt, et qui sont aujourd'hui pressés par des normes et des contraintes que vous soutenez, ici même, dans cette assemblée : c'est inadmissible ! En soutenant toutes ces normes et contraintes, vous ne défendez ni l'agriculture ni l'installation des jeunes.

Vous avez évoqué l'Office français de la biodiversité (OFB). Or, aujourd'hui, quand un jeune agriculteur épand par inadvertance un peu de lisier près d'un ruisseau, les agents de l'OFB arrivent aussitôt, pistolet à la ceinture. C'est vous qui avez demandé l'emploi de ces méthodes inadmissibles ! (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

Enfin, il existe dans ma région des projets de réserves collinaires vertueux préservant la biodiversité, avec des panneaux photovoltaïques. Les agriculteurs, y compris les jeunes, accordent des terrains pour la réalisation de ces chantiers. Qui est venu manifester contre ces prétendues « mégabassines » ?