M. le président. L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Masset, Cabanel, Bilhac et Gold, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
b) Le deuxième alinéa du II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Jusqu'au 1er juillet 2026, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser la pulvérisation aérienne de produits contenant de l'acétamipride, substance appartenant à la famille des néonicotinoïdes dont l'utilisation est interdite en application du présent code.
« Cette pulvérisation s'opère selon les modalités fixées par décret. » ;
3° À l'article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de semences betteraves sucrières » sont remplacés par les mots : « d'insecticides destinés à la culture de la noisette ».
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement étant similaire au précédent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié est retiré.
L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot, Levi et Bazin, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'Agence mentionnée à l'article L.1313-1 du code de la santé publique définit les filières agricoles pour lesquelles l'usage de l'acétamipride est autorisé. » ;
c) Le II bis est abrogé ;
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) doit pouvoir déterminer les filières agricoles habilitées à employer l'acétamipride pour la protection des cultures et des récoltes, en cas d'impasse technique.
Nous entendons la demande des agriculteurs, qui ne veulent pas d'interdiction sans solution.
M. le président. L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot et Levi, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault, Chasseing et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'usage de l'acétamipride est autorisé jusqu'au 28 février 2033. » ;
c) Le II bis est abrogé ;
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à s'arrimer aux décisions de l'Union européenne en autorisant à nouveau l'acétamipride jusqu'au 28 février 2033, date jusqu'à laquelle l'usage de cette substance est permis dans les États membres, pour les traitements employés dans les filières qui n'ont pas d'autre solution.
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, l'usage du néonicotinoïde acétamipride en traitement foliaire est autorisé jusqu'en décembre 2027 pour les cultures de betteraves où l'afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés. » ;
c) Le II bis est abrogé ;
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Supprimer ou affaiblir ces dispositions, c'est toucher au cœur du présent texte.
La commission est naturellement défavorable à l'amendement de suppression du Gouvernement, dont la position ne nous semble pas acceptable. De même, elle est défavorable aux amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements, au profit de l'amendement que j'ai présenté. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je suggère de mettre à profit la suspension de séance pour élaborer avec les deux auteurs de cette proposition de loi, ainsi qu'avec M. le rapporteur, une nouvelle rédaction tenant compte des obstacles juridiques signalés par Mme la ministre.
Monsieur le président, pourriez-vous nous indiquer l'heure de reprise de la séance ?
M. le président. A priori, vingt et une heures trente-cinq.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission se réunira donc à vingt et une heures vingt en salle 263 pour examiner cette nouvelle rédaction.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2, aux amendements nos 105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71, en discussion commune.
Avant la suspension de séance, ces amendements ont été présentés, puis la commission et le Gouvernement ont donné leur avis. Mme la présidente de la commission des affaires économiques a quant à elle annoncé le dépôt d'un amendement supplémentaire.
Il s'agit de l'amendement n° 112, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par treize alinéas ainsi rédigés :
1° Les deuxième et troisième alinéas du II sont supprimés ;
2° Le II bis est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- A la première phrase, les mots : « , ainsi que la conformité de ces avancées au plan de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes de la filière concernée par un arrêté de dérogation mentionné au deuxième alinéa du II. » sont supprimés ;
- La deuxième et la troisième phrases sont supprimées.
b) Le troisième alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« II ter.- Sans préjudice de la nécessité d'obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009, un décret peut à titre exceptionnel, après avis du conseil de surveillance prévu au II bis, déroger à l'interdiction d'utilisation des produits mentionnée au II, ainsi que des semences traitées avec ces produits, pour un usage déterminé, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Les substances actives contenues dans les produits sont approuvées en application du règlement (CE) n° 1107/2009 ;
« 2° Les alternatives disponibles à l'utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ;
« 3° Il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation.
« Ce décret peut interdire temporairement et pour une durée qu'il détermine la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs après l'emploi de semences traitées ainsi autorisées à titre exceptionnel.
« Le conseil de surveillance prévu au II bis se prononce, dans son avis, sur la nécessité d'une dérogation exceptionnelle, sur les conditions auxquelles cette dérogation serait adéquate et strictement proportionnée et sur l'état de la recherche d'alternatives.
« Le conseil de surveillance publie chaque année, et remet avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement, un rapport relatif à chaque dérogation exceptionnelle et portant sur ses conséquences notamment environnementales et économiques, ainsi que sur l'état d'avancement du plan de recherche, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d'exploitation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'acétamipride étant autorisé dans l'Union européenne jusqu'en 2033, nous proposons d'aménager l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin de permettre une dérogation à titre exceptionnel, prononcée par décret.
Limitée dans le temps, cette dérogation devrait être justifiée par l'absence de solution de substitution à même de garantir la pérennité de la filière concernée.
Une telle mesure bénéficierait aux quelques filières aujourd'hui dans l'impasse, sous réserve que la substance active considérée soit approuvée à l'échelle européenne.
Je précise que les filières dont il s'agit devraient être engagées dans « un plan de recherche sur les alternatives » à l'utilisation des produits visés.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je demande le vote par priorité sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi par la commission des affaires économiques d'une demande de priorité sur l'amendement n° 112.
Selon l'article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité est de droit lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est donc ordonnée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 112 ?
Mme Annie Genevard, ministre. Avant la suspension de séance, j'ai rappelé que les dispositions de cet article risquaient fort, en l'état, d'être censurées par le Conseil constitutionnel.
Désormais, la commission propose uniquement une dérogation permettant l'usage de l'acétamipride, substance qui reste autorisée à l'échelle européenne.
Nécessairement limitée dans le temps et strictement proportionnée, une telle dérogation ne pourrait s'appliquer qu'à une substance active autorisée dans l'Union européenne. Il faudrait, en outre, que les solutions de substitution soient inexistantes ou insuffisantes. Il faudrait, enfin, prouver l'existence d'un plan de recherche en vue du remplacement des produits phytosanitaires considérés.
En conséquence, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, nous nous trouvons là face à un cas d'école.
Avant la suspension de séance, je vous parlais du flufénacet : interdit depuis 2013, ce produit a bénéficié en tout et pour tout de neuf dérogations.
De telles procédures ne font que perdre du temps ; dans les faits, elles ne favorisent pas la recherche d'autres solutions. Or il en existe déjà, n'en déplaise à certains ! J'en conviens, elles vont parfois de pair avec une baisse de rendement, mais cette conséquence n'est pas toujours rédhibitoire.
Si l'on en croit les chiffres de FranceAgriMer relatifs aux betteraves à sucre, le rapport entre notre production et notre consommation est, ainsi, de 1,69. En d'autres termes, notre production excède notre consommation de près de 70 % ! (M. Vincent Louault lève les bras au ciel.)
Donner la priorité au rendement, pourquoi pas ? Mais gardons à l'esprit qu'un tel choix se fait au détriment de la biodiversité et, in fine, de la santé humaine.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Mon cher collègue, j'entends bien votre argument, mais dans certains cas les solutions de substitution s'apparentent à des légendes urbaines… (M. Daniel Salmon s'exclame.) Elles ne sont pas établies et ne peuvent être mises en œuvre par les agriculteurs.
Sur ce sujet, dont je parle souvent avec M. Tissot, il faut savoir garder les pieds sur terre. Si l'on en croit les rapports – et ils sont nombreux –, les solutions existent ; mais, dans la pratique, on ne les trouve pas. Restons dans le réel.
Madame la ministre, je tiens à vous remercier de l'avis de sagesse que vous avez exprimé : peut-être allons-nous pouvoir atterrir.
Jusqu'à présent, je peinais à comprendre la position du Gouvernement : certains ministres doivent être plus puissants que d'autres et donc peser un peu plus lors des réunions interministérielles (RIM)… Fut un temps où tous les membres du Gouvernement prenaient part à ces arbitrages. J'ai bien l'impression que cette époque est révolue et que les hauts fonctionnaires gardent maintenant les RIM pour eux-mêmes… Je le regrette.
La filière noisette et une filière d'excellence, en particulier grâce à sa coopérative, Koki. Pourtant, elle joue aujourd'hui sa survie. Elle a perdu presque 60 % de son rendement – le chiffre est référencé et scientifiquement incontestable, contrairement à ce que l'on peut entendre quant aux baisses constatées ici ou là. Cette filière et cette coopérative d'excellence seront peut-être sauvées grâce à l'amendement de la commission.
De même, les betteraviers ont besoin d'une solution. Ils doivent pouvoir procéder à la pulvérisation d'acétamipride. (M. Daniel Salmon s'exclame.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. M. Louault a raison !
M. Vincent Louault. C'est une méthode qui fonctionne bien, même si elle n'a jamais été homologuée, faute d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette production.
En effet, les betteraviers disposaient d'une autre formule : le traitement des semences. C'est bien pourquoi les fabricants de molécules n'ont pas demandé d'agrément pour le foliaire.
J'y insiste, l'acétamipride sera d'un grand secours face aux années les plus dures, comme 2020. Cette année-là, les betteraviers ont perdu 40 % de leur récolte.
Dans certains secteurs, nous sommes bel et bien excédentaires, car nous avons des filières d'excellence. Ainsi, nous exportons du sucre partout dans le monde, et j'en suis plutôt fier, monsieur Salmon !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Je remercie M. le rapporteur d'avoir présenté cet amendement et Mme la ministre d'avoir émis un avis de sagesse.
À l'évidence, certains de nos collègues n'entendent pas très bien… En effet, l'autorisation doit être donnée sous réserve de recherches en cours sur des substituts.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Oui !
Mme Anne-Sophie Romagny. Je voterai l'amendement de la commission : ses dispositions correspondent en tout point à celles des deux amendements que j'ai défendus.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je tiens à remercier M. le rapporteur et la commission tout entière de la rédaction proposée.
L'amendement que j'ai défendu étant pratiquement le même : merci d'avoir écouté un petit groupe comme le RDSE, qui prône la sagesse ! (Sourires.)
J'ai déjà insisté sur l'enjeu de sécurisation : la dérogation doit être bien encadrée et prise par décret. Il est hors de question pour nous de réintroduire les néonicotinoïdes dans le cadre général.
Je me tourne de nouveau vers la gauche de cet hémicycle. Mes chers collègues, si le produit dont il s'agit est vraiment nocif, il faut obtenir son interdiction à l'échelle européenne. Mais, pour notre part, nous ne pouvons pas laisser nos agriculteurs sans solution.
La dérogation proposée permettra notamment à la filière de la noisette d'utiliser cette substance, autorisée en Europe, jusqu'à ce que nous trouvions un produit de substitution.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, je vous remercie de cette avancée.
Monsieur Salmon, nous ne sortons pas de dix années de dérogations, comme vous venez de le dire, mais de dix années d'interdits. (Mme Anne-Sophie Romagny manifeste son approbation.) Et nous y mettons fin !
Dans chaque filière, ces mesures ont fait la preuve de leur absurdité. On l'a vu au sujet de la noisette. Il en est de même pour la cerise : allez voir les producteurs. Ils vous diront combien d'hectares de cerisiers nous avons perdus, à cause des normes excessives, au profit de la Turquie !
En dix ans, nos exportations de pommes ont chuté de 700 000 tonnes à moins de 300 000. Sans la possibilité de réintroduire l'acétamipride, les producteurs se trouveront sans protection, dès avril 2025, contre le puceron cendré du pommier, cet insecte qui fait des trous dans les pommes au point de les rendre totalement invendables. C'est la réalité, monsieur Gontard !
Depuis dix ans, les Polonais ont pris toutes les parts de marché que nous avons perdues ; et, eux, continueraient d'utiliser ce produit contre le puceron cendré.
Pourrons-nous regarder les Français dans les yeux si nous, responsables politiques, nous mettons d'accord pour les empêcher de consommer des pommes françaises ? Au bout du compte, c'est ce qui arrivera si nous ne votons pas l'amendement de la commission.
Certains dénoncent une régression : je ne suis pas d'accord avec eux. Quand un enfant fait une erreur, il lui demande de la corriger. C'est cela, l'éducation. Nous aussi, nous devons corriger les erreurs commises par le passé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville et Mme Anne-Sophie Romagny applaudissent également.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Mon cher collègue, je ne pense pas être un irresponsable. Je ne suis pas un enfant non plus !
J'ai fait ma carrière dans l'agriculture et je sais que nous sommes à la toute fin d'un certain modèle. Vous refusez d'en convenir : à l'évidence, nous ne réussirons pas à vous en convaincre ce soir, mais j'y insiste malgré tout.
Bien entendu, les élus de notre groupe voteront contre l'amendement de la commission. Sauf erreur de ma part, la dérogation sera accordée si et seulement s'il n'existe pas de produit de substitution. Mais les solutions que nous proposons se heurtent toujours à des refus…
M. Vincent Louault. Non !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Lesquelles ?
M. Jean-Claude Tissot. Des essais sont actuellement réalisés en plein champ, et ils fonctionnent. Vous vérifierez ! Bien sûr, le travail agricole est plus compliqué. Bien sûr, les rendements sont moindres, mais cela fonctionne, que vous l'acceptiez ou non.
Monsieur Louault, puisque vous parliez de l'acétamipride, je tiens à rappeler à tous nos collègues les propos tenus lors d'une audition devant la commission des affaires économiques en avril 2023 par M. Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : « L'acétamipride, que la France n'a heureusement jamais utilisé, est pire que l'imidaclopride. Il s'agit d'un produit stable qui est donc en quelque sorte le “chlordécone de l'Hexagone” ». (M. Vincent Louault s'exclame.)
M. Laurent Duplomb. L'Anses dit l'inverse !
M. Jean-Claude Tissot. Je n'invente rien. M. Huyghe s'est exprimé devant notre commission. Nous étions vingt-cinq ou trente à l'écouter.
Votre attitude relève de l'obscurantisme : vous niez la science,…
M. Laurent Duplomb. L'Anses, c'est donc de l'obscurantisme à géométrie variable…
M. Jean-Claude Tissot. … simplement parce que vous faites passer le rendement économique avant tous les autres paramètres.
Que faites-vous des dérèglements hormonaux ? Que répondrez-vous à vos enfants ou à vos petits-enfants lorsqu'ils viendront vous voir dans quelques années en vous disant : « Comment se fait-il que je sois stérile ? Pourquoi avez-vous autorisé ce produit ? » Vous pouvez rire ou hausser les épaules : c'est la vérité. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Nicole Bonnefoy. M. Tissot a raison !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je voterai naturellement l'amendement de la commission et je remercie M. le rapporteur, mon voisin de Seine-et-Marne, d'avoir présenté cette rédaction.
Nous sortons enfin du dogme : tout n'est pas noir ou blanc ! C'est la vertu de cet amendement, qui tend à ouvrir une dérogation assortie de conditions strictes, accordée par décret et limitée dans le temps.
Insistons sur le fait que la France est le pays qui a mis le paquet en matière d'investissements dans la recherche. Nous pouvons nous en enorgueillir. Mais, quand les substituts n'existent pas, nous ne pouvons pas nous contenter d'un simple non possumus : il faut proposer des outils à nos agriculteurs. Je pense notamment aux betteraviers de mon département de l'Yonne.
Cet amendement équilibré mérite d'être adopté par notre assemblée. (M. Vincent Louault applaudit.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. Je remercie sincèrement M. le rapporteur de son sens du compromis et Mme la ministre de son avis de sagesse.
Ces dispositions sont tout à fait vertueuses. Non seulement elles sont solides juridiquement, mais elles rassurent nos concitoyens. La dérogation prévue est limitée dans le temps et cible les filières dans l'impasse, pour ne pas dire en situation de crise, en leur proposant une solution efficace.
Pour toutes ces raisons, nous devons être nombreux à les soutenir, d'autant plus qu'elles laissent une large place à la recherche de produits de substitution.
Chers collègues de gauche, soyez certains que nous aimerions, nous aussi, disposer systématiquement de solutions de substitution. Mais dans certains cas elles n'existent pas ; et, dans d'autres, elles entraînent des baisses de rendement telles que les producteurs ne peuvent les mettre en œuvre.
Il faut reconnaître que, pour un certain nombre de filières, les substituts actuels ne sont pas matures économiquement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Chers collègues de gauche, je trouve que vous manquez tout de même un peu de cohérence.
Vous insistez sur le fait que les autorisations de mise sur le marché doivent avoir un fondement scientifique : nous sommes tous d'accord sur ce point. A fortiori, ceux d'entre nous qui ont une formation scientifique ne peuvent qu'abonder dans ce sens.
Mais quand l'Anses édicte une interdiction, vous vous empressez de l'appuyer ; et, quand cette agence peut donner son accord, vous en contestez le bien-fondé, quand bien même il s'agit d'un produit autorisé par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). En l'occurrence, c'est bien le cas, et l'Anses a délivré l'autorisation de mise sur le marché en 2021. J'y insiste, un peu de cohérence faciliterait nos débats.
Comme l'ont souligné MM. Menonville et Lemoyne, il faut regarder de près les résultats des recherches en cours. Personnellement, c'est ce que j'ai fait : on ne peut pas dire qu'ils sont tous satisfaisants. Les solutions proposées n'assurent pas un résultat stable, année après année : tout dépend du territoire, du climat et plus largement des circonstances, à la différence du produit phytosanitaire dont nous parlons.
Monsieur Tissot, je reprends à cet égard l'observation formulée par M. Jomier : un avis isolé n'a aucun intérêt. Ce qui compte, c'est l'analyse de cohortes.
M. Jean-Claude Tissot. Je suis tout à fait d'accord !
M. Laurent Somon. Nous avons tous un avis personnel ; le tout est de l'étayer sur des études scientifiques, notamment sur le travail de l'Anses.
D'ici à 2033, date à laquelle expire l'autorisation de mise sur le marché, nous avons l'obligation de trouver des produits de substitution à l'acétamipride. Toujours est-il que ce produit n'est pas le plus toxique, même si – nous sommes tous d'accord – il faut supprimer, à terme, l'utilisation de telles molécules. Nous garantirons ainsi une meilleure qualité sanitaire et environnementale. (M. Laurent Duplomb applaudit.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est ça !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, sommes-nous d'accord pour reconnaître que les néonicotinoïdes en général… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. C'est toujours la même chose !
Mme Anne-Sophie Romagny. Nous parlons seulement de l'acétamipride !
M. Guillaume Gontard. … et ce produit en particulier sont néfastes à la fois pour la santé humaine et pour l'environnement, pour la biodiversité comme pour l'eau ? (M. Laurent Somon s'exclame.)
C'est bien dans ce cadre que nous débattons. La solution que vous nous proposez n'est clairement pas bonne,…
M. Laurent Duplomb. Vous avez interdit ce produit ! Cela fait dix ans !
M. Guillaume Gontard. … puisqu'elle a un impact sur la santé humaine et sur les milieux naturels.
Vous nous proposez une dérogation d'un an, dans l'attente de substituts. Mais vous nous dites que ces derniers n'existent pas. Il ne s'agit donc pas d'une simple prolongation d'un an, on le sait très bien.
Des expériences, des études ont été menées : des produits de substitution existent bel et bien. Je n'ai jamais dit que ces solutions étaient simples à mettre en œuvre, mais la mesure que vous proposez ne l'est pas non plus ! Il faudra traiter la pollution de l'eau, gérer les conséquences sur la santé humaine. Eh oui !
Au sujet du chlordécone, nous n'avons cessé de louvoyer, exactement comme vous le proposez. Aujourd'hui, cela nous coûte un pognon de dingue ! Et je ne parle même pas des questions de santé… Souhaitons-nous vraiment renouveler cette erreur ?
Soyons sérieux : nous disposons de substituts. Employons notre énergie à soutenir la recherche et accompagnons les changements.
Je reconnais que ces solutions ne sont peut-être pas toutes économiquement viables. Il faut donc accompagner les agriculteurs, comme le demandent d'ailleurs la plupart d'entre eux.
Évidemment, on peut agir à l'échelle européenne, mais le problème restera le même : toute interdiction imposera de mettre au point des produits de substitution. Je le répète, il faut s'efforcer de trouver ces solutions et d'accompagner les agriculteurs.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. À mon sens, la mesure proposée n'a rien de débridé. Il s'agit plutôt d'une correction salutaire.
Chers collègues de gauche, cette disposition est limitée dans le temps et assortie de modalités strictes. Pour votre part, que proposez-vous ? Devons-nous, pour être vertueux, acheter des noisettes américaines, turques ou italiennes ?
M. Vincent Louault. Voilà !
M. François Bonhomme. L'interdiction dont il s'agit a mis à terre la filière de la noisette. En effet, deux espèces, le balanin des noisettes et la punaise diabolique, ont produit des ravages sur les plans qualitatif et quantitatif : les pertes vont de 30 % à 80 %. La coopérative Koki a été mentionnée. Pour ma part, je citerai l'association nationale des producteurs de noisettes, qui nous met en garde contre le risque de perdre la filière tout entière.
Aujourd'hui, j'entends pousser des cris d'orfraie. Certains nous assurent qu'une telle distorsion de concurrence est saine pour notre production nationale, alors que cette dernière va à vau-l'eau et qu'elle a besoin de la mesure proposée par la commission.
Je remercie d'autant plus M. le rapporteur de son amendement et Mme la ministre de la sagesse dont elle-même fait preuve.