Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « la crise est l'occasion de se rappeler l'importance de la solidarité et de l'entraide » : ces mots de Nelson Mandela résonnent avec force en ce moment, dans un contexte instable, incertain et tempétueux. Cette crise nous confronte surtout à une réalité incontournable : la solidarité ne doit pas devenir une variable d'ajustement budgétaire et encore moins la victime de l'instabilité gouvernementale, mais doit plutôt en être le pilier.

Le contexte particulier qui nous occupe, marqué par l'absence de budget adopté au 1er janvier, est particulièrement inquiétant. Cette mission, qui totalise près de 6 % des crédits de paiement du budget général, est cruciale pour répondre aux besoins des populations les plus vulnérables pour lesquelles les errances budgétaires peuvent avoir des effets majeurs. Ces populations méritent au moins la stabilité et au mieux un soutien accru. La loi spéciale permet déjà la stabilité, c'est un moindre mal.

Pour 2025, l'effort en faveur de la mission semble maintenu, ce qui est à saluer. Toutefois, plusieurs points d'alerte persistent et je souhaite les aborder aujourd'hui après avoir remercié nos collègues rapporteurs Arnaud Bazin et Laurent Burgoa pour leurs travaux sur les crédits de la mission.

Cette mission représente en 2025 un montant total de 30,37 milliards d'euros, soit une hausse des crédits à périmètre constant de 2,13 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. L'augmentation permet de compenser, dans une certaine mesure, l'inflation et les revalorisations successives des prestations, notamment pour la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés, qui représentent désormais 81 % des crédits de la mission. Mais derrière cette stabilité, se cachent des difficultés, en particulier pour les départements, et c'est là un point majeur de notre préoccupation quant à cette mission. En effet, malgré les avertissements que nous avions lancés l'année dernière, force est de constater que la situation des départements reste particulièrement fragile.

Nous avions notamment lancé l'alerte sur la compensation des frais relatifs à la mise à l'abri et à l'évaluation des mineurs non accompagnés (MNA), or nous craignons que la situation ne persiste en 2025. Cette question est loin d'être secondaire, car elle a un effet direct sur l'équilibre financier des départements, qui voient leur situation se dégrader au fur et à mesure de la montée en charge du problème. En outre, ils doivent se soumettre à l'obligation d'accompagner les jeunes majeurs sortant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), mais la compensation de cette obligation est restée identique en 2025, à hauteur de 50 millions d'euros, alors même que les coûts augmentent.

Cette absence de compensation intégrale des dépenses est par ailleurs alourdie, cette année, par les coûts liés à l'extension des mesures du Ségur. En effet, les accords signés le 18 juin dernier pour étendre les mesures du Ségur à l'ensemble des salariés du secteur médico-social prévoient une revalorisation salariale de 238 euros brut mensuels, rétroactive au 1er janvier 2024. Cette mesure représente un coût supplémentaire de 600 millions d'euros, répartis entre la sécurité sociale, l'État et les départements. Si cette avancée a été largement saluée par les acteurs du secteur, nous regrettons qu'aucun abondement des dotations n'ait été prévu pour compenser cette charge. Les départements se voient là encore contraints d'assumer cette revalorisation salariale sans soutien financier de l'État.

La mission comprend aussi le programme 157 « Handicap et dépendance ». Avant d'y venir, je veux saluer les 20 ans de la loi fondatrice du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Force est de constater que ce texte a marqué un tournant historique pour les droits des personnes en situation de handicap. Il a permis des progrès notables, notamment en posant les bases d'une accessibilité universelle, en instituant le droit à compensation pour les surcoûts liés au handicap et en renforçant l'inclusion scolaire. Ces avancées méritent d'être saluées, et nous nous félicitons notamment de voir désormais quatre fois plus d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire par rapport à 2006.

Cependant, le bilan reste encore largement perfectible et nos travaux sur le budget pour 2025 doivent y contribuer. Aujourd'hui, seuls 900 000 établissements sur près de deux millions d'établissements recevant du public sont conformes aux normes d'accessibilité. Dans le domaine de l'éducation, les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) souffrent d'un manque de formation et de la précarité de leur contrat. Nous regrettons que de nombreuses avancées obtenues il y a vingt ans dans la loi ne se concrétisent pas aujourd'hui dans les faits. Ce constat, mes chers collègues, nous rappelle l'importance de notre mission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.

Pour en revenir au programme 157 « Handicap et dépendance », nous nous réjouissons de l'harmonisation des modalités de calcul de l'AAH pour les travailleurs en situation de handicap qui sont en Ésat ou en milieu ordinaire. Ces structures jouent un rôle fondamental dans l'insertion professionnelle des personnes handicapées, mais leur situation devient de plus en plus incertaine. Les crédits alloués à ces établissements connaissent une légère baisse en 2025, alors que les coûts d'adaptation, notamment la mise en place d'une complémentaire santé pour les travailleurs handicapés, continuent d'augmenter à hauteur de 338 euros par travailleur. Cette situation met en péril la pérennité des Ésat et leur capacité à remplir leur mission d'insertion.

La mission couvre également des enjeux essentiels tels que la petite enfance. La réforme du service public de la petite enfance (SPPE) est une ambition légitime pour améliorer l'accès à l'accueil des jeunes enfants. Toutefois, la mise en place de cette réforme soulève des interrogations concernant sa compensation financière, notamment pour les intercommunalités. Le financement de 86 millions d'euros prévu pour 2025 ne devrait pas suffire à compenser les coûts réels liés à cette réforme, et la lisibilité de son application reste incertaine pour de nombreuses collectivités.

Madame la ministre, mes chers collègues, face à ces défis et malgré leurs alertes, les élus du groupe Union Centriste s'engagent à soutenir ce projet de loi de finances, en espérant vivement que les questions soulevées dans le cadre de nos débats seront prises en compte, en particulier pour ce qui est des départements et du soutien renforcé aux structures d'insertion. Pour conclure, j'insiste sur le fait que, face à l'instabilité, la solidarité est notre force. (Mmes Annick Billon et Solanges Nadille applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se déroule dans un contexte très particulier. En effet, nous retrouvons au Gouvernement la même Mme Vautrin qui était au banc des ministres, lors de la discussion de cette mission, l'an dernier, alors qu'elle faisait partie du gouvernement de Gabriel Attal.

Cette situation saugrenue, voire ubuesque, ferait presque oublier que, entre-temps, le Président de la République Emmanuel Macron a perdu les élections européennes et les élections législatives, et que le gouvernement de Michel Barnier est tombé à défaut d'une majorité à l'Assemblée nationale.

J'ai le sentiment aujourd'hui de reprendre mon intervention du 5 décembre 2023, quand je dénonçais l'insuffisance des crédits destinés aux actions de cette mission.

Malheureusement, rien n'a changé en matière de politique sociale depuis un an. Quelque 2 000 enfants dorment toujours dans la rue. Les inégalités sociales entre les plus riches et les plus précaires n'ont jamais été aussi criantes. Les étudiantes et les étudiants font la queue devant les banques alimentaires. Et des millions de familles peuvent basculer dans la précarité ou la grande précarité du jour au lendemain.

De plus, à l'heure de célébrer les 20 ans de la loi de 2005 sur le handicap, de nombreuses entreprises continuent de préférer payer une amende plutôt que d'embaucher des personnes en situation de handicap et l'obligation d'accessibilité des espaces publics n'est toujours pas entièrement respectée. Pis encore, le Gouvernement ponctionne 50 millions d'euros sur le budget de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), sous prétexte d'en améliorer la gestion.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte également les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Or leur montant n'est toujours pas à la hauteur. Le Gouvernement se félicite de la hausse des crédits en faveur de lutte contre les violences faites aux femmes, mais les chiffres sont têtus. Le PLF pour 2025 prévoit 85 millions d'euros quand il faudrait au moins 2,6 milliards et que le coût total des inégalités entre les femmes et les hommes est évalué à 118 milliards d'euros par an… Nous ne sommes clairement pas sur la bonne échelle d'investissement.

Ce PLF prévoit également la montée en charge du dispositif de l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales. Je rappelle que ma collègue Michelle Gréaume a été à l'initiative de cette proposition. Nous pouvons nous réjouir que le dispositif soit abondé de 7 millions d'euros supplémentaires, mais nous sommes encore bien loin du compte ! En effet, selon les associations de défense des droits des femmes, 244 000 plaintes pour violences conjugales ont été recensées en 2022 et dans 59 % des cas les appels au numéro de l'association Violences Femmes Info indiquent que la victime souhaite quitter le domicile conjugal.

L'État doit tendre la main à ces victimes et les aider à franchir le cap, mais le montant moyen des aides universelles d'urgence versé jusqu'à présent ne dépasse pas 864 euros, permettant à peine de financer quinze jours d'hôtel. Or cela ne suffit pas pour trouver une solution d'hébergement pérenne.

Notre vision de la solidarité et de l'insertion semble radicalement différente de la vôtre, pour ne pas dire qu'elle s'y oppose.

Pour l'ensemble de ces raisons, les élus du groupe CRCE – K voteront contre les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Mme Mathilde Ollivier applaudit.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous étudions une mission dont le périmètre est plus lisible que les années précédentes, car recentré sur les seuls programmes d'intervention. L'ancien programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » a été rattaché à une autre mission et nous gagnons en cohérence.

Cette mission essentiellement sociale est confrontée, malheureusement, à des besoins en augmentation et les crédits alloués, en particulier ceux attribués au programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », ne prennent pas la mesure des politiques publiques nécessaires pour répondre durablement aux problèmes posés.

C'est notamment le cas pour le Pacte des solidarités, lancé à la fin de 2023 pour remplacer la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le collectif Alerte qui rassemble trente-sept fédérations, associations nationales et collectifs interassociatifs locaux de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, l'avait qualifié l'année dernière de « pauvre plan contre la pauvreté ». Il déplore cette année que « le compte n'y soit toujours pas. »

Selon les derniers chiffres de l'INSEE, le taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans est plus élevé de six points que celui de l'ensemble de la population. Un enfant sur cinq est désormais concerné et 8 millions d'enfants vivent dans des ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.

Nous avons besoin de réformes structurelles pour endiguer la pauvreté, à tous les âges de la vie et ce, dès la naissance.

Nous approuvons l'augmentation des crédits alloués au programme Mieux manger pour tous, mais la dynamique des besoins la rend toujours insuffisante. Les associations d'aide alimentaire restent préoccupées quant à leur capacité à remplir leurs missions dans un contexte de forte hausse et d'intensification de la précarité, alors que certains approvisionnements diminuent et que les prix alimentaires sont durablement élevés. Nous souhaitons un changement, là encore structurel, du modèle alimentaire, qui concernera aussi l'aide alimentaire. Il nous faudrait pour cela soutenir plus fortement les expérimentations locales.

Victor Hugo, qui a siégé dans cet hémicycle, écrivait que « ceux qui ont faim ont droit ». Il est temps de constitutionnaliser le droit à l'alimentation et de le rendre effectif. C'est l'objet d'une proposition de loi que le groupe écologiste a déposée l'année dernière.

Par ailleurs, la généralisation progressive de la réforme de la solidarité à la source a permis de moindres dépenses, dégageant ainsi des crédits à hauteur d'environ 800 millions d'euros, qui doivent être consacrés à la lutte contre le non-recours, afin que nous puissions concourir ensemble au juste droit. Ils pourront par exemple servir à soutenir l'expérimentation « Territoires zéro non-recours » prévue dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS. C'était l'objet de la troisième proposition formulée dans le rapport de la mission d'information sur la mise en œuvre de la solidarité à la source dont j'ai été rapporteure avec René-Paul Savary.

En ce qui concerne le programme 157 « Handicap et dépendance », nous regrettons l'absence d'accompagnement financier d'une partie des Ésat, car ces établissements rencontrent de grandes difficultés pour appliquer les justes mesures votées dans la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Ainsi, la mise en place de la complémentaire santé obligatoire, compte tenu du modèle économique fragile de ces établissements, pourrait être accompagnée de façon ciblée.

Enfin, dans le cadre du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », nous saluons la mise en œuvre de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Pour donner toute son efficacité au dispositif, madame la ministre, il faudra soutenir les associations qui accompagnent ces victimes.

En conclusion, à défaut de mener des politiques structurelles qui s'attaquent aux inégalités et aux vulnérabilités de notre société, le Gouvernement est confronté à des besoins qui ne cessent de croître, de sorte que les moyens et les programmes de cette mission restent insuffisants, même s'ils sont en augmentation.

Aussi, les membres du groupe GEST ont formulé des propositions au travers de leurs amendements. Ils détermineront leur vote en fonction du déroulé des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, les augmentations de crédits prévues dans cette mission sont en trompe-l'œil.

En effet, le nombre des bénéficiaires des programmes de solidarité, d'insertion et d'égalité des chances augmente de sorte que les dépenses devraient suivre. Mais le Gouvernement propose simplement le maintien des moyens qui, en plus d'être insuffisants, ont subi l'inflation.

Plus de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Ce sont souvent des femmes seules avec leurs enfants, des travailleurs pauvres, des retraités et des personnes en situation de handicap. En ce qui concerne le travail de ces dernières, la hausse des crédits prévus dans le programme 157 n'est rien d'autre que la conséquence de la déconjugalisation de l'AAH.

Quant aux conditions d'emploi des travailleurs des établissements et services d'aide par le travail, elles tendent vers celles du milieu ordinaire et c'est tant mieux. Toutefois, cette avancée s'accompagne de deux écueils que les amendements du groupe socialiste visent à corriger.

Premièrement, cette évolution crée davantage d'obligations pour les Ésat, mais n'est pas accompagnée de recettes supplémentaires. Les Ésat participent au financement des moyens de transport, des complémentaires santé et de la restauration des travailleurs et travailleuses, mais ces dépenses nouvelles ne doivent pas conduire à fragiliser leur budget.

Deuxièmement, cette transition vers le milieu ordinaire peut parfois cacher une évolution du profil des personnes en situation de handicap que les Ésat emploient, car les établissements risquent de privilégier des handicaps moins lourds en considérant davantage la productivité que les objectifs d'inclusion qu'ils s'étaient initialement fixés.

Enfin, dans le programme 157, il est important de rétablir le maintien de l'AAH pour les bénéficiaires qui exercent un travail à temps partiel, au-delà de 50 %.

Pour ce qui est du programme 137, les crédits pour l'égalité entre les femmes et les hommes augmentent. Malheureusement, le nombre de femmes victimes de violences qui doivent être accompagnées augmente aussi dans des proportions bien plus élevées. Le Gouvernement a enfin accédé aux demandes visant à étendre les revalorisations Ségur aux centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), rattachées à l'action n° 24 « Accès aux droits et égalité professionnelle ». Mais ces dépenses nouvelles n'ont pas été compensées par l'État.

Ainsi, aux quatre coins de France, les CIDFF devront, malgré des budgets insuffisants, supprimer des postes et, donc, réduire le volume de leurs actions d'accompagnement, voire déposer le bilan. En Bretagne, 10 000 personnes, dont 2 500 victimes de violences, sont concernées. « Droits des femmes : quatre centres bretons en péril » titre aujourd'hui même la presse diffusé dans le département des Côtes-d'Armor. Alors, aidons-les !

Enfin, je souhaite évoquer l'aide financière à l'insertion sociale (Afis), perçue par les personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution. Proposer 343,20 euros par mois comme revenu alternatif est inefficace. Nous demandons que le montant de cette aide soit porté, a minima, au niveau de celui du revenu de solidarité active.

Pour conclure, je vous appelle à faire mieux pour lutter contre la précarité et pour, enfin, rétablir la fraternité dans notre pays. Sous réserve de l'adoption de nos amendements, dont l'objet est d'accompagner les associations qui, elles-mêmes, accompagnent les plus fragiles, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits alloués à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèvent à 30,37 milliards d'euros pour 2025, soit 2,13 % de plus qu'en 2024. Près de 80 % des crédits de cette mission sont consacrés à la prime d'activité – pour plus de 10 milliards d'euros – et à l'AAH – pour 15,9 milliards d'euros –, cette dernière bénéficiant d'une augmentation sensible – + 4,8 % –, due essentiellement à sa déconjugalisation.

Je souhaite d'emblée revenir sur la question de l'extension des mesures salariales du Ségur. J'avais moi-même déposé plusieurs amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 qui visaient cet objectif. Je me réjouis par conséquent de l'accord de branche signé en juin 2024.

Toutefois, certaines associations, notamment celles qui accompagnent les victimes de violences conjugales, n'ont pas perçu de crédits pour financer la prime Ségur. En 2024, ces associations ont pourtant dû la verser, ce qui a aggravé leurs difficultés de trésorerie, d'autant qu'elles suivent de plus en plus de personnes.

Cette année, j'ai cosigné l'amendement de la sénatrice Agnès Evren qui tend à leur assurer cette compensation qui leur est due. Il nous faut préserver le financement de ces associations, afin de maintenir l'action en faveur des droits des femmes dans les territoires.

Je souhaite aborder un autre sujet : les difficultés des départements à prendre en charge les mineurs non accompagnés. Beaucoup d'entre eux sont totalement dépassés par la situation, et les 101 millions d'euros de crédits qui sont consacrés à cette politique en 2025 ne suffiront pas à accompagner l'augmentation constante des flux pris en charge depuis 2020. Il nous faudrait agir bien plus en amont.

Par ailleurs, l'année 2025 sera marquée par la mise en place du service public de la petite enfance, prévu par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Pour cette année, la compensation aux communes s'élèvera à 86 millions d'euros.

Dans une moindre mesure – 1,59 milliard d'euros –, une partie des crédits de la mission est consacrée aux Ésat : cette enveloppe sert à payer les rémunérations des travailleurs de ces établissements.

La situation financière de nombre d'Ésat est difficile, et les mesures de rapprochement des droits sociaux de leurs travailleurs de ceux des salariés en milieu ordinaire, si l'on peut s'en réjouir, pèsent sur l'équilibre financier fragile de ces établissements. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement, qui tend à assurer le cofinancement par l'État de l'obligation faite à ces établissements de mettre en place une complémentaire santé collective.

Enfin, il faut relativiser la hausse des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », qui s'explique par la création d'une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, aboutissement d'une proposition de loi d'origine sénatoriale. Cette aide, qu'il convient de saluer, a profité à 26 000 femmes depuis sa création et voit ses crédits augmenter de plus de 56 % en 2025.

La solidarité et l'égalité des chances sont des principes fondamentaux qui font la force de notre République et qui nous renvoient à l'une de nos valeurs essentielles : la fraternité. Il nous faut tout faire pour préserver notre système de solidarité sur le long terme, même si cela n'exclut pas de surveiller les dépenses et l'efficacité des mesures dans tous les domaines.

Je vous le redis, madame la ministre, je souhaiterais que l'on améliore la prise en charge des violences faites aux femmes grâce notamment à un meilleur financement des dispositifs existants et, surtout, l'application des mesures du Ségur.

Les membres de mon groupe voteront les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

Mme Patricia Demas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour de saluer le travail de nos rapporteurs qui ont repris au pied levé et avec beaucoup de ressort le fil de notre discussion budgétaire.

Je me réjouis de la poursuite de nos travaux au stade où nous les avions laissés en fin d'année dernière. C'est une sage décision, prise dans l'intérêt de la France.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » regroupe près de 6 % des crédits du budget général de l'État. Elle est l'une des rares missions à connaître une augmentation de son budget. Ses crédits recouvrent de très nombreuses politiques publiques, essentiellement des dépenses d'intervention.

Si j'approuve totalement la ligne budgétaire stricte, fixée par le Gouvernement et soutenue par mon groupe, je suis également sensible à la protection des plus vulnérables et à la question cruciale de l'accès aux droits.

Dans cet esprit, je souhaite évoquer l'expérimentation en cours du préremplissage des déclarations trimestrielles de ressources pour les allocataires du RSA et les bénéficiaires de la prime d'activité, dans laquelle se sont engagés cinq départements, dont le département des Alpes-Maritimes.

Cette expérimentation vise plusieurs objectifs : fluidifier et faciliter les démarches administratives, réduire les tâches chronophages et les erreurs, sécuriser les données. Sa généralisation, comme l'indique le rapport de la commission des finances, permettrait de réduire de 1,5 % les crédits de l'insertion sociale, sans toucher aux prestations.

Selon les éléments que j'ai pu obtenir dans mon département, cette expérimentation a plusieurs effets positifs. Tout d'abord, c'est une réussite sur le plan technique, puisque le préremplissage s'est déroulé sans embûches par une connexion et un partage de données entre plus de 10 000 employeurs, auxquels s'ajoutent les partenaires associés et organismes sociaux. C'est aussi une réussite en matière de simplification et de sécurisation des démarches : l'expérimentation semble avoir été bien acceptée par le public.

Le taux de rectification des déclarations atteint 6 % seulement dans les Alpes-Maritimes, et bien que nous n'ayons encore que peu de recul, aucun recours n'a été enregistré.

Enfin, il est prévu, à terme, que le préremplissage des déclarations contribue à un allègement des tâches chronophages avec, pour corollaire, un repositionnement des équipes sur l'accompagnement des usagers les plus fragiles, ce qui est véritablement nécessaire.

Permettez-moi cependant de formuler quelques remarques.

La première, bien que temporaire, résulte de la date de généralisation du système : des difficultés peuvent en effet apparaître pour les allocataires qui déménagent et passent d'un département expérimentateur à un département qui ne le serait pas.

La seconde a trait au « porté à connaissance » de ce dispositif lorsqu'il sera généralisé à ceux qui, bien qu'ayant des droits à exercer, ne le sollicitent pas. Au niveau national, le taux de non-recours est de 34 % pour le RSA ; il est en outre estimé à 39 % pour la prime d'activité par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), bien que les statistiques demeurent imprécises.

Voilà qui me permet de faire le lien avec la question de l'accompagnement des Français en situation d'illectronisme, à l'heure où de nombreuses démarches sont dématérialisées et où, selon l'Insee, près de 17 % d'entre nous sont encore mal à l'aise avec les usages du numérique.

Particulièrement engagée sur ce sujet, je soutiens les dispositifs d'accompagnement en faveur de l'inclusion numérique. Je tiens à souligner l'intérêt que revêt pour moi l'adoption d'un amendement tendant à consolider le financement des conseillers numériques dans le cadre du présent projet de loi de finances, peu avant le vote de la motion de censure. Cela montre combien toutes nos actions sont complémentaires.

Enfin, je ferai une ultime observation. Il existe actuellement des bases de ressources différentes selon les prestations sociales versées, ce qui se traduit, pour une même famille, par des règles différentes de prise en compte des types de ressources, ou de périodicité des calculs, selon les prestations qu'elle perçoit.

Il semble par conséquent indispensable, pour s'inscrire dans une vision globale, de long terme, d'accompagner la réforme de la solidarité à la source, dans laquelle le dispositif de préremplissage s'inscrit, d'une harmonisation des bases de ressources entre toutes les prestations sociales, ce qui permettrait d'aboutir, idéalement, à une seule et unique déclaration. Cette dernière étape est fondamentale pour mener, avec succès, la simplification attendue, obtenir les économies espérées et réussir la prise en charge des plus fragiles d'entre nous.

Ensemble, nous nous sommes donné pour cap de soutenir nos services publics, tout en réduisant la dépense publique. Tenir ce cap relève de notre devoir, celui de sauvegarder notre modèle social français, auquel nous avons toutes les raisons d'être tant attachés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)