1° À la deuxième phrase du premier alinéa, après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « de la mise en œuvre des lois portant cadre financier pluriannuel, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Haut Conseil des finances publiques est chargé d’effectuer des prévisions économiques indépendantes relatives aux finances publiques. Il est également chargé d’apprécier les prévisions économiques et les choix budgétaires effectués par le Gouvernement. Ses travaux éclairent le Parlement en amont de la discussion des textes financiers. Une loi organique fixe les prérogatives et la composition du Haut Conseil des finances publiques. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 n’est pas adopté.)
Article 8
Au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après les mots : « l’examen », sont insérés les mots : « des projets de loi portant cadre financier pluriannuel, ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 n’est pas adopté.)
Article 9
À la première phrase du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « portant cadre financier pluriannuel, ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 n’est pas adopté.)
Article 10
L’article 61 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « organiques », sont insérés les mots : « et les lois portant cadre financier pluriannuel » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la loi portant cadre financier pluriannuel en vigueur.
« Le Conseil constitutionnel examine conjointement, avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle elles ont été adoptées, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale fixant les ressources et les charges d’un exercice. » ;
3° Au début de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, » sont remplacés par les mots : « Sauf dans le cas prévu à l’alinéa précédent, » ;
4° Au début du dernier alinéa, les mots : « Dans ces mêmes cas, » sont supprimés.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 n’est pas adopté.)
Article 11
À la fin de la deuxième phrase de l’article 70 de la Constitution, les mots : « de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques » sont remplacés par les mots : « portant cadre financier pluriannuel ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 n’est pas adopté.)
Article 12
Les articles 34, 39, 42, 46-1, 47, 47-1, 47-2, 48, 49, 61 et 70 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois organiques nécessaires à leur application.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’article 12.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’article 12 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, dans la mesure où les douze articles qui la composent auraient été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait donc être admise.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’article 12.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 34 |
Contre | 305 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Les douze articles de la proposition de loi constitutionnelle ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi constitutionnelle n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures trente-six.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Protection du commerce maritime en mer Rouge
Adoption d’une proposition de résolution
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la résolution visant à condamner les actions des rebelles houthis en mer Rouge et à appeler à une action internationale pour protéger le commerce maritime et l’environnement dans cette zone, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par Mme Nicole Duranton, MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 1 rectifiée).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Duranton, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État – cher Thani –, mes chers collègues, au travers de la présente proposition de résolution, nous entendons condamner fermement les actions des Houthis en mer Rouge.
Pour rappel, les Houthis sont un mouvement politique et militaire fondé dans les années 1990. À l’origine, suivant la mouvance chiite, ils avaient principalement des revendications religieuses. Ils s’opposaient également à l’influence étrangère au Yémen, visant en particulier l’Arabie saoudite et les États-Unis. C’est en 2014 qu’ils sont devenus un acteur majeur au Yémen et dans la région, après avoir pris le contrôle de la capitale, Sanaa, et contraint le gouvernement yéménite à fuir au sud du pays.
Les Houthis, soutenus par l’Iran, contrôlent aujourd’hui une grande partie du Yémen, notamment le littoral donnant sur la mer Rouge. La situation qui s’y présente actuellement dépasse le simple cadre régional ; elle a des implications multiples et profondes, à la fois économiques, écologiques et sécuritaires.
La mer Rouge est une voie de passage essentielle par laquelle transite plus de 10 % du transport maritime international. Chaque année, elle voit circuler 25 % du trafic mondial de porte-conteneurs. C’est une voie particulièrement stratégique, sachant que plus de 90 % du commerce international en volume passe par la mer.
Elle est traversée par des navires qui transportent des marchandises diverses et du pétrole, acheminés vers plusieurs continents, comme l’Europe et l’Asie, dont environ 40 % des échanges transitent par cette voie.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, en octobre 2023, les Houthis ont mené plusieurs attaques contre Israël et contre des navires qui lui seraient liés au large du Yémen, affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens. Mais pas uniquement ; il s’avère que le terrorisme maritime des Houthis a également un objectif économique. Selon une enquête menée au nom du comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Yémen, les Houthis perçoivent des « taxes » d’environ 180 millions de dollars par mois auprès de certaines agences maritimes, en échange du renoncement à attaquer leurs navires commerciaux lors du passage de ceux-ci en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.
Les Houthis utilisent des drones et des missiles pour cibler indistinctement des navires civils et militaires, y compris des navires français. Ces exactions ont souvent causé de lourds dégâts matériels et mettent perpétuellement en danger les femmes et les hommes qui sont présents sur les navires pris pour cible. Elles ont également contraint de nombreuses grandes compagnies maritimes, telles que l’armateur français Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime (CMA CGM), à suspendre leur circulation en mer Rouge, afin de protéger les équipages et les marchandises des navires. Un navire coulé ou capturé par les Houthis entraîne une perte économique liée à la marchandise volée, en moyenne 1 milliard d’euros par bateau, pour les entreprises concernées.
En conséquence, de grandes entreprises telles que la CMA CGM, MSC, Maersk ou encore British Petroleum (BP) ont dû modifier leurs routes commerciales, afin de passer par le cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique. Un cadre de la CMA CGM, que j’ai entendu en audition dans le cadre de mes travaux préparatoires, m’a fait l’état des lieux des répercussions de la situation en mer Rouge sur l’armateur français. Les déviations représentent des coûts opérationnels supplémentaires de plusieurs millions de dollars. Les délais de livraison sont allongés de douze à quinze jours en moyenne. Il a fallu financer davantage de bateaux pour continuer d’assurer l’import et l’export de marchandises dans le monde entier, sans oublier le coût de la main-d’œuvre et du carburant nécessaires pour faire fonctionner ces bateaux.
Au-delà de leurs impacts économiques dévastateurs sur le commerce maritime, les agressions des Houthis représentent une menace écologique alarmante. L’exemple le plus flagrant est celui du naufrage du navire Rubymar en mars 2024, qui transportait 22 000 tonnes d’engrais chimiques et des centaines de tonnes de carburant. Ces substances se sont déversées dans la mer Rouge, créant une nappe toxique de plusieurs kilomètres de long, avant que le navire ne soit définitivement coulé.
Je souhaite rappeler, pour mémoire, la catastrophe provoquée par l’Exxon Valdez en 1989, lorsque ce pétrolier déversa plus de 40 000 tonnes de pétrole brut dans les eaux de l’Alaska. Cet événement entraîna l’une des pires marées noires de l’Histoire, ravageant plus de 2 000 kilomètres de côtes, tuant des centaines de milliers d’oiseaux marins, de poissons et d’autres types d’animaux et occasionnant des impacts écologiques durables sur l’environnement.
Si les attaques des Houthis continuent, nous risquons de voir se répéter de telles catastrophes à une échelle similaire, mettant en péril les écosystèmes marins sensibles de la mer Rouge.
En outre, le détournement du trafic maritime de la mer Rouge jusqu’au cap de Bonne-Espérance contribue à polluer davantage cette zone. Plus de navires signifie plus de gaz à effet de serre déversés dans l’atmosphère et plus de pollution marine.
Je tiens à rappeler que la France est la première concernée par cette situation. En effet, les côtes de l’île de La Réunion sont longées par les navires. Son port et celui de Mayotte sont pleinement mobilisés pour les accueillir, dans des conditions parfois difficiles. Par ailleurs, l’augmentation du volume du trafic maritime accroît les risques de collisions et, par conséquent, le risque connexe de déversements de pétrole dans des zones marines sensibles, y compris sur le littoral français.
Des efforts importants pour assurer la sécurisation du détroit de Bab el-Mandeb impliquent de grandes puissances mondiales, dont la France. Dès le mois de décembre 2023, les États-Unis ont lancé l’opération Gardien de la prospérité, fondée sur une grande coalition de sécurisation maritime, dont la France est partie prenante. Après avoir envoyé la frégate Languedoc, la France a également rejoint l’opération Aspides. Cette opération, créée en février 2024 par l’Union européenne, vise aussi à répondre aux agressions houthies à l’encontre des navires commerciaux qui transitent par la mer Rouge. Les frégates européennes sont mobilisées quotidiennement pour protéger les rares navires transitant encore par cette zone, qui n’est toujours pas assez sécurisée pour permettre une reprise du trafic maritime mondial.
Au-delà de ce trafic, c’est notre sécurité à tous qui est en jeu, car la situation actuelle en mer Rouge a des implications et des conséquences qui la dépassent.
Depuis 2015, les Houthis dirigent de facto le nord du Yémen, alors que le gouvernement yéménite, internationalement reconnu, s’est réfugié au sud du pays.
Comme je l’ai mentionné précédemment, les rebelles ont commencé à attaquer des navires commerciaux après les événements du 7 octobre 2023, prétendant agir par solidarité avec le peuple palestinien. Soutenus par l’Iran, ils affirment être les seuls acteurs au Yémen à opérer au profit de la cause palestinienne.
Cherchant à discréditer le gouvernement yéménite et à s’en prendre aux soutiens réels ou supposés d’Israël, les Houthis sont en réalité un atout pour « l’axe de la résistance ». Ils font le jeu de la stratégie régionale iranienne contre l’État hébreu.
Téhéran joue un rôle déterminant dans le renforcement des capacités militaires des Houthis. Ces derniers ont acquis un arsenal sophistiqué, comprenant des missiles balistiques et des drones capables de cibler des infrastructures stratégiques.
Il est évident que la situation en mer Rouge est intrinsèquement liée au conflit israélo-palestinien. L’implication de l’Iran dans ce conflit fait de cette zone un terrain d’affrontement indirect entre la République islamique et Israël.
Au début d’octobre, nous avons appris que l’Iran servait d’intermédiaire dans des négociations ouvertes en vue de livrer des missiles antinavires supersoniques russes aux rebelles houthis.
Le conflit en mer Rouge va donc bien au-delà de son ancrage territorial immédiat, au vu notamment de cette implication de la Russie, qui essaie de renforcer ses alliés face aux Occidentaux soutenant l’Ukraine. Chaque attaque houthie est ainsi à réinscrire dans un contexte plus large, dont les répercussions affectent des millions de personnes dans toute la région et au-delà.
Je fais écho aux propos qu’a tenus le Président de la République lors de sa dernière intervention à l’Assemblée générale des Nations unies. Bien qu’il n’ait pas directement évoqué la situation en mer Rouge, sa volonté de trouver une solution diplomatique au conflit israélo-palestinien résonne profondément avec ce que nous y observons.
Emmanuel Macron a rappelé que la recherche de la paix et d’une solution diplomatique est le seul chemin viable pour mettre fin au conflit. Il est de notre responsabilité de suivre cette boussole pour désamorcer la crise en mer Rouge et éviter l’escalade.
Mes chers collègues, les actions des Houthis sont intolérables : elles mettent en péril des vies humaines ; elles déstabilisent notre industrie maritime ; elles menacent des écosystèmes vitaux ; elles mettent en danger la stabilité internationale.
La présente proposition de résolution s’inscrit pleinement dans une logique que nous partageons tous, celle qui consiste à trouver une issue diplomatique à cette crise protéiforme, qui n’a que trop duré.
Compte tenu du retour de Donald Trump à la tête des États-Unis et de l’incertitude qui pèse sur sa vision géopolitique de cette région, la France doit rappeler et renforcer son rôle moteur dans l’action internationale menée en mer Rouge.
C’est pour réaffirmer la position de notre pays et sa détermination à poursuivre ses efforts diplomatiques que j’espère, mes chers collègues, que le Sénat adoptera à l’unanimité cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par son soutien, Téhéran a vassalisé le mouvement insurrectionnel des Houthis. Engagés dans une guerre civile au Yémen, ces rebelles servent également les intérêts de l’Iran et de ses alliés. C’est ainsi qu’ils ont participé à des attaques visant Israël.
Les Houthis entreprennent également de porter atteinte à la liberté de navigation en mer Rouge, afin notamment de perturber le commerce international. Comme les gardiens de la révolution avant eux, ils se livrent à des actes de piraterie à des fins de rançon, quand ils ne détruisent pas tout simplement leur cible.
Ni la France ni la communauté internationale ne peuvent les laisser faire !
Hélas ! ces attaques entraînent parfois la mort de membres d’équipage des navires marchands. Nous pensons à ceux qui sont tombés, ainsi qu’à leur famille. Nous ne devons pas oublier ces crimes ; les victimes méritent qu’on leur rende justice.
Non seulement les attaques houthies menacent des vies humaines, mais elles exposent aussi la région à des catastrophes écologiques, les pétroliers figurant parmi les cibles privilégiées des rebelles.
Jusqu’à l’an dernier, 12 % du commerce international passait en effet par la mer Rouge, entre le canal de Suez et le détroit de Bab el-Mandeb. Or, depuis le début des attaques, le trafic y a chuté de 20 %. Les actions des Houthis ont un coût élevé, qui ne peut manquer de se répercuter sur notre économie dans son ensemble.
Les primes d’assurance payées par les propriétaires de navires continuant à passer par la mer Rouge ont explosé. Ceux des navires qui préfèrent éviter la zone et passent par le cap de Bonne-Espérance voient la durée de leur trajet augmenter de moitié. Cela a pour conséquence de doubler le prix d’un conteneur partant de Chine pour atteindre l’Europe.
Depuis plusieurs mois, les femmes et les hommes de la Marine nationale tentent de préserver la liberté de navigation en mer Rouge. Sous le feu des rebelles houthis, ils protègent les navires contre leurs attaques ; ils détruisent leurs drones et leurs missiles balistiques. Cette situation démontre l’engagement et les capacités de nos armées, qu’il convient de saluer. Elle renforce également notre conviction que leurs moyens doivent encore être augmentés.
Les Houthis ont annoncé vouloir étendre leurs opérations à l’océan Indien. Nous devons souhaiter qu’ils n’y parviennent pas, mais nous devons surtout nous donner les moyens de les entraver.
Voilà plusieurs années que nos marins nous signalent une montée généralisée des tensions. Tout comme le renforcement des arsenaux, celle-ci est plus évidente en mer, dans la mesure où les acteurs s’y rencontrent armés. Parfois, cette course aux armements s’accompagne, hélas ! d’une forme de désinhibition.
Dans ce contexte tendu, nous devons veiller à doter nos armées des moyens suffisants pour défendre la France et ses intérêts, mais aussi pour lui permettre d’apporter son concours aux opérations internationales de sécurité – cela passera, naturellement, par les débats que nous aurons dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
La proposition de résolution présentée par notre collègue Nicole Duranton et inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe RDPI appelle le Gouvernement à poursuivre son action dans cette région, tant diplomatiquement que militairement.
Nous ne pouvons qu’être favorables à son adoption. L’ensemble du groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons bien sûr voter cette proposition de résolution, mais sans aucune illusion, car une résolution n’arrêtera jamais la guerre…
Je tiens d’emblée à dire à ma collègue Nicole Duranton que je ne suis pas tout à fait d’accord avec elle, non pas à propos de la proposition de résolution en elle-même, mais au sujet des origines de cette crise en mer Rouge.
Vous nous expliquez, ma chère collègue, que, depuis le 7 octobre 2023, les Houthis se sont mis à interdire le passage des navires qui, d’une manière ou d’une autre, auraient un lien avec Israël. Or, en réalité, les causes de ces attaques sont à chercher dans la guerre civile au Yémen entre, d’une part, le gouvernement officiel, légitime, soutenu par l’Arabie saoudite et l’Égypte et, d’autre part, les rebelles chiites houthis soutenus, quant à eux, par l’Iran, une guerre qui a provoqué des centaines de milliers de morts.
Résultat des courses : les Houthis ont commencé à se livrer à ce qui se pratiquait depuis le XIXe siècle au niveau du détroit de Bab el-Mandeb, c’est-à-dire des actes de piratage.
Les Houthis sont des pirates, mes chers collègues, qui nous signifient tout simplement que, si nous voulons commercer et faire passer nos navires, il va falloir payer…
Mme Valérie Boyer. Exactement !
M. Roger Karoutchi. Du reste, l’argent récolté par les rebelles sert à payer les armes que l’Iran leur livre : la boucle est bouclée et le cercle infernal s’est enclenché.
Téhéran fournit des armes en contrepartie des rançons tirées de ces actes de piratage, tout en dissimulant cela, depuis un an, derrière un prétendu soutien aux mouvements palestiniens, alors que chacun sait bien que ce type d’opérations préexistait au conflit israélo-palestinien et n’avait, par définition, aucun lien avec celui-ci.
Nous avons donc affaire à des miliciens dont la stratégie, non seulement nuit à la libre circulation des navires, mais s’apparente à une rébellion contre le gouvernement officiel.
Cette proposition de résolution est intéressante, si bien que, je le redis, nous allons la voter.
Pour autant, je serais tenté de dire que, si l’on veut vraiment couper les deux têtes de l’hydre, il faut manier plusieurs haches ! Car, en réalité, l’une de ces deux têtes se trouve à Téhéran, et sûrement pas au Yémen !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Aussi, si ce texte est bienvenu, il va de soi que l’action diplomatique et militaire de la France doit davantage se concentrer sur l’Iran, comme l’a d’ailleurs déclaré à plusieurs reprises, et à juste titre, le ministre des affaires étrangères. Notre pays appelle en effet l’Iran à cesser de soutenir, de quelque manière que ce soit, ses « proxy », que ce soit le Hezbollah, le Hamas ou les Houthis, ces trois « H » qui sont en réalité à la solde de Téhéran et contribuent au désordre politique, militaire, diplomatique de l’ensemble de la région.
Sommes-nous capables de négocier des accords renforçant l’unité et la solidarité, ainsi que la paix dans la région ? Je n’en suis pas sûr, mais, en tout cas, cette initiative, cet appel à ce que la France soit plus ferme à l’égard des Houthis est à saluer.
À cet égard, Jean-Pierre Grand a bien fait de rappeler que la marine française contribue à ce combat, même si – soyons francs – ce sont surtout les Américains et les Britanniques, qui œuvrent pour détruire les installations des Houthis, avec l’aide ponctuelle de l’aviation israélienne pour que ces derniers cessent de s’imaginer qu’ils pourront continuer à envoyer indéfiniment des missiles sur l’État hébreu.
Oui, il faut tout faire pour que les Houthis arrêtent de bloquer le détroit et de se livrer à des actes de piratage, qui n’ont d’autre objet que de leur permettre de s’armer contre le gouvernement officiel de Sanaa.
Oui, il faut faire en sorte que la situation se rétablisse, mais ne nous faisons pas trop d’illusions : tant que nous ne parviendrons pas à un accord, qui ne peut que résulter du rapport de force que nous aurons établi avec Téhéran, il y aura des Houthis, il y aura le Hezbollah et le Hamas et, par conséquent, il y aura la guerre dans toute cette région. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, UC et RDPI.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au préalable, permettez-moi de remercier notre collègue Nicole Duranton pour l’ensemble de son travail et cette proposition de résolution, ainsi que le président de notre groupe, François Patriat, l’ensemble des membres du groupe RDPI, qui ont souhaité l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre espace réservé, et les quarante-deux cosignataires du texte, dont le président Claude Malhuret et la présidente Maryse Carrère.
C’est évidemment à tort que les sujets abordés par notre collègue peuvent sembler éloignés du quotidien de nos concitoyens et des Européens, car il y va non seulement de la sécurité régionale au niveau du golfe d’Aden et de la mer Rouge, mais aussi de la stabilité au Proche et Moyen-Orient, de la sécurité des routes maritimes et, donc, du commerce mondial et de l’approvisionnement des entreprises comme des particuliers qui, un jour, pourraient faire face à des ruptures de stock.
La situation en mer Rouge et les actions menées par les Houthis nous rappellent que ces crises persistent et ne datent pas d’hier – Roger Karoutchi vient de le dire. En vérité, elles ne font que prendre de nouveaux visages au travers de l’hybridation des menaces et du développement d’armes low cost.
Revenons à l’horreur des massacres du 7 octobre 2023, ce jour où l’inhumanité a fauché une partie de l’humanité. S’est ensuivie la nouvelle guerre menée par Israël contre le Hamas.
Les Houthis sont alors entrés en scène en utilisant leurs missiles et leurs drones et en menant des assauts héliportés contre des navires constituant des proies faciles. Depuis lors, le détroit de Bab el-Mandeb porte bien son nom de « Porte des Pleurs ».
Résultat : les rebelles sont parvenus à optimiser leurs actions et, donc, leur « reconnaissance » internationale, à telle enseigne que certains pays renoncent à faire traverser la zone par – tenez-vous bien – leurs bâtiments militaires ! Le ministre allemand de la défense a ainsi annoncé il y a quinze jours qu’une frégate éviterait le secteur pour rentrer en Europe à l’issue d’un exercice dans la zone indo-pacifique.
Cela montre bien que l’importance stratégique des détroits n’a d’égale que leur vulnérabilité. L’Histoire nous l’a enseigné et le présent nous invite à une vigilance extrême – je pense au détroit de Taïwan, en particulier.
Les dirigeants du mouvement houthi ont fait le lien entre leur action et la guerre à Gaza. Ainsi, en février dernier, Mohammed Ali al-Houthi a conditionné le sauvetage des cargos à l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza. Ces mêmes dirigeants ont également fait le lien entre les agissements des rebelles et le théâtre d’opérations libanais, lorsqu’un missile a été tiré sur l’aéroport David-Ben-Gourion au lendemain de l’élimination d’Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah.
Mais gardons-nous, comme Roger Karoutchi nous y a invités – et même si mon appréciation diverge quelque peu de celle de notre collègue –, de faire des Houthis de simples exécutants de commanditaires extérieurs et de l’Iran. Nous observons un alignement d’intérêts, une coopération, mais il existe aussi une dynamique propre à ce mouvement, qui résulte de la création de l’État yéménite lui-même – j’y reviendrai.
Dans l’exposé des motifs de sa proposition de résolution, notre collègue Nicole Duranton évoque « le spectre d’un embrasement et d’une généralisation du conflit au Proche-Orient et au-delà ».
En ce qui concerne le Yémen, le mouvement houthi n’a pu y émerger comme force politique puis militaire, dans les années 1990, que parce que les gouvernements de l’époque ont refusé de reconnaître les spécificités de la minorité zaydite, au nord-ouest du pays. Celle-ci s’est alors muée en force politique ayant une visée nationale.
Résultat : c’est aujourd’hui le peuple yéménite qui trinque, puisqu’il se trouve dans une situation humanitaire déplorable.
Seule une authentique voie fédérale permettrait au Yémen de se stabiliser, mais cela supposerait aussi que les États voisins de la région renoncent à instrumentaliser tel ou tel acteur de la scène politique yéménite. Nous en sommes loin, hélas ! quand on voit lesdites puissances déployer un nouveau « grand jeu » de la Libye au Yémen en passant par le Soudan.
Pour ce qui est de la crise au Proche-Orient, les voies et moyens pour en sortir sont bien connus : il faut mettre en œuvre la fameuse solution à deux États et garantir la sécurité d’Israël. Hélas ! force est de constater que, chaque jour qui passe, on s’en éloigne : il n’est qu’à écouter le ministre israélien Bezalel Smotrich, qui souhaite l’annexion de la Cisjordanie, ce qui est, j’y insiste, inacceptable et irresponsable.
On est bien loin de la résolution 242 des Nations unies qui appelait au retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au lendemain de la guerre des Six Jours. Ce sont ces mêmes Nations unies qui, en 1947, en adoptant la résolution 181, avaient pourtant fait en sorte qu’un « rêve vieux de deux mille ans [devienne] une réalité », pour reprendre un commentaire figurant sur la page commémorant cet événement sur le site de l’ambassade d’Israël en France.
Je crains que les événements actuels ne nourrissent une soif de revanche des générations palestiniennes à venir, qui ne serait à l’avantage de personne.
Dans ce monde où les crises sont à la fois permanentes et multiples, Français et Européens doivent muscler leur jeu, non seulement en matière de défense, ce à quoi la France s’emploie avec sa loi de programmation militaire (LPM) et en renforçant sa présence dans la zone – je me réjouis que notre partenariat avec Djibouti ait été renouvelé –, mais aussi en matière de diplomatie des mers et des océans, car nous disposons du deuxième espace maritime au monde et devons, à ce titre, défendre la liberté de navigation – c’est du reste dans cet esprit que notre pays accueillera dans quelques mois, à Nice, la prochaine conférence des Nations unies sur l’océan.
Mes chers collègues, c’est à la lumière de tous ces éléments que je vous invite plus que jamais à vous réunir autour de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. François Patriat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis novembre 2023, les attaques houthies contre les navires marchands se sont intensifiées et se caractérisent par un recours accru aux drones et aux missiles.
L’un des incidents les plus graves a consisté en la capture du pétrolier Galaxy Leader, dont les vingt-cinq membres d’équipage sont toujours retenus en otage.
Au début de mars, le cargo Rubymar a aussi été la cible de plusieurs missiles : il a coulé au large des côtes yéménites, relâchant dans les eaux des milliers de tonnes de carburant et d’engrais. Cette attaque et la pollution qu’elle a engendrée ont eu un impact évident, non seulement sur l’écosystème marin du détroit, mais aussi, évidemment, sur les communautés de la côte yéménite, dont beaucoup dépendent de la pêche.
D’autres attaques ont également touché deux villes égyptiennes en octobre 2023, faisant six blessés.
Enfin, de nombreux missiles ont ciblé Israël, faisant un mort et plusieurs blessés à Tel-Aviv, en juillet dernier.
Ces attaques ont mis le Yémen, l’un des berceaux de notre civilisation, sur le devant de la scène internationale.
Je souhaiterais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ce conflit en mer Rouge s’inscrit dans une histoire plus large, celle du Yémen et celle du sud de la péninsule arabique dans son ensemble.
Depuis 2014 et l’insurrection menée par les rebelles houthis, qui formaient à l’origine une communauté ethnique, idéologique, puis religieuse, le Yémen est en effet en proie à un conflit particulièrement meurtrier.
Le mouvement rebelle a fini par prendre la voie des armes à la suite de l’assassinat de son leader en 2004. Dix ans plus tard, en septembre 2014, les Houthis, toujours en conflit avec le gouvernement, ont lancé une insurrection qui a scindé le pays en deux, et qui a contraint les autorités officielles à se retrancher dans le nord-est du pays, abandonnant d’ailleurs la capitale, Sanaa.
Ce conflit, marqué par de très nombreuses interventions d’acteurs régionaux, dont l’Arabie saoudite et l’Iran, a provoqué l’une des plus graves famines que le monde ait connues depuis un siècle, selon les Nations unies.
En effet, comme souvent, ce sont les civils qui paient le prix fort de ce terrible conflit. Les enfants, tout particulièrement, vivent un cauchemar depuis que la guerre civile a éclaté en 2014 : 5 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition au Yémen, ainsi que 1,3 million de femmes enceintes et allaitantes. J’ajoute que 70 % de la population a besoin de l’aide humanitaire.
Au total, l’ONU estime que plus de 11 000 enfants ont été tués ou gravement blessés, quand 4 000 d’entre eux ont été enrôlés par les milices houthies.
Les attaques récentes contre les civils et les navires marchands passant dans le détroit de Bab el-Mandeb s’inscrivent dans ce contexte. Leurs conséquences sont connues : 75 % des exportations européennes transitaient par ce détroit avant novembre 2023 ; sept des dix principales compagnies maritimes internationales ont cessé d’emprunter cette route.
Depuis février dernier, l’Union européenne a lancé une mission de protection des routes maritimes dans la péninsule, à laquelle la France participe.
La présente proposition de résolution nous invite à soutenir les efforts sécuritaires de notre pays pour préserver nos intérêts face à une escalade incontrôlable dans la région, mais aussi à promouvoir les efforts diplomatiques visant à trouver une solution politique au conflit au Yémen.
Nous pensons en effet que la seule réponse militaire n’est pas une option. La preuve en est qu’elle n’a pas permis jusqu’à présent de résoudre cette grave crise. Elle n’a pas non plus permis de rétablir la stabilité en mer Rouge.
La France doit donc jouer un rôle plus actif, afin de poser les fondements d’une solution durable à ce conflit, laquelle doit impérativement garantir la souveraineté de tous les États de la région, ce qui implique la mise en œuvre d’une stratégie concertée et la multiplication des échanges avec nos partenaires européens et régionaux, Djibouti au premier chef.
Le groupe du RDSE votera cette proposition de résolution, qui rappelle que l’issue politique est essentielle pour sortir le Yémen et la région de l’impasse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Akli Mellouli, Jean-Pierre Grand et Roger Karoutchi applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François Bonneau. (M. Laurent Somon et Mme Valérie Boyer applaudissent.)