PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles
Article 4

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Cozic et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Briquet, MM. Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen, Féraud, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, Lurel, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme Linkenheld, M. Mérillou, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du II de l’article L. 125-1-1 du code des assurances, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle comprend, parmi ses membres, deux membres titulaires de mandats locaux et deux membres représentants des associations de sinistrés. »

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à compléter la composition de la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Cette commission, dont la mission est essentielle, est chargée de donner un avis sur chaque dossier de demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Sa composition actuelle, renvoyée à un décret, nous semble manquer de pluralisme, comme je l’avais indiqué dans mon rapport d’information de 2019 sur les catastrophes climatiques. En effet, l’article D125-3-1 du code des assurances dispose qu’elle comprend seulement le directeur du budget et trois directeurs généraux, celui des outre-mer, celui de la sécurité civile et de la gestion des crises, ainsi que celui du Trésor, ce qui apparaît insuffisant au regard du nombre croissant de dossiers à traiter. Cela nous semble surtout dangereux et bien peu représentatif, dans la mesure où aucun élu n’y figure – alors même que les élus sont les premiers concernés –, ni aucun citoyen ou aucune association représentant les sinistrés.

C’est pourquoi le présent amendement vise à s’assurer qu’au moins deux titulaires d’un mandat local et deux membres représentants des associations de sinistrés en soient membres, sur le modèle de la composition de la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles, créée par la loi du Baudu, mais qui n’a jamais été mise en place.

Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. J’ai bien compris la demande formulée par notre collègue Nicole Bonnefoy, qui consiste à proposer un équilibre nouveau au sein de la commission interministérielle. Il serait intéressant d’entendre le Gouvernement à ce propos : la commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Je profite de l’occasion, madame la ministre, pour vous interroger sur la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles, dont nous attendons la création depuis un certain temps déjà : quand le Gouvernement a-t-il prévu de la mettre en place ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Je vais prendre le temps de vous exposer précisément la position du Gouvernement sur cet amendement.

Tout d’abord, madame la sénatrice, nous souscrivons à votre objectif d’améliorer la transparence de l’activité de la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, afin que les sinistrés et les communes n’aient aucun doute sur l’objectivité et le caractère non arbitraire des avis qu’elle émet.

Pour autant, nous ne souhaitons pas qu’un encadrement excessif de la commission nuise à l’efficacité et à l’objectivité de ses travaux. Celle-ci doit demeurer une enceinte technique produisant une analyse impartiale des situations. Je vous rappelle en effet que cette commission émet un avis simple, qui ne lie pas l’autorité administrative, sur les 6 000 à 8 000 demandes communales déposées en moyenne chaque année. Elle se réunit pour cela entre quinze et vingt fois par an.

Plusieurs mesures organisationnelles ont été prises ces dernières années, afin d’améliorer l’efficacité du dispositif. Ainsi, la dématérialisation de la procédure permet désormais à toutes les communes de France de déposer leurs demandes par internet en quelques minutes. La création d’une procédure de reconnaissance accélérée facilite le traitement rapide des événements exceptionnels et conduit la commission interministérielle à se mobiliser en urgence pour répondre aux demandes communales déposées à la suite d’événements significatifs.

Ces progrès ne doivent pas être remis en cause par des contraintes organisationnelles nouvelles.

Pour ce qui est de la transparence des décisions adoptées par la commission, je précise que celles-ci sont fondées sur des critères et des méthodes d’analyse fixés par une circulaire du 29 avril 2024 pour l’ensemble des phénomènes naturels couverts par la garantie catastrophe naturelle. Cette instruction est opposable à l’administration et librement consultable sur le site Légifrance où est recensé ce type de mesures réglementaires.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

Le point de vue des élus locaux sur l’ensemble du processus d’indemnisation et leur participation à la gouvernance générale du régime des catastrophes naturelles est en revanche indispensable. C’est la raison pour laquelle une Commission nationale consultative des catastrophes naturelles a été créée par la loi du 28 décembre 2021 – vous me questionnez sur ce sujet, monsieur le rapporteur.

Le rôle des représentants des communes est déterminant dans l’enceinte de cette commission, qui est chargée de se prononcer sur la pertinence des critères retenus pour déterminer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, sur les conditions effectives de l’indemnisation des sinistrés, le délai, les montants d’indemnisation, les décisions de refus de prise en charge, ainsi que sur les modalités et les conditions d’intervention des experts d’assurance.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, pour ma part, je voterai cet amendement.

Vous avez commencé votre propos en mentionnant le besoin d’expertise technique. Or je ne pense pas que les quatre directeurs membres de la commission interministérielle soient les plus aptes à rendre un avis à caractère technique ; il s’agira plutôt d’avis budgétaires.

De plus, il ne faut pas sous-estimer les compétences techniques que les gens acquièrent au fil du temps au sein des associations. Ces dernières sont très souvent capables de délivrer des contributions techniques de premier ordre. Il faudrait donc les associer au travail de la commission.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J’ai écouté avec attention les propos de Mme la ministre : je les trouve incroyables, pour ne pas dire invraisemblables.

Vous prétendez, madame la ministre, que la présence d’élus complexifierait l’encadrement de la procédure. (Mme la ministre déléguée proteste.) Vous semblez laisser entendre qu’une telle présence serait facteur de bureaucratie et d’encombrement, alors qu’elle relève simplement du bon sens : les élus sont des experts et sont même les meilleurs experts de leurs propres affaires !

Faire siéger des élus dans une commission dominée par la technostructure – croyez-moi, le terme n’est pas péjoratif dans ma bouche – est une évidence : aussi, j’espère que cet amendement recevra un accueil favorable de la part de tous nos collègues.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, vous venez de souligner l’impartialité des avis que rend la commission interministérielle au regard de sa composition. Or cette composition doit précisément être questionnée, puisque les fonctionnaires qui siègent dans cette commission sont des techniciens du budget et des finances. Pardonnez-moi de vous le dire ainsi, mais, sous cet angle, l’impartialité de la commission interministérielle n’est pas acquise…

D’ailleurs, les sinistrés et les élus que nous avions entendus dans le cadre des travaux menés par la mission d’information dont j’étais la rapporteure en 2019 faisaient systématiquement remonter ce sujet.

Pour garantir l’impartialité et la transparence des décisions rendues par la commission, il est impératif que les élus, tout comme les citoyens et les associations de sinistrés, qui disposent tous d’une véritable expertise, ne soient pas réduits à un rôle consultatif et qu’ils soient tous représentés au sein d’une commission dont le rôle est d’émettre des avis sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je soutiens cet amendement, car il tend à reprendre l’une des préconisations du rapport d’information sur les catastrophes climatiques de notre collègue Nicole Bonnefoy.

Madame la ministre, il me semble que vous vous trompez. C’est au contraire en incluant les élus et les représentants d’associations de sinistrés dans cette commission, en associant ces personnes, qui sont concernées au premier chef, à la démarche que l’on favorisera la prise de conscience des problèmes et que l’on facilitera l’acceptation des décisions pour y faire face.

Compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis le rapport de Nicole Bonnefoy et de la multitude de travaux et de textes qui se sont succédé sur le sujet, il me paraît plus que jamais indispensable d’associer les élus et les associations de sinistrés aux décisions de cette commission interministérielle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

L’amendement n° 35, présenté par Mme Varaillas, M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 125-2 du code des assurances est ainsi rédigé :

« Aucune modulation de franchise à la charge des assurés ne peut être appliquée en raison de l’absence, dans des collectivités territoriales ou des groupements, d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles prévu à l’article L. 562-1 du code de l’environnement. »

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Comme je l’ai déjà dit, les collectivités territoriales sont les grandes absentes de cette proposition de loi, malgré un empilement de rapports qui rappellent leurs difficultés à assurer leurs biens face aux risques climatiques.

Dans son article 3, la loi Baudu était revenue sur les modulations de franchise qui frappaient les particuliers et les professionnels. C’était un bon début, qui avait d’ailleurs recueilli notre assentiment.

Les collectivités territoriales et leurs groupements demeurent, quant à elles, soumises à des modulations significatives de leurs franchises lorsqu’elles n’ont pas adopté de plan de prévention des risques naturels. L’encouragement à l’adoption de tels plans est légitime et se justifie par le fait que, malgré des efforts importants, quelque 20 727 communes ne sont toujours pas couvertes par ce document, selon la base nationale de gestion assistée des procédures administratives relatives aux risques (Gaspar).

Les conséquences financières d’une telle mesure pour ces communes sont extrêmement importantes. D’abord, aucun plafond de franchise ne s’applique aux contrats conclus par les collectivités territoriales, si bien que la franchise ne peut être inférieure à 10 % du montant des dommages directs, avec un minimum de 1 140 euros – et même de 3 050 euros pour un sinistre lié à la sécheresse.

Par ailleurs, la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour une commune entraîne une modulation du montant de sa franchise : celui-ci est multiplié par deux à partir de trois arrêtés portant reconnaissance de cet état durant les cinq dernières années ; il est multiplié par trois à partir du quatrième arrêté, et même par quatre si cinq arrêtés ont été publiés dans cette période. En 2022, 821 communes ont subi un doublement du montant de leur franchise ; 135 communes ont vu le montant de leur franchise tripler et 29 communes l’ont vu quadrupler.

Selon nous, les collectivités ne doivent pas trop financer des assureurs qui, eux, sont excédentaires. Il s’agit d’ailleurs non pas d’un outil incitatif, mais d’une disposition punitive, laquelle dissuade les collectivités, qui veulent éviter d’être lourdement ponctionnées au travers de franchises indues, de demander la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, ce qui pénalise leur population.

Il est indispensable, de notre point de vue, de revenir sur cette disposition contre-productive, afin d’éviter que les assureurs ne s’enrichissent sur le dos de nos collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Le retard pris dans l’approbation des plans de prévention des risques naturels (PPRN) n’est pas toujours de la faute des élus locaux : il peut être dû à la complexité même du plan élaboré ou à la durée de l’enquête publique.

Je pense néanmoins qu’il est préférable de se fixer une règle claire, même si elle n’est pas parfaite : la démarche est engagée ; le plan est approuvé ; la procédure est enclenchée. Cela étant, madame la ministre, si vous disposez d’une solution susceptible d’assouplir ce dispositif, je suis prêt à y réfléchir.

Je le redis, il est très difficile de discerner les raisons, parfois multiples, pour lesquelles une procédure prend parfois davantage de temps que prévu pour aller à son terme. On peut comprendre à cet égard le sentiment d’insatisfaction des communes touchées par des catastrophes naturelles. Je ne sais pas si vous pourrez apporter une réponse claire et précise à ma question, mais si tel était le cas, cela pourrait enrichir notre réflexion dans le cadre de la navette parlementaire.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Je ne pourrai pas apporter une réponse dans l’immédiat, monsieur le rapporteur, mais j’ai bien noté votre demande.

Madame la sénatrice, l’introduction d’une modulation de franchise vise, d’une part, à renforcer l’acceptabilité de ces plans de prévention élaborés par l’État, et, d’autre part, à permettre aux communes d’engager des démarches de prévention. Il ne nous paraît donc pas souhaitable de revenir sur cette mesure.

Par ailleurs, la présente proposition de loi encourage cette logique de prévention auprès des particuliers, notamment l’article 7 qui prévoit un dispositif de prêt à taux zéro.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous proposons, au travers de cet amendement, de faire œuvre de réparation.

Comme l’a très bien dit Marie-Claude Varaillas, près de 1 000 collectivités territoriales n’étant pas couvertes par un PPRN ont subi un doublement, un triplement, voire un quadruplement de leur franchise. Savez-vous ce qui va se passer, madame la ministre ? Elles ne seront pas assurées !

Il ne faut pas se mentir : lorsque de petites collectivités – ce sont toujours des collectivités de petite taille – se retrouvent dans cette situation, elles ne s’assurent plus. Dans un tel cas de figure, il est difficile de savoir où s’arrête la légalité et où commence l’illégalité…

Nous voulons, disais-je, faire œuvre de réparation. Cela ne signifie pas pour autant que nous n’allons pas encourager ces collectivités à approuver un plan de prévention, avec le concours des services préfectoraux, il ne faut pas oublier que le rôle du Sénat consiste aussi à aider les petites communes qui n’ont pas engagé cette démarche.

Nous sommes tous bien conscients ici que le nombre et la diversité des risques naturels sont en augmentation. Aussi, je comprends tout à fait que certains maires de petites communes, notamment du fait de leur charge de travail, n’aient pas su anticiper cette situation. Et c’est notre devoir que de les soutenir !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 24 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 116
Contre 226

Le Sénat n’a pas adopté.

Après l’article 3
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Article 5

Article 4

I. – Après l’article L. 125-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 125-2-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 125-2-1 A. – I. – Les sociétés d’expertise désignées par l’assureur pour évaluer un sinistre à la suite de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle doivent remplir les conditions suivantes :

« 1° Elles sont dépourvues de lien capitalistique avec l’assureur ;

« 2° Elles ne réalisent pas auprès du même assureur une proportion de leur chiffre d’affaires supérieure à un seuil défini par décret.

« II. – Les contrats passés entre l’assureur ou l’assuré et les sociétés d’expertise qu’il désigne à la suite de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne peuvent pas contenir de clause liant le montant de la rémunération globale de la société d’expertise au résultat de l’expertise menée. »

II. – Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, sur l’article.

Mme Nadia Sollogoub. L’examen de l’article 4 sera pour nous l’occasion d’évoquer toutes les problématiques qui concernent l’activité des experts.

Je souhaite attirer votre attention sur la question de leur formation.

Laissez-moi vous faire part d’une anecdote. Dans une petite commune rurale de la Nièvre, une mini-tornade avait emporté toutes les toitures. Faute d’experts spécialisés dans ce domaine, on a dû faire venir des experts parisiens spécialistes des dégâts des eaux dans les immeubles collectifs. Or, bien évidemment, les problématiques ne sont pas les mêmes : les experts qui sont intervenus ne connaissaient ni les tarifs pratiqués par les artisans, ni le prix du bâti, du foncier, ni les problématiques d’habitat individuel. Il y a expert et expert !

Il faut distinguer les experts d’assureurs, les experts d’assurés, les experts judiciaires… Je pense qu’il faudrait instituer un diplôme d’État, qui permettrait de faire reconnaître et de consolider la technicité de ce métier, le socle de connaissances, à la fois très pointu et très vaste, de ces professionnels. Ainsi, les rapports qu’ils rendent et leurs compétences seraient plus homogènes.

Je demande donc qu’un diplôme d’État vienne sanctionner la réussite d’une formation spécifique au métier d’expert.

M. le président. La parole est à M. Bernard Pillefer, sur l’article.

M. Bernard Pillefer. Je profite de cette intervention pour remercier Christine Lavarde, auteur de cette proposition de loi, pour la qualité de son texte, ainsi que les rapporteurs dont les travaux permettent de préciser et de compléter les différents dispositifs.

Le département dont je suis élu, le Loir-et-Cher, est particulièrement concerné – hélas ! comme bien d’autres – par le retrait-gonflement des sols argileux. Au moins une commune loir-et-chérienne sur quatre présente un risque significatif.

L’instruction des dossiers suscite souvent un sentiment d’insatisfaction et d’incompréhension chez les sinistrés, notamment du fait de la part significative – plus de 50 % – des dossiers classés sans suite sur le territoire de communes pourtant reconnues en état de catastrophe naturelle. Il est certain que des mesures doivent être prises pour rétablir la confiance entre les experts et les assurés ; cet article est donc bienvenu.

J’ajoute que le Gouvernement a pris l’engagement, dans l’ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées, d’encadrer l’activité des experts en assurance. Un décret visant à encadrer l’activité de ces experts spécifiquement pour le retrait-gonflement des argiles doit être publié. Il doit, en particulier, donner une définition du contenu obligatoire attendu pour chaque rapport d’expertise.

Vous mesurez l’urgence de la situation, madame la ministre. J’invite véritablement le Gouvernement à publier ce décret, qui est très attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. L’amendement n° 70, présenté par M. Rapin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer le mot :

décret

par les mots :

arrêté des ministres chargés des assurances et de la construction

II. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

en Conseil d’État

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision légistique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Il est en effet utile d’apporter, par voie réglementaire, des précisions concernant l’encadrement de l’indépendance des experts.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 37, présenté par Mme Varaillas, M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le quatrième alinéa de l’article L. 125-2 du code des assurances est complété par trois phrases ainsi rédigées : « L’expertise et l’éventuelle contre-expertise sont effectuées par un professionnel inscrit au tableau national des experts près le Conseil d’État, aux tableaux des experts auprès des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs ou sur l’une des listes établies en application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires. Sauf dans les situations où ce n’est pas possible autrement, l’assureur ne peut recourir deux fois de suite à des experts appartenant à la même structure. Chaque acteur concourant à la gestion du sinistre est responsable pendant dix ans à compter de la réception des travaux, en tant que professionnel, de sa prestation effectuée. »

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Au travers de cet amendement, nous entendons renforcer l’impartialité et l’indépendance des expertises en matière de catastrophe naturelle, en apportant des garanties essentielles pour protéger le droit des assurés.

Nous tenons compte également des dispositions de l’article 4, en soulignant la nécessité de reconnaître des qualifications particulières aux experts mandatés par les sociétés d’assurance. En effet, malgré les compétences nécessaires à l’exercice du métier d’expert, il n’existe actuellement aucune qualification minimale spécifique pour réaliser les expertises commandées par les compagnies d’assurances.

Cette absence de cadre réglementaire avait été relevée par Mme Lavarde dans son rapport d’information intitulé : Le régime CatNat : prévenir la catastrophe financière. Or il n’en est pas fait état dans la proposition de loi que nous examinons. À l’époque, notre collègue – elle pourra dire de nouveau que je la lis beaucoup ! (Sourires.) – s’était pourtant montrée favorable à l’établissement de normes de qualification et à la reconnaissance de celles-ci.

Nous reprenons cette recommandation à notre compte pour garantir que les expertises soient menées par des professionnels qualifiés, indépendants et rémunérés de manière transparente, en nous appuyant sur des catégories existantes comme le tableau national des experts près le Conseil d’État.

Les contrats qui lient les experts aux compagnies d’assurances posent parfois un problème d’indépendance. Une expertise neutre est essentielle pour garantir une certaine équité des décisions prises en cas de catastrophe naturelle ; cela ne passe pas uniquement par le lien contractuel.

Nous souhaitons encadrer la sélection des experts en imposant des critères de compétence et d’indépendance, et en révisant leur mode de rémunération, afin de limiter les influences potentielles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Madame Varaillas, je partage une grande partie de vos propos, lesquels reprennent les travaux de Christine Lavarde, votre collègue préférée sur ce sujet. (Sourires.) Comme quoi, des ponts sont possibles et, en l’occurrence, ils relient les femmes plutôt que les hommes…

Cela étant, les experts reconnus par les juridictions administratives sont beaucoup moins nombreux à exercer en libéral. La proposition que vous formulez aurait donc l’effet inverse de celui que vous escomptez, à savoir qu’elle allongerait sensiblement les délais d’expertise.

Même si je suis d’accord avec vous au sujet de la qualification des experts, je considère qu’il faut prendre garde à ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble de la profession.

Une large part des experts des compagnies d’assurances et des experts d’assurés ont des qualifications tout à fait honorables et de grandes qualités sur le plan tant de l’expertise que du savoir-faire. Malheureusement, comme vous l’avez dit, un trop grand nombre d’experts ne disposent pas de qualifications suffisantes, et c’est la raison pour laquelle il convient de réglementer la profession.

Il faut trouver le juste équilibre. Si votre amendement était adopté, on risquerait de voir augmenter le stock de dossiers à traiter et, donc, de ralentir les opérations d’expertise. Or tel n’est pas votre objectif.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée. Le Gouvernement considère également qu’il convient de renforcer le niveau de qualification des experts. Un décret en Conseil d’État relatif à l’expertise du retrait-gonflement des argiles, en cours de finalisation, prévoit d’ores et déjà des qualifications permettant de s’assurer de compétences minimales de l’expert.

Je partage l’analyse de M. le rapporteur : il ne semble pas opportun de renforcer davantage ces dispositions au risque de voir diminuer, aux dépens des sinistrés, le nombre d’experts. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.