M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, il faut être précis, car il s’agit d’une question terrible. Chacun de ces faits constitue un drame !
demande de publicité du rapport du ministère de l’intérieur sur l’utilisation de la reconnaissance faciale
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la question n° 1335, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Qu’en est-il de l’usage de la reconnaissance faciale par les forces de sécurités intérieures et quelles sont les conclusions de l’enquête administrative que celui-ci a diligentée à ce propos ?
En novembre 2023, le média en ligne Disclose a révélé que les forces de sécurité intérieures utilisaient un logiciel de reconnaissance faciale en toute illégalité. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer a rapidement réagi en indiquant qu’il demandait une enquête administrative dont les conclusions lui seraient remises sous trois mois. Sept mois se sont écoulés et le ministre n’a toujours pas communiqué lesdites conclusions.
Or, lors des auditions menées le 5 mars dernier dans le cadre de la mission sur la sécurité des jeux Olympiques, un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur et des outre-mer a tranquillement répondu à ma question au sujet de l’utilisation de ce logiciel : « On nous a demandé de ne plus nous en servir parce qu’il y avait une enquête (sic) », ajoutant : « Il a bien dû y avoir une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ». Ces propos sont loin d’être rassurants !
La juridiction administrative a déjà été saisie pour sanctionner une commune qui utilisait ce dispositif ; la Cnil a rendu un avis en 2022 rappelant que la loi n’autorise pas les services de police de l’État ou les collectivités à brancher les caméras de vidéoprotection permettant de repérer des comportements contraires à l’ordre public ou à des infractions.
Pouvez-vous donc, madame la ministre, clarifier cette situation et vous engager à publier les conclusions de l’enquête administrative ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice de La Gontrie, le logiciel Briefcam, spécialisé dans l’analyse des contenus vidéo, a été acquis par la police nationale et la gendarmerie nationale pour certaines missions de police judiciaire, dans un contexte marqué par un développement des besoins d’analyse vidéo après les attentats de 2015 et l’explosion des flux d’images dans la société.
De tels logiciels visent à faciliter le travail des enquêteurs en les aidant à identifier les seules séquences ou images pertinentes pour la résolution de l’enquête. Il s’agit donc d’outils d’enquête judiciaire qui procèdent à de l’analyse vidéo a posteriori, sous le contrôle d’un magistrat, vous le savez bien.
Cet outil ne peut être utilisé que dans un cadre judiciaire, avec les garanties que cela comporte, et toujours en temps différé, j’y insiste, à l’inverse même de ce qui est prévu à l’article 10 de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques.
Quant au mode de reconnaissance faciale que possèdent certaines versions récentes du logiciel, il n’a pas été utilisé depuis plusieurs années et le ministre de l’intérieur a donné des instructions expresses pour qu’il ne le soit pas.
Face aux inquiétudes qui se sont exprimées, le ministre a souhaité que tout soit parfaitement clair et conforme ; il a donc demandé en novembre dernier à l’inspection générale de l’administration (IGA) de procéder à un contrôle approfondi du respect du cadre légal en la matière.
Vous faites état d’un échange le 5 mars et vous vous impatientez, je peux parfaitement le comprendre. Le Parlement sera évidemment informé des suites que le ministère réservera à ces travaux, afin de dissiper toute inquiétude et tout fantasme sur le recours qui est fait à l’analyse vidéo a posteriori à des fins d’enquêtes judiciaires.
J’entends vos suspicions et vos attentes, vous obtiendrez un retour, ne vous impatientez pas.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, j’en conclus tout d’abord qu’un haut fonctionnaire, lors de son audition par la commission des lois, a tenu des propos inexacts, ce qui me semble pour le moins curieux.
Je répète que ce rapport, commandé en novembre et remis trois mois plus tard, n’a toujours pas été publié. Doit-on y voir le signe d’un malaise, ou s’agit-il simplement d’une manœuvre visant à enterrer le sujet en n’y donnant jamais suite ?
Il s’agit d’une question très importante et il est dans l’intérêt de tous qu’elle soit clarifiée rapidement, dans les meilleures conditions.
situation à haïti
M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, auteur de la question n° 1302, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Frédéric Buval. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation tragique que traverse actuellement Haïti.
Selon la coordination nationale chargée de la sécurité alimentaire en Haïti, près de 5 millions de personnes, soit presque la moitié de la population, se trouvent en situation d’insécurité alimentaire. Si rien n’est fait en urgence, le pays se dirige vers une hécatombe inéluctable, sa capitale Port-au-Prince étant assiégée par les gangs.
Depuis le mois de février 2024, la situation en Haïti est devenue insurrectionnelle. Les bandes criminelles qui contrôlent la quasi-totalité des quartiers de la ville s’en prennent à la population ainsi qu’aux sites stratégiques du pays.
Après des semaines de négociations, un Conseil présidentiel de transition a vu le jour. Il est censé rétablir l’ordre public et la stabilité dans ce pays en proie à une violence qui s’est accentuée ces derniers mois.
À ce jour, l’incertitude et la confusion dominent encore en Haïti, en dépit des appels au calme lancés par les membres de la communauté internationale et de la résolution 2699 votée par le Conseil de sécurité des Nations unies.
En cette période de chaos politique, sécuritaire et humanitaire, la diplomatie de la France ne peut rester silencieuse face aux cris de souffrance de nos frères haïtiens.
Notre pays a, depuis plus de deux siècles, une dette historique envers ce peuple martyr, dont elle a exigé le paiement d’une indemnité massive de 150 millions de francs-or en échange de la reconnaissance de son indépendance, alors que les colons esclavagistes ont été dédommagés pour la perte de leur « matériel humain » esclave. Le paiement de cette indemnité a entraîné un important retard de développement en Haïti.
La diaspora haïtienne installée aux Antilles ainsi que nos ressortissants récemment évacués vers la Martinique se font l’écho de témoignages glaçants sur la situation à Port-au-Prince, qui risque d’embraser l’ensemble du pays si nous n’agissons pas rapidement.
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer ce que compte faire la France pour aider à restaurer sans délai la sécurité et répondre aux immenses besoins humanitaires en Haïti ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Frédéric Buval, la France œuvre sans relâche à la mobilisation de la communauté internationale pour aider Haïti à trouver une issue à cette tragédie.
Elle a soutenu activement l’accord conclu par les acteurs haïtiens le 11 mars lors de la réunion de Kingston de la Communauté caribéenne (Caricom), où elle était représentée au niveau ministériel, qui a débouché sur la mise en place d’un Conseil présidentiel de transition et sur la nomination, le 28 mai, de M. Gary Conille au poste de Premier ministre. Nous saluons ces avancées.
Vous avez raison : il est important qu’un gouvernement soit formé rapidement, afin d’œuvrer au rétablissement de la sécurité et à la restauration des institutions démocratiques par l’organisation d’élections, lorsque la situation sécuritaire le permettra.
Le déploiement rapide de la mission multinationale d’appui à la sécurité est essentiel pour soutenir la police nationale d’Haïti dans sa lutte contre le crime organisé.
La France a contribué à son financement à hauteur de 3 millions d’euros et a alloué 850 000 euros à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) pour conduire des programmes de formation linguistique. Le retour à la sécurité est indispensable pour permettre le rétablissement de l’accès humanitaire.
L’aide humanitaire française a atteint 13,5 millions d’euros en 2023, dont 8,5 millions d’euros d’aide alimentaire. Nous consacrons environ 25 millions d’euros en dons par an à l’aide au développement, sans compter nos contributions aux fonds multilatéraux et européens. La France a mobilisé en outre 42,5 millions d’euros pour la reconstruction de l’hôpital universitaire d’Haïti.
Elle est pleinement solidaire de la République d’Haïti et ne ménagera aucun effort pour aider ce pays à sortir d’une crise ancienne et permettre à sa population de retrouver des conditions de vie dignes.
accueil des enfants palestiniens blessés
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, auteur de la question n° 1293, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, vous allez me répondre à la place de M. Séjourné, ministre des affaires étrangères.
À Gaza, selon l’Unicef, un enfant est blessé ou tué toutes les dix minutes. Après deux cent trente jours de bombardement, nous comptons 14 000 enfants tués, 13 000 blessés, 600 000 réfugiés à Rafah, dont 95 % souffrent de la faim. Cette situation est proprement insoutenable.
Le 13 novembre 2023, le Président de la République annonçait que des dispositions étaient prises pour accueillir jusqu’à cinquante enfants palestiniens blessés.
Le 29 mai 2024, soit sept mois plus tard, le ministre des Affaires étrangères précisait que la France n’en avait finalement accueilli que quatorze. Je salue le travail des équipes médicales françaises, mais l’engagement présidentiel n’est pas tenu.
Face à l’ampleur de cette crise humanitaire, je vous le demande solennellement : que fait la France pour honorer ses engagements ? Que fait-elle face à l’horreur ?
En outre, j’ai plusieurs questions cruciales concernant les familles déjà accueillies sur notre sol. Où en est l’évacuation des fratries, sachant qu’elles ont légalement droit au rapprochement familial ? Comment est coordonné leur accueil et quelles solutions sont prévues dans les centres adaptés aux enfants handicapés une fois leurs hospitalisations terminées ?
Enfin, les Israéliens contrôlant l’intégralité de la frontière avec l’Égypte, leur avez-vous soumis les listes de ces enfants et si oui, quelle a été leur réponse ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Savoldelli, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre des affaires étrangères.
Depuis le début du conflit à Gaza, la France est mobilisée pour soutenir les immenses besoins humanitaires de la population palestinienne.
Plusieurs actions destinées aux enfants de Gaza ont été menées. Celle qui permet la prise en charge d’enfants gravement blessés au sein de nos hôpitaux constitue sans nul doute la plus complexe ; elle doit faire la fierté de la France. À ce jour, quatorze enfants ont pu être admis au sein de nos hôpitaux.
De nombreux autres pays ont fait part de leur volonté d’aider et de traiter les enfants palestiniens. En outre, dans bien des cas, l’hospitalisation en Égypte est privilégiée par les parents eux-mêmes, qui souhaitent se maintenir au plus près de Gaza.
Nous restons pleinement mobilisés pour accueillir d’autres enfants et nous travaillons en lien étroit avec des organisations non gouvernementales sur place, avec le Croissant Rouge palestinien et avec les autorités égyptiennes pour envisager la prise en charge d’enfants à leur sortie de Gaza, sortie qui n’est pas possible actuellement en raison des combats.
Enfin, si un seul parent a pu accompagner chaque enfant lors de son évacuation sanitaire, les familles ont la possibilité de venir en France dans le cadre d’une procédure accélérée. Encore faut-il que les familles concernées, avec lesquelles nous sommes en relations constantes, puissent sortir de Gaza, ce qui n’est pas possible actuellement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, prendre l’engagement d’accueillir cinquante enfants palestiniens en novembre et se satisfaire de n’en avoir accueilli que quatorze en juin,…
M. Pascal Savoldelli. … plus de sept mois après, cela frise l’indécence et relève de la parole non tenue.
M. Pascal Savoldelli. Cette situation s’inscrit dans un contexte plus large, marqué par un manque d’engagement de l’action diplomatique de la France pour venir au secours des populations, en particulier des enfants. Nous en porterons une lourde responsabilité.
L’incapacité à tenir l’engagement d’accueillir cinquante enfants palestiniens en sept mois est symbolique ; elle accompagne, à mon sens, notre attentisme face à un génocide qui se poursuit, ainsi qu’un manque de vigueur et de détermination à reconnaître l’État palestinien. Ces manquements procèdent de la même origine.
Je tiens à le dire clairement : je ne souhaite pas que le Président de la République s’aligne sur les positions du gouvernement de M. Netanyahou, car cela compromettrait toute possibilité de paix et de réparation…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. La situation est extrêmement grave.
devenir du compte d’affectation spéciale « financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale »
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, en remplacement de M. Louis Vogel, auteur de la question n° 1288, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Cédric Chevalier. Je pose cette question au nom de mon collègue Louis Vogel, malheureusement retenu dans son département, qui souhaitait interroger le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la pérennité des crédits destinés à l’électrification rurale.
Dans nos départements, le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (CAS Facé) est pleinement mobilisé pour mener à bien l’adaptation des réseaux publics à la transition énergétique.
Ainsi, pour le syndicat départemental des énergies de Seine-et-Marne, le CAS Facé constitue un vecteur d’équilibre territorial. C’est également le cas ailleurs.
Il offre aux autorités organisatrices de la distribution d’énergie l’assurance de pouvoir assumer le financement des travaux d’électrification rurale et des opérations de production d’électricité de proximité dans les zones non interconnectées.
De tels programmes nécessitent des engagements prompts et conséquents que les communes rurales ne peuvent pas supporter dans les mêmes proportions que les communes urbaines. Il convient donc de les aider à conserver leur capacité d’investissement, première arme contre la fracture territoriale.
Or, malgré l’inflation, le CAS Facé n’a bénéficié d’aucune augmentation pour maintenir une ambition verte dans nos collectivités. Ce compte d’affectation spéciale n’est pas une subvention, mais le résultat d’une péréquation d’équilibre entre l’urbain et le rural.
Aussi, alors que ces autorités demeurent les meilleurs ambassadeurs d’une action territoriale équitable au service d’une transition écologique partagée, mon collègue s’interroge-t-il sur les intentions du Gouvernement quant au devenir du CAS Facé.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Les aides aux collectivités pour l’électrification rurale soutiennent les autorités organisatrices de distribution publique d’électricité dans leur action de maîtrise d’ouvrage, de modernisation et de développement des réseaux d’électricité dont elles sont propriétaires.
Il est essentiel que les réseaux d’électricité continuent de se développer, de se renforcer et également de se moderniser, alors que nous poursuivons et accélérons l’électrification du pays et le développement des énergies renouvelables diffuses dans tout le territoire.
Le CAS Facé est l’un des principaux vecteurs dont nous disposons pour nous assurer partout que cette accélération a bien lieu, pour une économie plus verte et plus résiliente. Les modalités d’abondement de ce fonds ont connu ou vont connaître des évolutions importantes.
Les tempêtes Ciaran et Domingos ont provoqué d’importants dégâts au mois de novembre 2023 sur les ouvrages. La Bretagne, en particulier, a connu en quelques heures plus de 5 000 incidents électriques et des clients ont été privés d’électricité. La réalimentation provisoire a parfois nécessité plusieurs semaines d’efforts de la part des gestionnaires et des autorités organisatrices. Pour faire face à cette catastrophe, le Gouvernement a immédiatement réaffecté 33 millions d’euros au CAS Facé pour subvenir aux besoins les plus urgents.
De plus, le Gouvernement partage l’inquiétude du sénateur Vogel et la vôtre également, monsieur le sénateur, et est pleinement conscient des défis majeurs auxquels le secteur doit faire face pour répondre aux impératifs de transition énergétique et de maîtrise de l’inflation.
Le CAS Facé n’a pas connu de revalorisation depuis sa création, c’est pourquoi nous avons engagé une réflexion approfondie sur le sujet en vue de modifier son allocation budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2025. Des propositions seront faites en ce sens dans les prochaines semaines lors de l’examen budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour la réplique.
M. Cédric Chevalier. Madame la secrétaire d’État, merci de votre réponse : le courant passe ! (Sourires.)
projet de ligne à très haute tension entre fos-sur-mer et jonquières-saint-vincent
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 1201, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la secrétaire d’État, le gestionnaire Réseau de transport d’électricité (RTE) a pour projet, à l’horizon 2028, d’installer une ligne à très haute tension entre les communes de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, et de Jonquières-Saint-Vincent, dans le Gard.
RTE a défini pour cela deux hypothèses principales de fuseau qu’il devra proposer ensuite au préfet des Bouches-du-Rhône et au Gouvernement afin de valider l’hypothèse qui aura le moindre impact. Force est pourtant de constater qu’aucune des deux propositions formulées n’est satisfaisante aux yeux de la majorité des acteurs du territoire, et singulièrement des élus locaux.
Quelle que soit l’hypothèse retenue, ce projet emportera des conséquences négatives, notamment sur de nombreuses zones riches en biodiversité dans le secteur, telles que la Camargue ou les Alpilles, que le cadre normatif et les politiques locales des dernières décennies se sont efforcés de protéger.
Il existe également un risque majeur pour la faune volatile très dense dans cette région en raison de la présence de couloirs de migration, sans parler des risques sur les nappes phréatiques. Si demain survenait un problème de pollution de l’eau, les agriculteurs et les bergers en paieraient le prix fort.
Les paysages vont également être défigurés : les habitants et les élus locaux ne peuvent se résigner à voir surgir de terre une armée de pylônes hauts de soixante mètres, visibles à des kilomètres à la ronde.
Au vu de ces éléments, comptez-vous changer la méthodologie d’élaboration de ce projet ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Le Rudulier, le réseau de grand transport d’électricité, qui permet d’acheminer l’électricité entre les sources de production centralisées et les grands centres de consommation, doit désormais s’adapter aux nouveaux enjeux de décentralisation de la production et surtout de réindustrialisation verte de notre pays.
La zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, en particulier, est l’une des plus importantes zones portuaires d’Europe et génère d’importantes émissions de CO2. Les besoins supplémentaires en énergie pour la décarboner sont équivalents à la puissance appelée actuellement par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur tout entière.
Or l’énergie électrique consommée en Provence-Alpes-Côte d’Azur est essentiellement produite à l’extérieur de la région. Le développement du réseau de très haute tension est donc un impératif.
Il est ainsi nécessaire de créer un nouvel axe de 400 000 volts en double circuit d’environ soixante-cinq kilomètres, en technologie aérienne, entre Jonquières-Saint-Vincent, dans le Gard, et La Feuillane, à Fos-sur-Mer.
À la demande du Gouvernement, RTE a étudié de manière approfondie la possibilité d’enfouir ce réseau. Cependant, il s’agirait d’une innovation dont les enjeux de développement ne permettraient pas de déployer le réseau à temps. Par ailleurs, une telle solution souterraine pourrait emporter de fortes conséquences sur les terres agricoles et les nappes phréatiques, des risques que vous pointez d’ailleurs dans votre intervention.
Pour déterminer le tracé le plus acceptable pour les citoyens et les élus, une concertation a été engagée sous l’égide des préfets des deux départements concernés. Elle a été conduite selon les meilleurs standards : des réunions publiques ont regroupé plus de 600 personnes, une équipe mobile de concertation a été déployée et des concertations numériques étaient également possibles. Ce dispositif a permis l’expression de positions variées sur le projet. Une information continue du public est désormais mise en place et restera en œuvre d’ici à l’enquête publique, laquelle interviendra en 2025.
Nous devons maintenant stabiliser le fuseau dit de moindre impact. Il s’agira d’éviter autant que possible les zones présentant des enjeux patrimoniaux, environnementaux ou sociétaux importants, tout en maîtrisant les coûts et la faisabilité technique du tracé retenu.
Ce projet est très important pour la réindustrialisation de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la secrétaire d’État, contrairement à ce que vous affirmez, le processus de concertation a été fortement décrié. Il est impératif de proposer dans les meilleurs délais des solutions alternatives afin de rassurer la population bucco-rhodanienne.
Ce projet de ligne à haute tension aura l’impact que j’évoquais précédemment, et il touchera également le tourisme ; il s’agit d’un enjeu capital pour notre territoire.
Il n’est pas question d’opposer la nécessité d’électrification et la préservation de l’environnement, mais bien de parvenir à une solution permettant de concilier ces deux objectifs.
dysfonctionnement du dispositif bloctel
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 1284, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Hervé Reynaud. Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous faire part d’un constat unanime des élus de la Loire, en particulier de mon collègue Joël Moulin, adjoint au maire de La Chapelle-Villars, concernant les dysfonctionnements persistants du dispositif Bloctel, mis en service en 2016 pour lutter contre le démarchage téléphonique abusif.
Ce service, géré depuis 2021 par la société Worldline, permet en théorie d’empêcher les plateformes d’appels commerciaux de joindre les numéros de téléphone inscrits sur son fichier. Cependant, un grand nombre de nos concitoyens constatent que son efficacité est aujourd’hui altérée : il est parfois inaccessible et même les consommateurs inscrits sur cette liste subissent une recrudescence d’appels intempestifs.
L’encadrement des jours, horaires et fréquence des appels téléphoniques à des fins de prospection commerciale non sollicitée s’applique pourtant aussi bien aux personnes non inscrites sur la liste Bloctel qu’à celles qui y sont inscrites, mais sollicitées dans le cadre de contrats en cours. Malgré cela, nous continuons à recevoir quotidiennement plusieurs appels en principe proscrits.
Des sanctions fortes sont prévues en cas de non-respect de ce dispositif : 75 000 euros d’amende pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Il faut pourtant souligner que les entreprises qui adhèrent à Bloctel et s’acquittent d’un abonnement peinent désormais à identifier les numéros qui leur sont interdits, s’exposant ainsi au risque de se voir infliger ces sanctions.
Madame la secrétaire d’État, ces appels intempestifs irritent nos concitoyens et ne correspondent pas au service souscrit. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour que Bloctel soit réellement efficace et préserve la vie privée et le droit à la tranquillité des Français ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Hervé Reynaud, le gouvernement est pleinement conscient que nous recevons tous beaucoup trop d’appels indésirables qui, il faut bien le dire, nous exaspèrent.
Comme vous le soulignez, plusieurs mesures ont été adoptées ces dernières années. Le dispositif Bloctel évite d’ores et déjà près d’un milliard d’appels téléphoniques par mois, en expurgeant des numéros de téléphone utilisés par les centres d’appels les coordonnées des consommateurs inscrits sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique. Toutefois, ces mesures restent insuffisantes face au nombre de fraudeurs.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) intensifie chaque année ses contrôles. Après avoir contrôlé 4 100 établissements en 2022, ce qui a conduit à infliger 3,4 millions d’euros d’amendes, elle a contrôlé plus de 5 000 établissements en 2023, pour un montant total d’amendes dépassant 4 millions d’euros. Ces sanctions sont systématiquement accompagnées de mesures de publicité sur son site, afin de les rendre encore plus dissuasives.
La réglementation reste cependant contournée de deux manières.
Tout d’abord, les démarcheurs se présentent souvent sous un faux numéro. C’est pourquoi la loi impose depuis juillet 2023 aux opérateurs téléphoniques d’authentifier les numéros de téléphone. En raison de la difficulté technique de cette opération, les opérateurs accusent un certain retard. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que cette authentification soit effectivement mise en place cette année.
Par ailleurs, il arrive que des opérateurs téléphoniques attribuent des numéros de téléphone français à des entreprises basées à l’étranger, ce qui est interdit. Dans ce cas, les enquêtes butent sur la difficulté à identifier les contrevenants.
Le gouvernement renforcera donc la coopération entre la DGCCRF et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) afin que cette dernière puisse réutiliser les éléments issus des enquêtes de la DGCCRF dans des procédures de sanction contre les opérateurs contrevenants.
Une mesure législative en ce sens semble nécessaire et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à la proposer. Le Gouvernement le fera d’ailleurs de son côté dans les prochains mois.
J’indique également, en complément, qu’il existe des applications permettant de repérer et de filtrer les appels indésirables.
En tout état de cause, le Gouvernement est pleinement conscient des difficultés que vous soulevez et des nuisances qu’elles emportent, monsieur le sénateur. Soyez remercié de votre vigilance et assuré que nous continuerons à agir de concert avec vous pour renforcer la lutte contre ces pratiques.