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Réseau routier national non concédé
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé (proposition n° 347, texte de la commission n° 401, rapport n° 400).
Par courrier en date du 8 mars 2024, M. Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a demandé le retour à la procédure normale pour l’examen de ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi sur laquelle vous êtes appelé aujourd’hui à vous prononcer vise à faciliter la mise en œuvre du volet routier de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS.
Il s’agit de combler une véritable omission de la loi, qui interdit aux régions d’accorder des délégations de signature aux agents de l’État exerçant dans les services routiers mis à leur disposition.
L’enjeu est le suivant : la loi 3DS a introduit la possibilité d’une mise à disposition de parties du réseau routier national non concédé, à titre expérimental, aux régions volontaires. En cela, cette loi, construite dans la concertation et le dialogue avec les élus et leurs associations, constitue une innovation par rapport aux précédents actes de décentralisation routière : elle ne prévoit pas un classique transfert aux départements comme par le passé, mais offre la possibilité aux autorités organisatrices des mobilités à l’échelle régionale de prendre la main sur la gestion, la modernisation et l’aménagement des axes routiers les plus structurants de leurs territoires.
Trois régions – Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est – ont saisi l’opportunité et se sont portées volontaires pour s’engager dans cette démarche, concernant un linéaire total de plus de 1 600 kilomètres de routes et d’autoroutes.
Les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes ont d’ores et déjà conclu avec l’État une convention de mise à disposition entrant en vigueur au 1er janvier 2025. Les discussions sont en bonne voie avec la région Occitanie pour finaliser la mise au point de la convention. Le conseil régional doit se prononcer le 28 mars prochain.
Les régions candidates ont toutefois unanimement relevé une lacune dans le texte adopté en 2022, qui compromet, voire empêche l’exercice des nouvelles missions des régions : en l’état, au vu de la jurisprudence claire et constante du Conseil d’État, les présidents de conseil régional ne sont pas habilités à déléguer leur signature aux agents de l’État.
Or quiconque est familier de la gestion d’un réseau routier sait la quantité d’actes administratifs et réglementaires qui sont nécessaires au quotidien. Chaque direction interdépartementale des routes (DIR) sera ainsi amenée à émettre chaque année des centaines d’arrêtés de circulation pour travaux, interventions ou gestion d’événements sur la voie publique, des centaines, voire des milliers, de bons de commande pour réparer, entretenir, maintenir le patrimoine routier, et autant pour en exécuter la liquidation – et cette énumération n’est pas exhaustive.
Les services aguerris à la gestion des routes, qu’il s’agisse de ceux de l’État, des départements ou des métropoles, sont ainsi dotés de chaînes de délégations de signature qui permettent au niveau le plus pertinent d’agir avec réactivité au bénéfice des usagers de la route.
La présente proposition de loi permettra de transposer la même fluidité dans l’action au quotidien dans le cadre des expérimentations régionales, en précisant le périmètre de compétence du président du conseil régional et en autorisant les délégations et les subdélégations vers les directeurs et les agents des services de l’État.
En son absence, tous ces actes seraient en effet subordonnés à la signature de l’exécutif régional, ce qui serait tout simplement ingérable au quotidien.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut que pleinement soutenir la proposition de loi qui vous est soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi très pragmatique tend à répondre à une difficulté rencontrée dans la mise en œuvre de l’expérimentation par laquelle une partie du réseau routier national non concédé est mise à la disposition des régions.
L’article unique de ce texte complète en effet l’article 40 de la loi 3DS du 21 février 2022 en instaurant une possibilité de délégation de signature du président du conseil régional au service de l’État mis à la disposition de la région pour la gestion du réseau routier confié dans le cadre de l’expérimentation.
Une telle disposition relève de l’évidence pour ceux qui, comme moi, sont ou ont été conseiller départemental. Contrairement aux régions, les départements ont en effet des services spécifiques.
Avant de revenir en détail sur les effets de la présente proposition de loi, il me paraît intéressant de rappeler quelques éléments de contexte concernant la gestion décentralisée des routes.
Mon expérience au conseil départemental de l’Aveyron, dont j’ai notamment été vice-président et chargé des routes, m’a montré que les collectivités locales font souvent bien mieux que l’État lorsqu’il s’agit de gérer des infrastructures locales. Lors de précédents échanges, vous nous avez indiqué que vous en êtes également convaincu, monsieur le ministre.
Les collèges et les lycées, par exemple, n’ont jamais été aussi beaux que depuis qu’ils sont gérés par les départements et les régions grâce à la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite loi Defferre.
Il en est de même pour les routes. La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, a fait des régions les chefs de file pour l’exercice de la compétence mobilité. La loi 3DS du 21 février 2022, votée quelques années plus tard, a complété ce dispositif en matière de mobilité, en permettant le transfert définitif de routes aux départements et la mise à disposition, aux régions volontaires et à titre expérimental, du réseau routier national non concédé. Cette expérimentation doit durer huit ans et s’achever en 2030.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le réseau routier national non concédé est actuellement géré par l’État et ses services que sont les DIR et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) que nous connaissons dans nos territoires en tant qu’élus locaux.
Ce réseau, qui s’étend sur 12 000 kilomètres de voies, soit seulement 1,1 % du réseau routier national, est toutefois stratégique puisqu’il concentre 19 % du trafic.
À l’issue de l’adoption de la loi 3DS, les régions Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie ont manifesté leur souhait de bénéficier de l’expérimentation. Le 4 janvier 2023, le ministère des transports a indiqué à ces trois collectivités locales les autoroutes et routes nationales qu’il entendait mettre à leur disposition, pour un total de 1 638 kilomètres.
Après cette décision, les négociations entre l’État et les régions se sont poursuivies pour procéder à la signature d’une convention encadrant cette mise à disposition. Les conventions avec les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes ont respectivement été signées le 19 octobre 2023 et le 24 janvier 2024. En Occitanie, les négociations entre l’État et la région sont toujours en cours, mais elles devraient aboutir prochainement.
Au cours des échanges entre les régions et l’État, une difficulté technique et opérationnelle a été mise au jour. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous examinons cette proposition de loi.
En effet, l’article 40 de la loi 3DS, qui prévoit l’expérimentation, ne permet pas au président de région de déléguer sa signature aux agents de l’État. Or le code général des collectivités territoriales ne prévoit pas non plus que le président du conseil régional puisse déléguer, de manière générale et en toute matière, sa signature à des agents de l’État. Le Conseil d’État est particulièrement vigilant sur ce point : il n’hésite pas, par exemple, à sanctionner les délégations de signature du conseil départemental à des agents de l’État dépourvues de base légale.
L’objectif de la présente proposition de loi est donc très simple : il s’agit de permettre au président du conseil régional de déléguer sa signature aux services de l’État que sont les DIR et les Dreal, ainsi qu’à leurs agents.
La gestion des routes impliquant la signature de plusieurs dizaines d’actes administratifs, dont certains sont parfois pris en urgence en cas d’intempéries, par exemple, une telle délégation du président de région aux services de l’État chargés des routes s’impose. Son absence rendrait la conduite de l’expérimentation inutilement complexe, risquant de la mettre à mal. Pis, les régions volontaires pourraient y mettre un terme.
Tout au long de l’expérimentation, même si les régions délèguent en pratique leur signature aux services de l’État pour la signature des actes administratifs du quotidien, ce sont bien les régions qui prendront toutes les décisions de gestion, d’investissement et d’aménagement des routes mises à leur disposition. L’État ne prendra donc plus aucune décision concernant les routes mises à disposition jusqu’à la fin de l’expérimentation.
À mon sens, le texte adopté par la commission est complet et ne pose aucune difficulté technique ou juridique. Les services du ministère des transports m’ont du reste indiqué que la proposition de loi répondait parfaitement à la problématique pointée par les régions.
Franck Leroy, président de la région Grand Est, que j’ai récemment reçu au Sénat, a insisté sur l’importance de ce texte pour la bonne mise en œuvre de l’expérimentation dans son territoire.
En 2030 ou un peu avant, nous serons amenés à faire le bilan de cette expérimentation en matière de décentralisation. Toutefois, nous ne pourrons le faire qu’à la condition d’adopter la présente proposition de loi, qui a d’ores et déjà été votée par nos collègues de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Bruyen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’impose en quelque sorte, car son rejet conduirait inévitablement à une gestion totalement inefficace des routes transférées.
Oui, il convient de permettre aux régions candidates d’assurer le bon exercice de la compétence nouvelle dont elles vont disposer. Il faut donc que les principes de délégation de signature étendue qu’elle prévoit, et qui s’inscrivent plus largement dans un processus de transfert expérimental et transitoire, soient adoptés. À défaut, nous pourrions nous trouver face à des blocages en termes de procédure qui déformeraient l’analyse au moment d’établir le bilan de l’opération.
Ces blocages seraient du reste préjudiciables à l’entretien, à la rénovation, à la modernisation de ce réseau transféré, dont l’état n’est déjà pas extraordinaire, faute d’une attention suffisante de la part de son gestionnaire.
Le groupe Les Républicains est favorable à cette proposition de loi pertinente. Pour autant, je suis loin d’être totalement convaincu – et je ne suis pas le seul – que nous nous inscrivions, par ce transfert d’une partie du réseau routier national non concédé, au cœur des principes de la décentralisation, chers à nombre d’élus dans nos territoires.
Si cette mise à disposition relève, comme cela a été indiqué, d’une expérimentation prévue par la loi 3DS, le constat que l’on peut d’ores et déjà dresser conduit tout de même à porter un regard à tout le moins interrogatif sur ce dossier.
Cette expérimentation contribue sans nul doute à renforcer la différenciation. Je ne suis en revanche pas certain qu’un projet conduisant à désigner un gestionnaire de plus sur un domaine routier dépendant déjà de nombre de décideurs relève à proprement parler de la simplification.
On peut à tout le moins regretter que sur les plus de 10 000 kilomètres éligibles, seulement 1 638 kilomètres aient trouvé preneur auprès de trois régions seulement.
À ce jour, on peut surtout évoquer une fragmentation accrue de la compétence routière, exercée par les communes et les intercommunalités sur 700 000 kilomètres de route, et par les départements sur 380 000 kilomètres supplémentaires d’itinéraires structurants, qui constituent le maillage crucial pour les mobilités de nos concitoyens en milieu rural. Cette gestion confère aux départements une expertise reconnue sur le terrain, mais parfois quelque peu sous-considérée depuis la capitale.
Je ne conteste pas le chef de filât des régions en matière de mobilité. Je souligne simplement que les départements y apportent leur part, notamment pour ce qui concerne les infrastructures routières de proximité.
Je n’entends pas davantage remettre en question la mise à disposition de routes à ces trois régions courageuses. Celles-ci ont une assise financière et des ressources qui font cruellement défaut aux départements, la faute à un État central qui asphyxie méthodiquement et toujours davantage un échelon départemental pourtant d’une grande utilité pour répondre aux attentes de nos concitoyens. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il faut bien dire qu’au-delà des solidarités humaines, cette difficulté des départements à agir comme il le faudrait et comme ils le souhaiteraient affectera douloureusement et dans un futur proche l’aménagement et l’équilibre des territoires. Il est donc urgent de s’en préoccuper.
Il serait notamment opportun de remettre le département au cœur de ce dispositif dont on mesure bien aujourd’hui – ce n’est pas un reproche – qu’il est en construction et loin d’être totalement abouti.
Il serait certainement possible de faciliter et d’encourager la signature de conventions entre régions et départements, ces derniers disposant de moyens matériels, de ressources humaines et d’une ingénierie reconnue. De telles mutualisations de bon sens contribueraient à améliorer la réactivité face aux interventions à mettre en œuvre.
Il serait en outre judicieux, dans le cadre de la seconde vague de mise à disposition annoncée, de revisiter les conditions du transfert que beaucoup ont considérées, à juste titre, comme constitutives d’un marché de dupes. On éviterait peut-être ainsi que le manque d’intérêt qui s’est manifesté à l’échelon national ne se confirme.
Il serait enfin utile de réfléchir aux usages possibles des recettes issues de l’écotaxe, dans les territoires où celle-ci pourrait être instituée, pour faire en sorte que les itinéraires qui pourront en bénéficier ne se limitent pas à des axes reliant les pôles urbains, mais incluent également des tronçons de liaisons dont l’importance est localement manifeste.
Je formule donc l’espoir qu’au-delà de cette proposition de loi, que mon groupe votera, une concertation véritable soit ouverte et que celle-ci ne mésestime pas trop l’échelon départemental, au regard de sa capacité à faire en sorte que la préoccupation relative aux mobilités soit prise en compte dans toutes ses dimensions territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la détérioration de notre réseau routier est de plus en plus visible.
Si les causes en sont multiples, je tiens à souligner l’importance des récents événements climatiques. Les pluies incessantes et les inondations qui en résultent, les forts gels ou encore les canicules malmènent nos routes et provoquent des dégradations prématurées.
Le manque d’entretien et de moyens est également en cause. Il en résulte une dégradation certes plus lente, mais non moins problématique.
Le sujet est essentiel pour les citoyens, en particulier les usagers, dont la sécurité est en jeu. Nos échanges en commission ont clairement mis en exergue les demandes d’investissement, d’aménagement et d’entretien. Nous en appelons à une action forte pour endiguer la détérioration du réseau routier français.
Les solutions sont multiples. Je partage l’idée que la subsidiarité dans ce domaine est primordiale. Les différentes strates, État et collectivités territoriales, proposent un panel de réponses. Organiser leur articulation doit conduire à des changements concrets et à une amélioration du service rendu aux Français.
Les orateurs qui m’ont précédé ont mis en lumière le manque de cohérence concernant le partage des compétences sur le volet routier. Nous devons absolument travailler à clarifier ce point afin de permettre des prises de décision plus claires, plus efficaces et plus rapides.
J’ai également entendu votre engagement, monsieur le ministre, à discuter des meilleures solutions avec notre assemblée. Nous répondrons bien entendu présents, tant le sujet est d’importance. Nous devons être guidés par le bon sens et la recherche de solutions logiques et pragmatiques.
J’en viens au texte que nous examinons, mes chers collègues. Nombreux sont ceux qui soutiennent l’expérimentation visée. Comme cela a été indiqué, trois régions, parmi lesquelles Auvergne-Rhône-Alpes, où se trouve le département dont je suis élu, se sont portées volontaires pour la mise à disposition du réseau routier national non concédé.
Concrètement, cette mise à disposition concerne l’aménagement, l’entretien ainsi que l’exploitation du réseau soit des routes, soit des autoroutes. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, sont notamment visées la route nationale 7, à hauteur de Roanne, dont le dossier traîne depuis plus de quarante ans, ainsi que la route nationale 88, chère au président de région.
Dans la perspective du début de l’expérimentation, une contrainte de taille a été identifiée. En prévoyant la délégation de signature à plusieurs niveaux, la présente proposition de loi y répond de manière juste.
Je tiens à saluer le travail de la commission des lois et de son rapporteur, l’excellent Alain Marc. Le rapport a été très largement soutenu, ce qui prouve que lorsque l’on constate un obstacle et que l’on opte pour une solution réaliste et efficace, cela a du sens. La gestion quotidienne du réseau s’en trouvera optimisée. Je sais que c’est une attente forte des conseils régionaux et des régions volontaires.
Le doublement du délai de conclusion de la convention entre l’État et la région constitue un autre élément positif. Au regard des premiers résultats constatés, la prolongation de l’expérimentation elle-même au-delà des huit années prévues pourrait également constituer une option valable, mais nous aurons le temps d’en discuter le moment venu.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires se prononcera très largement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos élus locaux le savent, un transfert de compétence se révèle souvent être un chemin pavé d’embûches. L’une des raisons principales en est la complexité administrative et réglementaire. Il arrive toutefois, comme c’est présentement le cas, qu’un transfert appelle non pas une simplification des règles, mais un complément législatif.
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé. Déposée par le député David Valence, elle a été examinée en commission, sans grand débat sur le fond.
Je salue notre rapporteur, Alain Marc, que je félicite pour la qualité du travail réalisé et que je remercie pour notre convergence de vues sur la question des départements ruraux et des transferts de routes nationales.
L’objectif de ce texte est de combler un oubli de nature technique et, partant, de faciliter l’application de l’article 40 de la loi du 21 février 2022, la fameuse loi 3DS. Cet article prévoit une expérimentation consistant à confier, pour une durée de huit ans, la compétence d’aménagement et de gestion des routes nationales et autoroutes non concédées aux régions volontaires.
Je salue cette mesure dont l’état d’esprit, qui s’inscrit dans une logique de différenciation et de décentralisation, doit être une source d’inspiration pour le Gouvernement dans d’autres domaines. À chaque fois que le Gouvernement nous permet de choisir le bon niveau d’adaptation d’une compétence au plus proche du terrain, et que le Parlement valide cela par son vote, nous ne pouvons que nous en féliciter.
Depuis 2014, les régions ont montré leur capacité à exercer le rôle de chef de file pour la compétence mobilité et transports.
Dans la continuité de la loi 3DS et sur la base de sections routières identifiées par le Gouvernement, trois régions ont manifesté leur intention de participer à ladite expérimentation : la région Grand Est, qui aura notamment la possibilité d’expérimenter l’écotaxe gérée par la région, la région Auvergne-Rhône-Alpes et l’Occitanie.
Le ministre des transports a formalisé les portions de route mises à leur disposition en tout début d’année 2023, pour un total de 1 638 kilomètres.
En vue d’assurer la bonne efficience de ces transferts, l’article unique de la présente proposition de loi ouvre la voie à une délégation de signature du président du conseil régional aux services de l’État mis à la disposition de la région.
En l’état actuel du droit, tous les actes quotidiens relevant de la qualité d’adjudicateur, d’ordonnateur, de gestionnaire du domaine routier ainsi que les actes visant à sa conservation doivent être signés par l’exécutif régional.
Au regard du nombre important d’actes juridiques qu’emporte la gestion de ce réseau au quotidien, c’est tout bonnement incohérent, pour ne pas dire irréalisable.
En l’absence de délégation de signature, cette expérimentation perdrait de sa pertinence et même de son intérêt. Il est d’autant plus nécessaire d’adopter ce texte que les discussions entre le Gouvernement et les trois régions sont en bonne route.
Comme cela a été rappelé, la convention avec la région Grand Est a été signée le 19 octobre dernier, la convention avec la région Auvergne-Rhône-Alpes, le 24 janvier 2024, et les discussions avec la région Occitanie sont en cours.
Le réseau national non concédé s’étend sur 12 000 kilomètres, soit 1,1 % du réseau national. S’il est actuellement géré par les DIR et les Dreal, force est de constater que l’État n’est plus en mesure d’entretenir le réseau national. Il a en effet perdu des compétences indispensables et se montre incapable de décliner ses propres engagements relatifs au réseau routier national dans les contrats de plan État-région (CPER).
Face à cet état de fait, une décision ministérielle du 4 janvier 2023 a permis le transfert de 1 638 kilomètres à seize départements et trois métropoles. À la date de ces décisions, le Gouvernement avait assuré qu’il s’agissait d’une première salve de transferts.
Je profite de notre présente discussion, comme je l’avais déjà fait lors des travaux de notre commission, pour me faire l’écho, monsieur le ministre, de la demande de certains conseils départementaux de discuter des modalités de transfert. Je pense bien sûr au département des Hautes-Alpes, que j’ai l’honneur de représenter dans cet hémicycle, qui, lors d’une première phase de discussions avec l’État, n’a pas réussi à trouver un accord avant le 31 décembre 2022 sur le niveau de compensation de crédits et sur le cas spécifique de l’ouvrage d’art qu’est le pont de Savines-le-Lac, traversant le lac de Serre-Ponçon.
Le ministre qui vous a précédé souhaitait aller jusqu’au bout des discussions, notamment syndicales, et effectuer le transfert aux départements qui avaient trouvé un accord avec l’État avant d’engager la deuxième phase de discussion.
Comme d’autres collectivités, le département des Hautes-Alpes souhaite développer des politiques de mobilité cohérentes à l’échelle de son territoire. Il est toutefois difficile, sur un réseau qui ne compte plus que 100 à 150 kilomètres de route nationale disponibles, de concilier les moyens mis en œuvre par le département et les attentes de nos concitoyens.
Par ailleurs, comme vous le savez, monsieur le ministre – nous aurons du reste le plaisir d’en discuter prochainement –, la perspective des jeux Olympiques de 2030 dans les Alpes françaises, notamment au sein du pôle briançonnais, dans le département dont je suis élu, impose que nous trouvions un accord rapidement. Il nous faudra nous montrer à la hauteur de cet enjeu d’intérêt national et international que constituera, après les jeux Olympiques de 2024, la deuxième étape des jeux Olympiques en France.
Pour en revenir au présent débat, au regard de l’ajustement technique nécessaire pour rendre le transfert visé opérationnel, le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte tend à préciser les articles 40 et 41 de la loi 3DS pour permettre l’exercice effectif, par les trois régions volontaires, de la mise à disposition, à titre expérimental pour huit ans, de certaines fractions du réseau routier national non concédé.
La possibilité pour les régions volontaires d’assumer la gestion, la modernisation et l’aménagement des parties les plus structurantes du réseau routier de leurs périmètres avait en effet été introduite dans la loi 3DS à la demande unanime des régions, représentées par leur association Régions de France.
En confortant juridiquement une possibilité dont les régions Grand Est, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes tendent à se saisir, nous fournirons à celles-ci les conditions nécessaires à la mise en œuvre de cette expérimentation, au profit de leurs habitants.
La région où se situe le département dont je suis élu, le Grand Est, se verra ainsi offrir la maîtrise de ses axes structurants et la possibilité d’instaurer l’écocontribution poids lourds. Elle rejoindra à ce titre les cinq pays qui lui sont frontaliers. Cette écocontribution permettra de contrer les reports de trafic de transit. Combinée avec la taxe analogue que prépare la Collectivité européenne d’Alsace sur son périmètre propre, elle incitera à l’optimisation logistique et au report modal tout en dégageant des moyens pour accompagner la décarbonation des véhicules et les investissements routiers de modernisation.
Cette mise à disposition s’inscrit dans un mouvement de décentralisation des routes engagé depuis une cinquantaine d’années au moins, la plus grande partie du réseau routier relevant désormais de la responsabilité de collectivités territoriales. Quelque 55 000 kilomètres ont d’abord été confiés aux conseils généraux des départements en 1972, puis 18 000 kilomètres de routes supplémentaires en 2006. Cette expérimentation au profit des régions permettra bientôt d’augmenter le nombre de kilomètres gérés par des collectivités de 1 638 kilomètres sur les quelque 10 000 kilomètres qui étaient éligibles.
Le ciblage d’axes de plus longue distance que les routes départementales permettra de compléter les leviers d’action dont disposent les régions en tant que chefs de file des mobilités et coresponsables du déploiement des services express régionaux métropolitains, que ce soit par le développement du ferroviaire du quotidien ou des transports interurbains.
Cette expérimentation régionale sur des axes majeurs est gage d’une mise en œuvre pertinente et territorialement adaptée de la transition écologique des mobilités, que ce soit par l’instauration de voies dédiées aux cars express et aux bus à haut niveau de service, par des aménagements favorisant l’autopartage ou par le déploiement de bornes de recharge électriques.
La possibilité offerte aux régions de conduire l’aménagement d’axes stratégiques en cohérence avec leur politique de transition des mobilités permettra indéniablement d’accélérer et d’amplifier l’efficacité de l’action publique. Il est donc utile que la région, si elle en a la volonté, puisse prendre la main sur ces axes dans le cadre d’une politique de transport adaptée et cohérente pour le territoire.
Pour y parvenir, il faut toutefois en avoir les moyens. En 2022, dans un rapport intitulé L’entretien des routes nationales et départementales, la Cour des comptes pointait les carences et les dysfonctionnements responsables de la dégradation et du vieillissement du réseau.
Les départements rencontrent en effet des difficultés accentuées par les inégalités territoriales pour assurer les investissements et assumer la charge de leur réseau routier. De manière générale, les collectivités territoriales, notamment les régions, subissent un contexte financier défavorable qui n’est sans doute pas étranger au fait que seulement trois régions aient opté pour cette expérimentation. Nous sommes loin d’un formidable engouement régional.
Cette mise à disposition emportera des investissements substantiels pour les régions volontaires ; or l’on sait d’expérience que l’État n’est pas tout à fait au rendez-vous quand il s’agit de compenser financièrement les compétences transférées. En juillet dernier, les trois présidents de région concernés par l’expérimentation ont du reste relevé dans un courrier commun « le caractère nettement insuffisant du cadre financier de ce transfert ».
Il convient naturellement de débloquer les freins juridiques à cette expérimentation, de sorte que la mise à disposition des régions des agents qui resteront dans les services de l’État puisse s’effectuer avec fluidité pour l’ensemble des actes administratifs et réglementaires, des interventions, des arrêtés, des bons de commande, ainsi que pour la gestion des divers événements qui nécessitent des chaînes de délégation depuis le président de l’exécutif régional jusqu’aux agents sur le terrain. Le groupe écologiste votera bien évidemment pour cet ajustement législatif.
Il reste qu’il faudra sécuriser et garantir les moyens d’investissement nécessaires à la transition des transports. C’est ainsi que l’on conduira davantage de régions à prendre part à cette expérimentation et que l’on ménagera, à terme, des perspectives décentralisées désirables pour les agents des services routiers. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)