M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est assez troublante ; à tout le moins, elle soulève des interrogations.
L’article 38 de la loi 3DS du 21 février 2022 avait prévu de transférer des routes ou des portions de route à des collectivités qui le souhaiteraient. À ce jour, moins de 3 000 kilomètres ont trouvé preneur, trois régions seulement s’étant portées volontaires. Vraisemblablement lassées d’attendre la concrétisation du règlement de leurs difficultés routières, celles-ci ont estimé qu’il était préférable qu’elles s’en occupent elles-mêmes.
On peut donc dire qu’il n’y a pas eu un grand enthousiasme de la part des collectivités à reprendre une partie du réseau national, ce qui ne doit pas nous surprendre.
Faudrait-il s’en plaindre ou le regretter ? Rien n’est moins sûr, car, sur le fond, cette partition du réseau national non concédé pourrait conduire à soumettre certains itinéraires aux aléas et caprices des différentes autorités de transport qui auraient à s’en occuper. On ne peut exclure que, pour certains itinéraires reliant un point A à un point B, l’usager de la route ait à traverser des portions appartenant à plusieurs institutions différentes, qui n’auront pas toutes forcément la même approche des politiques routières. Nous aurions tout de même besoin d’une cohérence nationale pour structurer notre réseau national…
La présente proposition de loi prévoit que, sur demande des régions volontaires pour la reprise de fractions du réseau routier national, « le président du conseil régional peut, pour l’exercice de ses attributions propres ou de celles qu’il a reçues par délégation du conseil régional, par arrêté, donner délégation de signature, sous sa surveillance et sous sa responsabilité, aux chefs des services ou des parties de services mis à disposition ainsi qu’aux agents de l’État qui exercent au sein de ces services des fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel ».
Voilà ce que nous appelons simplification administrative, mes chers collègues !
Tout cela intervient dans un contexte où les négociations sur les modalités financières des transferts n’ont pas abouti et où les négociations des contrats de plan sont toujours en cours. Il aurait pu être intéressant de profiter de cette occasion pour proposer des financements complémentaires aux régions.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Gérard Lahellec. L’article unique qui nous est proposé vise à adapter une procédure de délégation de signature de manière à faciliter les conventionnements entre l’État et les régions. Les présidents de région seraient ainsi habilités à signer des documents pour les fractions de route nationale continuant à relever pour partie de la compétence de l’État. Avouons qu’il s’agit tout de même d’une curieuse modalité de décentralisation !
Au moment du vote de la loi 3DS, je ne suis pas sûr que nous avions prévu une telle différenciation ni une simplification aussi compliquée.
Même si la procédure consistant à passer par une nouvelle proposition de loi pour résoudre un problème juridico-administratif apparaît comme la seule solution, cela n’excuse pas l’amateurisme qui a prévalu au moment de l’adoption de cette loi. Tout cela n’est pas très sérieux, raison pour laquelle nous ne souhaitons pas voter ce texte.
Nous ne voulons pas soutenir un transfert piégeux pour les régions, mais nous ne voulons pas non plus nourrir un blocage contre les exécutifs des régions qui ont eu l’audace de se lancer dans cette aventure et qui devront l’assumer. C’est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi de notre collègue député David Valence, également président du Conseil d’orientation des infrastructures (COI).
Ce texte d’ordre technique vise à corriger l’un des points du transfert du réseau routier national non concédé aux régions, à savoir la possibilité d’expérimenter qu’a ouverte la loi 3DS en son article 40. Plusieurs rectifications sont prévues pour assurer la bonne marche de cette expérimentation.
En premier lieu, il s’agit d’autoriser la délégation de signature du président de région aux agents de l’État chargés du réseau routier, c’est-à-dire ceux qui exercent dans les directions interdépartementales des routes et dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
En l’état actuel du droit, la possibilité pour l’exécutif régional de déléguer sa signature à des agents de l’État mis à disposition ne peut être mobilisée pour l’exercice d’une compétence transférée ou mise à disposition. En outre, le droit ne permet qu’une délégation aux chefs de services déconcentrés alors que, pour la gestion des routes, des subdélégations au sein même des services sont nécessaires. Cette modification lève donc un obstacle opérationnel à l’expérimentation en cours.
En second lieu, le texte prévoit l’allongement de huit à seize mois du délai pour la signature de la convention État-région fixant les modalités de mise à disposition aux régions des sections routières nationales.
Comme plusieurs de mes collègues l’ont souligné, trois régions ont d’ores et déjà sauté le pas : l’Occitanie, le Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes. Celles-ci vont donc récupérer à titre expérimental la gestion de 1 638 kilomètres d’autoroutes et routes nationales pour une période de huit ans.
Si l’on compte les départements et les métropoles parties prenantes de l’expérimentation, près de 30 % du réseau routier national ont changé de main dans le cadre de l’expérimentation, soit un taux qui reste en deçà des espérances initiales. On est loin du transfert aux départements des 18 000 kilomètres de routes nationales opéré dans le cadre de la loi du 13 août 2004.
N’ayant été élu sénateur que récemment, je n’ai pas participé aux débats de la loi 3DS. Il peut paraître étonnant que l’on ait souhaité transférer une compétence routière aux régions qui, au contraire des départements, n’ont jamais eu de services spécialisés dans le domaine de la voirie. Il me semblait que l’époque était à la clarification des compétences et à la simplification… Toutefois, l’heure n’est pas encore à l’évaluation ni au bilan de l’expérimentation.
Devant cette nouveauté sans doute appelée à durer, il n’est pas surprenant que nous ayons à ajuster le tir pour satisfaire les exigences du Conseil d’État, alors que les conventions ne sont pas encore toutes signées. Il s’agit surtout de rendre effective dans les meilleurs délais l’expérimentation prévue pour les régions.
L’objet de cette proposition de loi étant à ce point circonscrit, je n’aurai pas d’autres remarques sur le fond du texte. Toutefois, il y aurait beaucoup à dire sur les compensations financières de l’État, notamment pour les départements – mes collègues l’ont mentionné.
En commission, nous avons considéré que cette proposition de loi n’avait pas à être modifiée compte tenu de l’objectif visé. Néanmoins, les membres du groupe RDSE voteront en leur âme et conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. ((Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi présentée par le député David Valence, qui vise à rendre pleinement opérationnelle l’expérimentation permise par la loi 3DS du 21 février 2022.
Cette loi a ouvert la voie, à titre expérimental pour une durée de huit ans, à la délégation de la compétence d’aménagement et de gestion des routes nationales et autoroutes non concédées aux régions volontaires.
Je tiens à rappeler le caractère précurseur, en matière de différenciation, de la Collectivité européenne d’Alsace. Celle-ci s’est en effet vue transférer, au moment de sa création, la propriété des routes et autoroutes non concédées, classées dans le domaine public routier national.
Dans une même logique de différentiation, la loi 3DS a ouvert aux régions la possibilité de renforcer leur rôle en matière de mobilité, conformément à la loi Maptam.
Cette expérimentation répond par ailleurs à une demande de l’association Régions de France qui, dans un contexte de dégradation du réseau concerné, proposait en 2017 que l’exercice de la compétence voirie soit confié aux régions.
Actuellement, trois régions se sont engagées dans cette voie et les modalités de l’expérimentation sont en cours de finalisation.
Il convient de saluer le caractère novateur de ces transferts, qui illustre aussi bien la dynamique de décentralisation et de différenciation voulue par le Président de la République que la capacité d’innovation des collectivités territoriales.
Ce sont les régions volontaires qui définissent, en partenariat avec l’État, les modalités de l’expérimentation sur leur territoire. Elles disposent ainsi d’une certaine liberté dans la manière dont elles pourront gérer les quelque 1 638 kilomètres de route qui leur seront à terme transférés.
La région Grand Est, par exemple, a saisi l’opportunité de ce transfert pour mettre en œuvre une écotaxe à destination des poids lourds. Quant aux régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, elles en ont profité pour assumer plus efficacement leur qualité de chef de file en matière de mobilité.
Plus concrètement, le texte que nous examinons vise à lever certains obstacles pratiques au déploiement concret de cette expérimentation sans en altérer l’esprit ni les principales modalités.
L’une des difficultés majeures restait l’impossibilité pour les exécutifs des conseils régionaux de déléguer leur signature aux agents des services routiers que l’État est censé mettre à leur disposition pour l’exercice de ces compétences.
Aussi, afin de ne pas fragiliser le bon déroulement de l’expérimentation, l’article unique de cette proposition de loi complète utilement l’article 40 de la loi 3DS en permettant précisément au président du conseil régional, et éventuellement aux personnes à qui il a délégué son pouvoir, de donner délégation de signature aux agents de l’État intervenant sur le réseau routier mis à disposition.
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont adopté en commission des lois un amendement visant à prolonger le délai pour la signature de la convention État-région devant fixer les modalités de mise à disposition des sections routières nationales. Ce temps permettra de mieux sécuriser juridiquement la conclusion de ces contrats.
Cette proposition de loi témoigne du même esprit décentralisateur que la loi 3DS auquel les membres du groupe RDPI souscrivent pleinement. Elle en complète les dispositions de manière pragmatique et utile dans le but de rapprocher le pouvoir de décision des citoyens et de leur offrir un service public plus efficace et plus performant.
Pour ces raisons, les membres du groupe RDPI soutiennent ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans une trajectoire de modernisation nécessaire au bon fonctionnement de notre réseau routier.
Depuis l’adoption de la loi Maptam en 2014, les régions ont progressivement assumé un rôle central dans la gestion des mobilités. La compétence transport et mobilité est ainsi devenue l’un de leurs budgets de fonctionnement et d’investissement les plus conséquents. La loi 3DS, en autorisant l’expérimentation du transfert aux régions volontaires de la compétence d’aménagement et de gestion des routes nationales et autoroutes non concédées, poursuit cette évolution.
Notre groupe avait émis des réserves sur cette expérimentation lors de l’examen de la loi 3DS. Nous avions mis en exergue les défis potentiels qu’elle représentait pour la cohérence et la lisibilité des compétences des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne la voirie.
Cette expérimentation, entreprise par les régions Grand Est, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes, a révélé des difficultés techniques et opérationnelles, en particulier lors des négociations entre les régions et l’État. Résoudre les défis identifiés par les régions concernées, tel est l’intérêt du texte que nous examinons.
En effet, la relation entre l’État et la région est l’un des moteurs de l’action publique qui permet aux collectivités territoriales de poursuivre leur effort de territorialisation.
Si le réseau non concédé représente seulement 1,1 % du réseau routier national, il n’en est pas moins stratégique en ce qu’il concentre 19 % du trafic routier. En tant qu’ancien élu local, je peux affirmer avec conviction que les collectivités territoriales sont très souvent les mieux placées pour gérer efficacement ces infrastructures. Nous saluons le fait que le président du conseil régional pourra exercer pour la gestion de ces routes les mêmes compétences que celles qui lui sont déjà attribuées dans le cadre du domaine régional.
Comme vous le savez, une lacune majeure a été identifiée : les actions quotidiennes relevant des attributions de pouvoir adjudicateur et d’ordonnateur, en matière de gestion et de conservation des infrastructures routières, requièrent une délégation de signature aux services et agents chargés des réseaux routiers fournis par l’État. Ce texte vient combler cette faille technique.
Les modifications apportées lors des débats à l’Assemblée nationale, notamment l’allongement du délai de huit à seize mois pour la négociation des conventions de mise à disposition des routes, démontrent une volonté d’adapter le texte aux réalités du terrain. Cela semblait essentiel pour éviter tout litige juridique en cas de dépassement du délai initial et pour sécuriser juridiquement les opérations à venir. Il s’agissait également de répondre à une demande légitime des régions, qui cherchent à assumer pleinement leurs responsabilités en matière d’aménagement du territoire.
Cependant, à ce jour, force est de constater que cette expérimentation n’a pas suscité l’enthousiasme tant attendu. C’est la raison pour laquelle il semble opportun d’assurer une transition fluide et durable vers cette nouvelle forme de gouvernance routière. Il importe également de ne pas complexifier l’expérimentation ni décourager les régions volontaires. Avancer ensemble, mais sans esprit de contrainte, tel est l’objet de ce texte.
En outre, il aurait pu être pertinent que la convention de mise à disposition entre l’État et la région précise le périmètre exact du domaine et des installations concernés, le but étant de clarifier les négociations qui interviennent après la décision ministérielle, afin de définir finement les voies, routes et autres biens inclus dans ce périmètre.
Les régions restent des entités républicaines créées par les lois de décentralisation de 1981. Il est fondamental de garantir et de faire évoluer leurs libertés. Il nous faut par conséquent amplifier leur autonomie financière et fiscale pour qu’elles puissent étendre leurs compétences. Toutefois, cela doit passer par la concertation.
L’expérimentation permet de déroger de manière temporaire aux lois et aux règlements nationaux pour permettre à nos collectivités de faire entendre leur voix dans les territoires, afin de développer leurs libertés locales.
Nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Favreau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi sur la mise à disposition aux régions du réseau routier non concédé.
Cette proposition de loi fait suite aux transferts successifs des routes aux collectivités territoriales.
En effet, le réseau routier national s’amenuise d’année en année. De par une évolution progressive, notamment l’acte II de la décentralisation, qui a transféré aux départements les deux tiers du réseau routier national, on compte désormais à peine plus de 11 000 kilomètres de routes nationales non concédées contre 37 000 kilomètres de routes départementales.
Pour sa part, la loi 3DS du 21 février 2022 en ses articles 38 et 40 permet aux départements et aux métropoles de récupérer un certain nombre de routes. Dans le même temps, l’article 40 introduisait, à titre expérimental pour huit ans, une procédure de mise à disposition de certains axes du réseau routier national non concédé par l’État aux régions volontaires.
Cette mise à disposition temporaire n’a séduit que trois des treize régions métropolitaines : le Grand Est, l’Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes. Ces trois régions disposeront donc pour huit ans de 1 638 kilomètres de routes nationales.
J’ouvre un aparté pour vous faire part de la manière dont nous avons vécu la mise en œuvre de la loi 3DS dans mon département des Deux-Sèvres.
Après avoir été sollicité, le conseil départemental des Deux-Sèvres a proposé à l’État le transfert de l’axe RN 149-249 entre Poitiers et Nantes, qui traverse la partie nord du département d’est en ouest. Cette demande était justifiée par les fortes contraintes de circulation sur cet axe et par un nombre très élevé d’accidents.
Dans sa réponse à l’État, le département fixait néanmoins trois conditions suspensives, à savoir un état des lieux précis de l’intégralité des charges transférées, notamment pour le personnel, une compensation de l’État pour les charges nouvelles excédant les charges de fonctionnement et d’investissement ordinaires et l’engagement de l’État de contribuer, au moins pour 50 %, au programme de modernisation de l’itinéraire financé par le contrat de plan État-région.
Sur cette demande, le département s’est vu opposer une fin de non-recevoir au motif que « le calcul d’une compensation financière liée à la décentralisation, constitutionnellement garantie, ne peut donner lieu à une négociation spécifique entre l’État et la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert ». Le département n’a donc pas maintenu sa demande et nous en sommes restés au statu quo ante.
La proposition de loi qui nous occupe traite de difficultés qui sont spécifiques aux régions. Dans le cadre de l’expérimentation, seules deux des trois régions volontaires ont conventionné avec l’État et l’entrée en vigueur de la mise à disposition est prévue au 1er janvier 2025 sous réserve de la signature d’une convention complémentaire, qui risque de compliquer encore le dispositif.
De plus, la mise à disposition des agents, au nombre de 860, est très complexe. On avait oublié que si les départements ont un service des routes, ce n’est pas le cas des régions. On avait oublié également que le code général des collectivités territoriales (CGCT) ne prévoit pas la possibilité générale d’une délégation du président du conseil régional à des agents de l’État.
La proposition de loi pallie cet oubli en prévoyant une telle délégation de signature du président du conseil régional aux services de l’État.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Gilbert Favreau. Ce montage est pour le moins séduisant. Toutefois, il me semble que cette proposition de loi ne marquera pas l’histoire du Parlement… Elle aura surtout pour effet de montrer l’inanité du système : l’État n’a pas les moyens, mais il ne veut rien lâcher ! Toutefois, je voterai ce texte, conformément à la position du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’autres l’ont dit avant moi, cette proposition de loi technique est bienvenue.
Elle répond à un véritable besoin des trois conseils régionaux concernés par les transferts expérimentaux de routes nationales. Je ne veux pas revenir sur le fond du texte, car mes collègues l’ont déjà très bien fait, notamment Pierre-Alain Roiron.
Lors de l’examen du projet de loi 3DS, avec les élus du groupe socialiste, nous avions regretté que le volet des recettes pour les régions ne soit pas inclus dans le dispositif, sous prétexte que l’article sur l’écotaxe allait être développé en parallèle dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience. Finalement, seule ma région du Grand Est pourra instaurer une écotaxe, compte tenu des conditions draconiennes qui ont été définies dans la loi Climat et résilience et confirmées dans l’ordonnance qui a suivi.
Comme en 2021, je considère que pour que ces expérimentations soient des succès, il faut définir les modalités les plus adéquates au cas par cas, avec les acteurs concernés, et les mettre en cohérence avec les besoins qui peuvent être ceux des régions intéressées. Dès lors qu’elles n’ont été que trois à se lancer, j’estime que la loi 3DS est partiellement en échec.
Aussi avais-je songé à déposer un amendement visant à rouvrir la possibilité pour les régions de demander des transferts, qui auraient conservé le caractère expérimental, mais en différenciant, décentralisant et déconcentrant véritablement les négociations des contrats entre l’État et les régions – c’est-à-dire en étudiant chaque projet individuellement, tant j’estime que la durée fixe de huit ans n’est pas transposable à chaque réalité locale et à chaque projet.
La région Grand Est, qui est la seule à pouvoir instaurer une écotaxe, a besoin de ressources financières importantes pour amortir les investissements lourds et nécessaires sur les axes transférés expérimentalement, à commencer par l’élargissement et le verdissement de l’A31. Mais il a fallu attendre dix-huit mois pour que l’ordonnance écotaxe soit publiée : autant de temps et de ressources perdus pour la région, alors même qu’elle doit en parallèle travailler avec les directions interdépartementales des routes pour parfaire le partage de l’expertise technique, et avec les conseils départementaux pour agir de concert face aux risques de fuite des poids lourds sur les axes voisins de l’A31.
Plus généralement, une incertitude pèse sur l’effectivité des compensations financières liées à ces transferts : celles-ci sont régies par les contrats de plan État-région ; or les nouveaux volets mobilité desdits contrats s’étendent sur la période allant de 2023 à 2027. Ils ne couvrent donc pas l’intégralité de la durée de ces expérimentations, entre 2022 et 2030, et ne permettent pas aux conseils régionaux concernés de mener des politiques ambitieuses sur ces réseaux.
Je sais que les régions attendent ce texte. Je n’ai donc pas déposé d’amendement pour ne pas risquer de compromettre l’adoption conforme.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si vous êtes prêt à relancer des cycles d’expérimentations de transferts en modifiant l’article 40 de la loi 3DS et, cette fois-ci, en renforçant les volets budgétaires et temporels comme je viens de l’indiquer ?
Avant de lancer des conventions citoyennes sur les mobilités, n’oublions pas de régler d’abord les tracasseries du quotidien causées par des textes pas assez bien écrits ni préparés, ce qui oblige les parlementaires, en l’occurrence David Valence, député de votre majorité, à devoir rectifier le tir deux ans plus tard.
Le groupe socialiste votera en faveur de ce texte court, précis et utile pour nos collectivités régionales. S’il vous plaît, monsieur le ministre, et à travers vous c’est à tout le Gouvernement que je m’adresse, travaillons autrement sur le volet législatif et écoutons davantage les élus locaux sur tous les sujets pour ne pas avoir à refaire ce pour quoi nous sommes réunis cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à améliorer l’efficacité de la gouvernance régionale et à corriger une lacune de la loi 3DS.
L’article 38 de ladite loi prévoit la possibilité pour l’État de transférer aux départements, métropoles et régions des autoroutes, routes ou portions de voies non concédées. Aux termes de plusieurs décrets précisant les modalités et compensations de ces transferts, la situation est aujourd’hui celle d’un partage possible entre départements, régions et métropoles pour la gestion par les régions des routes nationales et des autoroutes non concédées.
Dans cette perspective, je voudrais brièvement évoquer deux éléments absents de ce texte et qui mettent en évidence les enjeux de cette proposition de loi, qui soulève des interrogations quant à la mise en œuvre de la décentralisation.
Le premier élément porte sur le rôle des départements, qui ne doit pas être oublié, même si le texte l’occulte. Au regard des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, je constate que cela n’a rien d’évident. Lors de l’examen de la loi 3DS au Sénat, le 8 juillet 2021, nous avions initialement supprimé l’article qui permettait à l’État de transférer des routes du réseau national aux régions volontaires.
Le second élément que je voudrais évoquer concerne le rôle de l’État. La loi 3DS a ouvert la troisième phase de désengagement de l’État dans le réseau routier, après des transferts massifs aux départements en 1972 et 2006. Aujourd’hui, quel rôle l’État joue-t-il encore ?
Cette réponse, nous l’attendons en Aveyron, où l’axe entre Toulouse et Lyon reste encore à aménager sur quarante kilomètres de passage à deux fois deux voies de la RN 88 entre Rodez et Sévérac-d’Aveyron, particulièrement accidentogènes.
L’État a concédé ce tronçon restant à réaliser au département de l’Aveyron. L’engagement financier substantiel de ce département et de la région Occitanie montre la volonté de faire avancer ce projet d’intérêt national. Cependant, des interrogations sur le financement complet de cet axe subsistent et l’engagement de l’État se fait attendre, alors même qu’il est crucial pour la réalisation dudit projet.
Ce dossier aveyronnais expose la complexité actuelle de la gestion du réseau routier principal par les collectivités territoriales et l’État.
Pour revenir plus directement au texte que nous examinons, cette proposition de loi est technique, comme l’ont rappelé les orateurs précédents. Compte tenu du travail accompli par la commission des lois, dont je salue le rapporteur et le président, je n’ai rien à ajouter. Par conséquent, nous voterons ce texte. Toutefois, monsieur le ministre, n’oubliez pas l’Aveyron ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)