M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne vous cache pas ma satisfaction de voir ce texte, dont le parcours législatif a commencé en décembre 2022, bientôt adopté. Nous avons réussi à trouver un compromis sur ce sujet important pour aboutir à un texte complet, efficace et applicable rapidement.
L’ambition de cette proposition de loi est simple : mieux protéger les enfants exposés à des violences intrafamiliales. Cela s’avère plus que nécessaire au regard des chiffres : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s’exercent des violences et plus de 160 000 sont victimes chaque année de violences sexuelles. Qu’ils soient directement victimes ou seulement témoins, les conséquences de ces violences sont destructrices à la fois pour leur développement, leur santé, leur scolarité et leur vie sociale.
Il est donc nécessaire d’agir, tant en matière judiciaire que médicale, ce qui suppose une meilleure prise en charge du psychotraumatisme que vivent ces enfants.
Nous agissons aujourd’hui sur le plan judiciaire au travers de cette proposition de loi, issue d’une belle coopération entre nos deux chambres, en particulier entre l’auteur du texte, Isabelle Santiago, et notre rapporteure, Marie Mercier. Je souhaite ici rendre hommage à la qualité de leur travail et à leur sens du dialogue, qui ont permis à la commission mixte paritaire d’être conclusive.
L’action du Gouvernement doit être aussi saluée. Monsieur le garde des sceaux, je connais votre volontarisme sur la question du traitement judiciaire des violences intrafamiliales.
Ce texte va renforcer notre arsenal juridique en permettant, par exemple, de suspendre plus facilement et plus rapidement l’autorité parentale, mais aussi les droits de visite et d’hébergement, y compris pendant l’instruction.
Cela doit être salué, car nous rencontrions trop souvent des situations absurdes dans lesquelles l’enfant était obligé de passer le week-end chez le parent violent, en attendant qu’il soit reconnu par la justice que ce dernier l’était effectivement.
Les droits de la défense, dont il a souvent été question ici, ne sont pas lésés pour autant : le parent concerné pourra saisir le juge aux affaires familiales pour réexaminer un retrait qui aurait été décidé trop vite, ou dans le cadre d’affaires qui traîneraient durant trop longtemps. Comme ces retraits d’autorité parentale ne s’appliqueront que dans les cas les plus graves, l’exercice de cette faculté sera sans nul doute vivement conseillé par l’avocat à son client.
Plus généralement, je souhaite que ce texte contribue à faire évoluer les mentalités sur le terrain. Trop longtemps, l’idée selon laquelle on pouvait être un mari violent tout en restant un bon père a prévalu. Nous savons aujourd’hui qu’elle est fausse et que cette conception de la famille a emporté des conséquences particulièrement douloureuses pour de trop nombreux enfants.
Nous savons également, grâce à des témoignages de policiers, que la menace de retrait de l’autorité parentale touche beaucoup de pères. Puissent-ils donc réfléchir avant de frapper !
La version finale du texte conserve également les propositions du Sénat. J’ai à l’esprit, par exemple, l’ajout défendu par notre collègue Laurence Rossignol permettant au parent bénéficiaire d’une ordonnance de protection de ne pas avoir à informer l’autre parent d’un changement de résidence.
Évoquons également la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant dans le cadre d’un contrôle judiciaire, qui devient le principe et non plus l’exception, comme c’était le cas auparavant.
Enfin, concernant l’article 1er – qui nous a peut-être posé le plus de difficultés –, je me félicite que nous ayons réussi à trouver une rédaction convenant à tous et servant la protection des enfants.
Nous le savons, la lutte contre les violences intrafamiliales est particulièrement complexe, parce qu’elle touche à l’intime du foyer, mais aussi à certaines conceptions de la société, de la place et du rôle de chacun au sein de la famille.
Aujourd’hui, comme nous avons eu l’occasion de le faire à plusieurs reprises ces dernières années, nous faisons un pas de plus dans le bon sens, celui d’une meilleure protection des plus vulnérables. Nous devrions nous revoir prochainement, dans cet hémicycle, afin d’en faire un de plus, avec la création de l’ordonnance de protection immédiate qu’Émilie Chandler et moi-même appelions de nos vœux et qui a été votée à l’unanimité la semaine dernière à l’Assemblée nationale.
Pas à pas, nous construisons une société plus protectrice pour les femmes, pour les enfants, pour chacun d’entre nous.
En conséquence, le groupe Union Centriste votera bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Akli Mellouli. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les enfants victimes de violences intrafamiliales doivent être protégés. Cet impératif devrait aller de soi, mais cette protection demeure à regret très incomplète.
Les dispositions de la loi sont largement insuffisantes et inadaptées ; les défaillances sont malheureusement systématiques et leurs victimes sont nombreuses.
Parmi celles-ci, on compte l’enfant de Priscilla. Victime de violences sexuelles incestueuses de la part de son père, Priscilla tombe enceinte de lui et accouche d’un bébé à 15 ans. Ce père fut, certes, condamné pour violences sexuelles, mais il a gardé l’autorité parentale sur l’enfant.
Steffy a également dû subir les conséquences des défaillances de la loi. Elle a été victime d’une agression sexuelle par son père à l’âge de 14 ans ; celui-ci a l’interdiction de s’approcher de sa fille, mais il conserve l’autorité parentale.
Paul en a aussi fait les frais. Quand il avait 10 ans, son père a tué sa mère. Condamné à de la prison ferme pour ce féminicide, il a gardé l’autorité parentale sur son fils. Ainsi, il a pu mettre son veto à plusieurs procédures, comme le renouvellement du passeport de Paul, qui en avait pourtant besoin pour partir en vacances. En d’autres termes, l’auteur d’un féminicide a conservé l’autorité parentale sur son fils !
Malheureusement, les cas de l’enfant de Priscilla, de Steffy et de Paul sont loin d’être isolés : 400 000 enfants vivent dans un foyer où se produisent des violences conjugales et 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles.
Pis, ces enfants sont deux fois victimes, car à la violence physique s’ajoute la violence de la loi, laquelle ne les protège pas entièrement du parent violent. Malgré une attention renforcée, de nombreuses situations ne sont tout simplement pas prévues par les textes en vigueur. Ces omissions exposent les enfants à un risque inutile et, souvent, à de nouvelles violences qu’un cadre juridique plus protecteur aurait permis d’éviter.
La proposition de loi de la députée socialiste Isabelle Santiago – enfant du Val-de-Marne, tout comme moi – vise justement à construire un cadre juridique plus protecteur pour les enfants. Pour ne citer qu’un exemple, elle rendrait enfin systématique le retrait de l’autorité parentale en cas de violence sexuelle incestueuse.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires continue bien évidemment de soutenir ce texte ; nous saluons une nouvelle fois cette initiative essentielle, qui permettra de mieux protéger les enfants des violences intrafamiliales. Nous regrettons cependant que la majorité sénatoriale se soit opposée pendant longtemps à certaines mesures protectrices des enfants qui ont fait consensus à l’Assemblée nationale.
Nous saluons, en regard, le compromis trouvé, selon lequel l’exercice de l’autorité parentale est suspendu jusqu’à une décision sur le fond lorsqu’un parent est poursuivi par le ministère public pour certaines formes très graves de violences intrafamiliales.
Cette suspension est d’autant plus importante que notre système judiciaire reste lent, après des décennies de sous-investissement. Le délai de décision au pénal atteignant en moyenne treize mois, des mesures provisoires deviennent indispensables. En parallèle, il faut rendre les métiers de la justice plus attractifs pour permettre des recrutements.
En tout état de cause, le compromis trouvé en commission mixte paritaire permet de mieux protéger l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pourquoi nous voterons en sa faveur.
Toutefois, ne soyons pas dupes : le chemin qui s’ouvre devant nous pour améliorer la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales est encore très long. Nous avons l’obligation de renforcer la lutte contre ces violences et de prioriser la protection des victimes, mais ce gouvernement n’avance qu’à petits pas.
Dernier exemple en date de cette inertie, la situation dans laquelle se trouve la Ciivise : d’une part, la démission de onze de ses membres dès le 14 décembre 2023 a jeté la lumière sur le profond malaise qu’a généré le passage en force du Gouvernement, qui avait imposé un changement d’orientation et de direction en remplaçant le juge Édouard Durand ; d’autre part, les préconisations de son rapport de novembre dernier ne semblent pas être prises au sérieux par le Gouvernement.
Comment expliquer que nous observions si peu d’avancées à ce sujet, alors qu’une grande partie de leur mise en œuvre relève d’évolutions réglementaires que seul le Gouvernement peut engager ? Si ce dernier peut remplacer les membres de la Ciivise, il ne peut modifier ses préconisations ! Plutôt que d’essayer de les faire disparaître dans un tiroir où elles prendront la poussière, il convient de les mettre en œuvre de toute urgence. Nous y veillerons ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « l’enfant a le droit au respect de sa dignité et de son amour-propre, ne pas piétiner, ne pas humilier, laisser vivre sans décourager, ni brusquer ni presser, du respect pour chaque minute qui passe. » Ces mots sont ceux du pédiatre Janusz Korczak, précurseur et inspirateur de la convention des droits de l’enfant.
En effet, l’intérêt de l’enfant doit primer : l’enfant doit être protégé à chaque instant de sa vie, et donc tout au long d’une procédure judiciaire le concernant. Cette proposition de loi vise cet objectif, et je nous en félicite, mes chers collègues.
S’il a été malheureusement nécessaire de rappeler, durant cette longue procédure législative, que l’intérêt de l’enfant était primordial, le compromis trouvé œuvre en ce sens. Tant mieux !
Les chiffres sont édifiants : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s’exercent des violences intrafamiliales de manière permanente, et 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles.
Ce texte vient donc combler un vide juridique sur la question de l’autorité parentale des parents coupables de violences criminelles et délictuelles sur leurs enfants et sur leurs conjoints.
Alors que la saisine du juge aux affaires familiales n’est pas toujours effective et que les délais actuels pour obtenir une date d’audience sont trop longs, la faculté de retirer ou de suspendre l’autorité parentale reste trop peu utilisée. Il était donc urgent de rappeler dans la loi la précellence de l’intérêt de l’enfant. Tout enfant doit être protégé, y compris de ses parents, quand il le faut. Un parent violent vis-à-vis de l’enfant ou de l’autre parent ou un parent incestueux ne saurait continuer d’exercer l’autorité parentale non plus que ses droits de visite et d’hébergement. Cette déclaration paraît évidente, elle est désormais légalement automatique.
Il est toujours bon de rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant prime sur le droit des parents à influer sur sa vie. C’est bien le parent agresseur qui brise la famille ; il ne peut dès lors que perdre son privilège.
Je ne peux que déplorer les nombreux témoignages, recueillis notamment par la Ciivise, de mères séparées s’inquiétant de laisser leur enfant repartir chez un père incestueux, d’un enfant obligé d’aller chez le parent violent en attendant un jugement, de pères agresseurs déposant une main courante contre une mère protectrice refusant de laisser son enfant retourner chez son bourreau, alors qu’il y est légalement contraint.
Malgré les avancées législatives de 2019 et de 2020, les enfants ne sont toujours pas suffisamment pris en considération. À ce moment de mon propos, je souhaite saluer le travail remarquable réalisé par la Ciivise, avec à sa tête le juge Édouard Durand, qui a abouti à la formulation de quatre-vingt-deux préconisations.
Puissiez-vous, monsieur le garde des sceaux, faire en sorte, pour le bien des enfants, que le juge Durand et son équipe soient en mesure de continuer à croire et à protéger les enfants.
Les conséquences sur l’enfant à long terme sont atterrantes. Les études à ce sujet sont sans équivoque et les statistiques glaçantes : 60 % des enfants témoins de violences souffrent de stress post-traumatique, 50 % des victimes de viol durant leur enfance ont fait une tentative de suicide. Une étude de l’ONU a montré qu’une femme ayant subi des violences physiques et sexuelles dans l’enfance a dix-neuf fois plus de risques de subir des violences conjugales et sexuelles à l’âge adulte qu’une femme qui n’a pas vécu ce traumatisme. Un homme qui a connu ce même type de violences a quatorze fois plus de risques d’en commettre à son tour.
Suspendre automatiquement l’autorité parentale permettra de protéger l’enfant et l’adulte qu’il deviendra. C’est primordial.
Malheureusement, nos enfants ne sont pas que les dommages collatéraux des violences intrafamiliales : ils en sont les victimes. Leur protection doit donc être la plus rapide possible, afin de les mettre à l’abri de manière à limiter tout traumatisme additionnel et à entamer le processus de reconstruction promptement.
De plus, ces dispositions permettront de libérer et de protéger la parole des enfants en limitant au mieux les influences perverses de parents criminels cherchant à contaminer leur témoignage.
Je ne peux que saluer, au nom de mon groupe, cette proposition de loi qui fait de l’intérêt de l’enfant un objectif sacré, tout en soulignant que cette avancée doit être accompagnée de moyens.
La balle est désormais dans le camp de l’exécutif pour faire baisser les chiffres édifiants que j’ai cités et pour que la dignité de l’enfant soit préservée.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cela fait maintenant plusieurs années que la question des violences intrafamiliales est l’objet d’une prise de conscience par les pouvoirs publics comme par la société, qui se mobilisent de manière accrue afin de repérer, de sensibiliser à ce fléau et de le dénoncer.
Pendant longtemps, l’intime justifiait le silence : parce qu’il s’agissait de la famille, l’État et les pouvoirs publics ne devaient y regarder que de loin. De nos jours, ces événements n’ont heureusement plus le statut de fait divers. Nous savons qu’ils traduisent des phénomènes sociaux qu’il nous faut endiguer.
En même temps que les mœurs évoluent, notre droit s’étoffe en se dotant d’outils de plus en plus efficaces. Les acteurs judiciaires – policiers, juges ou agents de l’aide sociale à l’enfance – se mobilisent.
Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire pour protéger les victimes de conjoints ou de parents violents et nous continuons de découvrir des drames que nous aurions pu éviter en agissant en amont. Il nous faut poursuivre nos réflexions autour d’axes que nous connaissons bien : prévention, détection, protection et sanction. Il revient au législateur de mobiliser toutes les ressources existantes, comme les récents travaux de la Ciivise.
Comme chacun d’entre nous, je me réjouis que la navette arrive enfin à son terme concernant cette proposition de loi et je tiens à une nouvelle fois à saluer ses auteurs ainsi que notre rapporteure, Marie Mercier. Nous avons souvent eu l’occasion de travailler ensemble au sein de la commission des lois et je connais son implication sur ces sujets. La mobilisation des membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ne nous a pas surpris – je les salue également.
Le Parlement s’était déjà accordé sur bon nombre d’articles de ce texte et nous étions parvenus à l’adoption conforme de mesures importantes. Ainsi, l’article 2 établit le principe d’un retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime commis sur l’autre parent ou d’agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur l’enfant.
J’ai également à l’esprit différents enrichissements du texte initial, comme l’exonération de toute obligation d’informer préalablement l’autre parent d’un changement de résidence en cas d’ordonnance de protection.
Il ne restait finalement plus grand-chose sur quoi faire porter le débat lors de cette commission mixte paritaire : seul l’article 1er n’avait pas fait l’objet d’une adoption conforme. Il s’agissait de l’une des mesures les plus fortes de la proposition de loi, dont le contenu a déjà été rappelé en détail.
Cet article introduit une suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuites pour crime commis sur l’autre parent ou de crime ou agression sexuelle commis sur l’enfant et en cas de condamnation pour violence conjugale.
Le groupe RDSE a pris position en deuxième lecture, avec un amendement déposé par notre collègue Nathalie Delattre. Nous étions en accord avec l’Assemblée nationale, même si nous entendions les avertissements de notre rapporteure.
Le Sénat a tranché en faveur d’un compromis, que nous avons soutenu. Le texte, qui devrait être définitivement adopté, reflète cette position intermédiaire : il ne dispose pas que la suspension s’applique après la condamnation, même non définitive, pour des violences sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours lorsque l’enfant a assisté aux faits.
À titre personnel, je considère que nous n’aurions pas dû avoir peur d’aller plus loin, mais la démocratie et le parlementarisme imposent à chacun une culture du compromis comme du consensus.
Tout cela va dans la bonne direction, il est donc entendu que notre groupe votera unanimement en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. S’il faut se féliciter de l’adoption de cette proposition de loi, il demeure absolument nécessaire de poursuivre nos travaux sur ces sujets. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ma chère Isabelle Santiago, à cet instant, j’ai eu une pensée émue pour la petite Lisa.
En septembre 2023, à Conches-en-Ouche, dans mon département de l’Eure, tous les enfants avaient repris le chemin de l’école, mais la petite Lisa était absente. Elle subissait en permanence des sévices de la part de sa mère – qui l’avait déscolarisée – et de son beau-père. Un samedi soir, fin septembre, Lisa a été battue à mort.
Son corps portait de multiples hématomes d’âges différents sur le visage, le thorax, le dos, le pubis et les quatre membres. Ce drame effroyable fut largement relayé par la presse nationale. Ses bourreaux exerçaient depuis plusieurs années des violences répétées sur Lisa et sur son frère de 6 ans dont les récits sont difficilement soutenables.
Le destin de la petite Lisa a été tragique. Comme elle, quelque 400 000 enfants dans notre pays vivent dans un foyer où s’exercent des violences intrafamiliales, dont 160 000 sont victimes de violences sexuelles. Ces situations engendrent des séquelles psychologiques durant toute la vie de ces enfants, qui peinent à se reconstruire par la suite.
Le chemin législatif de ce texte a été long. J’admets être soulagée que les sénateurs et les députés membres de la commission mixte paritaire soient parvenus à un accord, car je pense avant tout à ces jeunes enfants, encore trop nombreux, victimes ou covictimes de violences intrafamiliales.
Cette proposition de loi marque une avancée essentielle dans la protection de l’enfance : il faut protéger le plus tôt possible les enfants victimes de ces violences ; leur mise à l’abri est une nécessité urgente et impérieuse.
Tous les cinq jours, un enfant est tué par l’un de ses parents ; plus d’un infanticide est commis chaque semaine dans notre pays. Ces chiffres sont édifiants.
Malgré le travail législatif que nous avons mené en adoptant les lois du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, trop d’enfants sont encore victimes de violences.
Le présent texte, fruit d’un accord en commission mixte paritaire, renforce notre arsenal juridique. C’est un pas de plus pour aider ces enfants et les sortir des situations très graves qu’ils subissent.
Je salue à ce titre le travail de notre rapporteure, Marie Mercier.
Comme l’a rappelé notre collègue députée Isabelle Santiago, auteure de cette excellente proposition de loi, un parent agresseur ou violent ne peut être un bon parent : la seule boussole est l’intérêt supérieur des enfants.
Selon le rapport de la Ciivise du 17 novembre dernier, Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit, ces violences débutent très tôt et durent parfois durant des années. Dans la majorité des cas, les agresseurs sont issus de la famille ou sont des proches de l’enfant. Nous ne pouvons laisser ces enfants entre les mains de leurs bourreaux. Il est plus que temps d’agir pour leur permettre d’être mis à l’abri le plus rapidement possible.
À cette fin, le texte prévoit une nouvelle rédaction de l’article 368-2 du code civil dont la formulation actuelle est quelque peu lacunaire, dans la mesure où elle ne retient pas le crime ou l’agression sexuelle incestueuse contre l’enfant parmi les motifs de suspension automatique des droits parentaux.
Ce manquement est comblé par le présent texte. Ainsi, nous pouvons espérer que les enfants victimes ou covictimes de violence seront plus facilement extirpés des situations dangereuses qu’ils subissent.
Au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, cette nouvelle rédaction n’impose pas de durée fixe de suspension de l’exercice de l’autorité parentale, mais laisse celle-ci courir jusqu’à une décision de l’autorité judiciaire.
Cette disposition est cohérente avec le reste des articles que nous avons déjà votés conformes. Elle s’inscrit dans la même ambition de protection de nos enfants, dans le prolongement des travaux qui ont été menés depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.