Mme Maryse Carrère. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 99 rectifié bis.
M. Claude Kern. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, vous proposez que la situation de l’emploi ne soit plus opposable au recrutement de saisonniers étrangers dans les entreprises de la production agricole.
J’entends parfaitement qu’il existe des difficultés dans ce secteur, mais, pour ma part, je propose surtout que les emplois concernés soient inscrits sur la liste des métiers en tension ; dès lors, votre but sera atteint. J’ajoute que, dans quelques instants, nous débattrons d’un amendement visant à permettre le réexamen plus fréquent de cette liste.
Dans ces conditions, la commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Kern. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié bis est retiré.
Monsieur Masset, l’amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Masset. Oui, je le maintiens !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 283 rectifié, présenté par MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 421-1, L. 421-2, et L. 421-3, au troisième alinéa de l’article L. 421-3 et à l’article L. 421-5, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans ».
2° Le deuxième alinéa des articles L. 421-1 et L. 421-3 sont supprimés.
La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Chers collègues de la droite sénatoriale, je suis sûr que mon propos va vous plaire ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Pour les salariés, les entrepreneurs ou les membres de professions libérales, le premier titre de séjour accordé pour le travail est actuellement d’une durée d’un an. M. le ministre a pourtant rappelé combien le renouvellement des titres de séjour pouvait être difficile. Ces procédures parfois kafkaïennes plongent même certains dans d’immenses difficultés.
Des titres de séjour pluriannuels d’une durée de trois ans permettront d’alléger la tâche des préfectures tout en facilitant le travail et l’intégration des intéressés. En votant cet amendement, nous agirons donc au service de toutes et de tous.
Dans la suite de cette discussion, vous proposerez un article traitant des modes de vie. N’oubliez pas que bon nombre de ces sans-papiers travaillent dans les cuisines de nos restaurants : ils font partie de ceux qui, aujourd’hui, maîtrisent le mieux la cuisine française ! (Mme Mathilde Ollivier applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 421-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par les mots : « ou, à défaut d’autorisation, à la justification par tout moyen de l’exercice d’une activité salariée durant au moins vingt mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Mes chers collègues, nous avons proposé ces dispositions dans le prolongement de l’article 3, qui créait un nouveau titre de séjour « travail dans des métiers en tension ». Notre assemblée a, hélas ! fait le choix de le supprimer : je ne me fais donc guère d’illusion quant au sort de cet amendement…
Le constat dont procède ce dispositif pourrait pourtant nous inciter à nous prononcer différemment.
Vous le savez, les étrangers sans titre de séjour valable travaillent parfois dans la clandestinité depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
Quel que soit le métier qu’elles exercent, ces personnes sont le plus souvent parfaitement intégrées. Elles participent, par leurs activités, à la vie de notre pays. Malheureusement, en général leurs employeurs refusent de prendre le risque de les déclarer. Ils les laissent ainsi dans une situation de précarité et de dépendance en leur bloquant l’accès au titre de séjour.
Cette irrégularité repose notamment sur l’absence d’autorisation de travail pour ces employés : leur employeur se trouve dès lors dans l’impossibilité de les déclarer régulièrement, en leur fournissant notamment des fiches de paie.
Nous proposons donc qu’un titre de séjour assorti d’une mention « salarié » puisse être demandé et obtenu sans cette autorisation, à condition que le travailleur puisse justifier d’une activité professionnelle suffisante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur Jadot, vous proposez qu’un étranger puisse bénéficier d’emblée, pour un motif lié au travail, d’un titre de séjour de trois ans.
Il s’agit là d’une durée particulièrement longue. Je vous rappelle ce principe du droit des étrangers, qui souffre certes quelques exceptions, mais n’en garde pas moins toute sa valeur : on commence toujours par un titre de séjour court, notamment afin d’évaluer la capacité d’intégration de son titulaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 283 rectifié.
Madame Carrère, vous proposez pour votre part de réintroduire, sous une forme quelque peu différente, le dispositif de l’article 3, vous l’avez reconnu vous-même. Nous venons de supprimer cet article : comme vous vous en doutez, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 33 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 223, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron, Temal, Marie et Tissot, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, M. Kanner, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est complété par une phrase ainsi rédigée : « La caractéristique selon laquelle l’étranger exerce un emploi sous le statut de travailleur indépendant ne fait pas obstacle à la délivrance d’une carte de séjour, dès lors qu’au moins les deux tiers de son revenu professionnel annuel résultent de l’utilisation d’un algorithme exploité directement ou indirectement par une plateforme numérique telle que définie à l’article 242 bis du code général des impôts. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement vise à dénoncer une hypocrisie, en supprimant la restriction selon laquelle une carte de séjour « travail dans des métiers en tension » ne pourrait être délivrée qu’au titre d’une activité professionnelle salariée. Cette hypocrisie, au sens propre et au sens figuré, court les rues.
Une telle disposition exclut en effet les travailleurs des plateformes, qui, en droit français, n’ont pas le statut de salarié.
Oui, il faut sortir de cette hypocrisie ! La relation de travail entre une entreprise de plateforme et les travailleurs qui lui sont liés présente toutes les caractéristiques d’une relation salariée. Ces entreprises ne sont pas de simples intermédiaires entre des prestataires et des clients.
Les travailleurs de ces plateformes, loin d’être des indépendants, sont sous le contrôle de leur entreprise. Ces entreprises fixent le prix des courses, déterminent des horaires préférentiels et organisent les conditions de travail au quotidien. Très souvent, il y a donc un lien de subordination, comme l’a jugé dans plusieurs arrêts la Cour de cassation.
Partons du principe, en raisonnant par l’absurde, que les étrangers travaillant pour ces plateformes ne sont pas des salariés. En quoi cela justifierait-il qu’ils ne puissent être régularisés ? Ces travailleurs contribuent à des pans entiers de l’économie. Le Gouvernement a pour seule réponse de faire comme s’ils n’existaient pas…
Ne pas les comprendre, ce n’est pas une politique ; c’est tout simplement mettre la tête dans le sable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous vous en doutez, mon cher collègue, l’extension de la circulaire Valls n’est pas la solution que nous privilégions pour ce problème, qui est réel, je n’en disconviens pas.
Au contraire, la solution à privilégier, sur laquelle il faut travailler – certains d’entre nos collègues l’ont fait en déposant une proposition de loi à ce sujet – est sans doute de nature contractuelle. Il conviendrait de basculer vers un régime contractuel des travailleurs des plateformes. Telle serait la piste à privilégier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 405 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 413-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des informations sur la vie en France et des démarches essentielles pour la venue et pour l’installation sont mises à disposition dans les principales langues comprises par les étrangers présents en France lors du passage de l’étranger dans les consulats français, dans les préfectures et dans les locaux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Le dispositif de cet amendement est assez simple. J’espère donc qu’il ne soulèvera pas les foules contre lui.
Aujourd’hui, l’État met à la disposition des personnes étrangères qui résident en France et qui souhaiteraient s’y installer durablement des informations relatives à leurs droits, à leurs devoirs, etc.
Dans la mesure où vous avez largement durci les conditions d’accès à ces informations pour les personnes qui ne résident pas encore en France, notamment pour les candidats au regroupement familial, qui ne sont donc encore sur notre territoire, nous proposons de mettre aussi à leur disposition, dans les consulats français, les informations relatives à ces mêmes droits et devoirs, de sorte que ces personnes, qui sont désormais obligées d’attendre deux ans, de maîtriser le français, etc., puissent au moins avoir accès aux mêmes informations que celles qui se trouvent déjà en France.
Par ailleurs, j’indique d’emblée que l’amendement n° 406 rectifié est retiré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission estime que cette information fait plus sens dans les consulats qu’ailleurs, c’est-à-dire avant de venir en France. Dans les faits, c’est déjà le cas.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 406 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 225-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° La quatrième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ou, en ce qui concerne les personnes étrangères ou apatrides, le type ou la durée de validité de leur titre de séjour ».
II. – L’article L. 1132-1 du code du travail est complété par les mots : « ou, en ce qui concerne les personnes étrangères ou apatrides, le type ou la durée de validité de leur titre de séjour ».
Cet amendement a été retiré.
L’amendement n° 515, présenté par Mme Narassiguin, M. Bourgi, Mme Brossel, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey et G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Marie, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot et M. Vallet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions d’accès à la fonction publique pour les étrangers non européens, les conséquences de leur statut d’agent contractuel de droit public pour leur intégration et un état des lieux des difficultés de recrutement de la fonction publique.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Il s’agit d’une demande de rapport portant sur les conditions d’accès à la fonction publique pour les étrangers non européens, les conséquences de leur statut d’agent contractuel de droit public sur leur intégration, et présentant un état des lieux des difficultés de recrutement dans la fonction publique.
Monsieur le ministre, il s’agit bien sûr d’un amendement d’appel, puisqu’il n’était pas possible de déposer d’amendements portant sur le droit de la fonction publique, sans que ceux-ci soient considérés comme des cavaliers législatifs.
Toutefois, nous voulons ouvrir le débat sur le fait qu’il existe aussi des métiers en tension dans la fonction publique. Près de 600 emplois n’ont pas été pourvus l’an dernier dans les fonctions publiques d’État et territoriale. Il semble absurde de ne pas modifier notre législation pour ouvrir ces emplois aux étrangers non européens ; dans beaucoup d’emplois, il n’est pas nécessaire d’être Français ou Européen.
Dans les emplois pourvus, beaucoup sont peu qualifiés – je pense aux services de la propreté dans les collectivités territoriales –, mais beaucoup le sont ; ces emplois contractuels sont occupés aujourd’hui par des étrangers non communautaires, très fortement précarisés par leur statut. Parfois, ils se trouvent momentanément en situation irrégulière, car ils se heurtent aux difficultés du millefeuille administratif pour faire renouveler leur titre de séjour ou pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, ce qui complique la vie de nos collectivités territoriales.
Aussi, il serait bon que des simplifications soient mises en œuvre pour sécuriser le statut de ces travailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par principe, vous le savez, la commission émet toujours un avis défavorable sur les demandes de rapport.
Sur le fond, nous nous demandons aussi si ces étrangers, en se lançant dans un processus de naturalisation, d’acquisition de la nationalité française, ne pouvaient pas aussi manifester leur volonté de participer à la communauté nationale et ainsi pouvoir intégrer la fonction publique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 460, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’impact de l’octroi d’un titre de séjour temporaire d’un an à l’étranger qui en fait la demande et a exercé une activité professionnelle salariée ou d’auto-entrepreneur durant au moins huit mois, consécutifs ou non, pendant les vingt-quatre derniers mois et atteste de 3 ans de présence sur le territoire français »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 460 est retiré.
Article 4
Après l’article L. 554-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 554-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 554-1-1. – I. – Par dérogation à l’article L. 554-1, l’accès au marché du travail peut être autorisé, dès l’introduction de la demande, dans les conditions prévues à l’article L. 554-3, au demandeur d’asile originaire d’un pays pour lequel le taux de protection internationale accordée en France est supérieur à un seuil fixé par décret et figurant sur une liste fixée annuellement par l’autorité administrative.
« Cette liste peut être modifiée en cours d’année, en cas d’évolution rapide de la situation dans un pays d’origine, en vue de la compléter ou de suspendre une inscription.
« II. – Le demandeur d’asile qui accède au marché du travail, dans les conditions prévues au présent article, bénéficie :
« 1° De la formation linguistique mentionnée au 2° de l’article L. 413-3, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l’accueil et de l’intégration ;
« 2° Des actions de formation professionnelle continue prévues à l’article L. 6313-1 du code du travail.
« III. – Le présent article n’est pas applicable lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée en application de la section 2 du chapitre Ier du titre III du présent livre. »
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.
M. Guy Benarroche. Je profite de l’examen de cet article pour répondre à deux interpellations de Gérald Darmanin qui sont intervenues à la fin de la discussion générale et qui sont relatives à l’article 4.
Monsieur le ministre, sur les crédits de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), vous nous avez demandé de poser des questions non pas en fonction de présupposés ou de postures, mais bien de la réalité. Vous m’avez expliqué qu’il était normal que ceux-ci ne soient pas en augmentation en 2024, au regard du texte qui nous était proposé et que nous allions voter.
En fait, vous n’avez pas tout à fait compris mon propos : je soulignais que les crédits de l’ADA avaient été revus à la baisse dès la loi de finances pour 2023. Pourtant, une telle baisse ne peut s’expliquer ni par l’efficacité de votre texte, dont personne n’a pu profiter, puisque celle-ci n’interviendra qu’en 2024, ni par la réduction des délais de traitement, laquelle n’entrera aussi en vigueur qu’en 2024.
Ensuite, sur le modèle d’accueil des Ukrainiens, vous m’avez en substance répondu : Chiche, faisons en sorte que tous les accueils soient temporaires ! Ce n’était pas l’objet de la proposition du groupe GEST, car nous savons très bien que les Ukrainiens ne sont pas dans un parcours d’asile. En revanche, nous souhaitons que la façon de prendre en charge des Ukrainiens, indépendamment de leur vocation ou non à rester sur le territoire, soit le modèle à suivre.
Je vous confirme que nous considérons qu’un accueil digne est inconditionnel, même s’il est temporaire. On ne doit pas préjuger la poursuite du maintien sur le territoire dans l’attente soit de repartir pour un pays en paix, s’agissant des Ukrainiens, soit des décisions d’accorder l’asile pour les autres. Cet accueil doit être le même.
M. Roger Karoutchi. C’est impossible !
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, sur l’article.
Mme Mélanie Vogel. Je souhaite revenir sur le contenu de l’article que vous voulez supprimer par voie d’amendement.
Que propose cet article ? Autoriser les demandeurs d’asile qui se trouvent déjà en France et qui viennent de pays bénéficiant d’un taux de protection très élevé – Afghanistan, Syrie… –, dont nous savons qu’ils obtiendront très certainement l’asile, à travailler.
Le délai entre la demande d’asile et la délivrance du visa est long, car l’administration répond lentement. Reste que nous sommes certains que ces personnes obtiendront l’asile politique en France.
Avec cet article, il s’agit de laisser travailler une personne dans l’attente de la réponse de l’administration – à cause non pas d’elle-même, mais de nous –, dont nous avons la certitude qu’elle sera positive, au regard du taux de protection dont ce demandeur bénéficie. Je dis bien « travailler », c’est-à-dire payer des cotisations et des impôts.
Pourtant, vous êtes contre. Je ne comprends pas !
Comment peut-on s’opposer à la possibilité pour une personne qui est déjà en France et qui, on le sait, se verra accorder le droit de rester, c’est-à-dire de servir la société, de payer des impôts et des cotisations sociales – pour nous, pour tout le monde, pour nos retraites, pour vos retraites ? Comment peut-on s’opposer à un tel dispositif ? Je le répète, je ne comprends vraiment pas !
Nous l’avons fait pour les Ukrainiens qui sont arrivés en France parce qu’ils bénéficiaient de la protection temporaire. Tout le monde a salué ce système, qui a très bien fonctionné. Il s’agit simplement de s’assurer qu’il peut, en cohérence, s’appliquer aux personnes qui ne bénéficient pas de la protection temporaire.
Il n’y a aucun sens à s’y opposer. Expliquez-moi pourquoi vous êtes contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Je souhaite répondre à notre collègue Mme Vogel.
Pourquoi ? Parce qu’il faut s’assurer qu’il s’agit bien d’un Afghan et qu’il a réellement de bonnes chances de pouvoir bénéficier du droit d’asile. On ne le sait qu’après avoir examiné le dossier, interrogé le demandeur, vérifié que ce n’est pas un futur débouté du droit d’asile qui aurait abusé de la procédure, en se faisant passer pour quelqu’un de persécuté, alors qu’il ne l’était pas. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, sur l’article.
M. Ian Brossat. Je partage beaucoup des remarques formulées par Mélanie Vogel. Au fond, la question est assez simple : préférons-nous que les gens vivent de leur travail ou des revenus de l’assistance ?
Je suis étonné d’entendre les sénateurs de la droite de cet hémicycle nous expliquer qu’ils préfèrent que les gens vivent de l’assistance plutôt que du travail. (Sourires sur des travées des groupes SER et GEST.)
Je considère – nous sommes nombreux à le considérer – que ce qui permet à quelqu’un d’être digne, c’est de gagner sa vie par son travail. En l’occurrence, on parle de demandeurs d’asile qui aspirent à travailler, à vivre de leur travail, à se rendre utiles pour la société par leur travail. Or vous les renvoyez vers des revenus d’assistance, soit 6,80 euros par jour, me semble-t-il…
Mme Sophie Primas. Quel moralisme !
M. Ian Brossat. Que des gens préférant travailler aient la possibilité d’accéder au travail me paraît une bonne chose ; c’est l’un des meilleurs moyens d’intégration dans notre pays.
Mme Mathilde Ollivier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Beaucoup d’arguments ont été avancés, mais je pense qu’il faut clarifier certains points, pour ne pas nourrir des phantasmes irrationnels.
J’ai bien écouté les arguments de mes collègues sur l’article 3, étayant le refus de délivrer un titre de plein droit et souhaitant offrir la possibilité à l’autorité administrative de délivrer ou non un tel titre. Eh bien, c’est exactement ce que prévoit l’article 4 !
Il ne prévoit pas une autorisation de plein droit ; il est écrit « peut ». En droit, pouvoir, ce n’est pas devoir. La rédaction de l’article 4 devrait donc vous satisfaire, mes chers collègues.
Il s’agit également de savoir quels pays d’origine pourraient être concernés par la disposition, en fonction d’un taux de protection qui serait défini chaque année. L’étude d’impact propose un taux de 50 %.
Aujourd’hui les ressortissants de neuf pays, dont l’Afghanistan, l’Érythrée et la Syrie, bénéficient d’un taux de protection de 50 %. Entre septembre 2021 et septembre 2022, savez-vous combien de personnes ont été réellement concernées et ont pu bénéficier d’une autorisation de travail ? À peine, 354 !
Vous voulez supprimer un article dont les dispositions laissent totalement la main à l’autorité administrative et qui ne délivre pas un titre de plein droit, conformément à votre souhait, lesquelles par ailleurs ne concerneraient que quelques centaines de personnes ! Pourtant, si cet article est adopté, ces dernières n’auraient pourtant plus à attendre plusieurs mois – le délai, de six mois minimum, est de neuf mois en moyenne –, alors que, pendant ce temps, soit elles travaillent au noir soit elles vivent avec 6,80 euros par jour !
Il faut que vous révisiez votre appréciation sur l’article 4. Il est beaucoup plus conforme à ce que vous souhaitez que ce que vous avez dit ou pensez avoir dit…