M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, sur l’article.
Mme Colombe Brossel. On a beaucoup parlé d’hypocrisie lors du débat sur la suppression de l’article 3. On pourrait continuer à le faire à propos de l’amendement de suppression de l’article 4 que nous examinons bientôt.
Le problème, c’est que cette hypocrisie est doublée d’un déni de réalité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pardonnez-moi par avance de permettre à la réalité de reprendre pied quelques instants dans ce débat. À Paris, entre le XVIIIe et le XIXe arrondissement,…
M. Jacques Grosperrin. La France, ce n’est pas Paris !
Mme Colombe Brossel. … de l’été 2022 au mois d’octobre 2023, il y a eu – les chiffres sont importants, j’y insiste – douze mises à l’abri de campements de personnes, soit 5 000 personnes !
Dans ces campements se trouvaient à la fois des demandeurs d’asile en cours de demande et des demandeurs d’asile statutaires, c’est-à-dire des personnes à qui la France a accordé sa protection statutaire. Elles en étaient réduites à avoir comme lieu de vie les trottoirs de Paris. C’est de l’indignité absolue.
Pourtant, vous proposez aujourd’hui – regardez les chiffres que rappelait Marie-Pierre de La Gontrie ! – de revenir sur l’article 4…
Au-delà de l’hypocrisie, je le répète, c’est un déni absolu de réalité. Nous ne pouvons faire la loi sans prendre en compte la réalité ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Philippe Bas. Il est temps que la Ville de Paris s’occupe de cette réalité !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. J’ai écouté avec attention Philippe Bas, comme je le fais toujours.
Je pense qu’il y a un malentendu sur cet article 4. Vous soupçonnez que ses dispositions ouvriront des droits à de futurs déboutés du droit d’asile. Vous êtes précautionneux, voire méfiants…
Cependant, cet article 4 n’a été rédigé ni par Mme Vogel, ni par Mme de La Gontrie, ni par M. Brossat, mais il l’a été par le ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, qui n’est pas le militant le plus No Border que j’ai rencontré dans ma vie. (Rires.)
Vous pourriez au moins mettre au crédit de votre ami Darmanin qu’il n’est pas là pour accroître le nombre de déboutés du droit d’asile bénéficiant d’une autorisation de travailler, ce qui ferait d’eux des clandestins qui ne pourraient plus jamais être renvoyés.
Faites au moins confiance à votre ami Gérald Darmanin, à ses services et à sa volonté de traquer les futurs déboutés du droit d’asile – d’autant que, croyez-moi, d’un point de vue économique, vous faites une erreur !
En effet, comme vous le savez, dès lors que le dossier est déposé, ces demandeurs d’asile touchent l’ADA. Par conséquent, il vaut bien mieux qu’ils travaillent. Tous les verrous ont été mis dans l’article 4, de sorte que seuls bénéficieront de ses dispositions ceux qui sont quasiment certains d’obtenir le droit d’asile.
Je me retrouve donc dans la situation étonnante, pour ne pas dire baroque, de plaider pour que la droite sénatoriale fasse confiance au ministre de droite Gérald Darmanin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je m’exprime en tant que ministre de l’intérieur et non en tant que militant No Border… (Sourires.)
Ne soyez pas déçus…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Où est Olivier Dussopt ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je dirai quelques mots sur l’article 4, qui sera, j’imagine, supprimé dans quelques instants, hélas !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sait-on jamais !
Mme Laurence Rossignol. On a fait ce qu’on pouvait ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Quelle est la philosophie de cet article ?
Monsieur Bas, si je puis me permettre, vous vous trompez. Il va de soi que l’autorisation de travail sera délivrée uniquement dans les cas où l’identification est évidente. C’est tellement vrai qu’il s’agit, comme l’a très bien fait remarquer Mme Marie-Pierre de La Gontrie, d’une possibilité et non d’une obligation de plein droit.
La question est de savoir, comme l’a souligné M. Brossat, s’il vaut mieux que les demandeurs d’asile vivent de l’aide sociale, en l’occurrence l’ADA, soit 360 euros par mois, dont une partie sert à financer leur logement d’urgence, au titre du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA), plutôt que du fruit de leur travail réalisé légalement, tout en payant des cotisations, sans que cela ouvre aucunement le droit à une régularisation quelconque.
Cette possibilité, nous la proposons déjà à ceux qui ont passé au moins six mois sur le territoire national. C’est d’ailleurs ce qui a été mis en place en Allemagne, où les demandeurs d’asile, voire ceux qui demandent un titre de séjour, peuvent bénéficier d’une tolérance pour travailler, sans que ce dispositif crée pour eux un droit à être régularisés.
Se pose une autre question : quelles personnes peuvent bénéficier de ce dispositif ? L’étude d’impact mentionne un taux de protection supérieure à 50 %, mais on pourrait imaginer de porter ce taux à 70 % ou à 80 % ; aujourd’hui, les Afghans bénéficient d’un taux de protection de 80 %.
Certaines personnes, en raison de leur nationalité, ne se verront en revanche pas accorder l’asile, car on se doute qu’il s’agit d’une manœuvre dilatoire. Dans ce cas, on pourrait ne pas appliquer la mesure prévue dans cet article.
Ce dispositif va de pair avec la réforme de l’asile dont nous discuterons très bientôt. Il ne s’agit pas d’un dispositif attractif, puisque les pays autour de nous l’appliquent déjà. Il n’est pas directement lié au statut d’asile – il n’a rien à voir. Évidemment, nous vérifions l’identité des demandeurs.
La question est de savoir si les personnes qui sont sur notre sol – personne ici ne réfute le droit d’asile – vivront de l’ADA – 360 euros par mois et un logement payé par l’État, via les associations par exemple – ou s’ils pourront travailler.
Je vois remonter, par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), des cas de personnes exerçant un métier. Parmi tous les Afghans qui ont aidé la France et qui ont été sauvés par l’opération Apagan à la suite de la chute de Kaboul – ils sont plusieurs milliers –, il y avait des traducteurs (Mme Hélène Conway-Mouret acquiesce.) – j’en ai besoin dans mes services de police –, des médecins, des infirmières et d’autres personnes qui exerçaient déjà un métier ou avaient obtenu des diplômes et devaient travailler.
Mme Hélène Conway-Mouret. Des juges, aussi !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pourquoi le médecin, l’infirmière ou le traducteur ont-ils dû attendre six mois en percevant 360 euros mensuels avant de mettre en place leur activité en France, alors qu’ils avaient quitté leur pays et tout perdu et qu’ils bénéficieront de l’asile ?
Je trouve que cette situation n’a rien à voir avec l’attractivité ni avec l’immigration. La question est de savoir si, oui ou non, nous voulons que les gens vivent du fruit de leur travail.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je terminerai en répondant à M. Benarroche, qui a parlé de 2024, mais j’imagine qu’il voulait dire 2023.
Dans la loi de finances pour 2023, hors Ukraine, nous avons inscrit 320 millions d’euros dans le budget consacré à l’ADA ; en exécution – il reste encore deux mois –, nous avons dépensé environ 275 millions d’euros, hors Ukraine. On va donc sous-exécuter.
On a inscrit plus de crédits, car on étudie beaucoup plus vite les demandes d’asile. Cela veut dire non pas qu’il y en a moins, mais qu’on les étudie beaucoup plus rapidement. Dès que réponse est faite à une demande d’asile, que ce soit oui ou non, la personne ne touche plus l’ADA. Tout est normal et nos chiffres sont sincères. C’est le signe que notre stratégie fonctionne.
Monsieur Benarroche, les crédits ont baissé alors même que ce texte n’est pas encore en vigueur… Imaginez combien nous pourrons être encore plus efficaces en matière d’ADA quand ce texte sera voté !
Mme Cécile Cukierman. On attend de voir…
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article 4 ne propose pas une mesure d’attractivité.
Son adoption dépend de savoir si l’on veut que les gens vivent de l’aide sociale ou du fruit de leur travail. Si l’article 4 est supprimé, ils continueront à vivre de l’aide sociale ; c’est dommage, car c’est moins de cotisations, moins de rémunérations et moins de gens dans des logements d’urgence. L’adopter n’implique pas pour autant qu’on les régularisera. (M. Olivier Bitz et Mme Jocelyne Guidez applaudissent.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 656 est présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.
L’amendement n° 127 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
L’amendement n° 365 rectifié ter est présenté par MM. Duffourg et Hingray.
L’amendement n° 531 est présenté par M. Ravier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 656.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Vous l’avez tous compris, l’amendement de suppression que nous défendons avec Mme le rapporteur découle de l’accord qui est intervenu entre les deux groupes de la majorité sénatoriale. (Exclamations sur des travées des groupes SER et GEST.)
Le contenu de l’accord que nous vous présenterons dans quelques minutes explique cette demande de suppression de l’article 4, qui n’est une surprise pour personne.
Le groupe Union Centriste, qui n’était pas opposé à la mesure proposée par le Gouvernement, a, depuis le début, estimé qu’elle devait être nuancée.
Je voudrais dire à mes collègues assis sur les différentes travées de cet hémicycle que l’importance des principes mis en avant est inversement proportionnelle à celle du sujet.
Je m’explique. On pourrait facilement répondre par une pirouette politique : historiquement, dans notre pays, les demandeurs d’asile pouvaient travailler. Cette possibilité a été supprimée par le gouvernement de Michel Rocard par crainte qu’elle ne constitue un appel d’air… Vous voyez bien, mes chers collègues, cela ne change pas beaucoup et nous sommes dans un éternel recommencement.
Monsieur le ministre a pris l’exemple de l’Allemagne, qui est en train de revoir sa position et de retirer la possibilité de travailler au profit d’une autre modalité, comme nous l’avons lu dans la presse ce matin. L’État allemand imagine ainsi un système de travaux d’utilité collectivité, proposition qui n’est pas dénuée d’intérêt.
J’en viens à la question de fond : proposer la suppression de cet article témoigne-t-il d’un déni de réalité de notre part ? Je ne le crois pas, et ce pour deux raisons.
D’une part, nous parlons d’un sujet à la marge de la marge, si je puis dire, même si je n’oublie pas que cela concerne des individus.
Mme de La Gontrie a parlé de centaines de personnes ; elle a sous-estimé le sujet. À notre connaissance, cela concerne, en 2022, 11 150 demandeurs d’asile…
M. Thomas Dossus. C’est l’invasion…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce ne sont pas mes chiffres !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je prends des chiffres volontairement plus favorables au soutien de votre position.
Il s’agit de 11 150 personnes,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Avec un taux de protection de 50 % ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. … qui ont bénéficié de la possibilité de travailler au bout des six mois prévus par la loi. Nous parlons donc d’un nombre très limité.
D’autre part, avec un taux de protection de 50 %, ce nombre serait d’emblée encore plus limité, et ce pour une raison très simple. Le taux de protection proposé par le Gouvernement concerne les personnes dont on est a priori sûr ou dont il est fort probable que la demande d’asile sera acceptée, parce qu’elles bénéficient d’un taux de protection de plus de 50 %.
Reste que les pays pour lesquels le taux de protection est de 50 %, cela n’existe pas ! Ce taux est une fiction arithmétique ! Dans la réalité, il y a des pays à très fort niveau de protection – Afghanistan, Érythrée, Soudan… – et d’autres à très faible niveau de protection – Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire, etc. Le taux facial, si je puis dire, de 50 % est le résultat de deux situations extrêmes.
Cela veut dire que bénéficieraient de la proposition émise par le Gouvernement les Afghans, non pas ceux de l’opération Apagan, les traducteurs et médecins, mais ceux qui sont actuellement en Irak ou au Pakistan, ainsi que les Soudanais et les Érythréens. En d’autres termes, il s’agit de personnes qui ne pratiquent pas le français et sont donc très éloignées des conditions d’employabilité.
Imaginer qu’ils puissent être immédiatement…
Mme Colombe Brossel. Allez à la porte de la Chapelle !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Parlons des XVIIIe et XIXe arrondissements ! Vous avez fait référence à des gens ayant fait l’objet de mises à l’abri, qui étaient donc déjà titulaires du droit d’asile – il s’agit donc d’un autre sujet.
La réalité, c’est qu’une infime partie de personnes pourrait être concernée par la disposition prévue à l’article 4. (Protestations sur des travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Et alors ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je n’ai donc pas le sentiment que la suppression de cet article, en exécution d’un accord que nous vous présenterons dans quelques instants, crée une révolution juridique ou politique. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Votez-le alors !
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 127.
M. Christopher Szczurek. L’article 4 vise à faciliter l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile originaires de pays à haut taux de protection sans qu’ils aient à devoir attendre la durée légale de six mois de présence sur le territoire national pour travailler. Ainsi, une personne venue d’Afghanistan ou de Syrie pourra immédiatement travailler sur le territoire national.
Nous proposons évidemment la suppression de cet article. En effet, en laissant à l’autorité administrative le soin de définir un obscur taux de protection, qui permettra à des milliers de migrants à la solution légale instable, de travailler sur notre sol, cet article constitue de facto un appel d’air – je sais que vous aimez ce mot (Murmures sur des travées du groupe CRCE-K.) – à l’immigration massive et irrégulière.
D’une part, cet article vient pervertir un dispositif de traitement des demandes d’asile déjà saturé. En effet, alors que la France accueille un demi-million de demandeurs d’asile sur son sol et que 130 000 demandes ont été recensées en 2022, ce dispositif accroîtra la pression sur les administrations concernées. De plus, il émettra un signal désastreux auprès des migrants cherchant à atteindre l’Europe.
D’autre part, en permettant à un demandeur d’asile dont la situation légale n’est pas stabilisée de travailler, cet article va favoriser l’implantation de migrants sur notre sol avant même que leur situation ne soit régularisée.
Le Rassemblement national s’oppose à une mesure rendant plus facile l’accueil des demandeurs d’asile, craignant que cela ne renforce l’attractivité de la France comme destination privilégiée des migrants, alors que l’assimilation ne fonctionne plus, que les services administratifs et sociaux chargés de l’accueil sur nos territoires sont saturés et que, sondage après sondage, les Français demandent un arrêt de l’immigration, légale comme illégale.
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 365 rectifié ter.
M. Alain Duffourg. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 531. (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER.)
M. Stéphane Ravier. Calmez-vous, mes chers collègues !
L’article 3 est celui qui a fait couler le plus d’encre et de salive, mais parlons de cet article 4, qui accélérera l’entrée sur le marché des demandeurs d’asile. On ne parle même pas des réfugiés. Quand on sait que 60 % des demandeurs d’asile sont déboutés, c’est à en être dégoûté. Ce serait automatique : vous arrivez en France, déposez votre demande d’asile et, quelques jours plus tard, vous voilà au travail ! Ces acteurs économiques étrangers sont une aubaine pour ne surtout rien changer.
Il faut cesser d’utiliser l’argument utilitariste : le droit d’asile n’a rien à voir avec l’immigration économique.
Monsieur Darmanin, vous appelez à être gentil avec les gentils et méchants avec les méchants.
M. Ian Brossat. Il faut être méchant avec tout le monde ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Stéphane Ravier. Il faut sortir de cette vision manichéenne. En l’occurrence, votre texte considère que les gentils sont ceux que l’on peut employer à bon marché, alors qu’ils sont probablement sur notre sol clandestinement.
Finalement, vous tendez à estomper la frontière entre régularité et irrégularité en ouvrant le marché du travail à la terre entière. Ainsi, monsieur le ministre, vous répondez à l’appel de l’extrême gauche, qui défend le droit au travail inconditionnel. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’immigration en cascade. Ne venez pas ensuite vous plaindre de la prétendue fatalité de l’immigration clandestine, de la congestion des tribunaux administratifs ou de l’incapacité à tenir le rythme des expulsions ! Et nous nous retrouverons ici dans dix-huit mois pour discuter d’une trente et unième loi sur l’immigration.
Vous espérez séduire quelques chefs d’entreprise avec cette vision court-termiste, mais c’est leur compétitivité qui finira par être affectée par la charge sociale engendrée par le chômage des Français, l’immigration clandestine régularisée et le regroupement familial qui en découle. Le patron du Mouvement des entreprises de France (Medef) a affirmé samedi 4 novembre dernier qu’il y avait beaucoup de chômeurs dans toutes les régions de France et que notre première responsabilité était de les ramener vers l’emploi.
Alors, mes chers collègues, je vous invite à rejeter sans hésitation cette mesure piège et hors sujet, en votant cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne voterons pas ces amendements.
J’ai ressenti une certaine hésitation, voire une contradiction, dans l’argumentation du rapporteur que j’ai pourtant écoutée attentivement. De deux choses l’une : ou bien c’est trop ou bien c’est trop peu. C’est parce que c’est trop que vous opposez à l’article 3 et parce que c’est trop peu que vous vous opposez à l’article 4 … Je ne comprends plus les fondements de votre position.
Je ne le dis pas ironiquement, j’espère toujours convaincre ! Compte tenu de l’enjeu – quelques centaines de personnes –, vous pourriez reconsidérer votre point de vue. Il ne s’agit pas d’une ouverture abrupte du marché du travail, contrairement à ce qui a pu être dit, un peu rapidement, par Bruno Retailleau.
Les chiffres que j’ai évoqués, monsieur Bonnecarrère, sont les vôtres : ils proviennent de l’étude d’impact, ils sont donc forcément exacts.
Je vous conjure de réfléchir. Vous ne pouvez pas à la fois ne pas vouloir quand c’est trop et ne pas vouloir quand c’est trop peu.
Il ne faut pas supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je rappelle que la commission des lois a demandé la priorité de l’amendement n° 656. Une fois que le vote aura eu lieu, tous les autres amendements deviendront sans objet.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. J’interviendrai d’abord sur la forme.
Je salue l’ingéniosité et la créativité législative déployées par nos rapporteurs. Les articles 3 et 4 sont quasi enterrés et nous allons assister à la naissance d’un article 4 bis. Dans cet hémicycle où l’on prône régulièrement – pour ma part, je le découvre – l’importance de la clarté et de la lisibilité de la loi, je suis mal à l’aise face aux tours de passe-passe qui nous sont proposés, surtout lorsqu’ils concernent des sujets aussi graves et mobilisent certains des termes que nous avons entendus.
J’en viens au fond. On a l’impression d’un geste non assumé. Vous supprimez l’article 3 tout en reconnaissant secrètement, en fait, la nécessité et les besoins auxquels il répondait. Le dispositif proposé n’apporte finalement pas grand-chose, puisqu’il fixe des critères et des conditions d’appréciation déjà existants et qui ne nécessitent pas d’être précisés dans la loi.
J’attends de voir comment les préfectures et les juridictions administratives apprécieront à l’aune du droit des critères juridiquement folkloriques comme l’intégration à la société française ou l’adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci. Cela pourrait engendrer un foisonnement de contentieux et une congestion des tribunaux.
Par conséquent, fidèles à nos engagements – étant en outre pour ma part issu du monde économique –, nous nous opposons à la suppression de l’article 4, comme nous nous sommes opposés à celle de l’article 3.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je rappelle rapidement les raisons pour lesquelles nous nous sommes opposés dès le départ à cet article et soutiendrons évidemment l’amendement de suppression du rapporteur.
L’enjeu ici n’est pas le droit d’asile en tant que tel, un droit sacré qui doit être préservé tant qu’il n’est pas dévoyé. Il s’agit de l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail.
Il existe une directive européenne de 1989, dite directive Accueil, qui fixe un délai maximal de neuf mois pour cet accès au marché du travail.
À cet égard, les vingt-sept pays européens se répartissent en trois groupes. Certains permettent l’accès au marché du travail après neuf mois pour les demandeurs d’asile, d’autres après six mois – c’est le cas de la France depuis une loi de 2018, votée donc par un gouvernement de la mandature de M. Macron.
Ce que prévoit cet article, c’est l’accès immédiat au marché du travail. Nous y sommes défavorables, car nous pensons que cela enverrait un signal trop favorable, interprété partout dans le monde.
M. Thomas Dossus. Par qui ?
M. Bruno Retailleau. Nous voulons une politique très ferme en matière d’immigration.
Je vous rappelle que 75 % des Français estiment qu’il y a trop d’immigration ; désormais, même les électeurs et sympathisants de gauche, y compris de LFI, pensent en majorité que l’immigration est trop importante en France.
Ne donnons pas de mauvais signal. Supprimons l’article 4 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 656, 127, 365 rectifié ter et 531.
J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Les Républicains, la deuxième, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, la troisième, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 27 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 191 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements nos 37 rectifié, 228, 296 rectifié bis et 83 rectifié, les amendements identiques nos 240, 295 rectifié et 371 rectifié, les amendements nos 438, 24 rectifié bis, 229, 231 et 294 rectifié n’ont plus d’objet.
Après l’article 4
M. le président. Je suis saisi de dix amendements et de dix-neuf sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 657, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 435-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 435-4. – À titre exceptionnel, l’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13 durant au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois, et occupant un emploi relevant de ces métiers et zones, et qui justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » d’une durée d’un an. Ces conditions ne sont pas opposables à l’autorité administrative.
« Dans l’exercice de sa faculté d’appréciation, l’autorité compétente prend en compte, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci, ainsi qu’aux principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7.
« La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. »
II. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un titre de séjour “salarié” ou “salarié temporaire” est délivré à l’étranger sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-… du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorisation de travail peut lui être accordée, après vérification auprès de l’employeur de la réalité de l’activité alléguée. »
III. – Le présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2026.
La parole est à M. le rapporteur.