M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Il s’agit là de l’accord trouvé au sein de la majorité sénatoriale sur la réécriture de l’article 4, accord déjà largement présenté par François-Noël Buffet.
Premièrement, nous représentons nos concitoyens et ceux-ci veulent que nous prenions nos responsabilités : ils veulent un texte. Grâce à cet accord, le Sénat aura la possibilité de voter un texte à l’issue de nos débats.
Deuxièmement, nos concitoyens nous demandent de montrer que nous sommes capables de surmonter nos désaccords. Nous aurons apporté la preuve que nous en étions capables au travers de cet accord.
Troisièmement, hier soir, nous avons pris connaissance d’un communiqué de presse du président du groupe Les Républicains Bruno Retailleau se réjouissant que son groupe ait la possibilité de voter sur notre texte. Une heure après a été diffusé un communiqué du président du groupe Union Centriste Hervé Marseille se réjouissant du fait que nous aurons la possibilité de voter sur un texte qui reprend les idées, les souhaits, les desiderata de son groupe. Aujourd’hui, en début d’après-midi, vous avez entendu le ministre s’offusquer, en quelque sorte, qu’on lui vole la paternité de ce texte, fruit de son travail et reflétant les idées et la réflexion du Gouvernement.
Bref, quand un accord a trois pères…
Mme Cécile Cukierman. C’est la sainte trinité ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mariage pour tous ! (Sourires.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. … et lorsque les trois pères sont satisfaits des termes de cet accord, c’est que celui-ci est solide !
Le groupe Union Centriste et le Gouvernement souhaitaient une possibilité de régulariser dans les métiers en tension. L’adoption de l’amendement n° 657 ouvrira une telle possibilité.
Le groupe Les Républicains ne voulait pas d’un titre de plein droit opposable. Il n’y a pas de titre de plein droit, il s’agira d’une procédure discrétionnaire, au cas par cas.
Le groupe Union Centriste souhaitait régler de manière solide la question de l’autorisation préalable de l’employeur, avec ce que l’on a appelé l’accroche législative : la rédaction proposée prévoit cette accroche législative et la dispense de l’autorisation de l’employeur.
Le groupe Les Républicains nous a alertés sur la préservation de l’ordre public et a demandé de la vigilance sur la réalité de l’activité professionnelle alléguée. Toutes ces préoccupations sont satisfaites par les critères qui seront pris en compte par les préfets.
La solution trouvée répond donc bien aux exigences de tous. M. le ministre a regretté dans un raisonnement fort habile que le Parlement, en transférant la décision au cas par cas aux préfets, se dessaisisse de la possibilité de fixer lui-même les critères. Dès lors que nous voulons qu’il soit procédé à un examen spécifique et que l’on puisse vérifier la réalité du travail allégué, comprenez que nous ne pouvons pas fixer des critères dans la loi : il faut laisser de la marge au pouvoir discrétionnaire.
Vous nous avez donné un argument supplémentaire, monsieur le ministre, lors de la discussion générale lundi dernier. Je n’avais pas en tête la répartition que vous avez mentionnée, à savoir qu’au moins la moitié des salariés étrangers dans notre pays ont comme employeurs des étrangers. Dans ces conditions, je comprends que nos collègues souhaitent vérifier la réalité des situations.
Voilà qui explique, mes chers collègues, que le texte ait migré, si j’ose dire, de l’article 3 à l’article 4 bis. Cela ne me paraît pas un très grand voyage. Nous ne devons perdre personne dans ce voyage et c’est une belle promesse pour la suite du texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Le sous-amendement n° 658, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 657
I. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4 :
Régularisation pour motif professionnel
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
À titre exceptionnel,
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Après cette communication de la droite à la droite, je trouve utile, pour l’ensemble de l’hémicycle, de proposer un tableau complet de la situation. Ce que nous avons entendu par M. Bonnecarrère, c’était l’élaboration parlementaire racontée aux enfants ! (Sourires.) Ce n’est toutefois pas exactement comme cela que les choses se sont passées…
L’amendement qui vous a été présenté est une version extraordinairement dégradée de l’article 3 initial et de la circulaire Valls. Nous avons donc déposé des sous-amendements très rapidement ce matin pour tenter de revenir à un dispositif un peu plus sérieux.
Le sous-amendement n° 658 tend à ce que le dispositif de régularisation soit placé correctement, puisque la circulaire Valls n’est plus adaptée. Restera-t-elle d’ailleurs en vigueur ? La question se pose, puisque le texte qui sera sans doute adopté ne vise que les métiers en tension, alors que la circulaire Valls concerne toutes les activités professionnelles. (M. le ministre le confirme.)
M. le président. Le sous-amendement n° 674, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4
Supprimer les mots :
À titre exceptionnel
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les travailleuses étrangères et les travailleurs étrangers qui vivent en France sans titre de séjour sont dans la plus grande précarité. C’est inacceptable dans un pays comme le nôtre, mais la situation est même absurde, puisque ces travailleuses et travailleurs cotisent et paient des impôts sans avoir accès aux droits qui devraient être associés.
La seule manière de leur permettre de sortir de la précarité, c’est de les régulariser. Or la droite sénatoriale a proposé un dispositif différent pour la régularisation. Les exemptions et les barrières sont multiples, et la régularisation ne serait pas un droit : en lisant l’amendement du rapporteur, on voit qu’elle sera une mesure exceptionnelle. Pourtant, l’accès au droit ne devrait pas être exceptionnel, il devrait aller de soi !
Dans la même ligne, monsieur le ministre, vous avez proposé une expérimentation de la régularisation jusqu’en 2026. Pourquoi expérimenter une procédure qui a déjà fait ses preuves ? En France, la circulaire Valls est en vigueur, et la régularisation existe déjà dans d’autres pays, comme en Espagne, où plusieurs voies de régularisation coexistent même.
Il faut être très clair sur ce point : nous avons suffisamment d’expérience en la matière, nous savons comment faire. Nous avons besoin non d’une procédure expérimentale ou exceptionnelle, mais de droits et d’un dispositif pérenne. Qui travaille en France a le droit à un titre de séjour.
C’est pourquoi ce sous-amendement tend à supprimer le caractère exceptionnel de la procédure.
M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont identiques.
Le sous-amendement n° 659 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Le sous-amendement n° 670 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
Supprimer le mot :
salariée
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter le sous-amendement n° 659.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le rapporteur, à la façon dont vous avez présenté cet accord politique, à l’allégresse et à l’euphorie qui étaient les vôtres, on voit que celui-ci a été une joie pour la plupart d’entre vous, notamment pour le groupe Union Centriste.
Le sous-amendement n° 659 vise à supprimer la restriction selon laquelle seuls les étrangers qui exercent une activité professionnelle salariée peuvent être régularisés. Celle-ci exclurait en effet les travailleurs des plateformes, qui n’ont pas le statut de salarié. La non-prise en compte de ces travailleurs est une hypocrisie, dans la mesure où la relation de travail entre les entreprises de plateformes et les travailleurs qui leur sont liés présente toutes les caractéristiques d’une relation salariale, comme nous le savons tous.
Contrairement à ce qu’affirment ces entreprises de plateformes, qui se présentent comme des intermédiaires entre des prestataires et des clients, leurs travailleurs, loin d’être des indépendants, sont sous le contrôle de l’entreprise via des algorithmes : ces algorithmes fixent le prix des courses, déterminent les horaires préférentiels, organisent les conditions de travail au quotidien. Il y a donc très souvent un lien de subordination, comme l’a d’ailleurs rappelé la Cour de cassation.
Enfin, l’exclusion des travailleurs des plateformes du dispositif de régularisation ne peut tenir lieu de politique publique. Le Gouvernement ne peut se contenter de constater le caractère irrégulier du séjour de ces travailleurs sans apporter de réponse à cette situation.
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour présenter le sous-amendement n° 670.
Mme Antoinette Guhl. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande un accès à la régularisation pour l’ensemble des travailleurs, et non pas uniquement l’ensemble des travailleurs salariés. Nous pensons notamment aux autoentrepreneurs et à ceux, nombreux, qui travaillent dans les entreprises de plateforme.
M. Guy Benarroche. Très bien !
M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont également identiques.
Le sous-amendement n° 660 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Le sous-amendement n° 672 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l’article L. 414-13
et les mots :
occupant un emploi relevant de ces métiers et zones
La parole est à Mme Colombe Brossel, pour présenter le sous-amendement n° 660.
Mme Colombe Brossel. Encore un déni de réalité…
Nous considérons comme non pertinent d’adosser le dispositif de régularisation des travailleurs étrangers sans-papiers à une liste de métiers en tension – critère qui ne figure pas dans l’actuelle circulaire Valls. Le secteur de l’hôtellerie-restauration, par exemple, n’est pas considéré comme en tension. Pourquoi ? Justement parce que ce sont déjà des travailleurs sans-papiers qui occupent ces emplois…
M. Rémi Cardon. C’est le fameux appel d’air !
Mme Colombe Brossel. Bienvenue en Absurdie…
Nous ne pouvons pas faire la loi en créant des situations absurdes !
Par ailleurs, la liste des métiers en tension était censée être actualisée régulièrement. Elle l’a été en 2008, puis en 2021. Pourtant, le monde du travail avait eu le temps de changer en treize ans ! Depuis avril 2021, rien…
Olivier Dussopt – qui n’est pas là ce soir (Marques d’ironie sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) – avait annoncé lancer une concertation avec les partenaires sociaux pour actualiser la liste de ces métiers début 2023. Je ne sache pas que cette liste de métiers ait été actualisée et les partenaires sociaux que nous avons interrogés ne semblent pas avoir été consultés ou avoir vu paraître une nouvelle liste.
C’est évidemment pour cela que nous vous proposons ce sous-amendement. Il est tout à fait inacceptable de faire reposer la régularisation d’étrangers, de travailleurs, de personnes sans titre de séjour sur un dispositif aussi déficient.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter le sous-amendement n° 672.
M. Guillaume Gontard. Le Gouvernement et la droite sénatoriale veulent régulariser uniquement les travailleuses et travailleurs de certains métiers en tension. Pourrait donc obtenir un titre de séjour la personne qui travaille dans un métier figurant sur une liste. Hélas, cette liste présente de nombreux défauts.
D’abord, elle n’est actualisée que très sporadiquement. La dernière actualisation date de 2021, la précédente datait de 2019, alors que, on le sait, la situation sur le marché du travail évolue vite. Cette mise à jour se fait en outre sans réelle consultation des partenaires sociaux. De plus, elle est incomplète : de nombreux métiers en tension n’y figurent pas. L’exemple le plus frappant est celui du serveur des cafés et restaurants…
Un rapport établi par le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion montre d’ailleurs que cette liste n’est pas totalement représentative des tensions actuellement constatées sur le marché du travail. Comment prendre des décisions aussi importantes sur la base d’un outil de décision si faussé ?
Ce sous-amendement tend donc à supprimer la liste des métiers en tension.
M. Guy Benarroche. Très bien !
M. le président. Les deux sous-amendements suivants sont également identiques.
Le sous-amendement n° 661 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Le sous-amendement n° 675 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
huit
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 661.
Mme Monique Lubin. Nous contestons que, par l’amendement n° 657, les exigences en matière d’activité professionnelle auxquelles l’étranger devra se soumettre puissent être renforcées.
La circulaire Valls impose actuellement à un étranger de justifier d’une ancienneté de travail de huit mois consécutifs sur les vingt-quatre derniers mois. Un étranger qui travaille est un étranger qui s’intègre. Dans ces conditions, pourquoi lui demander des preuves d’amour supplémentaires ?
Ce sous-amendement tend donc à revenir au délai de huit mois.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter le sous-amendement n° 675.
M. Guy Benarroche. Que vivent réellement les personnes dont nous parlons ce soir, c’est-à-dire les travailleuses et travailleurs étrangers sans titre de séjour ?
Ces individus sont privés de l’essentiel de leurs droits. Cela concerne évidemment l’accès aux soins, avec l’assurance maladie, mais aussi la protection par le code du travail.
Sans cette protection, ces travailleuses et travailleurs doivent accepter plus ou moins toutes les conditions de travail, aussi mauvaises soient-elles. Sans cette protection, ils ne peuvent pas non plus se plaindre lorsqu’ils deviennent victimes de mauvais traitements de la part de leur employeur.
Malheureusement, ces mauvais traitements sont fréquents. Par exemple, l’employeur refuse souvent de délivrer une fiche de paie, ce qui peut constituer un moyen de pression : l’employeur promet de la donner, par exemple, si l’employé accepte des heures supplémentaires. S’il veut sanctionner l’employé, il peut même décider de ne pas délivrer de fiches de paie. Tout est possible, car l’employé n’a pas de voie de recours.
Sans fiche de paie, il est extrêmement difficile pour le travailleur de prouver qu’il a travaillé réellement. C’est pourtant bien ce que l’on attend de lui s’il veut prétendre à la régularisation, laquelle n’est possible qu’à l’issue d’un certain nombre de mois travaillés. À l’origine, cette durée devait être de neuf mois, alors qu’elle est actuellement de huit. Si l’amendement de la commission est adopté, elle sera portée à douze mois.
Monsieur le rapporteur, votre amendement tend à exiger des bulletins de salaire pour une période de douze mois, soit toute une année. Cela pourrait paraître adapté, mais, pour bien des travailleuses et des travailleurs étrangers qui se font exploiter par leur employeur, justement parce qu’ils n’ont pas de papiers, c’est infaisable. Pourtant, c’est justement eux qu’il faudrait aider en priorité.
C’est pourquoi ce sous-amendement a pour objet de ramener cette limite à huit mois.
M. le président. Le sous-amendement n° 665, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conway-Mouret et Daniel, MM. Durain, Fagnen, Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Lubin, MM. Lurel et Ouizille, Mme S. Robert, M. Roiron, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet et Ziane, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4, première phrase
1° Remplacer les mots :
peut se voir délivrer
par les mots :
se voit délivrer de plein droit
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Au travers de ce sous-amendement, nous contestons le fait que la régularisation des travailleurs étrangers sans-papiers demeure tributaire de l’arbitraire administratif.
Le cas par cas que revendiquent les auteurs de l’amendement n° 657 pour refuser la délivrance de plein droit fait surtout régner, en pratique, la règle de l’arbitraire le plus total.
Prenons le cas de deux étrangers qui seraient dans une situation similaire : au sein de la même préfecture, le premier sera régularisé, l’autre non. Entre deux préfectures différentes, il en ira de même. Les inégalités territoriales seraient, alors, évidentes.
Par ailleurs, la délivrance de plein droit n’empêche pas l’autorité administrative compétente de vérifier que les conditions fixées par la loi sont bien remplies par l’étranger.
Il est donc faux de prétendre que la délivrance de plein droit ôte tout pouvoir d’appréciation dans la régularisation des travailleurs étrangers sans titre.
M. le président. Le sous-amendement n° 671, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4
Remplacer les mots :
peut se voir
par les mots :
se voit
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Nous avons eu l’occasion de le dire : l’amendement n° 657 représente un tour de vis et tend à durcir le droit existant, en l’espèce la circulaire Valls.
Hormis les critères de métiers et zones en tension, la réduction du dispositif aux seuls salariés et les mentions inacceptables et floues relatives au mode de vie et à la société aboutissent à la non-automaticité de la délivrance des titres de séjour.
Le principe est clair : les décisions de régularisation reviendront aux préfets. Formellement, ce pouvoir discrétionnaire est mentionné à trois reprises : par son caractère exceptionnel, par son caractère possible et par son caractère non opposable.
Nous avons une opposition de fond contre ce caractère discrétionnaire, pour ne pas dire arbitraire. La loi, c’est la loi. Dès lors qu’il remplit les critères requis, un travailleur étranger devrait être doté d’un titre de séjour et de travail, tout simplement.
Au-delà même de cette opposition de principe, nous trouvons que la rédaction actuelle, par son insistance sur le caractère discrétionnaire de la décision, pèche par excès de zèle.
Ce sous-amendement de bon sens tend simplement à mentionner le caractère arbitraire de votre dispositif deux fois au lieu de trois. Cela ne nous paraît pas déraisonnable.
M. le président. Le sous-amendement n° 673, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657
1° Alinéa 4
Supprimer la deuxième occurrence du mot :
temporaire
2° Alinéa 8
Supprimer le mot :
temporaire
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le rapporteur, vous avez manifestement une mauvaise compréhension de ceux qui méritent d’être régularisés. (M. le rapporteur proteste.)
Vous proposez de régulariser les travailleuses et travailleurs « temporaires ». Cela témoigne d’une interprétation erronée et très éloignée de la réalité de la situation.
À vos yeux, les personnes ayant besoin d’une régularisation ne seraient présentes en France que pendant quelques mois, avant de repartir dans leur pays d’origine. D’une certaine façon, elles seraient en vacances prolongées.
La réalité est tout autre. En effet, une personne étrangère peut se retrouver en situation irrégulière en France, parce que son titre de séjour n’a pas été prolongé.
Imaginez que votre pays est en guerre. Vous êtes blessé et le système de santé national s’est effondré. Heureusement, vous obtenez, pour raisons médicales, un titre de séjour qui vous permet de vous faire soigner en France.
Votre pays étant toujours en guerre, il vous est impossible, une fois soigné, d’y retourner. Votre titre de séjour n’est pas renouvelé : vous vous retrouvez alors en situation irrégulière en France.
Pourtant, vous n’êtes nullement un travailleur temporaire : vous avez besoin d’un titre de séjour protecteur qui vous accorde des droits ; vous avez besoin de savoir que vous pouvez rester en France. C’est la condition de toute intégration, cela a été souligné à plusieurs reprises.
Voilà les raisons pour lesquelles nous refusons votre vision et l’application de ce critère de travailleur temporaire.
À la place, nous souhaitons que toute travailleuse et tout travailleur ait accès à ses droits. La régularisation doit ouvrir droit à un titre de séjour pluriannuel, dont les conditions d’obtention seraient claires et permettraient la régularisation du travail.
M. Guy Benarroche. Excellent ! Bravo !
M. le président. Le sous-amendement n° 666, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4
Remplacer les mots :
d’un an
par les mots :
de trois ans
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Afin de rappeler l’objectif de régularisation, notre groupe demande la pluriannualité de la carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire ».
Une fois n’est pas coutume, nous citerons les déclarations du Gouvernement et de son ministre de l’intérieur lors de la discussion générale : « Nous avons besoin d’une disposition législative pour pouvoir régulariser des personnes qui méritent de l’être, quand bien même l’employeur ne le souhaite pas. »
La proposition des rapporteurs, bien éloignée de celle du Gouvernement, est tout aussi éloignée de la réalité.
Le groupe GEST est loin de penser, théoriser ou accepter une immigration utilitariste. Nous sommes fermement opposés aux dispositifs de correction temporaire de la pénurie de main-d’œuvre.
Bien au contraire, nous défendons le droit des travailleurs de vivre dans une plus grande sécurité juridique, ce qui passe nécessairement par une visibilité supérieure à un an.
Notez que cette pluriannualité limiterait les sollicitations répétitives des services préfectoraux, déjà bien surchargés dans la gestion des titres de séjour.
Aussi, nous entendons, au travers de ce sous-amendement, renforcer les droits que les auteurs de l’amendement souhaitent accorder aux travailleurs étrangers déjà présents sur notre sol.
M. le président. Le sous-amendement n° 668, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Amendement n° 657, alinéa 4, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Je tiens à souligner le caractère quelque peu lunaire de la situation.
Pendant des mois, puisque l’adoption de ce texte en commission a eu lieu voilà plusieurs mois, le président du groupe Les Républicains Bruno Retailleau nous a expliqué que, comme après le passage d’Attila, l’article 3 disparaîtrait et que jamais il ne repousserait.
« Pas de nouvelle rédaction sous un autre article », disait-il. C’était l’une des conditions – un fil rouge – pour que ce texte soit adopté.
Pourtant, nous sommes en train d’examiner un amendement portant article additionnel après l’article 4, qui est, en fait, une réécriture de l’article 3.
Les auteurs de ce projet de loi ont également fait de nombreuses déclarations dans les journaux ces derniers mois.
Dans le Journal du dimanche, le ministre de l’intérieur a ainsi expliqué que le Gouvernement était attaché à des mesures de justice envers ceux qui produisent dans notre pays sans jamais poser de problèmes à l’ordre public.
Le groupe GEST préfère cette philosophie de justice. Les conditions législatives doivent se suffire à elles-mêmes.
Tout l’équilibre du texte repose sur cette justice entre les travailleurs. L’obtention de leur titre de séjour ne doit pas dépendre d’une décision discrétionnaire du préfet, donc de l’arbitraire administratif.
Nous proposons de supprimer les conditions mentionnées à l’alinéa 4 et de faire de la régularisation un droit opposable.