M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 530.
M. Stéphane Ravier. L’article 3, en même temps que le grand remplacement, c’est le grand renoncement.
La nouvelle carte de séjour « travail dans des métiers en tension » est une porte d’entrée supplémentaire pour l’immigration économique, alors que la France compte 2,2 millions de demandeurs d’emploi en France.
Les métiers de couvreur, de serveur, d’agent d’entretien, d’aide à domicile, d’ouvrier en travaux publics, de conducteur de transports en commun ou de pharmacien, qui sont dits en tension, doivent être revalorisés par un allègement ou une exonération de charges et une revalorisation des salaires, non pas par une course au moins-disant salarial et social.
L’article 3 est une concurrence étrangère déloyale sur notre sol et une trappe à bas salaires.
L’immigration n’est pas la réponse. Il existe des solutions : une politique familiale incitative pour un regain de la natalité française, le versement du revenu de solidarité active (RSA) sous conditions de travail, comme dans les Bouches-du-Rhône, le recours à l’apprentissage, la lutte contre le recours excessif des salariés aux prud’hommes.
Cette politique doit être débattue indépendamment de l’examen du projet de loi sur l’immigration. Vous nous prenez en otage.
Six Français sur dix estiment qu’il y a trop d’immigrés en France, sept sur dix pensent que la politique migratoire est trop laxiste. Les Français attendent de la fermeté !
Dans une étude parue en 2021, l’Observatoire français des conjonctures économiques a révélé que, avec seulement 1 % de travailleurs immigrés supplémentaires, les salaires des ouvriers qualifiés, des techniciens et employés et des ouvriers non qualifiés baissaient notablement.
En France, le problème est que les salaires nets sont bas et les salaires bruts élevés. La différence entre les deux, c’est le « pognon de dingue » de la dépense sociale non contributive.
D’après les dernières données du ministère de l’intérieur, en 2017, 14 % des Français âgés de 15 ans ou plus étaient chômeurs, c’est 42 % des Algériens, 43 % des Marocains et 48 % des Turcs vivant en France. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’invite donc ceux qui ne veulent pas l’adoption de cette disposition, qu’elle figure dans la loi ou dans le règlement, à voter mon amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Hier, la suppression de l’aide médicale de l’État a constitué un vrai faux pas. Nous y avons consacré du temps. Avec d’autres collègues, nous avons espéré convaincre, en vain. Tout le monde a vite compris que cette décision de notre assemblée n’avait rien de rationnel et qu’elle n’était que le résultat d’une idéologie quasi dogmatique de la majorité sénatoriale.
Nous risquons à présent de nous égarer une seconde fois, si une majorité accepte de renoncer à la mesure intéressante de ce projet de loi, la seule qui justifie de passer autant d’heures à examiner un énième texte sur l’immigration.
L’article 3 marque une bascule, je vous l’accorde. Il marque la fin d’une hypocrisie – cela a été dit – qui veut que l’on interdise, en droit, le travail clandestin, tout en l’approuvant quotidiennement dans les faits.
Il marque la fin d’une marginalisation systématique d’une catégorie d’employés qui travaillent souvent dur sur des plages horaires particulièrement exigeantes, en échange de bas salaires, toujours pour l’intérêt de notre nation, mais sans jamais bénéficier du moindre droit ni d’une véritable reconnaissance et sans jamais pouvoir véritablement s’intégrer, alors que, dans de nombreux cas, notre pays s’appuie sur eux.
Le groupe RDSE comptait voter l’article 3. Nous étions prêts à concéder des aménagements et des compromis, mais nous voulions, coûte que coûte, que cet article reste dans le projet de loi, à l’issue de son examen par notre assemblée.
Lors de la discussion générale, la présidente du groupe RDSE a indiqué que nous réservions notre position. Si vous ajoutez à la suppression de l’AME celle de l’article 3, vous comprendrez qu’il n’y a plus aucun espoir que nous soutenions ce texte. (Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Ian Brossat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Beaucoup a déjà été dit lors des prises de parole sur l’article.
Monsieur le ministre, la véritable question qui nous sépare est la suivante : faut-il créer un droit opposable, en optant pour l’automaticité, ou s’en tenir au cas par cas ?
Personne ne dit que les immigrés en situation irrégulière travaillant dans des secteurs d’emplois compliqués ne doivent en aucun cas être régularisés.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ah si !
M. Yan Chantrel. Il y en a quelques-uns !
M. Roger Karoutchi. Chers collègues, je vous ai écoutés, je vous prie de faire de même.
Monsieur le ministre, vous êtes bien placé pour savoir que les régularisations sont aujourd’hui décidées par les préfets ; l’on en dénombre 7 000 à 8 000 par an. Demain, avec un tel dispositif, elles progresseront dans des proportions indéterminées. Je ne citerai aucun chiffre : en réalité, personne n’est en mesure d’en donner. Personne n’en sait rien, mais une chose est sûre : une telle automaticité est extrêmement dangereuse.
Vous le savez aussi bien que moi : dans ce beau pays de France, le chômage touche non seulement quelques millions de nos compatriotes, mais aussi 500 000 immigrés en situation régulière. Ce dispositif pourrait ainsi créer une forme de concurrence déloyale entre ceux qui ont suivi les règles et ceux qui, bien qu’étant en situation illégale, pourraient être régularisés de manière automatique.
Sans hésitation, je préfère m’en tenir à la logique des régularisations au cas par cas relevant du pouvoir des préfets. C’est tout le sens de l’amendement de la commission.
Il s’agit non pas d’être pour ou contre le travail, mais simplement de s’interroger : faut-il donner une prime à des personnes qui sont entrées en France de manière irrégulière, qui n’ont pas respecté nos lois et qui travaillent peut-être pour ceux que les communistes appelaient autrefois les « patrons voyous », lesquels ne respectent pas davantage les règles ? Pourquoi récompenser, ce faisant, une double irrégularité ?
Mieux vaut régulariser au cas par cas, en trouvant des voies de passage pour que les immigrés en situation régulière obtiennent, eux, des emplois.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pour notre part, nous voterons contre ces amendements identiques.
Certes, l’article 3 ne contient pas toutes les mesures que nous jugeons nécessaires pour ces travailleurs, mais il n’en représente pas moins, à nos yeux, une avancée très importante.
Depuis le début de cette discussion, les rapporteurs, le Gouvernement et nos collègues du groupe Les Républicains esquissent un bien curieux pas de deux. Ce spectacle est au fond assez gênant.
À en croire Roger Karoutchi, personne ne conteste la régularisation des travailleurs sans-papiers en tant que telle. Si ! J’ai entendu exactement l’inverse tout à l’heure…
M. Roger Karoutchi. Au cas par cas ! Ne travestissez pas la vérité !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans ce débat, certains ne cessent de dénoncer la fraude. Dans le domaine fiscal ou en matière d’immobilier, on parle plus pudiquement d’erreurs. Ces dernières font d’ailleurs l’objet de régularisations, précisément au nom du droit à l’erreur…
M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est toujours intéressant de voir comment les mots sont utilisés. (M. Roger Karoutchi proteste.)
Monsieur Karoutchi, nous nous connaissons depuis longtemps : les mimiques que vous faites lorsque je parle ne me déstabilisent plus depuis au moins dix ans ! (Exclamations amusées.)
M. Roger Karoutchi. Oh, vous savez, je n’essaye même plus ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les dispositions de cet article sont bel et bien en deçà de ce qui nous semble nécessaire.
Enfin, monsieur le ministre, je vous interroge sur un point dont nous débattrons lors de l’examen de l’amendement insérant l’article 4 bis – vous avez donc un peu de temps pour préparer votre réponse, si du moins vous le souhaitez. Pouvez-vous confirmer que les préfectures appliqueront ce dispositif de manière homogène ? C’est l’un des problèmes que pose la circulaire Valls : nous avons constaté que tel n’était pas le cas et qu’un grand nombre de préfectures ne l’appliquaient même pas du tout.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, vous nous proposez un dispositif à caractère automatique, en vertu duquel la fraude en viendrait à créer un droit ; nous ne pouvons donc pas accepter l’article 3 en l’état. C’est tout simplement une question de principe.
Je l’ai dit lors de la discussion générale : l’aberration face à laquelle nous nous trouvons est de l’ordre de la capitulation.
En France, le taux de chômage dépasse aujourd’hui 7 %. Penser que, dans un tel contexte, il faut nécessairement régulariser l’immigration clandestine pour faire face aux pénuries d’emploi que connaissent certains secteurs revient à se livrer à une forme d’abandon.
À la fin du mois d’octobre 1993, il y a presque trente ans jour pour jour, François Mitterrand annonçait à la télévision que la France frôlait les 3 millions de chômeurs. Je l’entends encore affirmer devant les caméras que, « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ».
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous parlons de 7 000 personnes par an !
M. Yan Chantrel. De personnes qui travaillent déjà !
M. Bruno Retailleau. Cet article est du même ordre. Il revient à dire : « Contre la pénurie d’emploi, on a tout essayé. »
Non, on n’a pas tout essayé ! Roger Karoutchi a rappelé ce chiffre : dans notre pays, plus de 500 000 étrangers en situation régulière sont aujourd’hui au chômage. En parallèle, 1,4 million de jeunes ne sont ni étudiants ni dans l’emploi, 1,9 million de Français sont au revenu de solidarité active (RSA) et 3 millions de Français sont au chômage. Qu’est-ce qu’on fait d’eux ? On les laisse tomber ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous parlons de quelques milliers de personnes !
M. Bruno Retailleau. Vous devez aussi l’entendre : non, on n’a pas tout essayé contre les pénuries d’emploi. (Protestations sur des travées du groupe SER.)
Enfin, chers collègues de gauche, vous devriez être sensibles à cet argument : ce n’est certainement pas avec de petits salaires,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous demandons l’augmentation des salaires !
M. Bruno Retailleau. … ce n’est certainement pas en payant des clandestins au lance-pierre que l’on résoudra ce problème ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Retailleau, je suis évidemment sensible à cette argumentation.
M. Jérôme Durain. On croyait que vous étiez de gauche ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Gérald Darmanin, ministre. L’article 3 crée un droit opposable ; quant à l’article 4 bis, il suit une logique de régularisation au cas par cas…
M. Bruno Retailleau. Ah, merci !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est un fait : nous n’allons pas reprendre notre discussion depuis le début.
Je le répète, je suis sensible à votre argumentation. Le texte du Gouvernement prévoyait d’ailleurs deux critères : d’une part, celui des métiers en tension, dont la liste est publiée chaque année par le ministère du travail,…
M. Bruno Retailleau. Par la Dares !
Une sénatrice du groupe SER. Non, pas chaque année !
M. Gérald Darmanin, ministre. … d’autre part, celui des zones géographiques tenues.
Vous auriez pu ajouter d’autres critères encore – vous pouvez d’ailleurs toujours le faire –, ne serait-ce que parce que tel dispositif existe dans telle région et non dans telle autre. Tout dépend des réalités locales : la Bretagne manque davantage de main-d’œuvre que les Hauts-de-France.
Quant à l’appel d’air que provoquerait ce dispositif, il peut faire donner lieu à un autre argument encore.
À l’évidence, le sort de l’article 3 est joué, du moins pour cette première lecture au Sénat. Je vous rappelle donc le sens de ses dispositions, sans le moindre esprit polémique et sans espoir de vous convaincre : des personnes qui sont déjà présentes sur le territoire national et que l’on ne peut pas expulser – vous ne le pourriez pas plus que moi si vous exerciez mes fonctions – doivent pouvoir accéder à des régularisations lorsqu’elles exercent des métiers en tension – et pour cause, nous avons besoin de cette main-d’œuvre.
Que se passera-t-il dans des régions qui, comme la Bretagne, ne présentent qu’un très faible taux de chômage ? On va y importer une main-d’œuvre régulière.
Que feront la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et d’autres grandes fédérations professionnelles, en Bretagne ou dans le sud de la France ? Vous le savez bien : elles demanderont des visas de travail, notamment dans l’agriculture, par exemple pour que l’on vienne ramasser des fraises à Plougastel…
Mme Sophie Primas. Ce sont des saisonniers !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pas seulement, madame la sénatrice.
Par ailleurs, vous savez très bien également que toutes les personnes que font venir les grandes fédérations professionnelles ne repartent pas, loin de là. Beaucoup de saisonniers restent. Disons toute la vérité : ces dispositifs sont aussi des trappes à irrégularité.
Monsieur Retailleau, d’une certaine manière, l’article 3 permet donc de limiter une partie de l’immigration économique légale, qui, ensuite, confère un certain nombre de droits, notamment le regroupement familial.
Bien entendu, la main-d’œuvre dont il s’agit n’a pas vocation à remplacer d’autres travailleurs, qu’il s’agisse de Français ou d’étrangers réguliers, lesquels doivent pouvoir se former et, dans certains cas, faire preuve de mobilité géographique pour occuper les emplois vacants.
C’est précisément ce que nous faisons avec la réforme de l’assurance chômage. Reconnaissons toutefois que ce n’est pas si facile que cela. Ce n’est pas si facile de dire à des personnes qui travaillent dans la restauration dans les Hauts-de-France d’aller travailler dans l’agriculture en Bretagne.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Je ne reviendrai pas sur toutes les raisons pour lesquelles nous regrettons la suppression de l’article 3, en faveur de laquelle le Sénat s’apprête à voter. Je me contenterai de relever deux arguments que j’ai entendus pour les contester très vivement.
En premier lieu, certains ont avancé cette idée qui me paraît proprement ahurissante et que tous les faits démentent : la régularisation de travailleurs sans-papiers serait une forme de dumping qui nuirait aux autres travailleurs, qu’ils soient Français ou étrangers en situation régulière.
Or c’est l’inverse ! C’est la mise en concurrence des uns et des autres qui constitue du dumping. C’est la cohabitation de deux catégories de travailleurs sur notre sol qui tire tout le monde vers le bas : il y a, d’un côté, ceux qui ont des papiers et des droits et, de l’autre, ceux qui n’ont ni papiers ni droits.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, la régularisation des travailleurs qui sont déjà là est le moyen d’éviter le dumping social. Elle constituerait donc une bonne nouvelle pour le monde du travail dans son ensemble.
En second lieu, l’idée selon laquelle l’exploiteur et l’exploité auraient le même degré de responsabilité est tout bonnement incroyable ! À la fraude du salarié correspondrait une fraude de même nature ou de même gravité, celle de l’employeur qui fait le choix d’utiliser une main-d’œuvre clandestine…
On n’a pas le droit de dire des choses pareilles. La responsabilité première incombe évidemment à celui qui exploite, c’est-à-dire à celui qui, sciemment, fait le choix d’embaucher des travailleurs sans-papiers, pour les payer moins cher que les autres et leur imposer des conditions de travail déplorables.
M. Jérôme Durain. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je viens soutenir la suppression de l’article 3, à laquelle vous vous opposez.
J’ai bien retenu les propos que vous avez prononcés tout à l’heure : que l’on dise au moins la vérité sur ce qu’est le fond de cet article. Vous nous avez expliqué qu’il s’agissait de préciser dans la loi des critères encadrant l’exercice par l’État de son pouvoir de régularisation. Eh bien non, monsieur le ministre, le fond de cet article, ce n’est pas du tout cela.
M. Philippe Bas. Vous nous proposez de changer totalement de logique, de passer d’un système reposant sur la faculté, pour l’État, de régulariser à titre exceptionnel un étranger clandestin dans un emploi relevant d’une liste de métiers en tension à un système qui crée un droit.
Vous demandez vous-même que l’on soit précis et que l’on dise au moins la vérité : je vais donc la dire, tout simplement en lisant votre texte.
Je vous épargne l’énumération des conditions posées, il y en a en effet un certain nombre. « L’étranger qui a exercé une activité professionnelle salariée […] se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire. » Vous créez bel et bien un droit – et c’est là toute la différence entre vous et nous.
Nous ne voulons pas entrer dans un tel système, qui crée un droit à la régularisation des travailleurs clandestins. Ce n’est bon ni pour l’employeur qui se livre à une telle fraude ni pour le travailleur clandestin, qui s’est introduit dans notre pays sans titre et travaille dans des conditions parfaitement opaques. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous répétez depuis hier cette phrase en forme de postulat : « L’intégration est un échec. »
À elle seule, une telle affirmation mériterait de plus longues discussions. Pour ma part, je la conteste. Il y a dans notre pays de très nombreuses personnes issues de l’immigration, même arrivées récemment, qui sont parfaitement intégrées. (M. Stéphane Ravier s’exclame.) Mais elles n’apparaissent pas sur vos écrans radars. Vous ne les voyez pas,…
Mme Sophie Primas. Si !
Mme Laurence Rossignol. … tout simplement parce qu’elles ne font pas de bruit.
Il y a même une foule de personnes que vous appelez des « clandestins », des « fraudeurs », et que nous appelons plutôt des sans-papiers, qui sont parfaitement intégrés, qui ne font pas de bruit non plus, qui travaillent et qui élèvent leurs enfants.
Il n’y a pas que l’échec de l’intégration. Ce serait bien qu’un jour vous changiez un peu de regard.
Ce que vous proposez avec la suppression des articles 3 et 4, c’est le statu quo en pire,…
M. Jérôme Durain. C’est bien cela !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Vous n’avez rien compris !
Mme Laurence Rossignol. … c’est-à-dire une nouvelle fabrique à clandestins.
En fait, vous vous accommodez très bien de la situation. Nous savons tous que ces clandestins garderont les emplois qu’ils occupent, qu’ils ne seront pas expulsés, qu’ils resteront sur le territoire français. Mais vous, vous serez contents : vous aurez fait beaucoup d’agitation politique. Vous vous serez efforcés de parler plus fort que les autres collègues qui déposent les mêmes amendements que vous – le zemmourien et les lepénistes… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Ça va !
Mme Laurence Rossignol. Il y a de quoi être choqué : des centristes à Zemmour, toutes les droites du Sénat proposent le même amendement ! La tonalité de vos discours peut varier, mais vous avez le même but : la suppression de cet article ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Laissez parler l’oratrice !
Mme Laurence Rossignol. Chers collègues, qu’ils vous plaisent ou non, des faits sont des faits ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je tiens à remercier Philippe Bas, car il a dit la vérité. (Sourires et applaudissements ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Initialement, ce gouvernement pensait bel et bien qu’il fallait régulariser automatiquement un certain nombre de sans-papiers, afin qu’ils puissent être parfaitement intégrés dans notre société : bien qu’ils travaillent déjà en France, ils ne peuvent pas l’être totalement sans cette régularisation, les libérant du couperet de l’expulsion auquel ils sont soumis en permanence.
Je remercie donc non seulement M. Bas d’avoir dit la vérité, mais aussi MM. Darmanin et Dussopt…
Mme Cécile Cukierman. Il n’est pas là !
M. Guy Benarroche. … d’avoir eu cette excellente idée.
J’observe toutefois que, sur la base de calculs strictement politiciens…
Mme Sophie Primas. Parce que vous, vous n’êtes jamais politicien ?
M. Guy Benarroche. … que je comprends très bien – nous faisons tous de la politique, y compris de la politique politicienne (M. Philippe Bas proteste.) ; tous, monsieur Bas ! –, le Sénat en vient à abdiquer.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez rejeté cette idée qui nous semblait pourtant excellente. Pour notre part, nous étions prêts à avancer dans ce sens, en améliorant le dispositif proposé si nécessaire.
Mme Sophie Primas. Et à voter ce texte ?
M. Guy Benarroche. Je ne puis que déplorer cette abdication.
M. le ministre, comme d’autres membres du Gouvernement, n’oublie bien sûr pas que le texte du Sénat sera soumis à l’Assemblée nationale, laquelle pourra très bien le remettre en cause. Il espère précisément que nos collègues députés voteront d’une manière différente.
Je ne dis pas que nous travaillons en vain. Je rappelle simplement que, pour mille et une raisons, il faut régulariser les travailleurs sans-papiers ; faute de quoi, nous renoncerons tout simplement à les intégrer en France, alors même qu’ils sont déjà chez nous depuis des années.
Ce soir, pour des raisons tenant uniquement à des rapports de force politique, nous repoussons cette idée. Je le regrette profondément. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 655, 126, 366 rectifié ter et 530.
J’ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la deuxième, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et, la troisième, de la commission.
M. Patrick Kanner. Quel succès ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 191 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 3 est supprimé (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) et les amendements nos 270, 171, 464, 398 rectifié, 390 rectifié et 462, les amendements identiques nos 80 rectifié et 437, les amendements nos 391 rectifié, 392 rectifié, 81 rectifié, 14 rectifié bis, 174 et 399 rectifié, les amendements identiques nos 82 rectifié, 172 rectifié et 394 rectifié, les amendements nos 175, 407 rectifié, 395 rectifié, 477 rectifié bis, 463, 396 rectifié, 397 rectifié et 400 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 173 rectifié et 401 rectifié, n’ont plus d’objet.
Après l’article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 34 rectifié est présenté par Mme N. Delattre et MM. Bilhac, Cabanel, Guiol, Laouedj, Roux, Grosvalet et Masset.
L’amendement n° 99 rectifié bis est présenté par MM. Menonville et Longeot, Mmes Guidez et Antoine, MM. J.M. Arnaud, Canévet et Kern, Mmes Perrot et Romagny, M. Maurey, Mme Jacquemet et MM. L. Hervé et Bleunven.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 414-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de la délivrance de la carte de séjour “travailleurs saisonniers”, pour les activités relevant des secteurs professionnels tels que définis au 1° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, la situation de l’emploi est non opposable au demandeur. »
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié.
M. Michel Masset. Monsieur le président, mes chers collègues, c’est ma première intervention en séance publique en tant que sénateur de Lot-et-Garonne. (Applaudissements.)
Cet amendement vise à fluidifier l’embauche de salariés étrangers qui viennent exercer un emploi à caractère saisonnier dans une entreprise de la production agricole et dont la résidence habituelle est hors de France. À cette fin, il tend à supprimer l’obligation pour les employeurs de justifier que leurs offres d’emploi saisonnier ne trouvent pas de candidats en France.
Aujourd’hui, le marché français ne permet manifestement plus de pourvoir ces emplois. Il s’agit là d’un constat criant, révélé lors de la crise sanitaire. Les causes en sont multiples : elles tiennent à la fois aux problèmes d’attractivité que subissent ces métiers, aux évolutions de notre société et à nos modes de consommation.
Pour remédier à cette situation, la profession et les pouvoirs publics ont déployé bon nombre d’investissements, en vain.
Ces dispositions permettent de résoudre l’une des difficultés rencontrées pour ce type d’embauche. En tant qu’élu d’un département essentiellement agricole, je parle en connaissance de cause : pensons aux difficultés que connaît notre agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)