Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue la proposition de loi présentée et défendue par Philippe Brun à l’Assemblée nationale. Elle s’inscrit pleinement dans la dynamique du projet que les écologistes avaient porté sous le slogan « Pour une République écologique » dans le cadre de l’élection présidentielle de 2022. Il s’agissait de « renationaliser » EDF et d’en faire « un outil stratégique puissant, cohérent, au service de la transition énergétique ».
Certes, la commission des finances a supprimé le premier article de cette proposition de loi, qui formalisait l’acte de nationalisation, préférant l’étatisation ; elle a supprimé l’énumération des filiales constitutives du groupe public unifié, visant à s’opposer au démantèlement du groupe. Bref, la commission des finances a décousu cette proposition de loi, et ce même si rien n’empêche que, derrière l’abandon du projet Hercule – je vous entends, monsieur le ministre –, il puisse y avoir un Hercule bis.
Les choix énergétiques pour notre pays peuvent diverger. Les nôtres sont largement minoritaires dans cet hémicycle, et vous les connaissez. Mais lorsque l’on défend le choix du nucléaire, on doit défendre un outil public à 100 %.
Chaque décision de l’État, qu’il s’agisse du bouclier tarifaire, du relèvement des volumes de l’Arenh, du grand carénage ou de la construction de six réacteurs EPR, pèse sur les comptes d’EDF, dont la situation est particulièrement dégradée.
À cela s’ajoute l’incompréhension totale des Françaises et des Français sur le coût de l’énergie.
L’énergie, ou plus précisément l’accès à l’énergie, joue un rôle social et sociétal : c’est un bien de première nécessité qui, tout comme l’eau, doit être traité comme un bien commun essentiel.
Les 15 % de reste à charge du bouclier tarifaire n’ont pas le même impact selon que l’on habite une passoire thermique ou que l’on est en situation de précarité. Ceux qui touchent des revenus modestes sont malheureusement toujours les premières victimes de cette hausse du coût de la vie.
Les bailleurs sociaux craignent une hausse des impayés. Les syndicats de copropriétaires font face également à des difficultés nouvelles. C’est aussi le cas des artisans, des commerçants et de l’ensemble des TPE-PME. Sur ce point, nous sommes favorables à l’amendement du rapporteur qui vise à supprimer le plafond des 36 kilovoltampères.
Seul un tiers des entreprises concernées par le bouclier tarifaire ont concrétisé une demande d’aide. Les collectivités, quant à elles, ne savent toujours pas dans quelle mesure elles bénéficieront ou pas des aides de l’État. La proposition de loi prévoit un accès pour toutes au tarif réglementé. On pourrait attendre de la chambre des territoires un plein soutien à cette revendication de bon sens de nos collègues maires.
La situation est grave. Les écologistes alertent depuis de nombreuses années sur l’urgence qu’il y a à s’engager fortement dans les énergies décarbonées, sur la fin de l’abondance et sur la mise hors marché et hors surconsommation de l’énergie.
Si l’État ne peut pas tout prévoir, il a une obligation de préparer l’avenir. La concurrence ouverte, la politique du prix bas, les stratégies du tout nucléaire que l’on développe encore aujourd’hui ne favorisent pas la réorientation des politiques énergétiques dans le sens des recommandations du rapport du GIEC pour lutter contre les dérèglements climatiques ; elles contribuent encore moins à garantir la maîtrise des coûts, dont la nécessité est pourtant souvent rappelée sur ces travées.
EDF pourrait redevenir le bras armé de notre pays pour une nouvelle politique énergétique. La proposition de loi de Philippe Brun répond à cet axe majeur et stratégique du retour de l’entreprise sous le contrôle de l’État. Il serait inadmissible de voir les aspects rentables du groupe comme le développement des énergies renouvelables être privatisés selon la bonne vieille méthode libérale : privatiser les bénéfices et nationaliser les pertes et les déficits.
J’évoquerai pour finir la place des citoyens comme des salariés dans ce débat. À quel moment les Françaises et les Français ont-ils été associés à ces décisions ou aux orientations prises par le Gouvernement ? Seraient-ils d’accord pour financer des réacteurs dont le modèle, celui de Flamanville – il faut le rappeler, car on l’oublie souvent –, a coûté 19,1 milliards d’euros d’après la Cour des comptes quand il ne devait coûter que 3,3 milliards d’euros ?
Un débat national sur les choix énergétiques de la France est indispensable. Il est même essentiel. Ces choix ne peuvent pas se faire sans une Nation éclairée quant aux enjeux climatiques et à leurs conséquences pour l’avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d’emblée, le groupe RDPI votera contre ce texte.
Certes, le travail du rapporteur est impressionnant – je le remercie –, et sa démonstration était brillante. Toutefois, pourquoi voter ce texte, qui ne propose plus grand-chose ?
Premièrement, cette proposition de loi avait pour objet de nationaliser. EDF. Le Gouvernement a répondu – mes collègues l’ont rappelé – qu’une offre publique d’achat simplifiée (OPAS) était en cours, de sorte que cela ne se justifiait plus. À l’Assemblée nationale, la commission avait d’ailleurs changé l’intitulé du texte et le rapporteur avait proposé un prix de rachat de l’action à 14 euros, plus cher donc que celui désormais fixé, ce qui aurait coûté 1,5 milliard d’euros de plus aux finances publiques. Dans sa sagesse, le Sénat a donc supprimé l’article 1er.
Deuxièmement, sur le caractère unifié du groupe, on fait un procès d’intention au Gouvernement. Bien que le projet Hercule soit abandonné, on ne cesse de répéter qu’il faut se protéger. L’article 2 n’est pas entièrement supprimé, mais il est largement amodié, et son contenu est réduit à sa plus simple expression de sorte qu’il n’apporte rien de nouveau.
Troisièmement – cela a été souligné par tous les orateurs, et nous avons entendu les explications du rapporteur –, sur le tarif réglementé de vente, la rédaction initiale était contraire au droit européen. La commission propose finalement un dispositif réduit et restreint qui évite les difficultés auxquelles on se heurtait.
Toutefois, ce qui reste du texte est squelettique, et même plus encore, puisque l’on serait dans le cas où les archéologues auraient trouvé un squelette incomplet ! Il n’y a plus de nationalisation, plus de statut spécifique et plus aucune mesure correspondant à l’objet et à l’intitulé de la proposition de loi initiale. (MM. Fabien Gay et Victorin Lurel le confirment.)
Par conséquent, puisque le texte est privé de sa substance, vous comprendrez que le groupe RDPI s’y oppose.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Victorin Lurel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à deux jours près, nous aurions pu fêter l’anniversaire de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Je ne vois pas là une simple coïncidence, mais j’ai pensé, et même rêvé que par une sorte de connivence de pensée et d’action, ce qui s’est produit sur les travées de la gauche et de la droite à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion de Philippe Brun, pouvait se répéter ici. J’ai sincèrement pensé que ceux qui siègent sur les travées de droite de l’hémicycle pourraient se réclamer de ces aïeux et se considérer comme les héritiers du Conseil national de la Résistance, dont l’esprit s’est prolongé dans toutes les générations politiques depuis 1946.
Ainsi, en 1974, dans le cadre du plan Messmer, 56 réacteurs ont été mis en place, ce qui a permis d’engager des baisses de prix pendant une vingtaine d’années, le prix moyen de l’électricité étant inférieur de 28 % à la moyenne européenne, à 17 centimes du kilowattheure (kWh) contre 28 centimes en Allemagne, ce qui donnait un avantage compétitif considérable à la France. Or ce n’est plus tout à fait le cas.
Hélas ! Mon rêve est en train de sombrer dans les marécages de l’idéologie, ce rêve d’un consensus transpartisan que nous souhaiterions et que nous appellerions de nos vœux, de sorte que nous répéterions ici ce qui s’est fait là-bas, en préservant l’essentiel. Mais à la faveur de ce texte, on voit s’affronter deux visions diamétralement opposées, orthogonales, en quelque sorte : l’étatisation n’est pas une nationalisation.
Le texte proposé par Philippe Brun, par le groupe socialiste et, de manière plus générale, par l’ensemble de la gauche a du souffle et, si j’ose dire, une âme. Nationaliser, c’est rendre à la Nation, et cela implique non seulement le transfert des moyens de production, mais aussi leur utilisation en faveur des usagers, des citoyens et de la Nation.
Or, avec toutes les directives qui ont été prises depuis 1996, que ce soit en 2003, en 2009, en 2010 ou en 2019, on n’a cessé d’ouvrir des fenêtres. On a commencé par le faire pour les salariés depuis 1973, puis pour des filialisations, pour des hybridations et pour des croisements de capital, ce qui correspondait parfois à une privatisation rampante.
Notre collègue député du groupe socialiste entendait insuffler une âme nouvelle au groupe EDF, moteur de la souveraineté énergétique du pays, en proposant de ne pas le confier à une élite, quels que soient sa qualité et les grands commis de l’État qui ont pu œuvrer. Ne confions pas la souveraineté énergétique du pays à une technostructure qui n’a rien fait d’autre que se soumettre ; le terme est fort, nul besoin de citer la littérature sur ce sujet.
À Gérard Longuet, notre excellent collègue, je veux dire que je suis malheureux de constater que nous n’avons pas su trouver ce consensus, alors que nous aurions pu le faire : c’est une occasion manquée. La nationalisation n’est pas l’affaire de l’Europe, qui reste dans une sorte de neutralité technologique et juridique à cet égard, que le monopole soit public ou privé, car cela ne la concerne pas. Elle ne s’intéresse qu’à l’ouverture du marché et considère que s’il y a un monopole, qu’il soit de fait ou juridique, il faut que le marché soit ouvert et donc contestable. La « contestabilité du marché » : la sémantique est belle pour désigner une affreuse réalité.
Le problème est donc national, et Philippe Brun a proposé de nous doter d’une arme nationale. Nationaliser EDF, c’est réarmer la France. Une entreprise verticalement intégrée, d’intérêt général et d’intérêt national, cela équivaut à un nouveau ministère de la défense. Mais nous passons à côté pour des raisons idéologiques : il faut faire la tarification au coût marginal ou bien encore il faut corréler le prix de l’électricité à la dernière unité mise en œuvre, à savoir du lignite ou peut-être du charbon allemand.
Et quand, voulant faire le bien des Français, certains proposent un TRVE qui vaudrait pour tous, on préfère changer le mode de calcul et se référer au coût d’approvisionnement du fournisseur alternatif, qui n’a de fournisseur que le nom. Tel est le modèle qui nous est soumis et auquel nous nous soumettons tous ; je le regrette vraiment.
Il nous faut un champion national. Il faut donc nationaliser EDF et défendre les intérêts de la France. Il faut délimiter le périmètre pour éviter les cessions. Il faut un TRVE revu et corrigé. Telles sont les mesures que nous vous proposons par nos amendements de réintroduire dans le texte qui vous est soumis.
Nous réservons notre vote en espérant, avec optimisme, que vous ferez en sorte qu’il soit favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise énergétique n’est pas seulement le résultat de la guerre en Ukraine, comme vous essayez de le faire croire. Il ne suffira pas pour la résoudre de délier les prix du gaz et de l’électricité ou d’ajuster le marché européen comme vous venez d’ailleurs de le faire au profit de la compétitivité allemande.
En effet, elle est d’abord le résultat des principes de l’Europe libérale, de la fracturation de notre entreprise intégrée historique EDF en plusieurs entités et de traders qui spéculent et touchent des dividendes record.
Que dire encore de l’Arenh, ce racket organisé sur le dos d’EDF et des usagers, qui affaiblit sa capacité d’investissement, qui enrichit les acteurs alternatifs et qui casse progressivement les tarifs réglementés de vente de l’électricité ?
Ce bilan, c’est le vôtre, monsieur le ministre, et celui de l’alliance de tous les libéraux pour faire de l’énergie une marchandise comme une autre, alors que c’est un monopole de fait et qu’elle doit donc être sortie du marché et considérée comme un bien commun.
La droite sénatoriale est à l’offensive, au moins dans les mots : « indépendance énergétique », « souveraineté », « réforme du marché européen », ou encore « protection de nos collectivités ». Mais quand il faut passer aux actes, il n’y a plus personne.
Nous vous avons proposé au mois de décembre dernier le retour aux tarifs réglementés pour toutes les collectivités : vous l’avez refusé. Sortir du marché européen et faire valoir notre exception d’une production nucléaire à bas coût ? Vous l’avez refusé. Et aujourd’hui, vous refusez une loi sur la renationalisation d’EDF, ou du moins vous ne l’envisagez que bien amputée de l’ambition initiale de nos collègues socialistes.
Je veux d’ailleurs saluer leur texte, qui prévoyait un groupe unifié, avec des actions non cessibles pour éviter la vente d’actifs comme Dalkia ou Enedis, et qui visait à vous empêcherait de réactiver votre projet Hercule, que la majorité des salariés des industries électriques et gazières (IEG) ont rejeté.
Aujourd’hui, tout le monde l’aura compris, la solution ne viendra pas de vous ni de vos mesurettes pour corriger un système voué à s’effondrer.
Soixante-dix-sept ans après l’œuvre du père d’EDF et GDF, Marcel Paul, résistant, déporté et ministre communiste, il nous faut une nouvelle loi de nationalisation de tout le secteur énergétique.
Aujourd’hui, nous avons un double défi : décarboner notre économie et sortir 15 millions de personnes de la précarité énergétique.
Il faut d’ores et déjà préparer l’avenir sans vous, car vos échecs et vos renoncements nous conduisent dans le mur. Plus de 50 milliards d’euros de bouclier tarifaire, d’Arenh supplémentaire et de filet de sécurité n’auront rien réglé ni stabilisé, mis à part les profits d’acteurs alternatifs rapaces.
Je propose donc que nous travaillions dès maintenant à un grand projet, à la hauteur de celui de Marcel Paul et de ses camarades : un groupe public, sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (Épic). Il regrouperait en son sein EDF, mais aussi Engie et TotalEnergies, nationalisés à 100 %, et il porterait le nom de GEDF, Groupe Énergie de France.
Vous me demanderez sans doute combien cela coûtera. L’affaire coûtera probablement une centaine de milliards d’euros, mais après tout, ce n’est que le double de ce que vous avez gaspillé l’an dernier !
Ce groupe détiendrait un monopole public ; il serait un groupe intégré qui assurerait la production, le transport et la distribution, et qui mettrait fin à l’Arenh. Ce serait un groupe qui rétablirait l’ensemble des tarifs réglementés.
Ces tarifs sont la condition pour protéger les usagers, les TPE-PME, les collectivités, et les grandes entreprises, qui ont besoin d’une vision à long terme. Ils sont la condition pour garantir la stabilité, pour réindustrialiser le pays et pour lui redonner la compétitivité dont il a besoin face à l’Asie et aux États-Unis.
Il faudra pour cela renforcer le statut des IEG, protéger tous les travailleurs et travailleuses de la filière, les salariés et celles et ceux qui sont aujourd’hui des sous-traitants. Ce statut est la condition pour maintenir les talents dont nous avons besoin pour la filière, pour le pays et pour notre sécurité.
Marcel Paul avait demandé à ses enfants de veiller à vos attaques et de protéger cette entreprise, qu’il qualifiait très justement d’« instrument fondamental de la vie du pays ».
Vous qui avez tout détruit et qui voulez continuer, vous nous trouverez sur votre route, avec ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, prêts à tout reconstruire ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste voudrait tout d’abord remercier sincèrement le rapporteur du texte, Gérard Longuet, de la pertinence de ses analyses et de la manière dont il a exposé la situation.
En effet, ce texte, par notre fait, aborde tout simplement la politique énergétique de notre pays. D’autres textes l’ont également évoquée, comme celui sur l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires ou celui sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Cependant, il me semble que le débat n’a pas été clos et mérite d’être largement poursuivi. L’examen de ce texte nous en donne l’occasion, monsieur le ministre.
Disons-le clairement, le groupe Union Centriste est attaché au mix énergétique, car cela permet véritablement de garantir la souveraineté de notre pays.
D’ailleurs, ce mix ne devrait pas se limiter à l’électricité : il pourrait s’étendre au gaz, renouvelable bien sûr, ainsi qu’à d’autres formes de production. Celles-ci sont importantes si l’on veut que, demain, notre pays soit souverain et autonome dans le domaine énergétique.
J’ajoute que chacun sait, particulièrement le ministre de l’industrie que vous êtes, combien l’énergie est un élément indispensable pour la compétitivité de nos entreprises.
Je ne partage pas du tout les propos que vient de tenir notre collègue Fabien Gay au sujet de la nécessité de nationaliser EDF. Un système monolithique ne permettrait pas à notre pays de répondre aux défis auxquels il est confronté en matière d’énergie. Il nous faut trouver au contraire une multitude de solutions, qui seront l’apanage d’un grand nombre d’opérateurs, qui, s’ils peuvent s’exprimer dans le cadre légal que nous instituons, sauront apporter des réponses aux besoins de nos concitoyens.
Disons-le aussi, nous devons nous interroger sur la perspective de nationalisation d’EDF, ne serait-ce que parce que cela coûte beaucoup d’argent : plus de 8 milliards d’euros. Était-il nécessaire d’entamer cette nationalisation ? Ne valait-il pas mieux consacrer cet argent à moderniser notre parc de production d’électricité ? Il convient de se poser la question.
Cela étant, la décision a été prise, ce dont nous, membres du groupe Union Centriste, prenons acte.
Le texte que nous examinons cet après-midi comporte plusieurs mesures importantes.
J’en viens à l’article 2 et à la possibilité pour les salariés d’EDF d’acquérir des parts du capital. Nous pensons, dans le même esprit que celui de la loi Pacte, votée voilà maintenant cinq ans, qu’il faut favoriser l’actionnariat populaire, salarié en particulier. La question du partage de la valeur est, pour nous, extrêmement importante.
À cet égard, nous nous interrogeons sur l’amendement n° 19 rectifié du Gouvernement, qui tend à limiter cet actionnariat salarié. Nous préférerions en rester à la rédaction de l’article 2 telle qu’elle résulte des travaux de la commission. Il nous semble que le rapporteur a su trouver un juste compromis en la matière. Selon nous, il faut en effet tenir compte de la motivation de l’ensemble des salariés d’EDF.
Par ailleurs, le rapporteur l’a mentionné, l’une des principales dispositions du texte concerne les tarifs réglementés de vente d’électricité.
Le groupe Union Centriste considère qu’il faut s’en tenir aux règles européennes que nous avons édictées, d’autant plus que le marché européen de l’électricité est ouvert.
La proposition du rapporteur d’étendre le bénéfice des TRVE aux TPE, en faisant sauter le verrou des 36 kilovoltampères, nous semble tout à fait pertinente, car elle apporte une réponse à bon nombre de situations que chacun d’entre nous, après avoir tenu compte de la réalité observée sur le terrain, a déjà relayées auprès du Gouvernement. Je pense à ces boulangers qui disposent de compteurs électriques d’une puissance supérieure à 36 kilovoltampères : pour que leur activité ne soit pas mise en péril, ils doivent pouvoir bénéficier de ces tarifs réglementés.
Monsieur le ministre, il nous semble opportun d’avancer sur cette question. C’est pourquoi la proposition du rapporteur nous paraît particulièrement judicieuse.
Tels sont les éléments que nous souhaitions évoquer aujourd’hui, en attendant le débat qui ne manquera pas de s’ouvrir dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à protéger le groupe électricité de france d’un démembrement
Article 1er
(Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Comme les différentes interventions en discussion générale l’ont montré, deux approches très différentes s’affrontent dans cet hémicycle : celle, très libérale, de la commission des finances et de son rapporteur, Gérard Longuet, qui laisse ouvertes toutes les options de cession ultérieure de filiales, et la nôtre, qui vise à conforter notre souveraineté industrielle en matière d’énergies décarbonées.
Nous voulons garder EDF et l’ensemble de ses filiales « cœur de métier » dans le giron national. J’entends par là la production d’énergie sous toutes ses formes – énergies renouvelables, hydraulique, nucléaire, thermique –, le transport et la distribution – RTE et Enedis –, sans rien toucher aux prérogatives et aux statuts particuliers de ces opérateurs, eu égard au droit européen dont ils dépendent, ainsi que les services énergétiques que le groupe rend aujourd’hui.
Parmi ces services, monsieur le ministre, vous avez laissé entendre que l’importation et l’exportation d’électricité avaient été rendues possibles par le marché européen. Or je tiens à rappeler ici que ces activités d’EDF existaient bien avant.
M. Fabien Gay. Bien sûr !
M. Franck Montaugé. Je tiens également à signaler que l’acquisition par l’État de 100 % du capital d’EDF SA n’empêchera pas les cessions ultérieures de capital ou de filiales.
Je regrette que la porte reste ouverte à des projets de restructuration, tel le projet Hercule. Ce texte avait pour objet d’apporter des garanties sur ce point : cela ne sera pas le cas.
Ce que nous voulons, je le répète, c’est une société EDF nationalisée dans le cadre d’un groupement public unifié. C’est le sens des amendements que nous défendrons.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Le groupe politique auquel j’appartiens tient à une loi de nationalisation d’EDF.
Électricité de France n’est pas une simple entreprise : c’est une arme, un bouclier.
Penser un seul instant qu’une offre publique d’achat simplifiée, autrement dit une étatisation, une montée en capital suffirait à garantir l’unité, la cohérence, l’intégration de cette entreprise, et à empêcher les dérives dans la gestion et le management que l’on a pu constater durant une vingtaine d’années est illusoire.
C’est la raison pour laquelle nous tenons au principe de nationalisation, reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946 et garanti par le bloc de constitutionnalité. EDF doit devenir un bien commun, un bien de la Nation. Ses moyens de production doivent être transférés, mais surtout utilisés au bénéfice des citoyens. Voilà ce que l’on demande !
Pour autant, nous ne plaidons pas en faveur de l’enfermement national. Nous ne cherchons pas non plus à empêcher toute rotation d’actifs. Nous tenons à préserver le cœur de métier d’EDF. Tel est l’objet de notre amendement à l’article 1er : proposer que l’entreprise soit nationalisée.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Lurel, Montaugé, Kanner, Féraud et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 8 est présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La société Électricité de France est nationalisée.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Victorin Lurel. Encore une fois, nous souhaitons la consolidation d’EDF. Nous tenons à ce que Philippe Brun a appelé un « groupe public unifié ».
On l’a fait pour la SNCF. Or j’ai entendu des arguments assez spécieux, consistant à dire qu’il s’agissait d’une simple occurrence et que nous ne pourrions pas la répéter. Au contraire, il faut recommencer !
Notre collègue Fabien Gay a déposé, au nom du groupe communiste, un amendement tendant à préciser qu’EDF est bien une société anonyme et un groupe public verticalement intégré.
Mon groupe l’avait lui-même proposé en commission, mais l’amendement a malheureusement été rejeté. En définitive a été retenue l’expression de société anonyme « d’intérêt national ».
Quoi qu’il en soit, nous tenons à cette entité et à sa nationalisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Fabien Gay. Nous tenons, comme nos collègues du groupe socialiste, au rétablissement de l’article 1er tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, ainsi qu’à l’expression de société « nationalisée ».
Cette nationalisation ne correspond pas tout à fait à ce que vous êtes en train de faire avec EDF, monsieur le ministre.
En rachetant leurs parts aux actionnaires minoritaires, institutionnels ou salariés, vous opérez en réalité une réétatisation du groupe et sortez EDF de toute cotation ; autrement dit, la société ne sera plus cotée en Bourse.
Le capital de l’entreprise sera, certes, public à 100 %,…
M. Gérard Longuet, rapporteur. C’est donc une entreprise nationalisée !
M. Fabien Gay. … mais, dans la mesure où celle-ci est structurée en SA, vous la transformerez en holding, comme vous l’avez fait pour la SNCF et un certain nombre d’autres entreprises publiques.
Vous le savez très bien, cela ne s’oppose pas à la filialisation du groupe et à la cession de ses actifs, notamment Dalkia et Enedis. Il faut vraiment que vous me répondiez à ce sujet, monsieur le ministre : votre gouvernement veut-il, oui ou non, céder ces deux filiales d’EDF ?
Dernière remarque, le fait de créer une holding détenue à 100 % par l’État ne vous empêchera pas non plus d’ouvrir les filiales du groupe aux capitaux privés.
Le projet que nous appelons de nos vœux, celui de la nationalisation d’EDF, n’est donc pas exactement celui que vous avez engagé.
Quitte à lancer le débat avec mes collègues des autres groupes de gauche, j’ajoute que nous devrions, en plus de la nationalisation d’EDF, demander la transformation de la société anonyme en Épic, forme d’établissement que nous connaissons extrêmement bien, et dont les employés ne relèvent pas de la fonction publique, mais y sont assimilés, comme pour le statut des industries électriques et gazières.
Nous sommes favorables à la transformation d’EDF en Épic, car elle apporte de nombreuses garanties.