M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 307 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre contribution et de l’esprit constructif dans lequel nous avons travaillé.
Comme l’ont très bien dit MM. les rapporteurs, des amendements de tous les groupes ont été adoptés. Je me suis engagé envers le président de la commission des lois à prendre un certain nombre de mesures, s’agissant notamment de la réforme de la police nationale, et à signer certains décrets que je soumettrai à sa sagacité, ainsi qu’à celle de l’ensemble des commissaires aux lois, et, à travers eux, à l’ensemble des sénateurs. Je remercie également le groupe socialiste de ses encouragements à faire mieux.
C’est avec le même esprit de compromis républicain que je défendrai devant l’Assemblée nationale le texte qui va effectivement donner à nos forces de sécurité 15 milliards d’euros de plus, ainsi que des moyens à la police et à la gendarmerie.
Monsieur le rapporteur Daubresse, nous n’oublions pas que pour qu’il y ait une bonne sécurité, il faut qu’il y ait une bonne justice. D’autres politiques publiques vous seront soumises ; je pense par exemple au texte sur l’immigration, qui sera présenté au mois de janvier prochain. Le Gouvernement n’esquisse pas une absence de réponse. Il découpe les débats dans des politiques publiques qui, je l’espère, montrent leur efficacité, dans l’esprit de concorde que nous avons partagé ici.
C’est avec le même esprit que nous irons en commission mixte paritaire, pour, je le souhaite, faire adopter ce texte.
Je remercie nos collaborateurs, ainsi que l’ensemble des personnes ayant contribué en aval et en amont à cette belle adoption du texte, pour le bien-être de nos policiers, de nos gendarmes, de nos pompiers et de nos agents de préfecture. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Lors du scrutin n° 3, sur l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, je souhaitais voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Formation des internes en médecine générale et lutte contre les déserts médicaux
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux », présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 419 [2021-2022], texte de la commission n° 11, rapport n° 10).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme la rapporteure, que je félicite de son excellent travail.
La France est aujourd’hui le pays des pénuries et des rationnements : pas seulement pour le carburant, pour l’électricité ou, cher Laurent Duplomb, pour les produits alimentaires, mais également pour les médicaments et, malheureusement, pour l’accès au soin.
Cette situation, plus qu’un problème, est une formidable injustice, pour 6,3 millions de Françaises et de Français. Plus qu’une injustice, c’est un scandale ! C’est un scandale quand on rapporte le nombre de Français n’ayant pas accès à un médecin traitant niveau des dépenses de santé dans notre pays, très élevé par rapport à celui des autres pays de l’OCDE.
D’où vient ce scandale ? Certainement pas des médecins ! Ce n’est pas leur faute. La situation découle de choix technocratiques et idéologiques. (Mme Laurence Cohen ironise.)
Des choix technocratiques nous ont fait abandonner la médecine et la santé aux mains de comptables et de technocrates. À l’époque, nous avions pensé qu’il suffirait, pour ralentir les dépenses de santé, de rationner l’accès aux médecins et d’en former de moins en moins.
Des choix idéologiques nous ont conduits à tout miser sur une organisation de notre système de santé très hospitalo-centrée. En conséquence, la médecine libérale a été mise à mal, et la formation de nos jeunes médecins dans les facultés de médecine a été orientée vers autre chose que leur installation en médecine générale.
La médecine générale a subi ces deux influences, qui, en définitive, l’ont extrêmement fragilisée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le moment est venu d’y remédier. Ce sont non seulement les Français, mais aussi les élus locaux qui supportent les conséquences d’une telle situation. Beaucoup de maires n’en peuvent plus ; ils sont en première ligne. La population, dans les villages, les petites ou les grandes villes, les rend responsables, alors qu’ils ont rivalisé de propositions, allant jusqu’à salarier des médecins, ouvrir des maisons de santé ou des centres de soins non programmés. Ce n’est plus possible : nous ne voulons plus laisser les maires et nos compatriotes seuls avec ce problème ! Soit nous agissons, soit nous n’agissons pas ! Par ce texte, nous proposons d’agir.
Il n’y a pas de panacée. Nous n’arriverons pas à trouver la seule et unique bonne solution. J’en suis certain, il faut un bouquet de solutions. Je vous demande pardon, mais celles qui existent aujourd’hui sont insuffisantes ! Beaucoup de facultés n’ont pas les moyens de faire face au déblocage du numerus clausus et de former de nouveaux médecins. Par ailleurs, cette formation prend dix ans, sans compter les années d’installation. Va-t-on attendre dix ans ? Quinze ans ? Non ! Il n’est plus possible d’attendre !
D’autres solutions existent, par exemple des aides de l’État aux collectivités. Mais elles viennent trop tardivement. D’ailleurs, ce n’est pas ce que demandent les médecins. C’est juste une rustine, et non une réponse fondamentalement satisfaisante !
Certains collègues de différents groupes défendent des mesures coercitives. Je me souviens de l’excellent rapport d’information de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, du groupe Union Centriste, qui comportait en particulier une analyse de l’efficacité des mesures coercitives et du conventionnement sélectif en Allemagne. Je vous invite à en relire les conclusions. La coercition avait permis d’un petit peu réguler les zones surdenses – et encore ! –, mais cela n’avait rien amélioré dans les zones sous-denses. Échec et mat, vous en conviendrez !
La solution ne réside ni dans la coercition ni dans le palliatif que constituent les aides actuelles, au demeurant insuffisantes. La solution est curative. Nous essayons de creuser pour la trouver. Ne restons pas les bras ballants en laissant nos compatriotes et les maires de France seuls face à ce problème !
Cette solution nous a été inspirée, en quelque sorte, par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi Buzyn, dans laquelle nous avions demandé aux jeunes médecins généraux de passer six mois sur le terrain pendant la dernière année du troisième cycle. Mais jamais le décret n’a été pris ! On nous a expliqué qu’il ne fallait pas déshabiller Paul pour habiller Jacques et que les internes devaient rester dans l’hôpital.
Nous avons creusé pour trouver des solutions. Nous vous proposons ce texte important. Il s’agit de créer une quatrième année de consolidation et de professionnalisation pour les étudiants de troisième cycle de médecine générale.
Nous voulons tout d’abord permettre l’installation, certes provisoire, de 3 500 à 4 000 jeunes médecins généralistes sur l’ensemble du territoire, en ville ou en zone rurale, car la France entière est désormais un vaste désert médical. Nous tenons beaucoup par ailleurs à les rémunérer de manière attractive, comme de vrais médecins, avec un paiement à l’acte. Nous voulons aussi permettre aux collectivités de s’engager : de nombreuses collectivités ne demandent pas mieux que de mettre à la disposition de ces médecins un logement, par exemple ; cette question se pose s’agissant de personnes qui vont passer une année dans un territoire. Cela permettrait surtout de faciliter l’installation de ces jeunes médecins dans nos territoires urbains et ruraux, alors que la formation actuelle ne les incite pas à s’installer.
À la lecture des comptes rendus des auditions et de l’excellent rapport de Mme Imbert, on constate qu’à défaut de faire l’unanimité, un consensus s’est établi. Lorsque nous avons rencontré l’ordre national des médecins, les deux grands syndicats des médecins généralistes et les deux grands syndicats des internes, je n’avais pas senti une franche opposition.
Les internes en médecine générale sont les seuls internes à ne pas avoir cette quatrième année de consolidation depuis que la médecine générale est devenue une spécialité. Il y a là un problème. Cette année de consolidation permettrait de mieux préparer et d’inciter à l’installation des jeunes médecins, à condition que ces derniers soient accompagnés par un médecin référent ; il est important d’y insister et de le mettre en œuvre.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué avoir en quelque sorte repris une telle proposition dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). À mon sens, vous l’avez fait de façon précipitée, sans concertation, et sans en définir les modalités, ce qui a pu raidir un certain nombre de syndicats, notamment ceux des internes. Je pense en outre que la rédaction de votre texte lui fait courir le risque d’être jugé anticonstitutionnel, car une telle mesure n’a pas de conséquences sur les finances sociales.
Peu importe : notre proposition de loi est, en quelque sorte, une séance de rattrapage, et je suis heureux de pouvoir y contribuer utilement.
Mes chers collègues, quand on choisit de devenir médecin – monsieur le ministre, vous êtes médecin, de même que plusieurs membres de la Haute Assemblée –, on choisit non seulement une vocation, mais aussi une mission de service public. C’est au regard de cette mission de service public, à laquelle je crois beaucoup, que nous devons examiner la présente proposition de loi.
Cela nous oblige, nous, parlementaires, à bouger, à voter, à faire des propositions. Et cela vous oblige, vous, exécutif, à consolider ces propositions. Cela oblige les jeunes médecins, quand ils s’investissent dans ce beau métier, à considérer qu’on ne peut pas laisser des millions de Français sans médecin traitant.
C’est une prise de responsabilité. Nous prenons les nôtres aujourd’hui, avec une forme de courage et beaucoup de sincérité. Monsieur le ministre, vous devez aussi prendre les vôtres, de même que le milieu médical. C’est fondamental : cette réforme est nécessaire et urgente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Michel Laugier et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi, déposée par l’excellent Bruno Retailleau et inscrite à l’ordre du jour sur la demande du groupe Les Républicains, a deux objectifs, auxquels la commission des affaires sociales a pleinement souscrit.
Le texte vise d’abord à améliorer la formation des médecins généralistes, en allongeant d’un an le troisième cycle de cette spécialité – cette nouvelle année, voulue professionnalisante, doit permettre de mieux accompagner les étudiants dans la découverte de l’autonomie et de l’exercice ambulatoire –, mais la proposition de loi vise également à trouver un nouveau moyen d’action pour s’attaquer à la problématique de l’accès aux soins ; j’y reviendrai.
L’article unique de la proposition de loi porte la durée du troisième cycle des études de médecine générale à quatre ans et consacre la quatrième année à la réalisation d’un stage en médecine ambulatoire, en autonomie supervisée. Une telle mesure est envisagée depuis plusieurs années. La durée du troisième cycle de médecine générale, restée fixée à trois ans, fait en effet figure d’exception, puisque le troisième cycle des quarante-trois autres spécialités s’étend sur quatre à six années. Elle empêche donc la médecine générale de bénéficier de l’ensemble des avancées de la réforme du troisième cycle des études de médecine, intervenue en 2017, et l’isole des autres spécialités.
Ainsi, les futurs médecins généralistes sont les seuls à ne pas bénéficier de la troisième phase, dite de consolidation, de l’internat, qui vise à consolider les connaissances et compétences acquises jusque-là par les étudiants. Ils ne bénéficient pas non plus du statut de docteur junior, associé à cette dernière phase, qui permet aux étudiants de réaliser, pendant une année entière, des stages en autonomie progressive et supervisée, tout en bénéficiant d’une meilleure rémunération.
Enfin, alors que la soutenance de la thèse d’exercice constitue désormais l’une des conditions d’accès à la phase de consolidation, et est donc souvent réalisée dans les délais, les étudiants de médecine générale ne bénéficient pas de cette incitation. Les retards de soutenance sont fréquents et reportent d’autant l’installation des jeunes médecins généralistes.
La durée du troisième cycle de médecine générale est calée sur la durée minimale fixée par l’Union européenne et se révèle plus courte que celle qui est retenue dans de nombreux autres pays : par exemple, au Danemark, en Suède ou en Norvège, les médecins généralistes suivent un troisième cycle de cinq ans.
Les enseignants et médecins que nous avons entendus en audition sont en majorité très favorables à une telle mesure. Plusieurs d’entre eux nous ont d’ailleurs indiqué y travailler depuis plusieurs années.
Ils ont insisté sur l’opportunité d’enrichir les référentiels de formation. En effet, la maquette actuelle ne comprend pas suffisamment de stages en ambulatoire, alors que ce mode d’exercice constitue un débouché naturel de la médecine générale. En effet, seuls deux des six stages prévus sont obligatoirement réalisés en ville. Ce sont pourtant ces stages qui préparent le mieux les étudiants à l’exercice libéral, en leur donnant une expérience concrète du fonctionnement d’un cabinet ou d’une structure d’exercice coordonné. La mise à jour de la maquette devrait aussi permettre aux étudiants qui le souhaitent d’approfondir plus facilement des compétences spécifiques, communes à plusieurs spécialités.
En améliorant la professionnalisation des internes de médecine générale, la présente proposition de loi vise ainsi à favoriser leur installation rapide. L’ajout d’une phase de consolidation encouragera les étudiants à soutenir leur thèse dès l’issue de la troisième année ; ils ne pourront plus, comme aujourd’hui, la reporter jusqu’à trois ans après la fin de leur internat.
Surtout, la réalisation de stages en ambulatoire et en autonomie supervisée pendant une année entière permettra d’améliorer largement la professionnalisation des étudiants et de mieux les préparer à l’exercice en ville. L’extension du troisième cycle proposée dans le texte devrait donc être en elle-même favorable à l’amélioration de l’offre de soins.
Toutefois, la proposition de loi ne s’arrête pas là. Afin de répondre plus directement aux problèmes d’accès aux soins dans de très nombreux territoires, elle prévoit également que les stages en ambulatoire de quatrième année seront prioritairement réalisés dans les zones sous-denses identifiées par les agences régionales de santé.
Cette mesure a concentré, au cours des dernières semaines, les inquiétudes des organisations représentatives des internes, qui ont craint que la formation ne soit instrumentalisée pour régler les difficultés d’accès aux soins. Je tiens donc à lever toute ambiguïté, comme vient de le faire M. Retailleau : il n’est pas question, dans le texte que nous examinons aujourd’hui, de sacrifier la qualité de l’encadrement ni de la formation des étudiants. Au contraire, il est prévu que les stages de quatrième année seront, comme les autres, supervisés par des maîtres de stage formés et agréés par l’université. Cela devra permettre de mieux accompagner les étudiants dans la découverte de l’exercice ambulatoire et l’appréhension progressive de l’autonomie.
Afin de tenir compte des inquiétudes exprimées par les organisations d’étudiants, et parce que l’expression « désert médical » ne lui a pas paru décrire fidèlement la réalité, contrastée, des zones sous-denses, la commission a modifié l’intitulé de la proposition de loi, afin de mettre en valeur son objectif premier : l’amélioration de la formation des internes en médecine générale.
Cela dit, il me semble impossible d’ignorer entièrement les besoins de santé de nos territoires pour l’affectation des internes en stage. L’accès à un médecin généraliste constitue un enjeu majeur pour nos concitoyens. Or la démographie de la profession est particulièrement sinistrée, la France ayant perdu environ 5 000 généralistes en dix ans. La diminution de la densité médicale aggrave les inégalités territoriales d’accès aux soins. La suppression du numerus clausus et l’augmentation du recrutement d’étudiants ne permettront pas de résoudre cette difficulté avant plusieurs années. C’est pourquoi les affectations doivent être cohérentes avec les besoins de santé des territoires chaque fois que cela est possible, sans entraîner de perte de qualité de l’encadrement des étudiants.
Afin d’assurer la pleine efficacité de la mesure, les efforts devront être poursuivis pour augmenter encore le nombre de maîtres de stages universitaires et s’assurer que ceux-ci maillent suffisamment le territoire. Il s’agit d’un enjeu central et bien identifié. À ce titre, des collectivités territoriales se sont déjà employées à favoriser l’augmentation du nombre de maîtres de stages au cours des dernières années, en facilitant, en accord avec les facultés de médecine, l’organisation des formations de maîtrise de stage au plus près de leur lieu d’exercice.
C’est à la condition de concilier ces deux impératifs – amélioration de la formation des étudiants, d’une part ; amélioration du service rendu à la population dans les territoires, d’autre part – que la réforme sera un succès.
Le texte est un pas indispensable pour améliorer la réponse apportée aux attentes de soins de nos concitoyens. Il a deux mérites : celui de démystifier l’installation, en favorisant une meilleure connaissance de l’exercice en cabinet, mais également celui de démystifier la notion de zone sous-dense : il y a une vie dans ces territoires ; vous le savez tous, mes chers collègues !
Un deuxième motif d’inquiétude réside dans la situation matérielle des étudiants dont l’affectation serait éloignée de leur domicile. Les collectivités territoriales font déjà beaucoup d’efforts dans ce domaine. Je constate par ailleurs que le Gouvernement a souhaité ouvrir une concertation dans le cadre d’une mission interministérielle et n’est pas fermé à l’idée de modalités de rémunération spécifiques à la médecine générale. Cela me semble indispensable.
Les docteurs juniors, quand bien même ils exercent en autonomie progressive, sont aujourd’hui rémunérés forfaitairement et – il faut le dire – assez faiblement au regard du travail qu’ils accomplissent. Je souhaite que des solutions puissent être trouvées pour rétribuer justement les étudiants de médecine générale qui suivront cette année supplémentaire et leur permettre de réaliser leurs stages sans difficulté matérielle. Il s’agit d’une condition essentielle à la réussite de la réforme.
Enfin, les organisations que nous avons entendues nous ont toutes confirmé que l’ajout d’une quatrième année ne devait pas s’appliquer aux étudiants actuels du troisième cycle de médecine générale, afin de ne pas nuire à la cohérence de la formation de ces derniers. La commission a donc adopté un amendement en ce sens, afin de prévoir que le dispositif s’applique seulement aux étudiants qui, à la date de publication du texte, n’auront pas encore débuté le troisième cycle. Ce délai doit également permettre de prendre le temps nécessaire pour établir, avec les parties prenantes, le nouveau référentiel de formation : j’ai pu constater, lors de mes auditions, que la plupart d’entre elles y avaient déjà beaucoup travaillé.
Je souhaite maintenant m’attarder sur le contexte dans lequel intervient l’examen du texte. Le Gouvernement a repris l’essentiel du dispositif pour l’inclure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier, alors même que la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a été déposée au Sénat au mois de janvier 2022 et était déjà inscrite à son ordre du jour. D’ailleurs, monsieur le ministre, ce que vous proposez s’inspire de nos travaux.
Comme Bruno Retailleau le rappelait, nous avons adopté dès 2019 un dispositif prévoyant que les étudiants de médecine générale devaient réaliser, lors de leur troisième année d’internat, un stage d’une année en pratique ambulatoire en autonomie supervisée, en priorité dans les zones sous-denses ; cette durée avait été ramenée à au moins un semestre à l’issue de la commission mixte paritaire. Or cette disposition n’a jamais été appliquée par le Gouvernement, qui n’a pas pris les décrets nécessaires malgré les promesses faites dans cet hémicycle.
La présente proposition de loi reprend également une recommandation du rapport de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, qui consistait à « renforcer la formation en médecine générale par une quatrième année d’internat exercée […] en priorité en zone» sous-dense ».
Je crois enfin que la proposition de loi de M. Bruno Retailleau constitue, monsieur le ministre, le véhicule le plus sûr pour adopter cette mesure, non pas seulement parce qu’elle est antérieure au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et qu’elle est issue de nos travaux, mais également parce que l’article 23 du PLFSS, qui contient cette réforme, n’est pas conforme à la loi organique, l’absence d’incidence financière de la mesure sur les régimes obligatoires de base étant mise en évidence par l’étude d’impact du Gouvernement lui-même.
C’est pourquoi je vous propose d’adopter cette proposition de loi, mes chers collègues. Elle constitue le meilleur moyen d’instaurer cette quatrième année, qui permettra d’améliorer la formation des étudiants de médecine générale et, surtout, l’accès aux soins dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’être devant vous aujourd’hui pour l’examen de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale.
Ce texte porte sur deux sujets qui me tiennent à cœur : d’une part, la qualité de la formation de nos futurs médecins généralistes ; d’autre part, la lutte pour l’accès à la santé dans l’ensemble du territoire. La proposition de loi, qui fait écho à l’article 23 du PLFSS pour 2023, actuellement en cours d’examen, répond donc à deux enjeux distincts.
Je parle bien d’enjeux distincts, car la proposition gouvernementale, qui fait suite à un engagement de campagne du Président de la République, ne vise en aucun cas à envoyer des internes en médecine faire des stages dans des territoires pour « boucher des trous », sans encadrement. Elle vise au contraire, via l’accession, par les futurs médecins généralistes, au statut de docteur junior, à renforcer la formation des internes pour leur permettre d’être, en sortie de diplôme, autonomes et plus à même de gérer une installation et un cabinet médical.
C’est bien, j’y insiste, l’objectif premier de notre proposition. Et si, pour aider nos territoires, nous souhaitons en priorité envoyer ces internes vers des zones sous-denses, cela ne se fera aucunement au prix de la qualité de l’encadrement.
À ce titre, la séance d’examen législatif qui nous réunit aujourd’hui est bienvenue, car elle me permet, à quelques jours du début de l’examen du PLFSS en séance publique, de rappeler dans quel cadre la proposition gouvernementale s’inscrit. Je remercie donc Bruno Retailleau, ainsi que l’ensemble des cosignataires de la proposition de loi de nous permettre de débattre et d’échanger sur un enjeu aussi crucial.
L’idée d’une quatrième année d’internat de médecine générale procède d’un constat ancien et partagé : sans la phase de consolidation, qui définit le statut de docteur junior, l’installation immédiate en sortie de cursus n’est pas facile ; elle devient même rarissime.
L’objectif de la mesure gouvernementale – votre proposition s’inscrit dans le même esprit, si j’en juge par l’amendement de modification du titre de la proposition de loi adoptée en commission – est donc d’améliorer la formation des jeunes médecins, tout en facilitant leur installation à l’issue de leurs études, non pas pour « envoyer au front » les jeunes recrues, mais pour parfaire une formation polyvalente et exigeante.
J’y tiens beaucoup, cette quatrième année de formation et de professionnalisation sera assortie d’un projet pédagogique coconstruit avec toutes les parties prenantes, y compris les internes eux-mêmes. Elle se concrétisera par des stages en pratique ambulatoire, auprès de maîtres de stage universitaires expérimentés et capables d’encadrer et de transmettre leur expérience et leur savoir-faire.
Je souhaite que cette réforme soit mise en œuvre dans les meilleures conditions. À cette fin, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, et moi-même avons récemment lancé une mission qui permettra, avec l’appui de quatre professionnels de terrain reconnus, de conduire la concertation que requiert un tel engagement, afin de déterminer les conditions de l’hébergement et de la rémunération de ces stagiaires.
Comme l’indique l’article unique de la proposition de loi, nous souhaitons que ces stages aient lieu, en priorité, sans que cela soit une obligation, dans les zones sous-denses, afin de faire découvrir ce mode d’exercice aux futurs médecins, qui n’ont pas eu forcément l’occasion d’y exercer ou d’y suivre un enneigement au préalable. Les inégalités d’accès à la santé sont intolérables, et nous devons agir résolument contre elles.
Aujourd’hui, vous l’avez indiqué, 6 millions de Français restent sans médecin traitant. Parmi eux, 600 000 personnes souffrent d’une affection de longue durée. Cela concerne également beaucoup de nos concitoyens en situation de précarité ou vivant avec un handicap. Ce n’est pas acceptable, d’autant qu’il y a de fortes inégalités selon les territoires.
J’étais voilà deux semaines dans la Sarthe pour le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation, qui a vocation à organiser la concertation de l’ensemble des parties prenantes du secteur, afin de trouver collectivement les solutions pour qu’il n’y ait plus aucun laissé-pour-compte en matière d’accès à la santé. Là-bas, pour ne citer que cet exemple, on compte 59 médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants, contre 85 pour 100 000 habitants en moyenne nationale.
Ce déficit de médecins généralistes dans certains territoires est d’autant plus problématique que ces professionnels jouent un rôle essentiel de suivi de proximité, tout au long de la vie. Nos médecins généralistes traitants sont aussi les aiguilleurs de notre système de santé, puisqu’ils orientent les patients et assurent la nécessaire coordination de leur parcours de soins.
Surtout, cette situation a des conséquences sur l’ensemble du système de santé. La situation des urgences, que je connais bien et qui sont devenues pour beaucoup un premier recours, le démontre : la fréquentation a augmenté de plus de 50 % en vingt ans. Or, lorsque tous s’organisent, en ville et à l’hôpital, comme cela s’est produit grâce aux mesures prises l’été dernier, cette fréquentation chute enfin ; elle a ainsi décru de 5 % l’été dernier.
Par responsabilité à l’égard de nos concitoyens, nous devons prendre des mesures fortes. La création d’une quatrième année d’internat de médecine générale s’inscrit ainsi dans un arsenal de mesures du PLFSS qui visent à renforcer l’accès à la santé sur l’ensemble des territoires. Je pense par exemple à la création d’un cadre plus adapté pour les négociations conventionnelles, qui devra nous permettre de mettre en place des engagements réciproques, au service des Français dans tous les territoires, notamment les moins dotés, selon une logique de droits et de devoirs. Je pense aussi à la simplification des aides à l’installation de nos médecins dans les zones sous-denses, pour intensifier leur impact.
Enfin, je tiens à souligner le fait que nous allons pouvoir tirer les fruits, dans les prochaines années, des réformes déjà engagées dans le quinquennat précédent. Vous l’avez indiqué, la suppression du numerus clausus n’aura d’effet que dans une dizaine d’années.