M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Alain Milon. … il y a 1,1 million d’habitants pour vingt postes d’internes en médecine générale. C’est largement insuffisant.
Cette proposition de loi pose les jalons d’une répartition géographique plus équilibrée tout en respectant le libre choix d’installation des futurs médecins, principe cardinal de notre médecine. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment la France, nation à la médecine réputée et au système de soins généreux et envié, en est-elle arrivée à une telle situation de pénurie ? Actuellement, 11 % des Français seraient dépourvus de médecin traitant, cette proportion étant parfois multipliée par deux, comme dans mon département, l’Ardèche.
Sans doute notre pays a-t-il refusé de considérer la question du nombre de médecins sur le long terme. C’est là une responsabilité partagée : il n’est que de lire les échanges entre le Gouvernement et les parlementaires au début des années 1990. Aux élus qui s’inquiétaient des conséquences des baisses successives du numerus clausus en deuxième année de médecine sur la démographie médicale à venir, les gouvernants répondaient par des courbes statistiques et des projections lénifiantes.
Il faut donc appréhender ce sujet en sachant que de notre inertie ou de nos actions dépendra l’accès aux soins des temps à venir, ces décennies qui seront marquées par le vieillissement et la perte d’autonomie de la génération du baby-boom.
Dans cette perspective, nous le savons, nous devons considérer le problème sans tabou. Le salut viendra non pas de slogans ou de remèdes miracles, mais d’une conjugaison de solutions complémentaires et d’efforts collectifs.
En tant que représentants au Parlement des collectivités territoriales, nous devons nous emparer du sujet en proposant des solutions concrètes et viables. Je salue en cela l’initiative de Bruno Retailleau. À l’heure actuelle, en effet, ce sont essentiellement les élus des territoires qui investissent dans des solutions pragmatiques : création de maisons de santé pluridisciplinaires, salariat des médecins, recrutement de personnels déchargeant ces derniers des tâches administratives chronophages, voire, comme le fait le département de l’Ardèche, réponse concrète apportée à la question du logement des internes.
Le groupe Les Républicains n’a pas la prétention de régler par cette mesure seule la pénurie de médecins généralistes. Il s’agit de se saisir d’un volet important du problème, celui de la présence médicale. Les internes, qui en sont l’un des rouages importants, ne doivent nullement se sentir montrés du doigt et tenus pour futurs responsables de la situation. Notre conviction est qu’ils sont, au contraire, une partie de la solution.
Cette année supplémentaire de formation et de consolidation ne résoudra pas à elle seule le problème de la désertification médicale. Elle constitue l’un des leviers qu’il faut actionner, aux côtés d’autres, tels un meilleur recours aux infirmiers en pratique avancée et aux assistants médicaux ou la restructuration de l’offre de soins, qui, conjointement, permettront de restaurer le droit à la santé pour chacun.
Cette quatrième année d’internat – Mme la rapporteure l’a rappelé – permettra d’aligner la formation des futurs généralistes sur le cursus des autres spécialisations. Effectuant des stages en autonomie progressive et bénéficiant de la supervision d’un médecin expérimenté, ils percevront également une rémunération supérieure à celle qu’ils reçoivent pendant leurs années d’internat.
De surcroît, au cours de cette année passée dans une localité sous-dotée, ces futurs médecins prendront toute la mesure du délaissement, pour ne pas dire de la détresse médicale, que subissent certains territoires, notamment ruraux. À l’aube de leur carrière, cette expérience sensibilisera ces praticiens ayant fait de la santé une vocation autant qu’elle mobilisera la conscience civique de ces jeunes citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale
Article unique
I. – Le premier alinéa du II de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. – La durée du troisième cycle des études de médecine, fixée par le décret mentionné au III en fonction des spécialités, est d’au moins quatre années.
« La quatrième année du troisième cycle de médecine générale est intégralement effectuée en stage en pratique ambulatoire dans des lieux agréés. Les stages ainsi effectués le sont sous un régime d’autonomie supervisée et en priorité dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. »
II. – Le I du présent article n’est pas applicable aux étudiants qui, à la date de publication de la présente loi, avaient débuté le troisième cycle des études de médecine.
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, sur l’article.
M. Fabien Genet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux saluer la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale. Si le texte n’affiche plus pour objectif la lutte contre les déserts médicaux, il représente malgré tout un espoir pour nombre de territoires privés de médecins.
J’ai entendu certains de nos collègues critiquer un dispositif qui serait trop « précipité » ou accuser les auteurs d’une telle initiative de « mettre la charrue avant les bœufs ». Permettez à l’élu charolais que je suis (Sourires.) de vous dire que, dans nos campagnes, le sentiment qui prévaut, c’est plutôt celui que l’on a beaucoup trop tardé ! En 2014, en tant que maire de Digoin, j’ai été confronté au départ en quelques mois de la moitié des médecins généralistes de la ville et à l’angoisse de la population ainsi privée de soignants. Je me suis retrouvé face à l’irresponsabilité totale de notre système de santé : aucune institution ne faisait quoi que ce soit, et l’agence régionale de santé finissait par renvoyer les patients vers le maire que j’étais.
Fort heureusement, la situation locale s’est depuis lors améliorée, par exemple avec la création par le président André Accary d’un centre départemental de santé salariant des médecins ou l’installation d’une maison de santé pluridisciplinaire soutenue par l’intercommunalité, au sein de laquelle œuvre une équipe de médecins – ce sont d’ailleurs en majorité des jeunes – extrêmement dévoués. Comme ma collègue Marie Mercier, je pourrais vous parler d’autres communes – je pense ainsi à Cuisery ou à Genouilly – qui cherchent encore leurs médecins.
Monsieur le ministre, votre tâche n’est pas facile, mais elle est vitale. Nos concitoyens des territoires ruraux s’adaptent de gré ou de force aux délégations de tâches, aux cabines de télémédecine et, demain, aux médecins stagiaires, car ils n’ont pas d’autre choix. Mais ils ne sauraient accepter qu’on finisse par entériner le principe d’une médecine à deux vitesses.
L’urgence de la situation commande donc de prendre des mesures structurelles et complémentaires à la présente initiative. Une véritable mobilisation générale est nécessaire pour ne pas oublier le grand sacrifié de la situation : le patient. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour souligner les limites du dispositif prévu à cet article unique.
Voilà quelques années, les études de médecine duraient sept ans.
MM. Bernard Bonne et René-Paul Savary. Ah !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les médecins étaient-ils moins compétents ? Pour ma part, je ne le pense pas. Je ne m’en suis pas trop mal sortie : mon médecin traitant avait fait sept ans d’études ; apparemment, ça allait ! (Sourires.) Je m’en sors bien plus mal aujourd’hui : au cœur du bassin minier, nous n’avons plus aucun médecin…
Actuellement, les études de médecine générale durent neuf ans. En cas d’adoption de la proposition de loi, leur durée serait portée à dix ans. Pensez-vous vraiment qu’une année supplémentaire va régler le problème des déserts médicaux ? En outre, il faudra des médecins seniors pour encadrer ces nouveaux internes. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il en manque partout, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales.
Qui encadrera les jeunes internes volontaires ? Car nous parlons bien de volontariat, évidemment à moindre coût. Je rappelle que ces praticiens seront payés 2 000 euros à 2 500 euros par mois pour dix ans d’études.
Plus que jamais, nous devons réfléchir à la question de l’installation. Le problème ne sera jamais réglé si nous continuons à laisser s’installer des médecins dans les zones où l’offre de soins est fortement excédentaire. Au contraire : il s’aggravera. Plus qu’à une dixième année, nous sommes favorables à la réduction du premier cycle et du deuxième cycle, après discussion et concertation.
Une véritable loi est indispensable pour discuter de nouveau de la refonte globale des études de médecine avec l’ensemble des partenaires concernés, car il n’y a plus de numerus clausus. Monsieur le ministre, vous avez dit que l’on ne verrait malheureusement que dans dix ans les effets d’une réforme consistant à desserrer l’étau, donc à former davantage de médecins, en en donnant immédiatement les moyens aux facultés via la création de places supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Comme cela a été indiqué, à l’heure actuelle, l’hôpital public ne peut fonctionner sans les internes.
J’aimerais rappeler deux chiffres : la formation d’un médecin généraliste coûte à l’université environ 104 000 euros par étudiant et par an, quand la valeur du travail fourni est estimée à 121 000 euros. Les internes de médecine gagnent en moyenne 6 euros de l’heure, et 70 % des internes dépassent le plafond hebdomadaire légal de 48 heures en travaillant environ 58 heures par semaine. En d’autres termes, le coût de la formation s’élève à 104 000 euros quand le travail fourni est chiffré à 121 000 euros. Les étudiants en médecine sont donc les seuls étudiants de France qui rapportent de l’argent à l’État ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Bruno Belin et Alain Houpert applaudissent également.)
Mmes Sonia de La Provôté et Élisabeth Doineau. Exactement !
M. Pierre Ouzoulias. Il faut le répéter, car ils le vivent comme une profonde injustice. Ils ne comprennent pas que l’on ne reconnaisse pas ce qu’ils apportent à la médecine ni ce qu’ils ont fait pendant la période du covid-19. Souvenez-vous : vous les avez applaudis pour 6 euros de l’heure !
Lors de son audition par la commission de la culture du Sénat, le président de France Universités, M. Manuel Tunon de Lara, ancien président de l’université de Bordeaux et praticien hospitalier, déclarait que les CHU allaient « dans le mur ». Il ajoutait même : « Les hospitalo-universitaires sont noyés sous des tâches cliniques. Entre 50 et 60 professeurs de médecine ont démissionné depuis 2018. »
Est-ce vraiment là la réforme dont ont besoin aujourd’hui les études de santé ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Alain Houpert applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, sur l’article.
M. Bruno Rojouan. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a beaucoup travaillé sur l’accès aux soins, qui est malheureusement insuffisant dans de trop nombreux territoires français.
Il est intéressant que la commission se soit emparée du sujet, car sa vision et sa manière de l’aborder sont différentes de celles de la commission des affaires sociales.
Je suis très heureux, car la proposition de loi de Bruno Retailleau permet d’envoyer un message fort à destination des populations délaissées dans les territoires et, surtout, des élus locaux ! Lorsque de nos déplacements, à chaque réunion, immanquablement, les maires nous parlent de la problématique de la présence médicale dans leur commune ou communauté de communes. Il s’agit du premier message fort envoyé par notre assemblée en direction de ces élus locaux, qui sont nos premiers partenaires.
Mais, au regard de la situation désastreuse de la santé en France, il ne faudra pas s’arrêter là. Le Sénat, qui assure la représentation des territoires, est le lieu même où nous devons en discuter. Je propose que le vote de cette proposition de loi ne soit qu’une première étape. Il faudra revenir – vous l’avez presque tous dit – sur le sujet, que nous ne réglerons pas par cette seule disposition.
Dans le prolongement du travail réalisé en commission, j’ai rédigé et déposé une proposition de loi comportant un ensemble de mesures. Ce n’est qu’en les prenant toutes à peu près simultanément, ou tout du moins dans un délai restreint, que l’on améliorera la situation des 6 millions de Français concernés, et même des autres !
Le débat d’aujourd’hui n’est donc que le début d’une discussion beaucoup plus longue sur l’accès au soin des Français dans leurs territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, sur l’article.
M. Jean-Luc Fichet. J’aimerais tellement que la solution proposée marche ! Car le problème n’est pas nouveau : voilà dix ans que nous en débattons au sein de cet hémicycle, additionnant les dispositions pour répondre à la question des déserts médicaux.
Avec mon collègue Hervé Maurey, j’ai remis un premier rapport en 2013 pour identifier le problème et formuler des propositions. Si celles-ci ont pu paraître quelque peu coercitives et dures pour la période, peu de choses ont changé depuis, et les nécessités sont les mêmes.
Je ne pense pas que la quatrième année d’internat soit le sujet. Vous utilisez une disposition relative à la formation pour essayer de répondre de manière masquée à la question des déserts médicaux. Les auteurs de la proposition de loi disent : « Si vous avez un maître de stage, si le maire veut bien mettre un logement et – pourquoi pas ? – une voiture à votre disposition, s’il veut bien créer un cabinet médical, si toutes ces conditions sont réunies, vous, stagiaires de quatrième année, vous pourrez prioritairement faire votre stage dans des lieux sous-denses où il n’y a pas de médecins. »
Je ne crois pas du tout aux 3 700 médecins sur lesquels tablent les initiateurs de la démarche. Nous avons en effet assez bien expliqué ici que les internes ont une autre approche, une autre vision. Je suis d’accord avec mon collègue Pierre Ouzoulias : il faut reconsidérer la manière dont on les traite à l’hôpital. C’est à la limite de la maltraitance,…
M. Pierre Ouzoulias. De l’esclavage !
M. Jean-Luc Fichet. … ou, en effet, de l’esclavage.
Les déserts médicaux, c’est un autre sujet. Comment l’État répartit-il aujourd’hui l’ensemble des médecins de manière équitable sur le territoire, afin que chaque administré dispose d’un médecin à trente minutes environ de chez lui ? C’est à cette question qu’il faut répondre. Et je pense que la présente proposition de loi ne le permet pas. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, sur l’article.
M. Stéphane Sautarel. Je rejoins plusieurs de mes collègues pour remettre la proposition de loi dans son contexte.
Tout d’abord, je remercie notre groupe et Bruno Retailleau de ce texte, que j’ai moi-même cosigné. Cette initiative me semble indispensable, même si elle est insuffisante. Elle ne constitue évidemment qu’une partie de la réponse, mais je dis : « Enfin ! » L’exaspération est telle dans nos territoires que si nous ne sommes pas capables de répondre aux besoins de soins de plus de 6 millions de Français, en particulier dans la ruralité, d’autres questions vont se poser.
En matière d’accès aux services publics, les trois secteurs prioritaires sont la sécurité, la santé et l’éducation. Si nous ne parvenons pas à satisfaire ces besoins, désormais dans l’urgence – l’heure est grave, et le temps presse –, nous ne sommes pas à la hauteur de la confiance que nos administrés, nos concitoyens, nos électeurs, les contribuables placent en nous.
Bien entendu qu’il y a des sujets plus globaux sur la santé ! Bien entendu que ce n’est pas par les internes que nous résoudrons l’ensemble de la question ! Bien entendu qu’il convient d’examiner la place et la situation des internes dans notre système de santé !
Toutefois, ce premier signe adressé à nos territoires, qui sont en désespérance – il faut l’entendre – sur l’offre de santé, me semble une absolue priorité. J’insiste sur cette nécessité, qui n’a pas été anticipée. Nous pouvons débattre et continuer à réfléchir, mais il faut que nous crantions, que nous avancions, que nous agissions.
Je remercie les collègues qui ont pris l’initiative de ce débat, qui, je l’espère, sera une première étape. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre collègue Patrice Joly a présenté deux amendements – Jean-Luc Fichet les a évoqués à l’instant – portant sur la relation entre formation et présence médicale, ainsi, notamment, que sur la désertification médicale. Ces deux amendements ont été retirés du dérouleur de séance – ils ne seront pas présentés –, en vertu d’une interprétation de l’article 45 de la Constitution avec laquelle je suis en profond désaccord.
Je le rappelle, cet article dispose que tout amendement « est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte ». Si quelqu’un ici peut m’expliquer que ces deux amendements n’ont aucun rapport,…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ils sont irrecevables !
M. Jean-Pierre Sueur. … même indirect avec le texte, je les remercie de le faire. À défaut, nous sommes dans l’arbitraire. Je protesterai de nouveau chaque fois que l’interprétation faite ici de l’article 45 de la Constitution se présentera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Il faut toujours saluer les initiatives qui font parler des sujets très importants pour notre société.
Je remercie donc M. Retailleau de son initiative, de même que je remercie M. le ministre d’avoir introduit une disposition identique dans un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Si l’intitulé de la proposition de loi a changé, nous avons en réalité plus parlé aujourd’hui des problèmes de démographie médicale que de la professionnalisation des professionnels de santé ; je le regrette.
Je voudrais vous faire part de mes doutes. La proposition de loi comporte des écueils.
Tout d’abord, il y a une non-adhésion des jeunes étudiants en médecine. Or il est important que les lois que nous votons soient en parfait accord avec la majorité de ceux qui seront concernés. Ces derniers étaient 10 000 dans les rues la semaine dernière. Je tiens compte de leur avis. Ils ne veulent pas être la variable d’ajustement d’un problème qui a été créé – il faut le dire – par toutes les précédentes majorités.
Nous n’avions pas anticipé le vieillissement de la population, les polypathologies, ni les besoins actuels de la société, dans laquelle les personnes souhaitent être soignées et « consomment » de la santé.
Par ailleurs, comment peut-on imaginer qu’on aura plus de médecins qui seront maîtres de stage quand on voit les courbes du nombre de médecins généralistes depuis une vingtaine d’années ? (L’oratrice brandit un document.) Regardons tout simplement l’âge de nos médecins généralistes : nous voyons bien que beaucoup sont proches de la retraite. Nous ne disposons même pas des 12 000 médecins dont nous aurions actuellement besoin.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Si ! Nous les avons !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, sur l’article.
M. Emmanuel Capus. Je soutiens sans réserve la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui. Elle va exactement dans le même sens que celle de mon collègue Daniel Chasseing, texte que j’avais cosigné et qui figurait à l’ordre du jour de jeudi prochain dans la niche du groupe Les Indépendants, avant d’en être retiré, dans la mesure où les dispositifs envisagés étaient similaires.
Il faut dépasser les clivages politiques et nous réunir sur ce sujet : tous les territoires français sont concernés. Dans ma circonscription de Maine-et-Loire, pas une commune n’est épargnée. Et je ne parle pas des médecins spécialistes, pour lesquels les rendez-vous sont fixés à six mois ; je parle des généralistes, pour lesquels il n’y a pas de rendez-vous possible, faute de praticiens. À Angers comme dans les zones rurales, les patients s’entendent répondre : « Si vous n’êtes pas notre patient, nous ne vous prenons pas. » C’est la raison pour laquelle tant de personnes ne sont pas suivies.
Il y a urgence, il y a pénurie, et les maires sont les premiers à y faire face. Ils doivent se débrouiller. Certains, ingénieux, ont salarié leurs médecins ; d’ailleurs, l’opération financière est souvent intéressante. D’autres construisent des maisons de santé à leurs frais. D’autres encore font venir des médecins de Roumanie ou d’ailleurs. Partout, c’est la débrouille !
Nous devons aider les maires ruraux à trouver des solutions. Celle qui est proposée aujourd’hui est bonne, à la condition très simple, d’ailleurs évoquée sur toutes les travées de cette assemblée, d’obtenir l’adhésion des internes en médecine par une juste rémunération de leur effort au service de la ruralité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, sur l’article.
Mme Sonia de La Provôté. Devenir médecin généraliste, médecin de famille, c’est un choix. Les jeunes qui s’engagent dans cette voie sont les piliers de la médecine de demain. Ils ont profondément à cœur le service public et l’écoute des autres.
Pourquoi ne s’installent-ils pas à l’issue de leurs études ? Pourquoi font-ils longtemps des remplacements ? Pourquoi, à la consultation, sont-ils rémunérés en dessous de la moyenne européenne ? Les contraintes d’exercices sont telles qu’ils choisissent de faire des exercices particuliers en cours de carrière. Pourquoi se salarient-ils ? La sécurité sociale salarie des médecins. Nous avons des médecins coordonnateurs et nous trouvons tout un tas de postes pour lesquels nous employons les médecins à autre chose qu’aux soins de premier recours.
Ces fameux médecins généralistes représentent un tiers des promotions de médecins reçus à l’internat, mais seulement un cinquième d’entre eux se consacreront au final aux soins de premier recours auprès des habitants dans les territoires.
Je ne voterai pas cette proposition de loi, parce que nous n’avons pas réglé les questions essentielles : la rémunération, la qualité de l’exercice et la considération du rôle primordial des généralistes, qui sont les piliers de la médecine. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, sur l’article.
M. Bruno Belin. Je ne reviendrai pas, comme l’a fait Bernard Jomier, sur ce qui s’est passé voilà trente ans ou quarante ans. Au tournant des années 1990, on a baissé le numerus clausus uniquement pour faire des économies de sécurité sociale. On a sacrifié des vagues d’étudiants qui nous seraient bien utiles aujourd’hui.
Monsieur le ministre, cette journée est historique. Je veux que nous prenions date, tous les deux, devant notre assemblée. On nous a raconté qu’à la fin du numerus clausus, tout irait bien. Et on invente ce qu’aucun de nous n’aurait été capable d’imaginer voilà six mois : le numerus apertus. En attendant le numerus proximus (Sourires.), nous avons droit au numerus apertus. Ce sont les universités qui fixent elles-mêmes le nombre d’étudiants qu’elles sont en volonté ou en capacité de former. Par conséquent, des riches font des riches et des pauvres font des pauvres : vous trouverez toujours plus d’étudiants formés dans l’ouest parisien qu’à Clermont-Ferrand ou dans d’autres universités de province.
Je prends date, monsieur le ministre, cher docteur. Nous avons bien compris que le numerus apertus était maintenant la règle. Mais il va vite falloir l’évaluer. Qu’est-ce que cela a changé concrètement dans toutes les universités françaises, par catégorie de profession de santé ? Combien de places sont données ? Êtes-vous prêts à le réévaluer, à l’expliquer ? Quelle transparence y aura-t-il ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. Je suis très surpris que la proposition de loi, qui avait au départ explicitement vocation à traiter la question des déserts médicaux, se retrouve avec un intitulé amputé d’une partie essentielle du sujet.
L’enjeu de l’accès à la santé dans les territoires, notamment ruraux, mais pas seulement, est majeur. L’égalité est bafouée, ce qui a des conséquences sur la qualité de vie de nos concitoyens, et, pire, sur leur espérance de vie. Nous avons des écarts allant jusqu’à cinq ans, comme c’est le cas dans mon département, la Nièvre.
Il y a donc urgence : urgence sanitaire, bien sûr ; urgence politique, aussi, tant l’attente de nos concitoyens est grande pour une prise en main par les politiques de l’organisation de la présence sanitaire sur nos territoires. Pour cela, il faut redéfinir les zones dites surdotées et celles dites sous-dotées, et sortir de la théorie de la prise en charge optimale du nombre de patients par médecin, au regard de la pénurie actuelle.
Les zones sont dites sous-denses lorsque le nombre de médecins y est inférieur à la moyenne nationale et surdenses lorsqu’il y est supérieur ; c’est aussi simple que cela.
Une telle reprise en main urgente était le sens de la proposition de loi, évoquée par notre collègue Jean-Pierre Sueur, que j’avais déposée en août dernier. Ses principales dispositions étaient une régulation en matière de conventionnement, la réduction de la possibilité de réaliser des intérims afin de sortir de ce scandale et la garantie d’aides à l’installation, pour les employeurs qui embauchent des médecins comme pour les libéraux.
Au secours, monsieur le ministre ! Les Français sont en souffrance. Au nom des habitants des territoires ruraux, agissez vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)