M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Je comprends le souhait de trouver la rémunération la plus adaptée à la quatrième année du diplôme d’études spécialisées de médecine générale. C’est d’ailleurs l’un des objets de la mission que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et moi-même avons mise en place et dont les conclusions sont attendues au premier trimestre de 2023.
Je souhaite que le sujet puisse être travaillé dans la concertation avec l’ensemble des parties prenantes, en prenant le temps nécessaire à son instruction, en particulier au regard de l’incidence que cela pourrait avoir sur les autres spécialités médicales.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, il ne m’a pas échappé que vous aviez lancé une concertation. Mais, quel qu’en soit le résultat, vous serez amené à déroger au décret.
Par conséquent, autant être concret…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. René-Paul Savary. … et montrer votre ouverture à une rémunération décente pour les internes en quatrième année de troisième cycle.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voterai évidemment cet amendement, que j’ai cosigné, parce qu’il est apparu tout au long du débat que la rémunération était une condition essentielle au fonctionnement du dispositif élaboré dans la proposition de loi.
Permettez-moi de revenir sur le recours à l’article 40 de la Constitution. Je sais bien que ce n’est pas de la compétence de la commission des affaires sociales.
Comme l’a souligné tout à l’heure Jean-Pierre Sueur sur l’article 45,…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. L’article 45, c’est de notre compétence !
M. André Reichardt. … il y a dans cette maison un vrai problème avec les limitations au droit d’amendement.
Cet amendement est l’illustration manifeste des dérives liées à l’utilisation de l’article 40.
Lorsque j’ai cosigné l’amendement n° 13 rectifié, j’ai considéré qu’il n’avait aucune chance de résister à l’article 40. Pourtant, il est passé ! En revanche, l’autre amendement que j’ai cosigné n’a pas survécu…
J’ai plusieurs fois demandé des explications en séance publique. On m’a envoyé un fascicule extraordinairement long et complexe élaboré par la commission des finances, mais j’avoue que je n’y comprends toujours rien ! (Sourires.) Cela vaudrait la peine de regarder en détail comment on a pu appliquer le contenu de ce fascicule et arriver aux aberrations soulignées par René-Paul Savary.
Je le redemande une nouvelle fois : examinons les modalités d’application des articles limitant le droit d’amendement sénatorial. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les questions relatives à la rémunération prouvent, s’il en était besoin, les limites de la proposition de loi.
Il est question d’instaurer une dixième année sans avoir consulté sur la rémunération. On parle d’une rémunération à l’acte. Concrètement, cela signifie que, parmi les étudiants qui se porteront volontaires pour aller travailler dans des zones sous-denses, certains réaliseront cinq actes par jour, d’autres dix, quinze ou vingt.
En d’autres termes, il n’y a pas de cadre et l’on va créer des inégalités entre les étudiants eux-mêmes ! (Non ! Sur les travées du groupe Les Républicains.) Si, puisqu’ils seront payés à l’acte ! Ces étudiants ne gagneront donc pas la même chose.
Je trouve cela scandaleux ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je souhaite répondre à ma collègue sur la question de la rémunération.
Il est question de dérogation, ce qui laisse du temps à la concertation entre les étudiants et le Gouvernement, afin de répondre aux attentes à la fois des auteurs texte et des étudiants.
M. André Reichardt. Voilà !
M. Philippe Mouiller. On a donc le temps de discuter et de trouver un dispositif cohérent sur le territoire national. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Moi aussi, je veux répondre à ma collègue.
Pour ma part, j’ai proposé que l’on puisse accorder aux internes de quatrième année au minimum dix consultations par jour. Quand on exerce en libéral, certains jours, on fait beaucoup de consultations, d’autres, moins : c’est le principe. Il ne s’agit pas de parler de discrimination entre étudiants. (Mme Laurence Cohen s’exclame.)
Si un médecin a besoin d’un médecin junior, c’est bien que sa clientèle est trop importante et qu’il est complètement débordé. Il trouvera le temps à la fois de le conseiller et de faire du bon travail.
Dix consultations par jour cinq jours par semaine, cela représente 5 000 euros par mois.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié sexies, présenté par Mmes Bellurot et F. Gerbaud, MM. Perrin et Rietmann, Mme Thomas, MM. Brisson, Calvet et Reichardt, Mmes Demas, Puissat et Ventalon, MM. Cambon, Lefèvre et Bazin, Mmes Eustache-Brinio et Belrhiti, M. Paccaud, Mmes Procaccia et Micouleau, MM. Bonne, Belin, E. Blanc, Bouchet, Babary et Meignen, Mmes Estrosi Sassone et Lassarade, M. Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Canayer, Deseyne et Dumont, MM. Bouloux et J.B. Blanc, Mme Gosselin et MM. C. Vial, Genet, B. Fournier et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le 3° du III de l’article article L. 632-2 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«…° Les conditions d’agrément des médecins retraités comme maîtres de stage des universités. »
La parole est à Mme Nadine Bellurot.
Mme Nadine Bellurot. Je remercie mes collègues qui ont cosigné cet amendement.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré vouloir des solutions concrètes et pragmatiques. Cet amendement va vous combler ! (Sourires.)
Il s’agit en effet d’autoriser les médecins retraités à devenir médecins référents. Nous le savons, il sera difficile de trouver des médecins référents en nombre suffisant, d’autant que, dans certaines communes, il n’y a plus du tout de médecins.
En 2014, j’ai été élue maire de Reuilly, dans l’Indre. Cette commune de 2 000 habitants comptait alors deux médecins généralistes et un chirurgien-dentiste. Aujourd’hui, il n’y en a plus aucun.
Si nous ne prévoyons pas la possibilité que les médecins retraités accompagnent ces étudiants – lesquels ont besoin de ce suivi – et qu’ils les fassent bénéficier de leur expérience, alors même que, souvent, ils habitent toujours les communes où ils ont exercé et qu’ils sont prêts à aider à l’installation de ces jeunes médecins, jamais ces jeunes médecins ne pourront venir dans nos communes. On nous opposera en effet le raisonnement suivant : vous auriez pu avoir un médecin junior, mais, pas de chance, vous n’avez pas de médecin pouvant devenir référent.
Je suis bien consciente qu’une telle mesure relève du domaine réglementaire. Mais vous savez comme moi que les débats sont aussi là pour éclairer la rédaction des décrets comme les possibles contentieux.
Avec cet amendement d’appel, je vous interpelle, monsieur le ministre : garantissez-moi qu’il sera demain possible, pour des médecins retraités, d’être des référents dans le cadre du dispositif que nous mettons en place.
Certes, cela doit s’organiser : cela peut concerner des médecins à la retraite depuis moins d’un an, de cinq ans ou de dix ans.
Faute d’avoir prévu une telle faculté, la réforme ne fonctionnera pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La réforme ne pourra réussir que si elle garantit un véritable accompagnement aux internes et améliore leur formation, nous sommes tous d’accord sur ce point. Elle doit permettre aux étudiants de médecine générale de découvrir l’exercice ambulatoire, en cabinet ou en structure d’exercice coordonné, aux côtés de praticiens en mesure de les accompagner dans l’appréhension de l’autonomie. Sur ce point, l’ouverture de la maîtrise de stage à des médecins retraités qui n’exerceraient plus risquerait d’envoyer un mauvais signal aux étudiants. Je rappelle que la maîtrise de stage est déjà ouverte aux médecins en cumul emploi-retraite.
Le Gouvernement doit plutôt accélérer le recrutement de maîtres de stage en exercice – ils sont aujourd’hui environ 12 000 –, y compris et surtout en zone sous-dense, pour permettre la pleine réussite de cette réforme. Leur nombre a déjà beaucoup augmenté ces dernières années et de nombreuses collectivités s’emploient à favoriser la formation des maîtres de stage dans tous les territoires. Je pense en particulier au conseil départemental de la Charente-Maritime, qui, avec l’accord de la faculté de médecine de Poitiers, a favorisé l’organisation des formations pour les maîtres de stage au plus près de leur lieu d’exercice, dans les départements où la faculté de médecine ne se trouve pas.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement d’appel. À défaut, elle émettra un avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Bellurot, l’amendement n° 14 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Nadine Bellurot. Non, monsieur le président : j’ai bien entendu l’avis de la commission, et je vais retirer mon amendement. (Marques de déception sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je sais que le cumul emploi-retraite permet de devenir médecin référent. Lors de la rédaction des décrets, domaine que je connais un peu, la possibilité d’étendre cette faculté aux médecins retraités sera très vite évacuée ; or on ne peut pas se le permettre : cette réforme ne pourra pas être menée à bien et nous n’aurons pas de médecins juniors dans nos territoires si nous n’avons pas la possibilité de bénéficier de l’expérience de ces hommes et femmes qui sont prêts à venir aider dans les communes où il n’y a plus de médecins. Il faut donc que les médecins retraités soient agréés.
Je comprends que les étudiants préfèrent des médecins actifs. Mais, ayant dans ma commune d’anciens médecins hypercompétents et de bonne volonté qui connaissent la patientèle et qui sauront parfaitement guider les étudiants, je pense que cela fonctionnera. Il y va de la santé de nos concitoyens.
Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président. (Nouvelles marques de déception sur des travées du groupe Les Républicains.) Que mes collègues cosignataires le reprennent s’ils le souhaitent !
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié sexies est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 233 |
Contre | 95 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article unique
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Sol, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houpert, Genet, C. Vial, H. Leroy et Bouchet, Mmes Bonfanti-Dossat, Micouleau et Belrhiti et MM. Burgoa, Cambon et Calvet, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
I. – Le 7° du III de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est complété par les mots : « sans que le nombre de postes ouverts en médecine générale ne puisse représenter moins de 70 % du nombre de postes ouverts ».
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par voie réglementaire et, au plus tard, le 1er janvier 2025.
La parole est à M. Jean Sol.
M. Jean Sol. Dans un contexte de crise, cet amendement tend à prévoir que le rapport entre la proportion des étudiants se destinant à la médecine générale en troisième cycle et celle des étudiants choisissant les autres spécialités devrait être inversé, pour atteindre 70 % pour les premiers, contre 30 % pour les autres.
Une telle mesure concourrait à lutter contre les déserts médicaux et servirait ainsi l’objet de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La médecine générale est, de loin, la spécialité recrutant le plus d’étudiants en médecine, puisqu’elle concentre environ 40 % des étudiants accédant au troisième cycle.
Le présent amendement tend à prévoir que la médecine générale devra concentrer, à compter du 1er janvier 2025 au plus tard, 70 % des postes ouverts aux étudiants de troisième cycle. S’il était adopté, il risquerait de mettre en difficulté les autres spécialités, comme la médecine d’urgence, la réanimation ou la gynécologie obstétrique…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ou la pédiatrie !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Tout à fait, madame la présidente.
Or ces spécialités ne sont pas moins essentielles que la médecine générale pour nos concitoyens. C’est pourquoi la commission a émis sur cet amendement un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Sol, l’amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Sol. J’y crois, donc je le maintiens !
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. Je suis défavorable à cet amendement.
Nous parlons de la médecine générale, mais il y a aussi un réel problème en gynécologie obstétrique. Certes, cette spécialité ne concerne que les femmes, mais tout de même !
On constate également des tensions en ophtalmologie et en anesthésie-réanimation. Certains types de chirurgies ne sont pas assez présents dans les territoires. N’allons donc pas déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Nous avons besoin de tous les types de médecins, il faut donc augmenter globalement le nombre d’étudiants par promotion et faire les choses plus vite et mieux.
On peut le dire, si le nombre de médecins formés ces dernières années est insuffisant, nous le devons à une forme de complicité collective. Relançons donc les centres d’examen de la santé (CES). Que les médecins généralistes, qui sont polyvalents, redeviennent gynécologues médicaux, cardiologues de ville… Nous avons tout fait pour manquer et de spécialistes et de généralistes.
Il ne faut pas manger la part des autres, sachant que seule une portion congrue leur est réservée dans les effectifs de l’internat !
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi pose une bonne question sur la démographie médicale. Apporte-t-elle une bonne réponse ? (« Non ! » sur des travées des groupes SER et CRCE.) Je ne le pense pas !
En médecine, on traite toujours la cause. Ici, on ne veut pas en parler ! La cause des déserts médicaux, c’est l’absence d’aménagement du territoire. Cette politique a toujours été un vœu pieux : on a beaucoup parlé d’aménagement du territoire, mais on n’en a jamais fait.
Il n’y aurait pas de déserts médicaux si les territoires étaient plus attractifs et les banlieues plus sûres. Envoyer un étudiant effectuer son stage de quatrième année dans un territoire défavorisé, c’est délocaliser une famille pendant un an. Il faut déplacer le conjoint, trouver des logements, des écoles, des garderies, des collèges, des lycées. Il faut trouver des activités culturelles pour des gens ayant passé dix ans à l’université, en milieu urbain.
M. Patrice Joly. Quelle horreur !
M. François Patriat. Et comment font les autres ?
M. Alain Houpert. On explique souvent que les étudiants en médecine sont favorisés parce que l’État leur a payé leurs études. Le sénateur Ouzoulias, qui a fait de l’archéologie, a merveilleusement expliqué que les médecins remboursaient leur dette, et largement, en renforçant l’hôpital.
Il est difficile de choisir un maître de stage. Les médecins spécialistes peuvent en choisir un, les médecins généralistes ne le peuvent pas.
Renforçons donc, et vite, l’attractivité des territoires et ne créons pas une forme de service médical, à l’instar du service militaire que certains ont connu. Cessons d’embêter les étudiants en médecine !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi, qui reprend l’une des seize propositions formulées dans le rapport intitulé Déserts médicaux : agir vraiment, que j’avais rédigé il y a dix ans avec Jean-Luc Fichet.
Malheureusement, on n’a pas réellement agi depuis ce rapport et les choses n’ont pas beaucoup bougé. Je revois Mme Bachelot au banc du Gouvernement, lors de la discussion de la loi qui porte son nom, nous expliquer que ce n’était qu’un mauvais moment à passer et que, dans dix ans, tout serait arrangé. Eh bien non, dix ans après, les choses se sont même aggravées.
Cette proposition de loi sera certainement adoptée, mais sera-t-elle appliquée ? De nombreux dispositifs ont déjà été votés, mais les décrets n’ont jamais été pris. Je pense en particulier à la loi de 2019, qui prévoyait un stage obligatoire à partir d’octobre 2021. À quoi bon voter des dispositifs, s’ils ne sont pas mis en œuvre ?
Pour autant, je suis convaincu – et je ne surprendrai pas grand monde dans cet hémicycle en le disant – que l’on ne réglera pas le problème avec le seul dispositif de l’article unique. Comme je le disais déjà il y a plus de dix ans, je demeure convaincu qu’il faudra un jour instaurer une régulation de l’installation. La régulation, ce n’est pas la coercition. Nous l’avons utilisée en France pour un certain nombre de professions de santé, notamment pour les kinésithérapeutes, avec un succès reconnu. Cela se fait dans de nombreux pays.
Face à l’échec patent, que personne ne peut contester, des politiques mises en place depuis bientôt trente ans et qui reposent uniquement sur des incitations, il faudra un jour qu’un gouvernement courageux ose déplaire aux médecins.
Je comprends tout à fait ce qui a été dit sur les médecins, sur la difficulté de leurs études : j’ai moi-même une fille médecin. Mais je pense qu’il y a quelque chose d’encore plus important que le confort des médecins : l’accès des patients à une médecine de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Hervé Maurey a raison, la loi Hôpital, patients, santé et territoire comportait une disposition quelque peu coercitive. Toutefois, quelques mois après son adoption, il a fallu qu’Alain Vasselle dépose une proposition de loi afin de supprimer cette disposition, au motif qu’elle avait provoqué une bronca chez les médecins.
Je voterai également cette proposition de loi, car le sujet est plus qu’irritant dans les zones dépourvues de médecins, qu’il s’agisse des banlieues des grandes villes ou de territoires ruraux. L’accès aux soins est extrêmement important, mais je trouve dommage que le débat se limite à la quatrième année et que nous devions attendre le 15 novembre pour avoir un débat sur Parcoursup. En effet, la filière est aussi bloquée à l’entrée : c’est aussi d’un échec de Parcoursup que nous parlons, puisque certains étudiants qui voudraient être médecins se trouvent démobilisés.
M. Pierre Ouzoulias. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. Nous avons saucissonné la question en nous limitant à la quatrième année. Notre débat sur Parcoursup pourrait aider à trouver une solution, madame la présidente Deroche. Il faudrait débloquer la situation pour qu’il y ait plus d’étudiants en médecine.
Le département de l’Orne, entre autres, s’est mis à salarier les médecins pour essayer de pallier les manques. Tout le monde fait beaucoup d’efforts, car c’est un sujet important pour chacun d’entre nous. Encore faut-il le prendre dans le bon sens. La proposition de M. Retailleau est certes intéressante, mais tant qu’on n’aura pas réglé aussi la question de l’entrée dans la filière, il y aura des problèmes. Rendez-vous le 15 novembre, donc !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Lors des débats sur la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite Ma santé 2022, défendue par Agnès Buzyn et dont j’étais rapporteur, un amendement, déposé par Corinne Imbert, tendait à prévoir l’obligation pour les étudiants en troisième année de spécialisation de se former à l’extérieur, dans les cabinets médicaux.
À l’époque, les étudiants nous avaient dit une chose assez extraordinaire : ils estimaient qu’ils ne pouvaient effectuer cette troisième année à l’extérieur parce qu’ils étaient insuffisamment formés. Nous avons donc décidé de réduire la durée de cette formation à six mois. Cette disposition a été votée en commission mixte paritaire, puis par les deux assemblées, mais n’a jamais été mise en œuvre par le Gouvernement.
Avec ce texte, nous permettons aux étudiants d’effectuer une formation complète, pendant trois ans, en milieu hospitalier, c’est-à-dire qu’ils apprendront à soigner les maladies, comme le diabète, l’hypertension, etc. Ce qui est intéressant dans la proposition de loi de Bruno Retailleau, c’est qu’on leur propose, en plus, d’aller travailler avec des médecins, sur le terrain, et d’entrer en contact non pas avec des maladies, mais avec des patients, ce qui n’est pas du tout la même chose. Soigner quelqu’un en cabinet, en individuel, ou soigner quelqu’un sur un lit, avec un chef de clinique, un interne, un patron, ce n’est pas du tout la même chose.
Il est donc extrêmement intéressant que nos étudiants puissent faire cette quatrième année. Jusqu’à présent, en fin de cycle, seuls 30 % des médecins s’installaient immédiatement et définitivement. Les autres attendaient, faisaient des remplacements, etc. Désormais, tous les étudiants en médecine générale iront chez un médecin généraliste et termineront leur formation au contact direct de patients, tout en préparant leur doctorat.
Cette proposition de loi est donc extrêmement intéressante et je vous appelle tous à la voter.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon groupe votera également cette proposition de loi.
Je tiens d’abord à dire que, dans la ruralité, il y a aussi de la culture, des écoles, des collèges et même des lycées, pas très loin ! Il est vrai cependant qu’il n’y a pas d’université.
Le problème est qu’il est souvent difficile pour le conjoint de trouver un emploi, ce qui est une difficulté, compte tenu de la féminisation actuelle de la médecine.
En outre, les jeunes ne souhaitent pas travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais les choses ont beaucoup évolué : les médecins effectuent désormais beaucoup moins de gardes et il est tout à fait possible pour les jeunes de mener dans les territoires ruraux la vie qu’ils souhaitent avoir.
Nous avions voté en 2019 un texte qui allait dans le même sens que la présente proposition de loi, mais aucun décret n’a été pris ensuite. Depuis, la situation s’est encore beaucoup dégradée. Dans nos départements, dans nos cantons, les maires nous demandent de mettre en place un système efficace.
Il ne s’agit pas de punir les internes, bien sûr. Après dix ans d’études, ils ont droit à un salaire décent, qui leur permette de faire vivre leur famille. Simplement, nous leur demandons, pendant cette quatrième année, d’apporter la médecine dans tous les secteurs de notre pays.
Ce texte va permettre une amélioration. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Si cette proposition de loi traite de sujets importants, elle passe à côté d’un examen en profondeur des mesures qui seraient nécessaires à la fois pour améliorer la formation des jeunes médecins et pour faire face aux enjeux difficiles du manque de couverture médicale dans de nombreux territoires.
Au fond, ce texte évite les questions essentielles : faut-il, ou non, des mesures de coercition ? Quid de la formation initiale ? Quelle concertation avant de légiférer ? Pour notre groupe, sur ces sujets comme sur d’autres, la concertation doit précéder la loi, et non la suivre. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 232 |
Contre | 96 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La parole est à Mme la rapporteure.