M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’entends bien que M. le ministre et M. le rapporteur se réfèrent à différents articles, que ceux-ci ne sont pas exactement les mêmes et qu’il faut donc sans doute travailler de manière un peu plus approfondie sur mon amendement.
Si la justice fonctionnait parfaitement, nous n’aurions peut-être pas ces discussions. La difficulté, c’est que nous sommes saisis de cas pour lesquels on ne sait pas s’il y a dysfonctionnement de la justice ou bien lacune dans le code pénal ou le code de procédure pénale. D’où l’idée de passer par un amendement pour répondre au problème. Ces codes offrant diverses portes d’entrée, il est sûr qu’il n’y a là rien de simple.
Je présenterai par la suite plusieurs autres amendements qui ont pour objet la justice. Il se trouve que le présent projet de loi comprend un chapitre sur les violences intrafamiliales et sexistes : je ne fais que me saisir d’un véhicule législatif qui entre en gare !
Je verrai comment il est possible d’approfondir la discussion à l’Assemblée nationale. En attendant, dans un souci de qualité légistique, je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 30 est retiré.
Chapitre II
Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes
Article 7
I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Après la section 3, la section 4 est ainsi rétablie :
« Section 4
« De l’outrage sexiste
« Art. 222-33-1-1. – I. – Est puni de 3 750 euros d’amende le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13, 222-32, 222-33 et 222-33-2-2, d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, lorsque ce fait est commis :
« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
« 2° Sur un mineur de quinze ans ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
« 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
« 7° En raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime ;
« 8° Par une personne déjà condamnée pour la contravention d’outrage sexiste et qui commet la même infraction en étant en état de récidive dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 132-11.
« II. – Pour le délit prévu au I du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;
2° Les sections 3 bis, 3 ter, 5, 6 et 7 deviennent respectivement les sections 5, 6, 8, 9 et 10 ;
3° L’article 222-44 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « aux sections 1 à 4 » sont remplacés par les mots : « aux sections 1 à 7, à l’exception de la section 4 » ;
b) Au premier alinéa du II, les références : « 3 ter et 4 » sont remplacées par les références : « 6 et 7 » ;
4° Au premier alinéa de l’article 222-45, la référence : « 4 » est remplacée par la référence : « 7 » ;
5° À l’article 222-48-2, la référence : « 3 bis » est remplacée par la référence : « 5 » ;
6° La section 5 est complétée par un article 222-48-5 ainsi rédigé :
« Art. 222-48-5. – Les personnes coupables du délit prévu à l’article 222-33-1-1 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La peine de stage prévue aux 1°, 4°, 5° ou 7° de l’article 131-5-1 ;
« 2° La peine de travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures. »
II. – Le titre II du livre VI du code pénal est abrogé.
II bis (nouveau). – À l’avant-dernier alinéa de l’article 21 du code de procédure pénale, les mots : « les contraventions prévues à l’article 621-1 » sont remplacés par les mots : « la contravention d’outrage sexiste et le délit prévu à l’article 222-33-1-1 ».
II ter (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code des transports, les mots : « les contraventions prévues à l’article 621-1 » sont remplacés par les mots : « la contravention d’outrage sexiste et le délit prévu à l’article 222-33-1-1 ».
III. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. L’article 7 vise à renforcer la répression de l’outrage sexiste au sein d’un chapitre intitulé : « Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes ».
Dans ce cadre, référence est faite à la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, qui avait donné lieu à un important travail réalisé par notre collègue Marie Mercier. Ces mesures vont dans le sens souhaité par le Sénat. Ici, il s’agit de renforcer la répression, en proposant des sanctions cohérentes par rapport à l’échelle des peines.
Je rappellerai également le travail effectué par la délégation sénatoriale aux droits des femmes présidée par notre collègue Annick Billon, ainsi que l’ensemble du travail de prévention sur le terrain.
Nos forces de sécurité sont de plus en plus confrontées à ces violences intrafamiliales dans le cadre de leurs interventions. Des associations, des services sociaux, des intervenants sociaux dans les villes, les communes et les départements travaillent sur ces questions. Dans le département des Ardennes, que je représente, il faut y ajouter l’action importante menée par une structure comme le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).
À cet égard, je souligne comme vous, monsieur le ministre, le financement de 200 postes d’intervenants sociaux supplémentaires en police et gendarmerie qui est prévu dans cet article 7. Si l’on ajoute le lien avec la justice, c’est un travail très important qui est mené sur cette question.
Cet article va dans le bon sens. Il témoigne d’un souci d’efficacité, et je le soutiendrai.
M. le président. L’amendement n° 208, présenté par MM. Richard, Patriat, Mohamed Soilihi et Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à supprimer la possibilité, pour les agents de police judiciaire adjoints(APJA), de constater le nouveau délit d’outrage sexiste aggravé.
Cette possibilité, introduite par la commission des lois, présente une fragilité constitutionnelle. En effet, dans sa décision du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, les juges de la rue de Montpensier ont déclaré contraire à l’article 66 de la Constitution la possibilité de constater des délits pour les agents de police municipale et les gardes champêtres, qui sont des agents de police judiciaire adjoints au sens de l’article 21 du code de procédure pénale.
Afin d’éviter tout nouveau risque de censure par le Conseil constitutionnel, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Actuellement, les agents de police judiciaire adjoints, les policiers municipaux par exemple, peuvent constater par procès-verbal la contravention d’outrage sexiste, puisqu’il s’agit d’une contravention.
Si nous ne voulons pas que la réforme prévue à l’article 7, qui vise à renforcer la répression d’outrage sexiste, ne soit pas contre-productive, il nous paraît important que les personnes constatant aujourd’hui l’outrage sexiste puissent continuer de le faire, même si l’outrage sexiste aggravé devient un délit.
La décision du Conseil constitutionnel à laquelle vous avez fait référence, monsieur Théophile, avait censuré un article confiant aux agents de police municipale des compétences beaucoup plus étendues. Il nous semble que pour ce « petit » – pardon du qualificatif – délit d’outrage sexiste aggravé, puni d’une simple amende, il n’est pas excessif de leur reconnaître cette compétence.
Nous sommes cependant sensibles aux arguments juridiques qui ont été avancés, notamment en commission par M. Alain Richard.
Monsieur le ministre, avant de donner l’avis de la commission, nous souhaiterions donc connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. En écho à M. Laménie, je souligne que le bilan de la création de l’outrage sexiste montre le caractère positif de cette mesure, défendue dans ses précédentes fonctions par Marlène Schiappa.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2018, que vous avez votée, le nombre d’infractions enregistrées par les forces de sécurité est en très nette augmentation : 929 infractions en 2019, quelque 1 400 en 2020 et 2 270 en 2021. On voit bien que les forces de l’ordre se sont emparées de ce dispositif législatif.
Je rappelle que la majorité des victimes – 91 % – sont des femmes, mais que 9 % d’entre elles tout de même sont des hommes. La majorité des contraventions sont des contraventions de quatrième classe pour outrage sexiste simple.
S’agissant du recours à l’amende forfaitaire, nous nous interrogeons aujourd’hui pour savoir qui doit constater ce délit.
J’ai bien compris qu’il y a, autour de cet article 7, une question de constitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel, dans une jurisprudence sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, a considéré que les gardes champêtres et les polices municipales ne pouvaient pas constater un certain nombre de délits. Cette décision nous a surpris, mais nous a évidemment conduits à réfléchir à la façon d’être en conformité avec la jurisprudence du juge constitutionnel.
Certes, dans le cas présent, il peut y avoir une fragilité juridique. Mais, pour plaider la cause de cet article, j’observerai que les agents de police judiciaire adjoints sont déjà en mesure de constater un certain nombre de délits, notamment routiers.
Le Conseil constitutionnel n’a pas censuré la disposition prévoyant clairement que les agents de police judiciaire adjoints pouvaient considérer les ventes à la sauvette dans les transports publics comme des délits et les constater comme tels. On pourrait imaginer qu’il maintienne cette jurisprudence s’il s’agit de leur permettre, non pas de constater tous les délits – ce qui a sans doute expliqué la censure évoquée –, mais seulement un délit supplémentaire.
S’agissant d’une éventuelle censure par le Conseil constitutionnel, monsieur le rapporteur, nous jugeons la mesure susceptible de passer le filtre des juges de la rue de Montpensier.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ce sera un avis défavorable, monsieur le président.
M. Roger Karoutchi. Voilà qui est dit ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Si je comprends les explications, il y a un risque, mais on attend… Autrement dit, wait and see !
Compte tenu de l’ensemble des arguments avancés, je retire mon amendement, monsieur le président. Nous verrons bien ce qu’il adviendra de cet article !
M. le président. L’amendement n° 208 est retiré.
Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Après l’article 7
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Bourgi, Leconte, Marie et Sueur, Mme Artigalas, MM. Cardon et Gillé, Mmes Carlotti, G. Jourda et Conconne, MM. Cozic et Kerrouche, Mme Le Houerou, M. Jacquin, Mmes Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11 du code civil, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « ou le danger ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. J’ai déjà défendu cette disposition à plusieurs reprises quand nous avons modifié l’ordonnance de protection. Je la défendrai inlassablement, jusqu’à ce qu’un jour, j’en suis sûre, je sois suivie par le Parlement et le Gouvernement – je parle d’expérience, l’examen de précédents textes ayant montré des évolutions régulières sur ces sujets au cours des trois dernières années.
Le dispositif de l’ordonnance de protection prévoit une condition cumulative : il faut des faits de violence et un danger encouru.
Or de nombreuses victimes ou leurs avocats nous informent que certains juges aux affaires familiales (JAF) ont une interprétation très restrictive de cette condition cumulative. Il peut arriver que des violences n’aient pas encore été commises ou, du moins, que la victime ne puisse pas en apporter la preuve, ne pouvant prouver que des menaces.
Cela nous renvoie, d’ailleurs, à des amendements ultérieurs d’Arnaud Bazin sur l’utilisation des animaux domestiques dans les conflits de couples. Je sais que, lors de leur présentation devant la commission des lois, ces amendements ont un peu surpris et fait sourire. Pour ma part, je n’ai pas souri ! En effet, je comprends exactement ce que notre collègue vise. « Je vais tuer ton chat », « Je vais partir avec le chien », etc. : ce sont des menaces et, parfois, le prélude à un passage à l’acte.
Je propose donc de remplacer la condition cumulative, le « et », par un « ou ». Pour que l’ordonnance puisse être prononcée, il faudrait donc soit des violences, soit des menaces.
Cette mesure est nécessaire, car de nombreuses ordonnances de protection ne peuvent pas être prononcées, parce que les menaces de violence n’ont pas encore été mises à exécution. Pour autant, la femme qui vient demander cette ordonnance est incontestablement dans une grande situation de danger.
Cet amendement est donc véritablement utile dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Mes chers collègues, j’espère vous avoir convaincus cette fois !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Au risque de vous être désagréable, madame Rossignol, je vous répondrai que, d’une manière générale, ce texte ne nous semble pas le cadre adapté pour réformer l’ordonnance de protection.
Je comprends que vous défendiez avec constance cette réforme. Pour ma part, je suivrai avec constance cette ligne, qu’il s’agisse de vos amendements déposés sur ce sujet ou de ceux de M. Bazin.
Nous n’avons pas mené les auditions nécessaires pour nous diriger vers une modification aussi importante du dispositif, étant rappelé que nous examinons aujourd’hui un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Ce texte peut certes aborder à la périphérie un certain nombre de sujets liés au domaine pénal ou à l’organisation de la justice, mais ces sujets ne sont absolument pas au cœur de celui-ci.
Certes, la question que vous évoquez n’en est pas totalement déconnectée – c’est pourquoi l’amendement n’a pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution –, car la répression des violences sexistes est bien renforcée par le présent projet de loi. Mais, encore une fois, quand Marc-Philippe Daubresse et moi-même avons rencontré les procureurs de la République et les avocats, nous n’avions pas connaissance de ces propositions.
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas la première fois que je présente cet amendement !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je l’entends, mais il faut tout de même un peu de méthode pour mener nos réflexions à terme : il faut traiter les sujets dans les bons véhicules législatifs.
De plus, il nous semble souhaitable de préserver une certaine stabilité des règles de droit. L’ordonnance de protection a été réformée en 2020, donc tout à fait récemment.
Par conséquent, et je le répéterai autant de fois que nécessaire dans la discussion à suivre, nous avons émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements relatifs à l’ordonnance de protection.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’ai pas grand-chose à changer à ce que vient de dire M. le rapporteur.
Certes, cette disposition a sa place dans une discussion sur les violences intrafamiliales et, en ce sens, peut être examinée dans le cadre de cet article 7. Mais, madame la sénatrice Rossignol, vous faites appel, ici, à la juridiction civile. Il est déjà difficile d’entrer dans des questions de justice pénale lorsque l’on travaille sur un texte du ministère de l’intérieur… Au travers de cet amendement, c’est le juge aux affaires civiles qui est convoqué. C’est aller assez loin dans les compétences prêtées au ministre de l’intérieur pour défendre un texte au banc du Gouvernement !
Je peux comprendre votre démarche, et j’y suis a priori favorable. Mais se pose aussi une problématique d’urgence : s’il y a menace, c’est le juge pénal qui doit intervenir. L’ordonnance est une forme de protection, mais on ne peut traiter par ce biais les menaces qui pourraient être sanctionnées par le juge pénal.
Par conséquent, indépendamment du fond, qui mérite sans doute des auditions et des réflexions – connaissant votre grande expérience, je veux bien me ranger à vos arguments –, je ne vois pas comment nous pourrions introduire, dans un texte relatif au ministère de l’intérieur, de tels changements dans le code civil.
Par respect des compétences de chacun, et renvoyant au travail proposé par M. le rapporteur, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. S’agissant de cette proposition de notre collègue Laurence Rossignol, qui souhaite modifier par amendement l’ordonnance de protection, nous devons véritablement nous poser plusieurs questions.
La lutte contre les violences intrafamiliales a évolué. Un certain nombre de textes ont été votés. Il y a eu une libération de la parole, et on connaît de mieux en mieux les processus qui conduisent à ces actes. Il est vrai que ce « ou » appelle une réflexion, car, quelque part, il y a une interprétation de ce qu’est le danger.
En réalité, une menace est une forme de violence et, on le voit tous les jours dans les cas de violences intrafamiliales, le danger peut prendre plusieurs formes, comme l’emprise ou les menaces exercées sur les victimes.
Je comprends donc la volonté de notre collègue de modifier l’ordonnance de protection, tout comme j’entends les arguments du rapporteur.
Je vois que Laurence Rossignol a souhaité répondre au rapporteur et au ministre. Je vais donc attendre les différentes explications pour arrêter une position de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. S’agissant de cet amendement, comme du précédent et des suivants, il est vrai que la Lopmi, en toute logique, ne se prête pas au traitement de ces sujets. Comme vous le savez, mes chers collègues, des parlementaires ont été missionnés pour travailler sur les violences intrafamiliales, et il est évident que tous ces points devront être examinés dans ce cadre.
J’en profite pour dire un mot sur l’amendement précédent, sur lequel je n’ai pu m’exprimer, Laurence Rossignol l’ayant retiré. Effectivement, des problèmes ont été rencontrés, avec des femmes qui n’ont pas été prévenues de la sortie de prison de leur conjoint violent. Je sais, pour suivre ce dossier, que la Chancellerie a fait des retours d’expériences et diffuse actuellement des consignes suffisamment fermes pour que cela ne se reproduise pas.
Le cas échéant, il faudra inscrire cette mesure dans la loi, mais toutes les bonnes pratiques ne nécessitent pas forcément de passer par le canal législatif. En tout cas, ces difficultés ont été très bien identifiées, et nous veillerons à ce que, à l’avenir, il y ait en la matière une règle immuable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je sais bien que nous avons déjà réformé l’ordonnance de protection et je prends le pari devant vous, mes chers collègues, que nous la réformerons encore. Sur ces sujets, en effet, notre connaissance est presque empirique : au fur et à mesure que nous réformons et que nous observons la façon dont la loi est appliquée, nous découvrons des lacunes et des dysfonctionnements.
Mon but est simple. Il y a des sujets sur lesquels je fais confiance à mes collègues de l’hémicycle, car je sais qu’ils en sont des spécialistes. Certes, messieurs les rapporteurs, vous n’avez pas auditionné tous les avocats sur cette question. Pour ma part, depuis dix ans, je ne fais que travailler sur le dossier. Si j’explique qu’il y a un problème, particulièrement dans ce cas précis, de grâce, faites-moi confiance ! Les avocats me le disent ; des juges aux affaires familiales me le disent également.
Je le reconnais, monsieur le ministre, l’ordonnance de protection est une affaire de droit civil. Mais vous connaissez bien la nature quelque peu hybride de cette ordonnance : cette mesure conduit à des décisions d’éloignement et d’interdiction d’approcher qui sont presque de nature pénale – d’ailleurs, dans les mois à venir, nous discuterons de la capacité des procureurs à prononcer des ordonnances de protection.
Bien sûr, ces domaines appartiennent aux juges civils, mais nous sommes dans l’urgence : pendant que nous débattons, pendant que nous nous demandons si ce texte est le bon véhicule législatif, il y a des juges aux affaires familiales qui ne connaissent pas bien le dispositif de l’ordonnance de protection, qui n’y sont pas encore habitués ou qui le découvrent – les chiffres m’échappent à cet instant, mais le nombre d’ordonnances a été multiplié par dix en deux ans. Et, je puis vous l’assurer, il y a un problème de condition cumulative.
La menace précède le danger. Si, ensuite, le juge saisi en appel annule l’ordonnance de protection au motif qu’elle n’est pas conforme à la loi, ce sont des femmes qui se retrouvent sans protection ! Après, on parlera de dysfonctionnement ; on constatera que telle femme ayant demandé une ordonnance de protection ne l’a pas obtenue et qu’il y a eu passage à l’acte, alors que toutes les menaces étaient connues au moment du refus de l’ordonnance, et cela parce que la loi ne prévoit pas le bon cadre.
Vraiment, faites-moi confiance, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Madame Rossignol, je ne mets absolument pas en doute vos compétences ni la permanence de vos convictions sur ce sujet. Siégeant moi-même à la délégation aux droits des femmes depuis maintenant quelques années, auprès, notamment, de la présidente Annick Billon, je sais l’importance que vous accordez à ces sujets et je crois faire partie de ceux qui y sont particulièrement attentifs.
Le Sénat et la commission des lois nomment des rapporteurs sur un texte et un périmètre est défini, dans lequel on essaie, autant que faire se peut, de maintenir le débat. Si le Gouvernement a nommé Mme la députée Émilie Chandler et Mme la sénatrice Dominique Vérien, ici présente, parlementaires en mission sur ces questions, c’est, je vous le dis, que des propositions seront avancées.
Encore une fois, nous travaillons sur un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Ce débat est important et intéressant, mais les deux rapporteurs n’ont pas mené les auditions nécessaires.
Je rappelle, et je prends à témoin Jérôme Durain, que les auditions sont ouvertes aux membres de la commission des lois et que de nombreux collègues y ont participé. Nous sommes obligés de maintenir une certaine méthode dans l’examen de ce texte.
Sur cet amendement, mais aussi pour d’autres que nous examinerons dans quelques instants, je suis donc contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur et Leconte, Mmes Artigalas et G. Jourda, M. Gillé, Mmes Carlotti et Le Houerou, MM. Cardon, Cozic et Jacquin, Mmes Conconne, Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 515-11 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, la partie demanderesse peut poursuivre la dissimulation de son domicile ou de sa résidence prévue aux alinéas 6° et 6° bis à l’expiration de l’ordonnance de protection. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. J’imagine que tous les amendements suivants vont subir le même sort…
Je nous souhaite, mes chers collègues, qu’il n’y ait pas d’accident entre le vote sur ces amendements et le moment où nous adopterons enfin des mesures offrant une meilleure protection aux femmes et aux enfants victimes de violence… À partir de maintenant, je vais vous envoyer tous les dossiers qui me sont remontés. Vous pourrez ainsi constater les conséquences de nos votes.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 31 et 32, qui visent également l’ordonnance de protection.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 31, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Bourgi, Leconte, Sueur, Kerrouche et Marie, Mmes Carlotti et Conconne, M. Cozic, Mme Artigalas, MM. Cardon et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Le Houerou, Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article 515-12 du code civil, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».
J’appelle également en discussion l’amendement n° 32, présenté par Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche et Leconte, Mme Harribey, MM. Marie, Sueur et Gillé, Mmes Artigalas et Conconne, M. Cardon, Mmes G. Jourda, Carlotti et Le Houerou, MM. Cozic et Jacquin, Mmes Meunier et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase de l’article 515-12 du code civil est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette condition n’est pas applicable aux femmes non mariées et sans enfant. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.