Mme la présidente. L’amendement n° 93, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis, par coordination avec l’inscription de ces objectifs dans l’article additionnel créé par l’adoption de l’amendement n° 92.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis est supprimé, et les amendements nos 6, 67 et 44 rectifié n’ont plus d’objet.
Nous allons maintenant examiner l’amendement n° 103, tendant à insérer un article additionnel après l’article 16, pour lequel la priorité a été ordonnée.
Après l’article 16 (priorité)
Mme la présidente. L’amendement n° 103, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe, à titre indicatif, les orientations relatives au pilotage du dispositif de gestion des risques en agriculture par l’État pour les premières années suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.
RAPPORT ANNEXÉ
Afin d’atteindre les objectifs fixés à l’article 1er A de la présente loi, à titre de programmation, et conformément aux annonces gouvernementales de septembre 2021 prévoyant un doublement du budget public dédié à la subvention à l’assurance et à l’indemnisation des pertes de récoltes, pour passer d’environ 300 à 600 millions d’euros par an, en moyenne, le présent rapport annexé expose les principaux objectifs, fixés à l’État, relatifs au pourcentage des surfaces agricoles assurées par le biais d’un contrat d’assurance multirisque climatique subventionné au regard des surfaces agricoles totales à horizon 2030.
Ces taux prévisionnels, production par production, sont fixés ainsi :
Pourcentage des surfaces assurées en MRC (surface assurée / surface totale) par production |
Données pour 2020 |
Objectif cible pour 2030 |
Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles |
33 % |
60 % |
Vignes |
34 % |
60 % |
Arboriculture |
3 % |
30 % |
Prairies |
1 % |
30 % |
Légumes (industrie et marché du frais) |
28 % |
60 % |
Horticulture |
3 % |
30 % |
Plantes à parfum, aromatiques et médicinales |
6 % |
30 % |
Autres cultures (non assurables à ce stade) |
n.s. |
n.s. |
Pour garantir aux acteurs économiques concernés la possibilité effective d’évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable les niveaux d’intervention publique concernant le dispositif de gestion des risques en agriculture, dans la mesure où ce niveau s’apparente à une incitation à s’assurer dans le temps pour les exploitants agricoles et à proposer des contrats offrant un équilibre économique satisfaisant pour les entreprises d’assurances, le présent rapport fixe, à titre indicatif, les niveaux d’intervention publique pour les premières années d’application de la réforme entre 2023 et 2027 :
Taux indicatifs applicables de 2023 à 2027 par production |
Seuil de pertes rendant les contrats éligibles à subvention |
Part des primes et cotisations afférentes aux contrats prise en charge par une aide cumulée de l’État et de l’Union européenne |
Seuil de pertes de récoltes ou de cultures déclenchant l’intervention de l’État au titre de la solidarité nationale |
Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles |
20 % |
70 % |
40 % |
Vignes |
20 % |
70 % |
40 % |
Arboriculture |
20 % |
70 % |
30 % |
Prairies |
20 % |
70 % |
30 % |
Légumes (industrie et marché du frais) |
20 % |
70 % |
30 % à 40 % selon les productions |
Horticulture |
20 % |
70 % |
30 % |
Plantes à parfum, aromatiques et médicinales |
20 % |
70 % |
30 % |
Autres cultures (non assurables à ce stade) |
20 % |
70 % |
30 % |
Ces niveaux seront fixés par décret, dans les conditions prévues à l’article L. 361-9 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction résultant de l’article 5 bis A de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Cet amendement a l’objet de présenter clairement, à titre indicatif, certains taux qui pourraient être envisagés pour la mise en place de ce dispositif.
Comme nous l’avons tous souligné dans la discussion générale, il est nécessaire d’éclairer les agriculteurs, afin de susciter leur confiance ; il faut leur offrir la possibilité de connaître ces paramètres avant même qu’ils ne commencent à réfléchir à s’assurer. Le sens de ce texte est bien de faire en sorte que le plus possible d’agriculteurs et de surfaces soit assuré ; il nous semble donc important d’éclairer la lanterne de ces derniers.
Nous avons donc jugé pertinent de les éclairer sur le taux de franchise, soit le seuil de pertes au-delà duquel ils seront indemnisés, le taux de subvention qui sera appliqué, ainsi que les seuils à partir desquels l’État mettra en œuvre la solidarité nationale.
Tel est l’objet du second tableau figurant dans cet amendement, qui vise notamment, comme je l’ai annoncé, à optimiser jusqu’au bout l’application du règlement Omnibus, avec une franchise de 20 % et un taux de subvention de 70 %.
En outre, le seuil de déclenchement de la solidarité nationale serait fixé à 40 % pour les grandes cultures et la viticulture, à 30 % pour l’arboriculture et les prairies, ainsi que pour l’horticulture, les plantes à parfum et les cultures non assurables à ce stade.
Quant aux légumes, le seuil serait fixé à 30 % ou 40 % suivant les productions, car il existe des différences importantes entre les diverses cultures maraîchères.
Ce tableau permet donc d’adresser un message clair aux agriculteurs et de leur offrir pendant les premières années d’application du dispositif, comme nous l’avions déjà prévu en commission, une forme de sérénité et de confiance.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. En fait, monsieur le rapporteur, cet amendement pourrait être résumé par la formule suivante : « Pousser les curseurs le plus loin possible. » C’est ce que vous faites par rapport au règlement omnibus, avec une franchise de 20 % et un taux de subvention de 70 % ; et vous agissez de même pour les seuils de déclenchement de la solidarité nationale.
Affirmer que notre orientation est de pousser les curseurs le plus loin possible, j’y suis totalement favorable ; je n’ai de cesse de le répéter, c’est ce qu’il faut faire.
Par ailleurs, votre amendement tend à annexer au texte un rapport dont les tableaux fixent des objectifs indicatifs. Loin de moi l’idée de commenter la portée normative d’une telle proposition ; simplement, cela revient à réaffirmer, une nouvelle fois, la nécessité de pousser les curseurs le plus loin possible, comme je le fais moi-même.
Une telle approche suscite en revanche un léger problème. Je veux vous en donner trois illustrations.
Premier exemple, aux termes de l’amendement n° 92 que votre assemblée vient d’adopter, 600 millions d’euros devront être engagés chaque année pour atteindre les objectifs de ce texte.
Or le dispositif de cet amendement-ci porte sur la période 2023-2027. Comme je connais votre sagesse et votre compétence, monsieur le rapporteur, j’imagine que les chiffres que vous exposez sont fondés sur une dépense d’au moins 600 millions d’euros en 2027, puisque le premier tableau porte sur l’accroissement du nombre d’assurés.
Dès lors, soit la somme prévue pour 2027 est bien de 600 millions d’euros, auquel cas la somme pour 2023 serait inférieure, et le Gouvernement est encore une fois mieux-disant ; soit votre amendement se fonde sur l’hypothèse que l’on sera bien au-dessus de 600 millions d’euros en 2027. Cette seconde hypothèse correspond selon moi au sens de l’histoire, mais cela nécessitera une sérieuse discussion avec M. Segouin quant à l’évaluation de ces dépenses ; j’aurai en tout cas plaisir à le retrouver pour le convaincre !
Mon deuxième exemple sera encore plus concret que le premier. Si jamais cette prévision de 600 millions d’euros est dépassée, si jamais le Parlement approuve cette somme dès 2023, que fait-on ? Des indications sont données dans les tableaux culture par culture, mais on n’en privilégie aucune.
Ce sujet doit évidemment être abordé avec le plus grand de sérieux. Certains systèmes agricoles – arboriculture, prairies… – bénéficient aujourd’hui de l’aide du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), comme plusieurs orateurs l’ont déjà rappelé ; d’autres n’en relèvent pas. La réforme doit profiter aux uns comme aux autres ; il ne faudrait pas que, en donnant plus à certains, on empiète sur ce que d’autres ont déjà aujourd’hui. Or rien n’est écrit à ce sujet dans le présent amendement.
Je veux à présent vous exposer un troisième exemple, qui me paraît essentiel et qui justifie pourquoi il nous paraît peu judicieux de fixer les seuils dans la loi et pourquoi cela relève plutôt à nos yeux du domaine réglementaire.
Dans le second tableau, M. le rapporteur entend fixer à 70 % le taux de subvention par l’État des primes d’assurance. Je souhaite moi aussi que nous poussions les curseurs autant que le règlement Omnibus le permet, mais à une condition : cela doit bénéficier à l’agriculteur !
Or en fixant le taux à 70 % ab initio, on fait un cadeau aux assureurs : ceux-ci n’ont qu’à augmenter du jour au lendemain le montant des primes, qui sont aujourd’hui subventionnées à hauteur de 65 %, en se disant que l’agriculteur ne remarquera de toute façon pas la différence, puisque le taux de subvention aura déjà été fixé par le vote du Sénat…
La priorité absolue en la matière, c’est l’article 7 de ce texte. Sur ce point, je suis en désaccord avec ce que certains d’entre vous ont déclaré tout à l’heure : selon moi, il faut serrer la ceinture des assureurs ! (M. Pierre Louault applaudit.)
La proposition de loi de 2015 de M. Lenoir proposait une meilleure transmission des statistiques, mais on n’aboutira à rien si l’on s’en tient là ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je veux saluer deux compagnies d’assurances qui jouent le jeu : ils n’ont pas quitté nos campagnes. En revanche, il y en a bien d’autres, même parmi les plus grandes, qui se sont récriées : « Cela me coûte trop cher, alors je n’y vais pas, ou alors je n’assure que les bons risques ! » Cela ne peut pas fonctionner ainsi.
Dès lors, comme on l’a fait dans de nombreux autres secteurs, il convient, tout en respectant la liberté de concurrence, de serrer la ceinture des assureurs. Et passer le taux de subvention de 65 % à 70 % n’aura de sens que si l’on garantit que ce recours accru à la solidarité nationale se fera au bénéfice des agriculteurs, et non des assureurs ; sinon, on serait à rebours de toutes nos ambitions.
C’est pourquoi, s’il s’agissait d’adopter un amendement visant à réaffirmer qu’il faut pousser les curseurs le plus loin possible, je répondrais oui, avec le plus grand enthousiasme ; mais s’il est question de figer ces taux dans la loi, il me faut dire non, car cela relève du domaine réglementaire.
Enfin, pour ma part, j’ai un esprit méthodique : je pense qu’il faut faire tout cela en concertation. Il y a énormément de cas différents suivant les systèmes de culture. Baisser la franchise de 25 % à 20 % renchérit la prime, comme vous l’avez souligné tout à l’heure. Tout cela doit faire l’objet de discussions avec l’ensemble des filières, car il y aura autant de cas que de filières : voilà la méthode à suivre.
Il me semble, monsieur le rapporteur, que, en déposant cet amendement, vous avez voulu que le législateur envoie un message à l’exécutif, qu’il lui fasse savoir, au fond, qu’il ne lui fait pas confiance dans la mise en œuvre du dispositif.
Je puis tout à fait le comprendre, mais j’estime en revanche, pour l’ensemble des raisons que je vous ai exposées, que cette approche n’est pas justifiée et que l’adoption de cet amendement est loin d’être nécessaire. Rappelons que tous les engagements que je prends devant vous aujourd’hui seront publiés au Journal officiel !
Enfin, une question m’a été posée sur le seuil de 30 % ; évidemment, les cultures qui bénéficient aujourd’hui du CNGRA devront bénéficier de ce même taux dès le lancement de la réforme ; je l’ai déjà dit publiquement à plusieurs reprises.
Il faut pousser les curseurs à fond, mais il faut le faire avec méthode. Moi aussi, je regrette de n’avoir pas mené toutes les concertations avant l’examen de ce texte, mais la vie est ainsi faite et ce n’est pas faute d’avoir travaillé avec beaucoup d’insistance depuis deux ans. Tel est le calendrier qui s’est imposé ; en tout cas, voilà la méthode et le chemin que je propose.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Monsieur le ministre, je suis obligé de vous répondre, parce que je trouve vos propos insupportables : encore une fois, ce serait les assureurs contre les agriculteurs !
Deux assureurs représentent 70 % du marché. Ils ont un ratio sinistre sur prime, dit « S/P », de 145 %. Vous savez ce que ce taux signifie : les assureurs payent 145 euros de sinistre pour 100 euros de prime. Or vous nous déclarez qu’il faut serrer la ceinture aux assureurs : c’est insupportable à entendre !
Ce que nous cherchons à faire, c’est à trouver un équilibre qui convienne aussi bien aux agriculteurs qu’aux assureurs et à l’État. Tel était le sens de mon intervention dans la discussion générale : il faut trouver un équilibre pérenne, de manière que les Français se sentent investis pour leurs agriculteurs et que le système soit compris et accepté.
Si cet amendement a été déposé, c’est simplement parce que nous ne disposons ni d’un chiffrage pour les années passées ni de prévisions pour les années futures. Encore une fois, monsieur le ministre, vous avez voulu nous imposer tout cela par ordonnances. En voilà les conséquences, et j’en suis désolé !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je comprends parfaitement l’amendement de M. le rapporteur. Il vise à sécuriser le monde paysan en fixant des taux et des seuils. En effet, comment inciter les agriculteurs à aller vers un système assurantiel si ces taux et ces seuils sont fixés par décret ou dans des ordonnances ?
On voit bien, en écoutant M. le ministre et notre collègue Vincent Segouin, que le recours au secteur assurantiel n’est certainement pas le meilleur moyen de gérer la solidarité nationale. Le système de l’assurance fonctionne très bien pour certains secteurs ou pour certains aspects de la vie quotidienne, pour les véhicules par exemple, mais pas pour les calamités agricoles.
Nous amendons un texte qui, par essence, ne peut pas fonctionner. C’est la raison pour laquelle, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous ne pouvons pas l’approuver.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je formulerai trois remarques.
Premièrement, les dispositions que nous proposons et que nous sommes sur le point de voter quasiment à l’unanimité concernant les 600 millions d’euros relèvent d’un projet de loi d’orientation ou de programmation. Mais depuis quand les montants inscrits dans un projet de loi d’orientation doivent-ils être strictement conformes ou égaux à ceux de l’exercice budgétaire, année après année ? À titre d’exemple, on vote chaque année des moyens différents de ceux qui sont inscrits dans la loi de programmation militaire.
Cet argument n’a donc selon moi pas de sens ! (M. le rapporteur approuve.) Lors de chaque exercice budgétaire, nous aurons à reconsidérer la situation, au regard des chiffres qui nous seront fournis.
Mme Victoire Jasmin. Très juste !
M. Franck Montaugé. Deuxièmement, le Parlement, du moins aujourd’hui le Sénat, prend ses responsabilités s’agissant de chacune des filières de l’agriculture française. Les taux prévisionnels ont été fixés après des discussions approfondies avec les représentants de chacune d’elles. Ils sont le fruit d’un travail de fond, réalisé avec ceux qui bénéficieront de ce dispositif lorsqu’ils rencontreront des difficultés.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous dites du taux de 70 % qu’il ferait le miel des assureurs. Je ne comprends pas votre remarque ! J’y vois une volonté de votre part de ne pas respecter le règlement Omnibus et le taux de subvention de 70 %, alors que vous avez pourtant déclaré vouloir sa mise en œuvre. Sur ce point non plus, je ne comprends pas votre argumentation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Monsieur le ministre, faisons preuve de pragmatisme.
Dans votre intervention lors de la discussion générale, vous nous avez dit vouloir « utiliser au maximum l’ensemble des possibilités offertes par le règlement Omnibus », ce qui signifie les taux de 70 % et de 20 %. C’est ce que nous vous proposons d’inscrire dans le texte ! Nous sommes donc d’accord.
Vous dites vouloir retenir les seuils de déclenchement « les plus bénéfiques ». Or le plus bénéfique, c’est le seuil de 30 %, que nous ne proposons pas d’ailleurs pour toutes les productions – nous l’avons retenu pour l’arboriculture et les prairies, mais pas pour les vignes, pour lesquelles nous avons fixé un seuil de 40 %.
Nous ne sommes donc pas dans le moins-disant. Nous prenons nos responsabilités, alors que certaines filières réclament un seuil de 30 %. Il n’est donc pas vrai que nous voulons fixer les taux les plus séduisants pour faire plaisir à tout le monde !
Monsieur le ministre, d’après nos calculs, que je puis vous présenter, nos propositions devraient tenir dans l’enveloppe des 600 millions d’euros jusqu’en 2027, tout simplement parce que nous n’inscrivons dans le texte que trois taux. Nous ne précisons pas le taux d’indemnisation, nous n’actons pas le principe de la dégressivité des aides pour les non-assurés. Tout cela est à votre main !
Les agriculteurs comme les assureurs nous ont indiqué lors de leurs auditions qu’ils voulaient, pour plus de clarté et de confiance, que les taux soient connus. Pourquoi donc ne pas les donner maintenant, sachant que vous serez obligé de les communiquer dans six mois ?
Enfin, le texte prévoit un plafonnement des subventions. Or, concrètement, si vous plafonnez les subventions, vous augmentez le coût pour l’agriculteur. Par définition, les assureurs ne pourront pas aller jusqu’au bout puisque les agriculteurs ne s’assureront plus !
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Vous avez donc tous les éléments nécessaires pour maintenir le système.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je me pose une question concernant cet amendement. Un article de loi doit prévoir une mesure législative. Or l’amendement tend ici à introduire dans le texte un article approuvant un rapport annexé…
Il arrive souvent que la commission rejette un amendement au motif qu’il n’est pas constitutionnel ou qu’il n’est pas de nature législative. Je ne veux pas torpiller cet amendement, mais, n’ayant pas encore arrêté mon vote, j’aimerais que l’on me dise en quoi il a un caractère législatif.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur Masson, les informations et les tableaux que nous souhaitons inscrire dans le texte ne sont pas de nature législative et n’ont pas de portée obligatoire. Ce sont des référentiels – nous parlons de taux prévisionnels –, car nous souhaitons transformer le texte en projet de loi de programmation. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement visant à modifier l’intitulé du projet de loi en ce sens.
Ce qui compte, c’est de donner confiance aux agriculteurs. On leur dit qu’ils peuvent s’assurer, parce que le système est garanti financièrement, parce que le Gouvernement aura des leviers d’action qui lui permettront d’ajuster le budget, et, enfin, parce qu’eux-mêmes connaîtront les seuils de déclenchement, notamment. Telles sont les raisons qui nous ont conduits à déposer cet amendement.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous connaissez M. le rapporteur : il n’a pas réalisé ce tableau sans avoir consulté au préalable l’ensemble des filières, lesquelles reconnaissent la qualité des travaux de M. Duplomb.
Enfin, vous ne pouvez pas demander au Sénat, alors que la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur est parvenue à un accord, de ne pas attaquer les assurances.
Nous avons prouvé dans cet hémicycle que lorsque l’intérêt général est en jeu – nous œuvrons ici pour celui des agriculteurs –, nous savons négocier avec les assureurs. Mais nous n’avons pas peur de nous opposer à eux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. Vincent Segouin. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je commencerai par aller dans le même sens que Mme la présidente Primas, avant de répondre à M. le sénateur Segouin.
Dans la partie normative du projet de loi – vous introduisez une partie législative, mais non normative, ce que je regrette –, nous figeons, nous encadrons – c’est le troisième étage – le volet relatif au sinistre, M. le rapporteur l’a souligné.
J’en viens au ratio de sinistre à prime S/P de 145 % que vous avez évoqué, monsieur Segouin. Il n’est pas concevable d’encadrer les sinistres sans faire de même pour les primes dans le même temps. C’est en ce sens que j’ai dit qu’il fallait « serrer la ceinture aux assureurs ».
Si vous encadrez de manière normative les sinistres, tout en laissant les assureurs faire ce qu’ils veulent concernant la prime, le système ne peut fonctionner. L’encadrement doit porter à la fois sur le S et sur le P, c’est-à-dire sur le sinistre et sur la prime. En disant cela, je ne critique pas les assureurs : je me contente d’énoncer une réalité. Je puis vous dire, pour avoir, à titre personnel, longtemps et longuement travaillé sur les questions assurantielles, qu’il est tout à fait logique d’encadrer les deux.
Monsieur le sénateur Montaugé, mon objectif concernant la subvention est de pousser le règlement Omnibus au maximum, soit les taux de 70 % et de 20 %. Je dis simplement que passer de 65 % à 70 % n’a d’intérêt que si cela permet, à la fin, à l’agriculteur d’en tirer un bénéfice. Si l’on subventionne plus la prime, mais que cette dernière augmente parce que l’on n’aura pas su, à l’article 7, serrer la ceinture aux assurances, le bénéfice pour l’agriculteur sera nul !
Le taux de 70 % doit être notre objectif, mais il faut au préalable que le dispositif de l’article 7 soit puissant et permette d’encadrer les mécanismes en question, au bénéfice de l’agriculteur.
J’en viens à l’amendement n° 103.
En réalité, sur le fond, nous disons la même chose.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est bien pour cela que l’on ne comprend pas pourquoi vous y êtes défavorable !
M. Julien Denormandie, ministre. Tout d’abord, à titre personnel, je souhaite une loi normative et non une loi dont une partie législative serait non normative, ce qui est le cas d’une loi de programmation. Sinon, on le sait très bien, tout le monde ne regardera que les annexes.
Ensuite, ces seuils doivent être fixés par voie réglementaire. Vous ne nous faites pas confiance sur ce point, je ne puis que le déplorer, mais le fait est que j’ai une vision très claire sur ce sujet et que, en réalité, nous avons la même.
Reste la question de savoir si on fait du législatif normatif et des décrets ou alors du législatif non normatif… Cela, c’est le Sénat qui en décidera !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Monsieur le ministre, je n’arrive pas à comprendre, peut-être parce que j’ai trop de bon sens paysan, pourquoi vous butez sur notre tableau, alors que nous sommes d’accord sur tous les taux – ceux de 70 % et de 20 %, celui de 30 % pour l’arboriculture et les prairies –, sauf peut-être le taux de 40 %. En effet, vous serez bien obligé, à un moment ou à un autre, de communiquer ces taux.
Je précise que le texte, tel qu’il a été modifié par la commission des affaires économiques, prévoit la possibilité pour le ministre de revenir sur les taux en cas de catastrophe durant la période de cinq ans. Nous estimons en effet qu’il est normal que vous puissiez disposer, en tant que ministre, de tels leviers de pilotage.
J’espère bien que le Sénat va voter cet amendement. Vous aurez ensuite jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire prévue le 16 février prochain pour réfléchir à cette question, monsieur le ministre. J’espère que la CMP trouvera une solution intelligente. Vous gagnerez ainsi six mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 16.
Nous reprenons l’ordre normal de discussion des articles.
Article 2
Les deux derniers alinéas de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La deuxième section prend en charge, de façon forfaitaire, une part des primes ou des cotisations d’assurance afférentes à certains risques agricoles déterminés par décret. Cette part varie selon l’importance du risque, la nature des productions, le type de contrat d’assurance souscrit et les modalités de celui-ci. Le cumul de l’aide versée à ce titre et de la contribution de l’Union européenne ne peut excéder 70 % de la prime ou de la cotisation d’assurance.
« Seuls peuvent bénéficier de cette aide les contrats d’assurance couvrant les pertes causées par des aléas climatiques représentant une part, fixée par décret dans les conditions déterminées à l’article L. 361-9 en fonction de la nature des productions et du type de contrat d’assurance souscrit, qui ne peut être inférieure à 20 %, de la moyenne de la production annuelle de l’exploitant la plus élevée parmi les moyennes issues des modalités de calcul fixées par décret.
« Les contrats pouvant bénéficier de cette prise en charge respectent un cahier des charges défini par arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie sur proposition de la commission chargée de l’orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes mentionnée à l’article L. 361-8. Ce cahier des charges fixe un barème de prix pour chaque production, permettant de calculer le niveau d’indemnisation en cas de pertes de récoltes et de cultures. Il établit les conditions minimales dans lesquelles les contrats prennent en compte les mesures de prévention mises en œuvre par les exploitants agricoles pour réduire leur exposition aux aléas climatiques dans le calcul de la prime d’assurance.
« Les types de contrats pouvant faire l’objet de la prise en charge prévue au présent article sont déterminés par décret dans le but de favoriser une plus grande mutualisation des risques. Le niveau de franchise est harmonisé selon la nature des productions et, le cas échéant, le type de contrat d’assurance souscrit. Le décret peut fixer des critères de couverture surfacique minimale par type de contrat, en fonction de groupe de cultures ou de la superficie en cultures de vente de l’exploitation, en tenant compte de la destination des cultures. »