Mme Toine Bourrat. Cet amendement vise à rappeler aux élèves et à leurs représentants légaux, par le biais du règlement intérieur, dont ils doivent avoir connaissance et qu’ils signent en début d’année scolaire, les sanctions encourues en matière de cyberharcèlement, afin de formaliser leur responsabilité.
Je profite de la présentation de cet amendement pour expliquer à Mme la ministre qu’il ne s’agit là que d’une première étape. En effet, le domaine réglementaire étant le mieux à même de concrétiser cet objectif, je vous propose de considérer cet amendement comme une balise, qui fera à la fois office de guide et d’alerte pour la création, par décret, d’un document traitant exclusivement des droits et devoirs de chacun en matière de harcèlement et de cyberharcèlement, et qui serait rendu opposable par la signature des parents et des élèves.
Cela me semble indispensable pour créer un véritable choc de responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Notre ami Max Brisson souhaite que le code de l’éducation ne devienne pas obèse et il a bien raison. Néanmoins, cet amendement, qui tend à compléter ce code, me semble particulièrement pertinent. Toine Bourrat indiquait précédemment que le règlement intérieur tenait lieu de « code civil » à l’établissement scolaire. Il est évident que le rôle des parents est clef pour lutter contre le harcèlement et surtout contre le cyberharcèlement.
Responsabiliser les parents, c’est crucial et cette mesure y contribuera. J’y suis très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Bourrat, les sanctions qui sont prononcées dans le cadre scolaire ont pour objet de punir les manquements graves ou répétés d’un élève à ses obligations, notamment les atteintes aux personnes, qu’elles soient physiques ou verbales, et aux biens, qu’il s’agisse de dégradations ou de destructions. Ces sanctions ont un objectif de réparation et d’éducation.
Au collège et au lycée, elles peuvent prendre la forme d’une exclusion temporaire ou définitive de l’enfant et les motifs de sanction figurent d’ailleurs dans le règlement intérieur de l’établissement, lequel est porté à la connaissance des parents. Ce document est présenté lors du conseil d’école ou, quand il s’agit d’un collège ou d’un lycée, du conseil d’administration ainsi qu’à l’ensemble des parents d’élèves, qui doivent en prendre connaissance et le signer au début de chaque année scolaire. Or les motifs de sanction listés dans le règlement intérieur, notamment ceux qui concernent les actes de violence physique ou verbale, permettent également de traiter les actes de harcèlement ou de cyberharcèlement.
D’autre part, le programme pHARe, dont nous avons déjà parlé, mis en place dans les établissements scolaires permet de fournir une information aux parents d’élèves sur les usages que font leurs enfants du numérique, notamment des réseaux sociaux.
Votre amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Notre collègue Sabine Van Heghe l’a souligné en discussion générale, nous avons beaucoup insisté, dans le cadre de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement, sur cette question et l’amendement de Toine Bourrat me paraît bienvenu.
Nous indiquions qu’il fallait inscrire, chaque année, une telle mention dans le règlement intérieur ou encore qu’il fallait indiquer, bien en vue sur les tableaux d’affichage, les numéros de téléphone ; bref, nous proposions des choses pragmatiques pouvant être mises en place tout de suite.
La mesure proposée par les signataires de cet amendement en est une autre et contribuera à faire prendre conscience de ce sujet. Ainsi les parents seront-ils informés, parce que l’information des parents est très importante, à propos tant du harcèlement en général que du cyberharcèlement. Ils doivent pouvoir intervenir et éduquer leurs enfants – s’ils le sont eux-mêmes… – à l’utilisation du téléphone portable et du numérique en général.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 1er bis
La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 421-8 du code de l’éducation est complétée par les mots : « ainsi qu’en matière de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement ». – (Adopté.)
Article 2
Le chapitre II du titre IV du livre IV du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 442-2 est complété par les mots : « , notamment contre toute forme de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement » ;
2° À l’article L. 442-20, après la référence : « L. 111-3 », est insérée la référence : « , L. 111-6 ». – (Adopté.)
Après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par Mme Cazebonne, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 452-3-1 du code de l’éducation, le mot : « fait » est remplacé par les mots : « et la lutte contre le harcèlement font ».
La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Cet amendement tend à une légère modification dans la forme, mais bien plus importante sur le fond, de l’article L. 452-3-1 du code de l’éducation : afin de lutter encore plus fermement contre ce fléau, je vous propose de faire de la lutte active contre le harcèlement scolaire l’un des critères d’homologation des établissements d’enseignement français à l’étranger. Pour rappel, nous comptons aujourd’hui 553 établissements membres de ce réseau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement à la fois original et important : le réseau d’enseignement français à l’étranger est aujourd’hui très développé.
Je suis favorable à cet amendement sur le fond, mais je m’interroge sur la manière concrète dont pourra être évalué le dispositif.
Je souhaiterais donc connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Cazebonne, l’homologation des établissements d’enseignement français à l’étranger est la procédure par laquelle le ministère en charge de l’éducation atteste et reconnaît que des établissements scolaires situés à l’étranger peuvent dispenser un enseignement conforme aux principes, aux programmes et à l’organisation pédagogique du système éducatif français.
L’attribution de l’homologation s’effectue en accord avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les principes et les critères sont appliqués au regard de la législation locale et des accords signés dans les pays d’accueil.
L’ajout de ce critère a vocation à s’accompagner d’actions de formation à destination des personnels du réseau de l’enseignement français à l’étranger, qui pourront notamment être proposées par l’opérateur public, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), en lien avec les formations proposées par le système éducatif français.
Cet élément fera ainsi partie des observables par les corps d’inspection dans le cadre de la procédure d’homologation et de suivi, diligentée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et son opérateur, l’AEFE.
L’application de ce critère devra tenir compte de la réglementation locale et des accords intergouvernementaux signés par les États d’accueil, la réglementation française ne pouvant s’appliquer directement à l’étranger.
L’ajout explicite du critère de la lutte contre le harcèlement scolaire permet d’inscrire les établissements d’enseignement français à l’étranger dans la continuité des principes qui prévalent dans le système éducatif français et d’en incarner les valeurs.
C’est la raison pour laquelle, madame la sénatrice, monsieur le rapporteur, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 3
Le titre IV du livre V du code de l’éducation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« La prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement
« Art. L. 543-1. – Les médecins, l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs, notamment les personnes titulaires d’un contrat d’engagement éducatif, et les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale, reçoivent une formation initiale et continue sur la prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire et universitaire ainsi que le cyberharcèlement, sa détection et la prise en charge des victimes, des témoins et des auteurs de ces faits.
« Cette formation inclut notamment une information sur les compétences réciproques de chacun des acteurs.
« Elle est dispensée dans des conditions fixées par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 35, présenté par Mme Havet, MM. Bargeton et Buis, Mmes Cazebonne et Schillinger et MM. Lévrier, Marchand, Haye et Iacovelli, est ainsi libellé :
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les forces de l’ordre, les personnels de l’éducation nationale et les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs reçoivent, dans le cadre de leur formation initiale, une formation à la prévention des faits de harcèlement au sens de l’article 222-33-2-3 du code pénal ainsi qu’à l’identification et à la prise en charge des victimes et des auteurs de ces faits. Une formation continue relative à la prévention, à la détection et à la prise en charge du harcèlement scolaire et universitaire est proposée à l’ensemble de ces personnes ainsi qu’à toutes celles intervenant à titre professionnel dans les établissements d’enseignement.
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La prise en charge des victimes et des auteurs de harcèlement scolaire
III. – Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 543-1. – Le projet d’école ou d’établissement mentionné à l’article L. 401-1 fixe les lignes directrices et les procédures destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits constitutifs de harcèlement au sens de l’article 222-33-2-3 du code pénal.
« Pour l’élaboration des lignes directrices et des procédures mentionnées au premier alinéa du présent article, les représentants de la communauté éducative associent les personnels médicaux, les infirmiers, les assistants de service social et les psychologues de l’éducation nationale intervenant au sein de l’école ou de l’établissement. »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à renforcer la formation de l’ensemble des personnels intervenant au sein des établissements en créant un chapitre spécifique consacré à la prise en compte des victimes et des auteurs de harcèlement scolaire.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après le mot :
paramédicaux,
insérer les mots :
les accompagnants des élèves en situation de handicap,
2° Après le mot :
enseignants,
insérer les mots :
les personnels de vie scolaire, les personnels de direction des établissements scolaires,
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Lors de la discussion générale, j’ai souligné combien les apports du Sénat me semblaient intéressants. La nouvelle rédaction de l’article 3 permet ainsi d’améliorer la formation initiale et la formation continue des différents acteurs de la communauté éducative.
Toutefois, certains professionnels ont été oubliés de la liste de la commission. Je pense tout d’abord aux AESH, qui demandent à être mieux reconnus. Les élèves handicapés étant, plus encore que d’autres, de potentielles victimes de harcèlement, leurs accompagnants doivent être spécifiquement formés à ces questions.
Je pense aussi aux personnels de vie scolaire, qui ont un rôle tout à fait particulier dans les établissements. Ils entretiennent un lien différent avec les élèves de celui que peuvent avoir les enseignants, ce qui suppose également une formation spécifique.
Je pense enfin aux personnels de direction, en écho au débat que nous avions à l’instant entre sanction judiciaire et disciplinaire. Il faut, là encore, étoffer la formation des différents acteurs de la communauté éducative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. L’amendement de Mme Havet vise à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, ce qui revient, par exemple, à supprimer la mention des témoins.
J’y suis totalement défavorable : les témoins doivent impérativement être pris en considération pour lutter contre le harcèlement et le cyberharcèlement.
De même, l’adoption de cet amendement reviendrait à minorer, voire à faire disparaître, la notion de cyberharcèlement. Là aussi, j’y suis totalement défavorable.
En revanche, Mme Brulin vient réparer un oubli de ma part en proposant d’élargir opportunément le champ de l’article 3 aux AESH : je l’en remercie et émets un avis favorable sur son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Havet, la rédaction de l’article 3 issue des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait une offre de formation relative à la prévention, à l’identification et à la prise en charge du harcèlement scolaire.
Cette formation abordera toutes les formes que peut prendre le harcèlement scolaire, y compris le cyberharcèlement, ce qui permettra de construire une culture commune et une réponse globale pour lutter efficacement contre toute forme de harcèlement.
Par conséquent, j’émets un avis favorable sur votre amendement.
Madame Brulin, l’article 3, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, se fonde sur l’idée d’une formation continue, proposée à l’échelle de la structure éducative, aussi bien dans les écoles que dans les regroupements d’écoles ou dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Ainsi, elle prend déjà en compte les AESH qui y sont affectés.
Je vous demande donc, madame Brulin, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de Mme Havet.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié quater est présenté par MM. Brisson et Retailleau, Mme Canayer, M. Pointereau, Mmes L. Darcos, Berthet et Malet, M. Mandelli, Mmes Chauvin et Demas, MM. Belin et Sol, Mmes Estrosi Sassone, M. Mercier et Imbert, MM. D. Laurent et Meignen, Mmes Puissat, Garnier, Procaccia et Dumont, M. Mouiller, Mme Lopez, MM. Bouchet et Courtial, Mme Gruny, MM. Pellevat, Cardoux, Panunzi, Cadec, Burgoa, Bascher et Anglars, Mme Lavarde, M. Grosperrin, Mme Lassarade, MM. Piednoir et Gremillet, Mme Drexler, MM. Charon et C. Vial, Mmes Thomas, Muller-Bronn, Bourrat, Deseyne, Micouleau et Pluchet, M. Saury, Mme Belrhiti, MM. Rapin, Tabarot et Le Rudulier, Mme Raimond-Pavero, M. Somon, Mme Borchio Fontimp et MM. Karoutchi, Savin, Bansard et Sido.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme Préville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 543-…. – Lorsqu’il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant peuvent se voir accorder une dérogation concernant les obligations découlant de la carte scolaire afin d’inscrire l’enfant dans une école située sur une autre commune ou dans un établissement situé dans un autre secteur ou district. »
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié quater.
M. Max Brisson. Cet amendement vise à permettre aux parents d’un enfant harcelé de le changer d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, sans tenir compte des limites de la carte scolaire.
Lorsqu’un enfant est bien intégré dans un établissement scolaire, qu’il y a des amis et de bons camarades, le changement d’école peut être vécu comme un drame et ne pas paraître aller dans l’intérêt de l’enfant.
Toutefois, c’est bien cette dernière notion que nous devons garder à l’esprit lorsqu’il s’agit de harcèlement scolaire. L’intérêt de l’enfant doit primer lorsqu’il subit les brimades de certains de ses camarades au point d’être désocialisé et de ne plus vouloir aller en cours, c’est-à-dire de mettre son avenir en péril.
Un parent a toujours la possibilité d’inscrire son enfant dans un établissement privé, quand bien même ce dernier ne serait pas situé dans son secteur. Et c’est une terrible inégalité par rapport aux familles qui n’ont pas les mêmes moyens. C’est la raison pour laquelle nous devons leur permettre de changer leur enfant d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, et ce sans tenir compte des problématiques de carte scolaire.
La rédaction de cet amendement s’appuie sur une disposition de l’article 49 de la loi confortant le respect des principes de la République qui permet à une famille de retirer son enfant d’un établissement scolaire pour lui dispenser l’instruction en famille sans attendre en cas de harcèlement à l’école. Il s’agit donc de mettre en place un mécanisme équivalent pour le changement d’établissement.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 13.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à permettre aux parents d’un enfant harcelé de le changer d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, sans tenir compte des limites de la carte scolaire.
C’est bien la notion d’intérêt de l’enfant qui doit nous guider en cas de harcèlement scolaire.
Un parent a toujours la possibilité d’inscrire son enfant dans un établissement privé, quand bien même ce dernier ne serait pas situé dans son secteur, et c’est une terrible inégalité par rapport aux familles qui n’ont pas les mêmes moyens. C’est la raison pour laquelle nous devons leur permettre de changer leur enfant d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, et ce sans tenir compte des problématiques de carte scolaire.
En matière de harcèlement, le maître mot doit être « l’urgence » : l’urgence à agir, car la rapidité est primordiale. Faire cesser le harcèlement est un impératif. C’est d’abord l’arrêt immédiat des souffrances, mais c’est surtout le gage de conséquences moindres à long terme en réduisant ce qu’on pourrait appeler « l’empreinte morale » du harcèlement.
La réalité du harcèlement, c’est un traumatisme à vie. La possibilité de changer d’établissement est donc une nécessité. Tant d’exemples montrent que les difficultés rencontrées pour changer un enfant d’établissement ont eu des conséquences délétères !
L’école doit rester ce monde préservé et bienveillant dans ce moment si particulier et précieux où l’enfant s’ouvre au monde pour apprendre.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 543-…. – Lorsque, suite à un diagnostic établi par un des professionnels mentionnés à l’article L. 3221-1 du code de la santé publique, il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant se voient proposer une inscription auprès de l’établissement mentionné à l’article R. 426-1 du présent code et peuvent se voir accorder une dérogation concernant les obligations découlant de la carte scolaire afin d’inscrire l’enfant dans une école située sur une autre commune ou dans un établissement situé dans un autre secteur ou district. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à développer et à systématiser les solutions d’urgence pour les victimes de harcèlement.
Selon une note d’information du ministère de 2015, un collégien sur cinq doit changer d’établissement par obligation ou par choix des parents. Si les causes sont multiples, le climat scolaire et l’insécurité ressentie par les élèves sont souvent invoqués.
Il est aujourd’hui possible de changer d’établissement en cas de harcèlement. Mais encore faut-il que les parents connaissent l’existence de ce dispositif. Nous ne pouvons que regretter que cette démarche ne puisse être entreprise que sur leur seule initiative.
Nous proposons d’ajouter la mention de la formation à distance par le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Ce mode de scolarisation n’est pas le plus connu, mais il peut permettre d’éviter la phobie scolaire.
En outre, il nous semble essentiel d’ajouter au dispositif un diagnostic psychologique, et ce pour deux raisons : tout d’abord, parce que les enfants en ont certainement besoin ; ensuite, pour éviter tout effet d’aubaine dans le contournement de la carte scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à l’amendement de M. Max Brisson, cosigné par une cinquantaine de ses collègues, et à l’amendement identique de Mme Préville.
Retirer un enfant d’un établissement scolaire, c’est toujours une défaite de l’école. Si ce n’est jamais souhaitable, il y a parfois urgence à agir, comme l’a rappelé Mme Préville. Il faut alors pouvoir déroger à la logique de carte scolaire.
L’amendement de Mme Gréaume est quelque peu différent en ce qu’il vise à adosser cette dérogation à un avis médical. Or les seuls professionnels mentionnés à l’article L. 3221-1 du code de la santé publique sont ceux de la santé mentale et de la psychiatrie, alors que les problématiques de harcèlement scolaire ont souvent des conséquences physiques.
C’est la raison pour laquelle, madame Gréaume, je vous demanderai de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Les modalités de traitement des situations de harcèlement permettent déjà d’apporter une réponse rapide et concrète pour lutter contre ce fléau, notamment celles relatives à une prise en charge adaptée des victimes.
Si le changement d’établissement peut constituer une réponse, il doit s’apprécier en fonction de la situation de chaque élève. Les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, en lien avec les mairies pour ce qui concerne les élèves du premier degré, disposent d’ores et déjà de toute latitude pour procéder à une nouvelle affectation de l’élève soit dans le secteur dont relève l’enfant, soit dans un autre. Les amendements identiques de M. Brisson et de Mme Préville sont donc déjà satisfaits.
Par ailleurs, comme vient de le souligner M. le rapporteur, les psychologues de l’éducation nationale peuvent être saisis, à la demande de l’établissement et avec l’accord des parents, pour accompagner cette nouvelle inscription. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 23 de Mme Gréaume.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour explication de vote.
Mme Sabine Van Heghe. Nous sommes d’accord pour faciliter le changement d’établissement de l’enfant sans tenir compte des limites de la carte scolaire en cas d’urgence, mais opposés à la possibilité d’instruire en famille, qui revêt, selon nous, un caractère inégalitaire.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Bien évidemment, nous souhaitons permettre aux enfants victimes de harcèlement scolaire de changer d’établissement.
Nous souhaitons également, pour ce même motif, leur permettre de suivre une instruction en famille ou à distance via le CNED. Cette question ne souffre pas débat, même si cela implique de déroger à la carte scolaire.
J’entends que notre amendement est incomplet en ce qu’il ne vise qu’un diagnostic psy. Sans doute faudrait-il élargir le champ du diagnostic et nous appuyer sur la parole de l’enfant, dont nous pensons qu’elle doit toujours être entendue. Toutefois, nous nous méfions, faute de garde-fou, de la possibilité qu’auront certaines familles de déroger à la carte scolaire sous couvert – et je le dis avec le plus grand respect à l’égard des victimes – de harcèlement.
Nous maintenons notre amendement, tout en reconnaissant le caractère incomplet du dispositif, pour marquer notre attachement au respect de la carte scolaire.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Je soutiendrai ces amendements.
En tant que maman, je regrette seulement que ce soit souvent à l’enfant harcelé de changer d’école. Devoir quitter les amis qu’il a pu se faire dans cet établissement peut être vécu comme une punition. Si c’était à l’enfant harceleur de quitter l’école, ce serait déjà un progrès.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié quater et 13.
(Les amendements sont adoptés.)