Sommaire
Présidence de M. Georges Patient
Secrétaires :
Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Martine Filleul.
2. Combat contre le harcèlement scolaire. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. Olivier Paccaud, rapporteur de la commission de la culture
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 9 de Mme Sabine Van Heghe. – Rejet.
Amendement n° 34 de Mme Nadège Havet. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de M. Pierre-Antoine Levi. – Retrait.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Céline Boulay-Espéronnier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Rejet.
Articles 1er bis et 2 – Adoption.
Amendement n° 35 de Mme Nadège Havet. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Céline Brulin. – Adoption.
Amendement n° 23 de Mme Céline Brulin. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 15 de Mme Angèle Préville. – Devenu sans objet.
Amendement n° 28 de Mme Céline Brulin. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 26 de Mme Céline Brulin. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 27 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Sabine Van Heghe. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
3. Candidature à une commission mixte paritaire
4. Gouvernance de l’AEFE et création des instituts régionaux de formation. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 30 de M. Ronan Le Gleut. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Rejet.
Amendement n° 21 de Mme Samantha Cazebonne. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 31 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 23 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Rejet.
Amendement n° 5 de M. Yan Chantrel. – Retrait.
Amendement n° 4 de M. Yan Chantrel. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 10 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 12 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Adoption.
Amendement n° 26 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Rejet.
Amendement n° 36 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 13 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Devenu sans objet.
Amendement n° 32 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 2 de Mme Michelle Gréaume. – Rejet.
Amendement n° 14 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 33 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 16 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Retrait.
Amendement n° 27 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Retrait.
Amendement n° 28 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 17 de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères
Adoption, par scrutin public n° 94, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
5. Combat contre le harcèlement scolaire. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 38 de Mme Nadège Havet. – Rejet.
Amendement n° 31 rectifié bis de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.
Amendement n° 17 de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 18 rectifié de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Adoption.
Amendement n° 21 rectifié de M. Pierre-Antoine Levi. – Retrait.
Amendement n° 51 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 19 de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 22 de Mme Céline Brulin. – Retrait.
Article 8 (suppression maintenue)
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
6. Modifications de l’ordre du jour
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
Nomination d’un membre d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Georges Patient
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
Mme Martine Filleul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Combat contre le harcèlement scolaire
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à combattre le harcèlement scolaire (proposition n° 254, texte de la commission n° 324, rapport n° 323, avis n° 310).
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur cette proposition de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Discussion générale
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Michel Blanquer, qui participe aujourd’hui à Strasbourg à une réunion des ministres de l’éducation de l’Union européenne. Je sais qu’il aurait aimé être présent ce matin à vos côtés.
La proposition de loi que nous évoquons aujourd’hui est importante non seulement pour le ministère de l’éducation nationale, mais aussi pour l’ensemble du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité être présente, pour débattre du bien-être de nos enfants et de nos adolescents, sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui est aussi, à n’en pas douter, au centre de vos préoccupations. Ce bien-être est indispensable non seulement à leur épanouissement, mais aussi à leur réussite.
En transmettant aux jeunes générations les valeurs et principes de la République et en leur enseignant le respect de la dignité de la personne humaine, nous luttons contre toutes les formes de discriminations et préparons nos enfants à mieux vivre ensemble.
En créant des internats d’excellence, des cités éducatives ou les petits-déjeuners gratuits pour les enfants les plus modestes, nous favorisons l’égalité des chances et plaçons nos élèves dans les conditions optimales d’apprentissage et de réussite. Toutefois, malgré tous nos efforts, certains élèves vivent de grandes souffrances à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, victimes de leurs propres camarades.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le sujet que nous abordons est grave. Faisons appel à nos souvenirs, à ces moments de notre scolarité où nous avons été soit victimes, soit témoins de harcèlements scolaires empoisonnant la vie d’un enfant à l’âge de l’insouciance. Vous avez probablement toutes et tous un nom ou un visage qui vous revient à la mémoire.
Au moment où je vous parle, j’ai une pensée toute particulière pour Dinah, qui a mis fin à ses jours à l’âge de 14 ans, au mois de novembre dernier. Je pense à la souffrance de ses proches et à la douleur de sa mère, Samira Gonthier, avec qui j’avais eu l’occasion d’échanger à la suite de ce drame.
Moqueries, insultes, humiliations, racket, bousculades, isolement, exclusion peuvent être le lot quotidien d’enfants qui subissent les affres infligées par d’autres enfants harceleurs. Nous ne nous habituerons jamais à ce que des vies d’enfants et d’adolescents soient brisées, parfois de façon irrémédiable, par ce véritable fléau du quotidien. Nous devons combattre sans relâche le harcèlement à l’école, partout où il se trouve et partout où il s’immisce.
Notons par ailleurs que le harcèlement ne s’arrête pas aux portes des écoles. Souvent, les mêmes victimes et les mêmes harceleurs se croisent en dehors des établissements scolaires, parfois dans le monde virtuel.
En effet, si les actions menées depuis 2017 ont permis de contenir le harcèlement physique, la progression rapide et exponentielle du harcèlement en ligne doit aujourd’hui nous alerter et nous conduire à redoubler d’efforts.
C’est pourquoi nous avons pris de nouvelles mesures fortes.
Dès 2017, nous avons engagé un plan volontariste et ambitieux pour combattre le harcèlement à l’école, autour de trois grands axes : prévenir, intervenir et former.
Notre action en matière de prévention s’illustre notamment par l’inscription dans la loi qu’aucun élève ne doit subir de la part d’autres élèves des faits de harcèlement.
Nous avons également évoqué l’interdiction du téléphone portable au collège, le renforcement de l’éducation aux médias et à l’information avec le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clemi), la collaboration avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les plateformes des réseaux sociaux, pour, notamment, améliorer la prévention du cyberharcèlement.
Nous avons lancé cinq campagnes de prévention : Revenge porn, rôle des témoins, dynamique de groupe, premier degré ou, encore, cyberharcèlement.
Je pense aussi au développement des prix « Non au harcèlement », avec le prix annuel contre le cyberharcèlement lancé en 2017 et le prix spécial écoles élémentaires, lancé en 2019. Aucun n’élève ne doit être laissé seul face au harcèlement. C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale a mis en place un numéro d’écoute, le 3020, ainsi qu’un numéro réservé à la lutte contre le cyberharcèlement, le 3018, en partenariat avec l’association e-Enfance, dont je tiens ici à saluer le travail.
Par ailleurs, nous avons amélioré la prise en charge des situations de harcèlement, en renforçant la formation initiale et continue des professeurs. Nous avons aussi créé le dispositif des élèves ambassadeurs, qui permet la sensibilisation entre les pairs. Nous avons également mis à disposition des ressources et des guides pour les personnels, les élèves et leurs familles.
La lutte contre le harcèlement est l’affaire de tous. Ce fléau dépasse nos frontières, et c’est pourquoi la France a été à l’initiative de la création de la Journée mondiale de lutte contre le harcèlement, fixée au premier jeudi de chaque mois de novembre. À la rentrée scolaire 2021, un nouveau cap a été franchi avec la généralisation du programme pHARe, le programme de lutte contre le harcèlement à l’école, à l’ensemble des établissements et la mise en place du « carré régalien » dans les rectorats.
La mobilisation de la communauté éducative autour de ce programme aura, j’en suis persuadée, des effets significatifs sur le climat scolaire et le bien-être de nos enfants et influera positivement sur les performances de notre système éducatif.
La proposition de loi du député Erwan Balanant, que je tiens à saluer pour son travail et sa détermination, s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous avons fait jusqu’ici. Elle apporte une nouvelle pierre à l’édifice, notamment en élargissant la base légale du harcèlement scolaire.
Je connais la mobilisation du Sénat sur ce sujet et je veux saluer particulièrement le travail réalisé par la mission sénatoriale d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
Le harcèlement scolaire n’est pas une fatalité. Ensemble, nous pouvons l’éradiquer. Certains pays, certains établissements et certains professeurs, qui doivent nous inspirer, y parviennent tous les jours.
Pour ce faire, il faut sortir d’une logique exclusivement défensive pour passer à l’offensive. Nous devons mener une véritable politique du climat scolaire, qui promeut l’engagement des élèves, leur sens de l’intérêt général, du civisme et de l’empathie. Ces soft skills sont essentiels.
La lutte contre le harcèlement impose la mobilisation de chacun et de chacune des membres de la communauté éducative et, au-delà, de l’ensemble de la société.
Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je sais que nos échanges seront nourris et constructifs, ce matin, sur ces sujets. Je vous remercie de votre mobilisation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Paccaud, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « ce n’est pas parce que l’on est petit que l’on a de petits problèmes » rappelait la dernière campagne annuelle de lutte contre le harcèlement scolaire. Chaque année, entre 800 000 et 1 million d’élèves en sont victimes.
Derrière ces chiffres, ce sont autant de parcours scolaires fragilisés, d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes en souffrance, parfois encore de longues années après la fin de leur scolarité. Le harcèlement peut aller jusqu’à tuer : en 2021, une vingtaine de préadolescents et d’adolescents sont morts, victimes de harcèlement scolaire. Parce que le harcèlement scolaire n’est ni une version moderne de La Guerre des boutons, ni un bizutage « bon enfant », parce que ses conséquences peuvent être tragiques, parce que des solutions existent, il est impératif d’agir pour briser la loi du silence, qui nourrit et fortifie ce fléau mortifère.
Permettez-moi d’avoir une pensée, au nom de la Haute Assemblée, pour toutes ces victimes et pour leurs familles, meurtries par ce mal, dont on doit mesurer toute l’étendue et toutes les menaces. Certaines sont dans les tribunes. J’ai une pensée particulière pour Pierre.
Le Sénat s’est penché, voilà peu, sur ce fléau : en 2019, à l’occasion de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance et, très récemment, en septembre dernier, par le biais de la mission d’information sur la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Je tiens à saluer les travaux de cette mission sénatoriale, présidée par Sabine Van Heghe et dont Colette Mélot était la rapporteure. Le constat dressé est précis et les recommandations pragmatiques, ce qui nous a permis d’enrichir ce texte sur plusieurs points.
Voilà une dizaine d’années, Luc Chatel, alors ministre de l’éducation nationale, s’est saisi le premier de cette question et a cherché à mettre en place une réponse institutionnelle pour mettre fin au harcèlement scolaire. À sa suite, tous les ministres de l’éducation nationale ont apporté leur pierre au rempart à construire face au harcèlement scolaire.
Dix ans se sont désormais écoulés. Quel bilan tirer de ces mesures ? Il y a des actions positives qu’il convient de saluer : je pense à la prise de conscience de l’institution scolaire, laquelle assimilait auparavant le harcèlement à des « chamailleries d’enfants », mais aussi à la mise en place de numéros d’appel, qu’il s’agisse du 3018 ou le 3020.
Je rends hommage à l’engagement des deux associations chargées de la gestion de ces deux bouées pour les élèves et leurs familles, souvent désemparés et désespérés, qui sont en quête d’un interlocuteur et d’une solution. Je salue également l’action de toutes les associations engagées dans la prévention du harcèlement scolaire et la prise en charge des victimes et des harceleurs.
Mais de nombreux points sont perfectibles. Je pense notamment à la formation des enseignants. Seulement 20 % d’entre eux indiquent avoir reçu une formation contre le harcèlement scolaire. À peine un enseignant sur trois se sent suffisamment armé pour repérer des cas de harcèlement et accompagner victimes et harceleurs. Or le harcèlement scolaire touche tous les milieux et tous les établissements scolaires. Tout est prétexte à harcèlement : handicap, taille, vêtement, physique, parcours scolaires, voire couleur du masque ou année de naissance, comme l’a montré la campagne #Anti2010, qui a touché les élèves entrant en sixième à la rentrée 2021.
Par ailleurs, les numéros d’appel restent souvent mal connus par les enfants et leurs familles. La mission d’information sénatoriale regrettait d’ailleurs des horaires d’ouverture trop réduits, notamment le soir et le week-end. Or c’est justement à ces moments de la journée et de la semaine, lorsque l’adolescent est chez lui, seul face à son téléphone, que sévit le plus le cyberharcèlement.
Tel est également le cas des centres médico-psychologiques, dont les délais de prise en charge des victimes de harcèlement s’avèrent encore trop longs et les heures d’ouverture, incompatibles avec une vie scolaire. M. le ministre Jean-Michel Blanquer a été interpellé sur cette question, mais en vain.
En outre, le programme pHARe, expérimenté en 2019 dans six académies et en cours de généralisation depuis la rentrée 2021, illustre l’ambivalence entre l’existence d’outils et leur méconnaissance par la communauté éducative. Selon les chiffres qui m’ont été transmis lors des auditions menées sur ce texte, 27 % des écoles élémentaires et 43 % des collèges publics étaient engagés dans ce programme à la mi-novembre 2021.
Pour ma part, je me suis rendu dans les deux collèges de mon canton au début de l’année scolaire : l’un commençait à mettre en place le programme pHARe, l’autre n’en avait pas entendu parler.
J’en viens maintenant au texte déposé sur l’initiative de notre collègue député Erwan Balanant, dont nous connaissons l’engagement de longue date pour le droit à une scolarité sans harcèlement.
Une question se pose : de nouvelles dispositions législatives sont-elles nécessaires pour mieux prévenir le harcèlement scolaire et y faire face, alors même que le Parlement a légiféré sur le sujet voilà moins de deux ans ?
Certes, par de nombreux aspects, la portée de ce texte est principalement symbolique.
Le droit à une scolarité sans harcèlement est déjà inscrit dans le code de l’éducation. Il s’agit également d’une liberté fondamentale, qui peut faire l’objet d’un référé-liberté. Ce droit s’applique à tous les élèves, qu’ils soient scolarisés dans des établissements relevant du public comme du privé.
Les élèves peuvent déjà être sanctionnés pour des faits commis en dehors de l’établissement, s’ils ne sont pas dissociables de la qualité d’élèves. Il en est de même pour un harcèlement sur internet entre élèves. La circulaire du 17 août 2014 le mentionne explicitement. Par ailleurs, plusieurs circulaires demandent déjà aux établissements de prendre des mesures face au harcèlement scolaire.
Néanmoins, ce texte possède une portée pédagogique forte. Il inscrit par exemple noir sur blanc le fait que des actes commis en dehors du temps et du lieu scolaire peuvent relever du harcèlement scolaire.
Ces clarifications sont importantes pour des situations qui concernent majoritairement des mineurs, qu’ils soient victimes, harceleurs ou témoins.
Les apports de la commission de la culture, pour le titre Ier, portent sur quatre points.
Premièrement, il s’agit de conserver la définition d’un harcèlement scolaire limité au harcèlement entre pairs. À cet égard, j’ai bien entendu votre discours, madame la ministre. La commission souhaite éviter que ce texte ne jette une suspicion sur l’institution scolaire en légiférant sur un phénomène dont on ne mesure encore ni l’ampleur ni la gravité. Nous aurons à en débattre lors de la discussion des articles, mais je tiens à le préciser : les sanctions pénales et administratives existent. Un adulte, qu’il soit enseignant, personnel administratif ou technique de l’éducation nationale ou encore assistant d’éducation peut déjà être poursuivi pour des faits de harcèlement commis sur un élève. Notre droit prévoit d’ailleurs des circonstances aggravantes lorsque le harcèlement est commis sur un mineur de 15 ans.
Deuxièmement, il nous a semblé essentiel de protéger le rôle et la capacité d’action du réseau des œuvres universitaires. En séance, l’Assemblée nationale a créé une nouvelle mission de prévention contre le harcèlement en milieu universitaire, confiée au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous).
Nos collègues députés proposaient de s’appuyer sur les 1 600 référents étudiants mis en place dans le contexte de pandémie, afin d’accompagner leurs pairs isolés ou en difficulté. Or leur financement n’est pas pérenne, et nul ne sait s’ils seront maintenus à la fin de l’année universitaire ! C’est la raison pour laquelle la commission a supprimé ces dispositions.
Cela me permet de poser la question des moyens humains dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur. Agir, notamment en matière de prévention du harcèlement, nécessite une présence physique de personnes ressources formées à la prise en charge de ce phénomène. À l’image de ce qu’ont entrepris les états scandinaves, qui se montrent exemplaires et précurseurs en la matière, c’est tout le « climat scolaire » qui doit être engagé, et ce au-delà des divers dispositifs et programmes « clés en main » mis en place par le Gouvernement.
Comme l’a rappelé Benjamin Moignard, sociologue spécialiste de l’école, « la stabilité des équipes éducatives et leurs modalités de travail sont primordiales pour identifier les problèmes et y apporter des réponses immédiates ».
À cet égard, on ne peut négliger les difficultés rencontrées par de trop nombreux établissements qui ne disposent pas des moyens humains ni des ressources financières nécessaires à un accompagnement efficient des victimes. Je pense notamment à la médecine scolaire, secteur en grande souffrance…
Mme Céline Brulin. Très juste !
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Les dispositions de cette proposition de loi, concédons-le, n’en apaiseront pas tous les maux.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Troisièmement, il a semblé essentiel à la commission de prendre systématiquement en compte le volet cyber du harcèlement scolaire.
Dans son récent rapport d’information, notre collègue Colette Mélot alertait déjà à ce sujet : les réseaux sociaux, par leur puissance, leur anonymat, leur « viralité » et leur évolution permanente démultiplient les conséquences du phénomène. Se crée ainsi un continuum de violence entre l’école et la sphère familiale privée, sans que les parents et les personnels éducatifs en mesurent toujours la gravité, notamment faute de savoir-faire technique. Il n’y a désormais ni répit ni abri. Brimades et violences ne s’arrêtent plus aux murs de l’école. L’hydre a maintenant mille têtes et son venin s’insinue partout et sans fin. Une prévention et une lutte systématique contre ce nouveau fléau sont donc nécessaires et urgentes.
Enfin, les témoins, ces petits héros du quotidien mis en avant par la campagne annuelle de lutte contre le harcèlement scolaire en 2019, doivent être mieux pris en compte. Ils jouent en effet un rôle essentiel dans la prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire. La mission d’information sénatoriale l’a montré avec justesse : le harcèlement scolaire se construit très souvent dans une relation triangulaire entre victime, harceleur et témoins passifs.
Agir sur les témoins, c’est casser la dynamique de groupe et faire comprendre à tous que les faits subis ne sont ni normaux ni acceptables. Aussi, nous avons souhaité qu’ils soient systématiquement pris en compte au même titre que les victimes et les harceleurs. De nombreux amendements permettront d’enrichir encore le texte adopté par la commission.
D’un texte à portée symbolique, je vous propose de faire un texte à portée pédagogique, garantissant une action à 360 degrés face au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement. Il doit avoir vocation à rappeler que cette action ne saurait être menée sans la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Les personnels intervenant dans les écoles, les collectivités territoriales, le milieu associatif, les acteurs du numérique, les parents d’élèves et les élèves devront y prendre toute leur part. Car cette lutte est l’affaire de tous. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois s’est saisie pour avis des articles composant le titre II de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Celui-ci tend à l’« amélioration du traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire et universitaire ». Ses dispositions modifient le code pénal, le code de procédure pénale et le code de la justice pénale des mineurs.
La commission a souhaité garantir la cohérence de notre droit pénal et s’inscrire dans la continuité des travaux de la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, que présidait notre collègue Sabine Van Heghe et dont la rapporteure était Colette Mélot.
Le rapport de la mission d’information sénatoriale avait notamment souligné le risque lié à la volonté d’inscrire dans le code pénal un délit spécifique de harcèlement scolaire au seul motif d’affirmer un interdit social et de faire primer le symbole sur l’efficacité du droit.
La commission des lois a donc adopté un amendement de réécriture de l’article 4 qui crée ce délit spécifique. Son périmètre pose en effet question et il est assorti d’un quantum de peine difficilement justifiable au regard de l’objectif de prévention et de réinsertion qui prime en matière de justice des mineurs, car ce sont principalement des mineurs qui sont auteurs de harcèlement scolaire.
Il a néanmoins semblé à la commission des lois, comme les députés ont pu le souligner à juste titre, que les faits de harcèlement survenant dans les établissements d’enseignement doivent être identifiés et faire l’objet d’une sanction renforcée. La nouvelle rédaction adoptée par la commission des lois réintègre donc le harcèlement scolaire au sein du délit général de harcèlement, dont il constituera une circonstance aggravante, complétant les circonstances aggravantes déjà prévues.
Le fait de caractériser les actes de harcèlement survenus dans les établissements d’enseignement comme une circonstance aggravante permettra d’éviter que soient sanctionnées différemment des situations pourtant très similaires, dans lesquelles le harcèlement ne se produit pas au sein d’un établissement, mais entre élèves d’établissements différents réunis parfois sur le même site ou dans le bus de ramassage scolaire.
Nous avons également souhaité recentrer la caractérisation du harcèlement scolaire sur les faits impliquant les élèves. En effet, la proposition de loi met sur le même plan les faits de harcèlement entre élèves et ceux dont l’auteur est membre du personnel de l’établissement. Or, si les faits relevant du personnel des établissements d’enseignement doivent être réprimés lorsqu’ils sont constitutifs d’un harcèlement, il m’apparaît qu’ils ne peuvent être appréhendés de la même manière.
La solution adoptée par la commission des lois vise donc à assurer la cohérence des infractions et des sanctions, tout en renforçant la prise en compte des faits survenant dans les établissements d’enseignement. Il s’agit, nous semble-t-il, d’une solution équilibrée.
Sur l’article 4 bis prévoyant la possibilité de saisie et de confiscation des téléphones portables et des ordinateurs qui auront été utilisés par des personnes pour harceler un élève en utilisant les réseaux sociaux, conformément au droit existant, la commission des lois a souhaité tirer les conséquences de deux décisions du Conseil constitutionnel en matière de confiscation des biens ayant servi à commettre un harcèlement et de réquisition des données de connexion. L’absence de disposition en la matière serait en effet de nature à gravement entraver la conduite des enquêtes.
L’article 5, qui tend à modifier le code de procédure pénale pour favoriser l’enregistrement de l’audition du mineur victime de harcèlement dans le cadre d’une procédure pénale, déjà recommandé, mais non explicitement prévu par la loi, a fait l’objet d’une coordination.
L’article 6 vise à modifier le code de la justice pénale des mineurs, pour préciser que les stages ordonnés par le juge dans le cadre de la mise à l’épreuve éducative peuvent comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. Il relève clairement du domaine réglementaire et a donc été supprimé.
Enfin, l’article 7 a pour objet de renforcer les obligations pesant sur les fournisseurs d’accès internet et les hébergeurs en matière de traitement des cas et de signalement aux autorités des faits de harcèlement scolaire. La commission des lois, qui a eu ce débat à de nombreuses reprises, est en effet convaincue que seules des obligations prévues au niveau européen peuvent être efficaces. Dans cette attente, les obligations qui pèsent sur les opérateurs en matière de lutte contre toutes les formes de harcèlement continueront à s’appliquer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Sabine Van Heghe applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement concernent entre 800 000 et 1 million d’enfants chaque année ; en d’autres termes, 6 % à 12 % des élèves subissent ou ont subi une forme de harcèlement au cours de leur scolarité. Chacun d’entre nous doit prendre conscience de cette réalité et mesurer le drame, individuel et collectif, que le harcèlement représente pour l’école de la République.
Nous parlons d’enfants et d’adolescents durablement affectés par les menaces, les humiliations ou les violences physiques dont ils font l’objet. N’ayant parfois pour solution que la déscolarisation, qui les mène peu à peu à l’échec scolaire, ces enfants sont doublement victimes.
Nous avons pu débattre à plusieurs reprises de ce fléau, lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, entérinant le droit à une scolarité sans harcèlement, ou encore lors du débat organisé à l’automne dernier à l’issue de la remise du rapport de la mission d’information sénatoriale créée sur le même thème.
Si le harcèlement scolaire a longtemps été un sujet tabou, il fait désormais l’objet d’une véritable prise de conscience de la part des familles, des établissements et des pouvoirs publics.
Pour contrer ce phénomène, une mobilisation générale est nécessaire. Depuis dix ans, une politique publique a été mise en place par les différents gouvernements pour lutter contre ce fléau.
Ces efforts doivent être poursuivis ; c’est en éduquant les élèves d’aujourd’hui que nous formerons les citoyens de demain. Cette proposition de loi a le mérite de remettre le sujet au centre du débat.
Tout d’abord, je salue le travail de la commission de la culture et de son rapporteur Olivier Paccaud, qui se sont attachés à intégrer à chaque étape du texte un élément trop absent de la version issue des travaux de l’Assemblée nationale : le cyberharcèlement. Prolongement du harcèlement scolaire, amplifié par l’aspect « meute » du phénomène via les réseaux sociaux, les tablettes ou les smartphones, le cyberharcèlement ne laisse aucun répit aux victimes. Cette précision était donc nécessaire.
Par ailleurs, notre groupe soutient la nouvelle définition proposée, qui consacre la notion d’un harcèlement entre pairs. Une définition trop large du harcèlement scolaire, incluant notamment les personnels de l’éducation nationale, risquerait d’entraîner trop de dérives.
Concernant la création d’un nouveau délit spécifique, proposée par l’Assemblée nationale, notre groupe s’inscrit dans la continuité des travaux de la mission d’information sénatoriale et de ceux de Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois, Jacqueline Eustache-Brinio : nous ne sommes pas convaincus de son utilité. Une telle disposition pourrait même s’avérer contre-productive en créant un sentiment de bonne conscience nuisible à la nécessaire mobilisation générale.
Ne laissons pas croire que la création d’un nouveau délit suffira à résoudre le problème. Si tel était le cas, nous aurions déjà pu le régler sur la base des textes existants.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Oui !
Mme Annick Billon. Lors de la discussion des articles, nous soutiendrons les amendements de nos collègues visant à ouvrir aux enfants harcelés la possibilité de changer d’établissement sans tenir compte des limites de la carte scolaire, ainsi que ceux dont l’objet est de permettre une instruction en famille.
Ce dispositif permettra de limiter le plus possible, pour les élèves, les risques de décrochage scolaire.
Le caractère faiblement normatif des mesures soumises à l’examen du Sénat reflète la difficulté à traiter du sujet du harcèlement scolaire par la loi.
Je rappelle que ce sujet relève principalement des projets d’établissement et des protocoles élaborés par l’éducation nationale au plus près du terrain, ainsi que, pour ce qui est du cyberharcèlement, de la régulation des réseaux sociaux, dont la complexité appelle une réponse au niveau européen.
Les enseignants sont par ailleurs trop peu formés pour faire face à ces situations. Seuls 35 % d’entre eux se sentent armés pour gérer une situation de harcèlement, 83 % des enseignants indiquant n’avoir jamais reçu de formation consacrée à la prévention et à la gestion du harcèlement alors qu’ils sont autant à considérer que la lutte contre ce phénomène doit être envisagée comme un enjeu de santé publique.
Cette lutte exige de surcroît des moyens humains et une mobilisation de l’ensemble de la communauté éducative. Je pense ainsi à la médecine scolaire, grande absente des établissements, à tous les niveaux. C’est pourtant grâce aux médecins scolaires et aux psychologues que l’on pourra aider les harceleurs, les harcelés et les témoins à parler. Détecter, alerter, informer, accompagner : ces actions ne pourront se faire sans médecine scolaire.
Pour conclure, je souhaite saluer le travail précis de nos rapporteurs, Olivier Paccaud et Jacqueline Eustache-Brinio, sur ce sujet, ainsi que celui de nos collègues de la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
Au moment où le groupe Union Centriste s’apprête à voter en faveur de ce texte, nous pensons aux victimes et à leurs familles. Ce texte est une première réponse à leur souffrance. Pour réussir à enrayer ce fléau, il faut une loi, soit, mais des moyens sont nécessaires – je pense notamment, je le répète, à la médecine scolaire, angle mort des politiques publiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mmes Nadège Havet et Colette Mélot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte vise à prévenir les faits de harcèlement scolaire et à améliorer leur traitement judiciaire, ainsi que la prise en charge des victimes.
Cette proposition de loi répond à une réalité douloureuse : chaque année, 700 000 élèves sont la cible d’intimidations, d’insultes, d’usurpation d’identité digitale ou encore de menaces en ligne.
En 2021, 20 enfants et adolescents victimes de harcèlement scolaire se sont suicidés. La dégradation du climat scolaire et les attaques contre la dignité des élèves harcelés, amplifiées par les réseaux sociaux, ne peuvent nous laisser sans réagir.
Aussi soutenons-nous les dispositifs prévus par le texte tels que la consécration du droit à une scolarité sans harcèlement, un renforcement des mesures relatives à la prévention de conduites à risques ou l’obligation de formation de l’ensemble des professionnels qui sont au contact des élèves.
Je salue également la volonté de créer une incrimination autonome pour les faits de harcèlement scolaire. Il ne s’agit pas d’une surenchère pénale ou d’une réponse disproportionnée : il est en réalité question de consolider un interdit social.
Bien que pour l’instant seulement symbolique, l’ajout par la commission du terme de « cyberharcèlement » dans l’intitulé de cette proposition de loi va également dans le bon sens : le harcèlement ne s’arrête pas à la sortie de l’école, devenant pour certains un calvaire sans répit.
J’aimerais toutefois revenir sur un acteur qui n’est selon moi pas assez évoqué : le témoin. Nous le savons, le harcèlement est bien souvent un phénomène de groupe, qui se nourrit d’une relation triangulaire entre victime, agresseur et témoins.
J’ai conscience que chaque individu, face au harcèlement, réagit avec sa sensibilité et son caractère propres, et que le silence peut éviter d’attirer l’attention de l’agresseur ; mais, que l’on soit victime ou témoin, la démarche reste la même : il faut parler.
Nous devons encourager la transformation du témoin passif, qui devient complice, d’une certaine façon, en témoin agissant, protégeant. Dans cette perspective, je souhaiterais que les formations de prévention des professionnels qui sont au contact des élèves se concentrent également sur l’identification des témoins.
Outre les témoins passifs et les témoins agissants, que je viens d’évoquer, on distingue aussi les témoins actifs qui, s’ils ne sont pas les meneurs des dynamiques de harcèlement, les encouragent ou y participent : ce sont des « collaborateurs », dans la triste acception du terme.
Ne fermons pas les yeux à leur égard : la lutte contre le harcèlement doit devenir une responsabilité partagée par tous. Je souhaiterais ainsi une révision des sanctions qu’ils encourent, ainsi que la création d’une dénomination juridique spécifique. Nier la complexité du harcèlement, c’est minimiser la souffrance des victimes et diminuer leur protection.
Lutter contre le harcèlement scolaire, c’est lutter contre la culture de la violence que nous voyons se développer, hélas ! dans tous les domaines.
Je ne reviendrai pas sur les violences qui visent des enseignants ou des élus, sur la violence qui prospère dans les stades et même sur les terrains – les contestations de décisions arbitrales par des stars du football harcelantes sont autant de mauvais exemples pour nos enfants. Que dire, même, du harcèlement verbal en quoi consistent certaines interviews journalistiques et qui devient la règle à la télévision ?
C’est pourquoi ce texte, malgré quelques fragilités relatives au rôle du témoin, est un pas de plus vers une scolarité apaisée. Le groupe du RDSE soutient cette proposition de loi essentielle pour consacrer la notion de respect – car c’est bien de cela qu’il s’agit. (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le dépôt de cette proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire ; cette initiative contribue, face à ce fléau, au renforcement de la nécessaire prise de conscience collective et à la mobilisation de tous les acteurs. J’y suis d’autant plus sensible que c’est ce que demandait voilà quelques semaines la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement que j’ai eu l’honneur de présider aux côtés de notre collègue Colette Mélot, qui en était la rapporteure.
Nous passons par la loi, soit ; mais je regrette que le Gouvernement n’ait pas immédiatement pris la mesure du travail du Sénat et n’ait pas jugé utile de prendre en considération les conclusions de notre mission d’information, à moins qu’il ne l’ait tout simplement pas souhaité.
Nos trente-cinq propositions sont pourtant simples, pragmatiques, immédiatement applicables… Pourquoi, dès lors, attendre pour les mettre en œuvre ? C’est pourtant possible dans tous les établissements.
J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de dire mon incompréhension au ministre Jean-Michel Blanquer, dont je regrette l’absence ce matin.
L’ampleur du phénomène exige pourtant une action rapide et efficace, car 800 000 à 1 million d’élèves subissent une forme de harcèlement ou de cyberharcèlement durant leur scolarité, certains en venant malheureusement à attenter à leurs jours – j’ai aujourd’hui une pensée pour leurs proches.
C’est insupportable ; cela doit cesser. C’est pourquoi j’accueille positivement l’initiative de notre collègue député Erwan Balanant.
La plupart des dispositions de cette proposition de loi vont dans le bon sens, même si certaines relèvent du symbole.
Parmi les dispositions qui méritent un accueil positif, on note la nouvelle place donnée dans le code de l’éducation à la lutte contre le harcèlement scolaire ; l’extension de la définition du harcèlement scolaire au harcèlement universitaire et au cyberharcèlement ; l’application des nouvelles dispositions de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement aux établissements privés ; le renforcement de la formation et de la sensibilisation de l’ensemble des personnels qui sont au contact des élèves.
Je suis favorable également à la saisie, pour les besoins de l’instruction, du matériel, téléphones ou ordinateurs, ayant servi au harcèlement, ainsi qu’à la confiscation de ce matériel à titre de peine complémentaire.
Le principal point de divergence entre notre groupe et les auteurs de ce texte avait trait à l’article 4 et à la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire assorti de peines particulièrement lourdes.
Sur proposition de Mme la rapporteure pour avis de la commission des lois, cet article 4 a été intégralement récrit en commission, le délit spécifique de harcèlement scolaire étant supprimé et transformé en circonstance aggravante du délit de harcèlement. Cette nouvelle position répond en partie aux préoccupations des sénateurs de notre groupe.
Je rappelle que la mission d’information sénatoriale n’avait pas souhaité, dans son rapport, recommander la création d’un délit spécifique, préférant miser sur une meilleure prévention. Un tel renforcement des sanctions pénales risquerait de n’être qu’un « tigre de papier » aux effets très minimes.
D’autres modifications apportées par nos rapporteurs à la suite des travaux des commissions de la culture et des lois du Sénat vont dans le bon sens ; par exemple, les amendements visant à ce que les témoins de faits de harcèlement soient pris en charge au même titre que les victimes ou les auteurs. Telle était d’ailleurs l’une des préoccupations majeures de notre mission d’information.
Autre modification positive issue des travaux de commission du Sénat : l’obligation pour les établissements scolaires et universitaires de lutter non seulement contre le harcèlement scolaire, mais aussi contre le cyberharcèlement, le titre de la proposition de loi étant modifié en conséquence.
Notre groupe approuve également l’extension de l’obligation d’information annuelle des parents aux élèves. Une telle extension permet de rappeler aux élèves leurs droits et devoirs, ainsi que leurs ressources en cas de harcèlement, qu’ils soient témoins ou victimes.
Le travail du Sénat a contribué, sur certains points, à l’amélioration de cette proposition de loi, mais il constitue un recul par rapport au texte initial sur d’autres points.
Ainsi de l’exclusion du champ du texte des faits de harcèlement en provenance des enseignants ou du personnel des établissements : bien que ce phénomène soit très minoritaire, il existe et ne saurait être ignoré. Notre groupe présentera un amendement sur ce sujet à l’article 1er.
Je regrette également la suppression en commission de l’article 3 bis de la proposition de loi. Cet article prévoyait le renforcement des liens entre les établissements scolaires et les associations de lutte contre le harcèlement scolaire et de soutien aux victimes. Nous présenterons un amendement de rétablissement de l’article 3 bis dans une nouvelle rédaction.
Nous souhaitons par ailleurs rétablir par amendement l’article 6, supprimé en commission, qui prévoyait des stages de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire dans le cadre de stages de citoyenneté ou de formation civique existant déjà, ce dispositif faisant écho à l’une des préconisations de notre mission d’information.
Enfin, je veux exprimer mon incompréhension devant la suppression par notre commission de l’article 7 de la proposition de loi. Cet article prévoyait l’obligation pour les prestataires de services de communication en ligne de concourir à la lutte contre le harcèlement scolaire et universitaire.
Il y a selon moi une certaine incohérence, de la part de nos rapporteurs, à affirmer vouloir mieux lutter contre le cyberharcèlement tout en supprimant cet article 7. Nous proposerons donc le rétablissement de cet article en demandant que les hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet soient contraints de renforcer leur concours à la lutte contre ces types de harcèlement.
J’espère que la présidence française du Conseil de l’Union européenne sera l’occasion de progresser sur ces enjeux au niveau européen. Reste que l’actuelle absence de normes européennes contraignantes ne saurait empêcher le législateur français d’anticiper afin de mieux lutter contre un fléau en plein essor, qui touche potentiellement tous nos enfants.
Nous serons très attentifs au sort réservé à nos différents amendements, qui conditionnera notre position finale sur ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme la rapporteure pour avis et Mme Colette Mélot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Marion, 13 ans, Evaëlle, 11 ans, Dinah, 14 ans… Elles ont toutes mis fin à leur jour, parce qu’elles ne supportaient plus les insultes, les menaces, les moqueries.
Ils sont très nombreux, trop nombreux, à être victimes de tels actes, à en souffrir, au cours de leur scolarité, entre les murs ou sur le Net, à tous les niveaux, du primaire au supérieur. Plus de 700 000 enfants sont cassés, abîmés par le harcèlement scolaire chaque année, selon l’association Les Papillons. Ces enfants peuvent être les nôtres ; ils peuvent être nos nièces, nos neveux, nos cousins, nos voisins. Qui d’entre nous regarderait son enfant se débattre dans ses cauchemars, dans ses peurs, perdre confiance en lui, perdre confiance dans l’adulte que nous sommes ? Nous leur devons d’agir, à ces enfants !
Notre action de législateur est nécessaire et c’est pourquoi notre groupe a souhaité inscrire ce texte dans sa niche parlementaire.
Je salue l’engagement remarquable de notre collègue député du Finistère Erwan Balanant, dont le texte a été voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
Mieux prévenir les faits de harcèlement scolaire et améliorer la prise en charge des victimes en proposant aux personnels de l’éducation nationale une formation continue relative à la prévention, à la détection et à la prise en charge du harcèlement scolaire et universitaire ; créer, par ailleurs, un délit autonome de harcèlement scolaire : tel est l’objet du texte transmis au Sénat, qui tend également à améliorer le traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire et universitaire.
Dans son rapport remis au Premier ministre, qui trouve une traduction devant nous aujourd’hui, Erwan Balanant rappelait ce chiffre : en moyenne, deux à trois enfants par classe sont stigmatisés, malmenés, moqués et violentés dans les établissements publics et privés, avec des conséquences sur le long terme, traumatismes profonds et fragilités durables.
Cette destruction des personnes harcelées, nous en avons eu un aperçu lors des auditions de la mission d’information sur le cyberharcèlement menée par nos collègues Colette Mélot et Sabine Van Heghe.
Face à cette réalité, de nombreuses actions furent menées ces dernières années. La loi pour une école de la confiance consacre le droit à une scolarité sans harcèlement. Un numéro de téléphone est disponible, des ressources pédagogiques ont été élaborées. Des « élèves ambassadeurs », au collège comme au lycée, peuvent être nommés, des référents ont été mis en place. Le travail avec les associations se renforce. L’encadrement de l’utilisation des téléphones portables dans les établissements scolaires s’inscrit également dans ce cadre d’action.
Le programme de lutte contre le harcèlement à l’école a quant à lui été généralisé après qu’une expérimentation a été menée.
Cette proposition de loi apporte des réponses supplémentaires, pour ce qui concerne le cyberharcèlement notamment ; nous les soutenons.
C’est pourquoi nous souhaitons revenir sur les modifications intervenues en commission, qui sont profondes. Nous avons déposé six amendements de rétablissement ; nous en discuterons dans un instant. La version initiale du texte, votée de façon transpartisane par l’Assemblée nationale, nous semble en effet plus efficace.
Nous y reviendrons lors de la discussion des articles, mais nous regrettons les reculs suivants : l’exclusion des adultes de la définition du harcèlement scolaire, et sa limitation aux pairs ; la suppression du délit autonome de harcèlement scolaire et sa transformation en circonstance aggravante ; l’exclusion de la lutte contre le harcèlement scolaire des Crous.
Pour Dinah, pour Marion, pour Evaëlle, pour tous les autres, je souhaite que l’on dise aujourd’hui, comme le chante Calogero : « Plus jamais ça ! » (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en France, 800 000 à 1 million d’élèves sont victimes de harcèlement scolaire chaque année. Ce problème concerne tous les élèves, de près ou de loin.
Créée sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement a contribué à identifier les raisons pour lesquelles les actions mises en œuvre depuis dix ans en France n’ont pas encore permis d’éradiquer ce fléau.
Au moment d’examiner sa proposition de loi, je souhaite saluer le travail de notre collègue député Erwan Balanant, tout en notant qu’à l’issue de l’audition d’un grand nombre d’acteurs institutionnels et associatifs la mission d’information du Sénat n’avait pas fait le choix de l’approche judiciaire qu’il propose via la création d’un délit autonome de harcèlement scolaire.
Nous considérons, quant à nous, que les outils existants sont suffisants, mais méconnus et peu activés sur le terrain. La généralisation du programme de lutte contre le harcèlement à l’école, le programme pHARe, en septembre 2021, devrait permettre d’améliorer la formation et l’information des différents acteurs.
En complément, nous avons proposé un certain nombre de dispositions visant à renforcer et à unifier la mobilisation de l’ensemble de la société autour de la lutte contre le harcèlement scolaire. Figurant au premier rang de ces recommandations, l’élévation de la lutte contre le harcèlement scolaire au rang de grande cause nationale faciliterait la prise de conscience générale.
J’avais quelques réserves quant à la pertinence de l’article 4, identifié comme le pilier de cette proposition de loi. Cet article a été délégué au fond à la commission des lois, qui a adopté un amendement de réécriture du dispositif. Le harcèlement entre élèves d’un même établissement constitue, aux termes de l’article ainsi modifié, une nouvelle circonstance aggravante du harcèlement moral.
Conformément aux conclusions du rapport de la mission d’information, nous devons agir en priorité sur la prévention des situations de harcèlement. À cette fin, la formation des personnels des établissements scolaires, y compris de ceux qui ne dépendent pas de l’éducation nationale, l’information des élèves, des enseignants et des parents – ce dernier point est très important ! –, l’instauration d’un climat de confiance et d’écoute, propice à la libération de la parole, sont primordiales.
La commission de la culture a repris, dans le cadre de l’article 1er, la recommandation du rapport visant à ce que soit délivrée aux élèves une information annuelle sur les risques de harcèlement et de cyberharcèlement.
Le cyberharcèlement prend souvent naissance dans le harcèlement scolaire et vient l’amplifier, créant un continuum jusque dans la sphère privée. Je salue, à cet égard, l’initiative de la commission consistant à l’inclure de façon explicite dans les différents articles afin d’insister sur cette dimension dématérialisée, qui prend de plus en plus d’ampleur dans notre société.
L’article 3 instaure une formation initiale et continue à la lutte contre le harcèlement scolaire pour un grand nombre de professionnels particulièrement exposés.
En revanche, la commission de la culture a supprimé deux articles importants ; je le déplore.
L’article 6 prévoyait la création d’un stage de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire destiné aux auteurs de faits avérés de harcèlement. Je suis favorable au rétablissement de cet article, qui est issu du rapport d’information sénatorial.
L’article 7 oblige les plateformes à se doter d’un dispositif de signalement accessible à tous. Il me semble que cette disposition est essentielle si nous voulons combattre efficacement le prolongement du harcèlement scolaire dans la sphère numérique. Il appartient à l’ensemble des acteurs d’agir à leur niveau contre cette violence insupportable qui accable des centaines de milliers d’élèves.
En dépit de ces réserves, mon groupe votera en faveur de cette proposition de loi, parce que tous les outils doivent être actionnés afin d’éradiquer un fléau qui peut marquer toute une vie. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Toine Bourrat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, devant l’urgence, devant les drames qui blessent l’enfance, devant la tragédie de jeunesses fracturées, je voudrais croire que nous partageons tous ici la conviction suivante : il est absolument nécessaire d’agir pour mettre un terme à l’impéritie collective qui depuis trop longtemps nous empêche d’instaurer des mesures concrètes, efficaces et cohérentes de lutte contre le fléau du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement.
Je voudrais croire que nous partageons tous ici une même vision de l’école délestée de la violence, redevenue ce sanctuaire du savoir, cet espace préservé où se forge la future vie d’adulte.
Nos enfants sont des êtres sociaux en construction, trop faibles pour lutter dans une école dont ils ne peuvent s’extraire. Madame la ministre, mes chers collègues, réveillons-nous ! Ne commettons pas les mêmes erreurs que celles qui ont été faites envers les femmes harcelées ou victimes de violences ! Sortons du silence, des non-dits, et passons enfin à l’action, une véritable action !
On ne le martèlera jamais assez : chaque année, le harcèlement scolaire fait près d’un million de victimes, soit deux à trois enfants par classe en moyenne !
Ce phénomène concerne aussi les jeunes enfants : plus d’un élève sur dix, scolarisé en CE2, CM1 ou CM2, est victime de ce fléau qui cause près d’un quart de l’absentéisme recensé dans les établissements du premier degré. Depuis mon arrivée au Sénat, je n’avais sans doute jamais éprouvé avec une telle intensité la dimension tragique du mandat de législateur.
Mais nous ne sommes pas là pour constater : nous ne siégeons pas pour déplorer – encore moins pour décrire – une réalité que chaque famille, chaque foyer, chaque établissement connaît de près ou de loin. Et ce texte est l’occasion d’un sursaut. Il n’annonce pas d’un grand soir, mais apporte des réponses précises à des maux très concrets ; il ne s’agit pas de postures, mais de solutions utiles.
Je vous proposerai donc d’adopter des amendements visant à garantir aux chefs d’établissement la stabilité statutaire des assistants d’éducation qu’ils recrutent, c’est-à-dire à renforcer ceux qui protègent nos enfants, ainsi qu’à adapter le règlement intérieur à l’évolution du mal que nous combattons pour y faire figurer le droit à une scolarité sans cyberharcèlement, mais aussi les risques et sanctions encourus lorsqu’un élève harcèle un pair par voie numérique. Ce règlement, mes chers collègues, est en quelque sorte le code civil de nos établissements.
Ne nous y trompons pas, néanmoins : nous devrons aller plus loin pour créer un « choc des responsabilités ».
Il est deux acteurs jusqu’à présent trop oubliés dans le traitement de ce fléau sociétal.
Les parents, tout d’abord, sont les premiers garants du bon usage des outils numériques qu’ils mettent entre les mains de leurs enfants. Il leur appartient de les accompagner dans cet usage et d’en définir les règles, heures de déconnexion, durée d’utilisation, présence du téléphone dans la chambre la nuit.
Il est du devoir des institutions de rappeler cette responsabilité aux parents via la création d’un document opposable en cas de conseil de discipline – je pense par exemple à une charte d’engagement civique obligatoirement cosignée par les parents et par les enfants à chaque rentrée scolaire. Une telle avancée matérialiserait la responsabilité parentale, trop souvent éludée, et rendrait tangible le devoir de respect entre pairs, condition de la vie citoyenne.
Les plateformes, ensuite ; c’est bien sûr à l’échelon européen qu’elles doivent être rappelées à leurs obligations civiques, morales et sociétales. Comment comprendre en effet que les réseaux sociaux, sur lesquels naviguent et souvent se noient nos enfants, ne se voient imposer aucune responsabilité sociétale dès lors qu’un jeune est victime de leurs travers ?
Cela se pourra en harmonisant le droit communautaire, comme le prévoit le Digital Services Act, qu’il revient au Gouvernement de faire aboutir, madame la ministre, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, en l’affermissant de surcroît dans le sens que proposait devant nous la lanceuse d’alerte Frances Haugen.
Aujourd’hui, nous avons la possibilité d’agir sur ce texte ; nous en avons aussi l’ardent devoir. La politique n’est pas l’affaire de coups d’éclat, mais au contraire de petits pas, de jalons sûrs et progressifs. Saisissons-nous de cette occasion, non pour grossir encore la panoplie des lois inexécutées, mais pour forger enfin les outils qui nous manquent !
C’est dans cet esprit – je crois pouvoir le dire, en leur présence – que nos rapporteurs ont travaillé à ce que l’amélioration collective et tangible voulue par les auteurs de ce texte ne soit pas un vain mot. Merci, mes chers collègues, d’avoir prouvé que la constance ne modère en rien l’ouverture aux tierces propositions. Si le Parlement échouait à protéger l’avenir de la Nation qu’elle représente, que pourrions-nous dire à cette jeunesse en construction ? Comment justifierions-nous notre inaction là où est en jeu l’éclosion de sa conscience civique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sabine Van Heghe applaudit également.)
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre d’un fléau national : le harcèlement scolaire. Selon une enquête de l’éducation nationale, 700 000 enfants en sont victimes chaque année : 700 000 enfants ! Au moins 10 % des enfants subissent des faits de harcèlement au moins une fois dans leur scolarité.
Au harcèlement « classique », ayant lieu dans l’enceinte des écoles, s’ajoute aujourd’hui le harcèlement en ligne. Les victimes sont désormais agressées jusque chez elles, jusque dans leur chambre, via les réseaux sociaux ou les jeux vidéo, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Des couloirs de l’école à l’obscurité et au silence d’une chambre d’enfant, le continuum de la violence devient insupportable. Les conséquences sont parfois terribles, définitives, inacceptables.
Les suicides d’enfants et d’adolescents ont jeté un coup de projecteur terrible, une lumière crue et inévitable sur cette réalité trop longtemps ignorée.
La société et le Sénat se saisissent enfin du sujet. Nous devons d’abord saluer les associations de victimes, parfois dédiées à la mémoire de ces dernières, qui ont accompli un inlassable travail d’alerte, d’interpellation, de sensibilisation, de proposition.
Que contient ce texte ?
La reconnaissance d’un nouveau droit, d’un nouveau principe : celui d’une scolarité sans harcèlement.
Pour faire respecter ce principe, la version initiale de l’article 4 prévoyait la création du nouveau délit de harcèlement scolaire assorti de sanctions très élevées, avec, selon la gravité des faits, des peines d’emprisonnement comprises entre trois ans et dix ans et des amendes allant de 45 000 euros à 150 000 euros.
Nous pouvons comprendre que les auteurs du texte, soutenus par certaines associations concernées, aient choisi cette voie. La création d’un nouveau délit permettrait que les forces de l’ordre puissent mieux caractériser les spécificités de ces agressions. Elle appellerait encore davantage l’attention de la société, des élèves et de la communauté éducative sur le sujet.
Mais la commission des lois du Sénat a choisi de récrire cet article, préférant que le harcèlement scolaire soit caractérisé comme une circonstance aggravante du délit de harcèlement moral, ce qui a comme conséquence un allègement des sanctions, réduites à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Cette vision nous semble plus adaptée à la réalité du harcèlement scolaire. Nous rappelons ici que les agresseurs et les victimes – ces rôles s’échangent d’ailleurs parfois – sont des mineurs, qui agissent souvent par phénomène de bande, de « meute ». Nous ne cherchons pas à excuser les comportements, mais il nous paraît plus important de travailler à la détection précoce et à la prévention des faits qu’à leur répression.
Il nous semble par ailleurs que l’arsenal judiciaire et administratif s’est largement étoffé ces dernières années, surtout concernant les faits commis sur les réseaux sociaux. Des individus ont ainsi été promptement interpellés puis déférés pour un seul message en ligne, par exemple dans le cas des vagues de harcèlement dont a été victime Mila.
Le cœur du problème, pour nous, n’est pas là. Il réside dans l’identification, la prévention et la mise en réseau des acteurs.
Les auteurs de cette proposition de loi y répondent en partie, en prévoyant des formations destinées à l’ensemble des acteurs de la sphère éducative, et en incluant la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les actions des comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement.
Mais la commission a malheureusement supprimé plusieurs points, en particulier l’obligation d’informer la communauté éducative de l’existence du tissu associatif luttant contre le harcèlement scolaire, l’inscription de la lutte contre le harcèlement dans les missions des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), ou encore les stages de responsabilisation à la vie scolaire.
Nos efforts et nos attentes doivent désormais se porter sur les moyens alloués : il serait temps de savoir si nous voulons nous doter de moyens à la hauteur des principes que nous prétendons défendre.
Ne détournons pas le regard d’une grande partie du problème : l’état de la médecine scolaire dans notre pays est un scandale. Nous comptons dans notre pays 900 médecins scolaires et 7 700 infirmiers et infirmières scolaires pour 12,5 millions d’élèves – soit un médecin pour 14 000 élèves, et un infirmier ou infirmière pour 1 600 élèves. Ces effectifs ont chuté de près de 15 % en cinq ans ! C’est un scandale !
La pandémie n’a même pas été un déclic : le « quoi qu’il en coûte » s’est arrêté à la porte de l’école.
Ces professionnels sont au contact des élèves ; ils pourraient identifier les situations à risque, engager le dialogue et alerter. Mais avec des moyens humains aussi dérisoires, leur confier ces missions est impossible.
Plus largement, mes chers collègues, l’école est perméable aux violences du monde des adultes, aux injonctions permanentes et insensées, aux paroles qui blessent, aux assignations, aux discriminations. La lutte contre le harcèlement passe nécessairement par la lutte contre les discriminations, la lutte pour l’égalité et l’émancipation.
Parler du harcèlement des enfants, c’est avant tout parler de l’exemple que notre société leur donne. Et en la matière, il nous reste beaucoup à faire.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on estime qu’entre 6 % et 12 % des élèves, soit environ 1 million d’enfants et de jeunes adultes, sont victimes de harcèlement au cours de leur scolarité. L’actualité illustre régulièrement les dramatiques conséquences du harcèlement, qui peuvent aller jusqu’au suicide, comme pour la jeune Dinah en octobre dernier.
Ces chiffres alarmants appellent une mobilisation générale dans l’école, mais aussi dans l’ensemble de la société.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il a pris ces dernières années une intensité nouvelle avec le développement des réseaux sociaux et des applications d’échange. De fait, le harcèlement ne s’arrête plus jamais et s’engouffre partout, jusque très tard, dans la chambre de ces enfants. Il y a donc un nouveau défi à relever pour protéger ces jeunes. Ainsi, le Sénat ne se trompe pas en ajoutant la mention de « cyberharcèlement » dans le titre de cette proposition de loi.
Notre amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 7 s’inscrit dans cette logique : nous proposons de renforcer les obligations des services de communication électronique, et notamment de messageries instantanées, afin de faciliter le blocage de numéros.
Dans sa version initiale, cette proposition de loi avait surtout un caractère symbolique, car elle apportait peu aux instruments juridiques existants.
À l’inverse, la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire initialement prévue à l’article 4 était à la fois trop déséquilibrée et peu applicable. Elle pouvait même se révéler contre-productive, compte tenu de la nécessité d’une prise de conscience collective sur le sujet.
Je tiens à saluer le travail de mise en cohérence autour de la réponse pénale qu’ont réalisé Mme la rapporteure de la commission des lois, saisie pour avis, et M. le rapporteur de la commission de la culture.
La définition du harcèlement scolaire dans le texte adopté par l’Assemblée nationale mettait sur le même plan des adultes et des enfants. Ce point a été récrit, et le délit pénal a été supprimé, car il était à la fois inapplicable – la notion de discernement déterminant l’adaptation de la réponse pénale à l’auteur des faits – et disproportionné dans son quantum de peine.
Sans déresponsabiliser les établissements et les personnels dans la détection, le traitement et le suivi du harcèlement, nous devons prendre en compte les limites de leurs moyens et de leurs missions.
La proposition de loi vient d’ailleurs renforcer la formation de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale et des différents acteurs mobilisés face à ce fléau. Les enseignants sont déjà sensibilisés dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé), mais il est nécessaire d’aller plus loin et de renforcer cette formation. Nous défendrons à ce sujet un amendement à l’article 3 tendant à permettre à l’ensemble de la communauté éducative d’y accéder.
Une des difficultés en matière de harcèlement scolaire tient à l’interprétation des signes et au repérage de l’isolement progressif des victimes, qui doivent leur permettre de se confier.
Mais pour cela, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, il faut davantage de moyens pour la médecine scolaire. Les médecins scolaires suivent en moyenne 12 500 jeunes, et les infirmières sont débordées, particulièrement dans le contexte de la crise sanitaire.
Les assistants d’éducation, tout comme les directeurs d’école, les principaux de collège et les proviseurs de lycée voient leurs missions sans cesse élargies. Les psychologues scolaires se font de plus en plus rares. Et enfin, il est toujours question de confier aux départements la gestion des infirmières scolaires, via les services de protection maternelle et infantile (PMI), ce qui risquerait de priver la médecine scolaire d’un peu plus de moyens.
Je m’interroge également sur l’obsession, si vous me permettez cette expression, consistant à surcharger systématiquement tant l’enseignement moral et civique, qui ne bénéficie que d’une demi-heure par semaine, que les comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement, qui doivent traiter de sujets et d’enjeux toujours plus vastes.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Céline Brulin. On ne peut pas demander à l’école de régler tous les problèmes de notre société, encore moins quand les moyens d’accompagnement ne sont pas au rendez-vous.
M. Max Brisson. C’est vrai !
Mme Céline Brulin. Mais ce texte propose une nouvelle étape dans notre engagement collectif contre le harcèlement scolaire. C’est pourquoi notre groupe soutiendra le texte issu des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, INDEP et Les Républicains.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, devenu une grande cause nationale, le harcèlement scolaire suscite enfin un intérêt à la mesure des souffrances qu’il engendre.
Il a, hélas ! fallu nombre d’existences brisées pour que ce fléau quitte la rubrique des faits divers pour s’installer dans le débat public.
Si certains drames ont enfin alerté les autorités, ils ne constituent que l’aperçu le plus tragique d’un phénomène qui, à des degrés de gravité très divers, gangrène notre école et notre société.
Si le droit pour les élèves de vivre leur scolarité sans oppression ni anxiété relève de la cause nationale, cette cause mérite donc un engagement sincère et massif, au-delà des effets de manche législatifs.
En effet, ce ne sont pas quelques sentences votées dans cette enceinte qui mettront fin à un mal aussi insidieux qu’ancien, réclamant un combat quotidien au sein de chaque classe, couloir de collège ou cour de récréation.
Comme l’ont souligné nos rapporteurs, ainsi que Mme Colette Mélot dans son excellent rapport de septembre 2021, le délit de harcèlement figure déjà dans notre code pénal. Une qualification superfétatoire ne changerait donc pas le quotidien des élèves dont l’enfance ou l’adolescence est saccagée. Sans compter que, l’âge de la responsabilité pénale étant fixé à 13 ans, les peines d’amende et de prison seraient sans effet sur de nombreux cas de harcèlement, qui se manifestent dès l’école primaire.
Il reste alors d’avoir le courage de mener un travail concret et minutieux, qui ne s’effectue pas avec des déclarations de principes, mais réclame que des moyens humains soient mobilisés.
D’abord, il faut aider les enseignants à reconnaître le harcèlement, en leur dispensant des formations psychosociales.
Ensuite, l’action de l’ensemble des professionnels qui œuvrent dans les établissements doit être coordonnée, en puisant dans les responsabilités de chacun pour mobiliser les compétences utiles dans le combat contre le harcèlement.
Il faut ainsi affirmer la place des assistants d’éducation (AED), indispensables à l’harmonie de la vie scolaire, qui pourraient se voir confier des missions de veille éducative dans les moments informels que représentent les intercours.
J’en profite pour soutenir la démarche de ma collègue Toine Bourrat, dont l’amendement vise à prolonger les contrats de ces acteurs essentiels au-delà de six ans : pourquoi se séparer de personnels expérimentés qui connaissent parfaitement les établissements et leurs difficultés ?
Il convient également de coordonner les actions des conseillers principaux d’éducation (CPE) avec celles des assistantes sociales, des infirmières scolaires, des psychologues de l’éducation nationale.
Ces intervenants travaillent au plus près des élèves. Mais encore faut-il, d’une part, renforcer leurs synergies en leur permettant de décloisonner leurs approches et, d’autre part, pourvoir aux postes vacants. Combien de personnels de santé manquent aujourd’hui dans nos établissements, alors qu’ils devraient agir pour la prise en charge des élèves ? À titre d’exemple, dans le département de l’Ardèche, dont je suis l’élue, le collège Roqua attend son assistante sociale depuis avril 2021.
Frapper d’interdit le harcèlement en le sanctionnant par la loi est nécessaire, mais la menace du code pénal n’est guère dissuasive chez de jeunes enfants, et c’est très en amont qu’il faut agir, avant même que les faits ne soient commis.
Il faut pour cela former les jeunes esprits dans le cadre de l’enseignement moral et civique, afin de leur faire connaître et accepter les différences.
Les équipes mobiles de sécurité pilotées par les rectorats participent à cette sensibilisation ; mais ce patient travail effectué sur le terrain doit être renforcé et généralisé.
Le dispositif « sentinelles et référents » constitue aussi une réponse initiative intéressante. En formant les élèves au repérage des souffrances de leurs camarades isolés, il leur permet de s’impliquer et de rompre avec la passivité des témoins dont se nourrit le harcèlement.
Cependant, cette éducation des enfants à la responsabilité ne doit pas conduire les adultes à se décharger de la leur. Le rôle de ces derniers, à commencer par les parents, doit demeurer primordial. C’est la raison pour laquelle il m’apparaît fondamental de les associer très en amont à la lutte contre le harcèlement. L’école a doublement besoin d’eux, tant pour reconnaître les signes avant-coureurs chez une victime que pour transmettre à leurs enfants l’interdit du harcèlement. Aucun enfant ne naît victime ou bourreau ; aussi les parents doivent-ils être considérés comme les acteurs incontournables de la lutte contre ces dérives.
Lors de l’examen qui va s’ouvrir, nous allons certainement enrichir ce texte, mais aucune loi ne suppléera la volonté politique dont vous êtes, madame la ministre, la dépositaire. Donnez à nos professeurs, aux équipes accompagnantes, à la médecine scolaire, les moyens d’accomplir leur vœu le plus cher : voir chaque élève prendre le chemin de l’école avec sérénité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nadège Havet et Colette Mélot applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement
TITRE IER
DE LA PRÉVENTION DES FAITS DE HARCÈLEMENT SCOLAIRE ET DE LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES
Article 1er
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier est complété par un article L. 111-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-6. – Aucun élève ou étudiant ne doit subir, de la part d’autres élèves ou étudiants, de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d’apprentissage. Ces faits peuvent être constitutifs de circonstances aggravantes de harcèlement au sein d’un établissement d’enseignement telles que prévues au 6° de l’article 222-33-2-2 du code pénal.
« Les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire et le cyberharcèlement. Ces mesures visent notamment à prévenir l’apparition de situations de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement, à favoriser leur détection par la communauté éducative afin d’y apporter une réponse rapide et coordonnée et à orienter les victimes, les témoins et les auteurs, le cas échéant, vers les services appropriés ainsi que vers les associations susceptibles de leur proposer un accompagnement.
« Une information sur les risques liés au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement est délivrée chaque année aux élèves et aux parents d’élèves. » ;
2° L’article L. 511-3-1 est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, sur l’article.
Mme Sabine Drexler. Aujourd’hui, le harcèlement n’épargne plus personne. Quels que soient leur condition sociale ou le territoire où ils résident, rares sont nos enfants ou nos petits-enfants qui n’en seront pas un jour victimes, témoins ou auteurs.
Alors que les zones urbaines et les territoires prioritaires, confrontés depuis longtemps à la présence de ce fléau, ont bénéficié de dispositifs spécifiques pour tenter de le contenir et en soutenir les victimes, en milieu rural, dans des territoires éloignés de structures médico-psycho-pédagogiques ou socioéducatives, les enseignants du premier degré n’ont ni la formation ni la disponibilité nécessaires pour faire face seuls à ces phénomènes, il faut bien l’avouer.
L’alinéa 4 de l’article 1er dispose que « les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement ».
Prendre des « mesures appropriées », c’est bien sûr développer des programmes ad hoc, des guides et des formations, mais c’est aussi pouvoir recourir à un vivier de personnel en mesure d’intervenir régulièrement et rapidement au sein même des écoles ; c’est disposer de personnels formés, qui pourront mettre en œuvre, en amont des actions de prévention et en aval, un suivi personnalisé des élèves et de leurs familles en cas de problèmes avérés.
Jusqu’à il y a une dizaine d’années, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), placés sous la responsabilité des inspecteurs de circonscription, assuraient cette présence dans les écoles rurales. Facilement mobilisables, notamment en cas de harcèlement, ils représentaient un recours de proximité précieux pour les enseignants ou les parents.
Ces dernières années, de nouveaux paramètres, dont le harcèlement, complexifient la gestion des classes. Le nombre d’élèves et d’enseignants en difficulté à l’école est en nette augmentation.
Madame la ministre, une fois la loi adoptée, nous comptons vraiment sur vous pour renforcer la présence de personnels spécialisés au sein des circonscriptions, y compris les plus rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.
Mme Laure Darcos. Au moment de discuter des articles de cette proposition de loi, je souhaite m’expliquer sur ce sujet si grave.
Affirmer qu’un élève a le droit de poursuivre sa scolarité sans être harcelé par ses pairs relève de l’évidence. Pourtant, le phénomène du harcèlement scolaire, qui s’est banalisé depuis plusieurs années, prend une ampleur à la fois inédite et inquiétante avec le développement des réseaux sociaux.
Certes, des programmes de prévention sont mis en œuvre dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire. Mais constituent-ils un rempart suffisamment solide pour circonscrire ce phénomène et dissuader les harceleurs ?
Le drame des réseaux sociaux est qu’ils reflètent les égarements individuels et collectifs d’aujourd’hui. Les parents et la communauté scolaire se sentent bien souvent impuissants face à un phénomène qui peut parfois virer au drame, comme nous l’avons malheureusement constaté récemment.
La mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement a souligné qu’il est pertinent d’informer régulièrement les enfants de leurs droits et devoirs, et que l’existence de numéros d’appel en cas de harcèlement constitue une nécessité absolue.
Pour ma part, je crois beaucoup à l’attention portée à la victime, qui doit pouvoir bénéficier d’un réel soutien psychologique.
Je crois également à la nécessité de prendre en considération les témoins. Je salue les dispositions adoptées sur l’initiative de M. le rapporteur Olivier Paccaud concernant les témoins de faits de harcèlement, qui doivent comprendre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Enfin, je ne saurais assez insister sur les vertus de la sanction à l’encontre des élèves harceleurs. Cette sanction doit être implacable, et se traduire par l’exclusion de l’établissement, car je ne peux imaginer un instant que l’élève harcelé soit le seul à être écarté de l’établissement scolaire.
Bien entendu, le principe de réalité doit nous guider, et je soutiens sans réserve la possibilité offerte à un élève dont l’intégrité physique et morale est menacée de s’inscrire dans un autre établissement, en bénéficiant d’une dérogation aux obligations de la carte scolaire, ou de changer de mode d’instruction pour l’instruction en famille.
En tout état de cause, je forme le vœu que cette proposition de loi favorise le rétablissement d’un climat de bienveillance et de fraternité dont l’école a besoin. J’ai une pensée très émue pour les victimes et leurs familles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Le Sénat va marquer de son empreinte ce texte important, qui inscrit un droit à la protection contre le harcèlement scolaire au sein du livre Ier du code de l’éducation, et plus précisément dans l’article qui définit les missions de l’école et des établissements scolaires. La protection contre le harcèlement devient une mission confiée aux établissements, et en cela, ce texte est important.
Mais après ? Ce n’est pas parce qu’on aura changé le code de l’éducation que les pratiques seront différentes. Ne nous payons pas de mots, mes chers collègues ! Ce ne sont pas des injonctions dans le code de l’éducation qui modifient les pratiques, les postures et les positions.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
M. Max Brisson. Sabine Drexler a évoqué le manque de moyens. Nous savons que la médecine et la santé scolaire sont en état de décrépitude.
Nous pouvons ne pas partager la même position concernant les solutions à apporter, mais nous nous accordons autour de ce constat.
Deux solutions sont possibles, et peuvent nous opposer : d’une part, des moyens supplémentaires, comme ceux qu’a demandés Sabine Drexler ; d’autre part, il s’agit peut-être aussi d’accorder davantage de liberté et de confiance aux chefs d’établissement, pour permettre à ces derniers de régler les problèmes sans crouler sous de multiples injonctions et de multiples circulaires. Tout simplement, faisons-leur confiance et formons-les pour régler au plus près du terrain ces problématiques.
M. Pierre Ouzoulias. On est d’accord !
M. Max Brisson. C’est ainsi qu’on permettra, sur ce sujet comme sur bien d’autres, de rénover notre école. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, MM. Stanzione et Bourgi, Mmes Lubin et Préville, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
, de la part d’autres élèves ou étudiants,
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement a pour objet d’ouvrir plus largement le champ d’application du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement, comme l’avait fait l’Assemblée nationale. Nous souhaitons que toute personne faisant subir une situation de harcèlement à un élève ou à un étudiant dans le cadre scolaire ou universitaire puisse être poursuivie.
Le texte issu des travaux de la commission ne vise désormais que le harcèlement émanant d’élèves ou d’étudiants. Or nous savons malheureusement que le harcèlement au sein de l’école ou de l’université peut être le fait d’adultes. De tels cas, heureusement rarissimes, existent néanmoins.
Une étude de l’IFOP de mars 2021 réalisée pour l’association Marion la main tendue en fait état. Ainsi, 3 % des cas de harcèlement scolaire proviendraient d’adultes exerçant au sein de l’établissement.
Certains de ces cas de harcèlement peuvent avoir les mêmes conséquences dramatiques que ceux en provenance des pairs, comme en témoigne l’exemple de la petite Evaëlle, harcelée notamment par l’un de ses professeurs, qui a mis fin à ses jours alors qu’elle avait 11 ans, en juin 2019.
Il n’y a donc aucune raison pour que, s’ils sont certes souvent irréprochables, les adultes exerçant au sein des établissements soient exclus du dispositif. L’argument du rapporteur selon lequel des adultes pourront être sanctionnés ne tient pas, puisqu’ils échapperont ainsi aux nouvelles circonstances aggravantes constituées par le harcèlement scolaire.
Notre amendement vise donc à inclure les adultes exerçant dans les établissements scolaires dans le dispositif de l’article 1er, qui précise le champ d’application du droit à la scolarité et aux études sans harcèlement. Il vise par conséquent à ce que les facteurs constitutifs de circonstances aggravantes au délit de harcèlement les concernent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Madame Van Heghe, je vous remercie de votre amendement. Il a pour objet de revenir sur la volonté de la commission de circonscrire le champ d’application de cette proposition de loi au harcèlement scolaire entre pairs, contrairement au texte transmis par l’Assemblée nationale.
Nous avons déjà eu ce débat dans cet hémicycle, notamment lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance en 2019. Madame la ministre, vous remplacez avantageusement M. Jean-Michel Blanquer, et je ne parlerais pas à sa place. Mais le ministre s’était exprimé à ce sujet, comme s’en souvient M. Max Brisson, rapporteur de ce texte.
La position ministérielle était claire : le harcèlement scolaire concerne avant tout des faits qui ont lieu entre pairs, ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir, malheureusement, de cas de harcèlement venant de professeurs, d’assistants d’éducation, ou d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Ces cas inexcusables sont déjà prévus par la loi actuelle, et sont punis pénalement et administrativement. Si nous avons souhaité limiter la problématique au harcèlement scolaire entre pairs, c’est parce que, comme l’a dit Mme Annick Billon lors de la discussion générale, nous ne souhaitons surtout pas permettre de fissurer l’autorité des professeurs et de jeter sur eux la suspicion.
Dans le monde éducatif, malheureusement, certains parents refusent et critiquent l’autorité des professeurs. Il ne faut pas leur offrir une « arme » leur permettant d’attaquer les professeurs.
Il ne s’agit en aucun cas de donner un blanc-seing aux adultes qui œuvrent auprès de nos enfants. Madame Van Heghe, comme la mission d’information que vous présidiez l’a montré, l’immense majorité des cas de harcèlement ont lieu entre pairs. Dans les très rares cas où un adulte est malheureusement fautif, les responsables sont condamnables et condamnés par la loi. Restons-en là
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Van Heghe, l’enjeu de cette proposition de loi est de protéger les enfants contre le harcèlement, quel qu’il soit, quelle que soit la personne ayant commis les faits de harcèlement, qu’il s’agisse d’un autre élève ou d’un professionnel qui travaillerait au sein de l’établissement. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable au rétablissement de cette mention.
Cela dit, l’amendement n° 34 déposé par Mme Havet reprend la version du texte de l’Assemblée nationale, et notamment le délit de harcèlement dont nous souhaitons également le rétablissement. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, au profit du n° 34.
M. le président. Madame Van Heghe, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?
Mme Sabine Van Heghe. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mme Havet, MM. Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, M. Haye, Mme Schillinger et MM. Marchand, Lévrier et Iacovelli, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
de circonstances aggravantes de harcèlement au sein d’un établissement d’enseignement telles que prévues au 6°de l’article 222-33-2-3
par les mots :
du délit de harcèlement scolaire prévu à l’article 222-33-2-3
II. – Alinéa 4
1° Première phrase
Après le mot :
privés
insérer les mots :
ainsi que le réseau des œuvres universitaires
et supprimer les mots :
et le cyberharcèlement
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
et de cyberharcèlement
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à revenir à la version adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale.
Comme Mme Van Heghe, nous regrettons que la commission ait exclu les adultes du dispositif de cet article.
Le nouveau droit à une scolarité sans harcèlement introduit par la loi pour une école de la confiance en 2019 doit inclure tous les faits de harcèlement, qu’ils soient commis par des élèves, des étudiants ou des adultes.
Pour nous, législateurs, il s’agit non pas de susciter une quelconque suspicion, mais de rendre possible dans ce cadre une action contre des adultes, évidemment minoritaires, qui adopteraient des comportements inappropriés.
Le harcèlement d’un élève ou d’un étudiant est le plus souvent conçu comme une violence émanant de ses pairs. Mais il arrive, comme des affaires graves le rappellent, que des adultes présents au sein des établissements alimentent voire provoquent ce phénomène. Il s’agit par conséquent de protéger au mieux les victimes, en couvrant toutes les situations envisageables.
De plus, il nous semble pertinent de faire figurer la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les missions des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, disposition qui, nous le regrettons, a été supprimée par la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Madame Havet, vous souhaitez rétablir le texte tel qu’il a été transmis par l’Assemblée nationale.
Or nous l’avons récrit, car nos points de vue divergent en particulier sur deux points.
Le premier concerne le cyberharcèlement. Tous les orateurs de la discussion générale ont insisté sur l’importance du cyberharcèlement, qui amplifie le fléau. Désormais, il n’y a plus « ni abri ni répit », comme je l’ai dit, et malheureusement, la caisse de résonance est démultipliée.
Par votre amendement, vous proposez ni plus ni moins que de supprimer, à deux reprises, le terme de cyberharcèlement à l’alinéa 4, alors que ce point est pour nous essentiel. Nous avons d’ailleurs modifié l’intitulé de la proposition de loi, en y ajoutant le mot « cyberharcèlement ».
Le second point concerne le rôle du Cnous et des Crous. Nous considérons que ces organismes ont déjà assez de travail comme cela. Il nous semble peu sage de confier une mission supplémentaire aux 1 600 référents étudiants qui ont été nommés, qui bénéficient pour l’instant de moyens, mais dont on ignore quel budget leur sera alloué à l’avenir. Pour ces raisons, nous avons souhaité modifier le texte initial de la proposition de loi.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté très attentivement et je comprends bien vos arguments. Néanmoins, dans la mesure où nous légiférons spécifiquement sur le harcèlement scolaire, sous toutes ses formes, la loi doit embrasser toutes les situations possibles.
Vous évoquez la question du cyberharcèlement, que j’ai abordée en discussion générale, mais ce phénomène fait partie intégrante du harcèlement, donc il est déjà pris en compte en tant que tel dans le texte.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je suis très mal à l’aise avec la position du Gouvernement et de la majorité présidentielle sur ce sujet.
Madame la ministre, quel message envoyez-vous aux fonctionnaires, aux agents de l’État – professeurs et autres –, qui appliquent la loi, qui y sont soumis et qui, lorsqu’ils fautent, encourent une sanction ? Avoir une attitude inappropriée vis-à-vis d’enfants constitue déjà pour un professeur une faute grave, qui est sanctionnée. Quel message envoie-t-on en sous-entendant que tel n’était pas le cas jusqu’à présent ?
Que la question de harcèlement entre pairs soit posée et que ce texte soit nécessaire – j’ai indiqué lors de la discussion sur l’article 1er combien le moment que nous vivons est important –, je le comprends, je le partage, je le soutiens, mais que l’on dérive vers le soupçon à l’égard des agents de l’État, qui sont soumis à des règles, à des devoirs, à des obligations et à une panoplie de sanctions existant déjà dans les textes, cela envoie un mauvais message, à un moment où, en outre, la défiance entre le ministère et les professeurs de ce pays est grande !
Bref, je ne comprends pas, je suis mal à l’aise. Aussi, je soutiens ce que le rapporteur a dit sur le cyberharcèlement.
Sauf à vouloir reprendre strictement le texte de l’Assemblée nationale et à considérer que la Haute Assemblée n’est pas là pour enrichir ce texte, je ne peux pas comprendre votre attitude sur le cyberharcèlement, madame la ministre.
Quant aux Crous – je regrettais précédemment que l’on se paie de mots avec ce texte –, on peut multiplier les injonctions pour se donner bonne conscience, mais certaines réalités demeurent et on en est très loin lorsque l’on adresse une injonction supplémentaire de cette nature à ces organismes.
Toutefois, c’est surtout le premier point qui suscite mon incompréhension. Je suis profondément mal à l’aise vis-à-vis de l’attitude du Gouvernement et de la majorité présidentielle sur le sujet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’abonderai dans le sens de Max Brisson.
Madame la ministre, quelle valeur accordez-vous au statut de la fonction publique ?
M. Max Brisson. Exactement !
M. Pierre Ouzoulias. C’est essentiel, c’est un point sur lequel vous devez vous exprimer maintenant.
Si vous considérez que le statut de la fonction publique est obsolète et qu’il faut y ajouter des règles spécifiques, on change alors de régime.
M. Max Brisson. Parfaitement !
M. Pierre Ouzoulias. Dans la perspective de la campagne pour l’élection présidentielle, nous aurions besoin d’une explication politique forte sur votre volonté de changement de régime.
Quant à la question du Crous, je ne comprends pas l’attitude du Gouvernement. Nous avons exprimé, à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, le souhait d’étendre les compétences du Crous dans le domaine de la restauration scolaire, notamment via le ticket restaurant, et vous l’avez refusé. Or vous souhaitez maintenant lui donner d’autres missions, relatives à des personnes majeures, ce qui est un problème différent.
Nous avons besoin d’explications sur vos intentions, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je suivrai la position du rapporteur.
Je l’ai indiqué dans mon propos introductif, en discussion générale, le cyberharcèlement est un amplificateur des violences. On ne peut pas s’exempter de prendre acte, au travers de ce texte, de son existence et je remercie encore les rapporteurs d’avoir consacré une partie de leur travail à cette tâche.
Ensuite, en ce qui concerne les Crous, c’est bien de donner de nouvelles responsabilités à des organismes, mais avec quels moyens ? Comment les Crous pourront-ils agir contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement ? C’est impossible !
Nous venons d’entendre en audition l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et cette autorité n’est déjà pas en mesure de s’opposer à la divulgation de vidéos pornographiques auprès des mineurs.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
Mme Annick Billon. Alors, comment les Crous pourront-ils combattre le cyberharcèlement ? C’est une aberration !
Enfin, en ce qui concerne l’élargissement de la notion de harcèlement aux adultes, le Sénat a organisé hier soir, à la demande du président Gérard Larcher, l’Agora de l’éducation. Oui, on demande beaucoup à l’éducation nationale. Il existe déjà des règles, des lois en vigueur, qui permettent d’agir. Donc, n’alourdissons pas le texte, ne soyons pas trop bavards ; les textes existent, ils permettent de condamner ces situations. Limitons-nous-en à ce que proposent nos commissions et nous serons dans le vrai.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur pour avis. Absolument !
MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Je comprends parfaitement les arguments que vous avancez, selon lesquels des professeurs peuvent être la cible, notamment de parents, mais, vous l’aurez compris, ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi.
Par ailleurs, je le rappelle, les enseignants bénéficient déjà d’une protection fonctionnelle et l’État réagit immédiatement lorsque cela est nécessaire.
M. Pierre Ouzoulias. Plus ou moins…
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. En outre, le carré régalien mis en place par le ministère de l’éducation nationale permet à la fois de protéger le corps enseignant et de prévenir les violences faites au personnel. Une cellule de lutte a été mise en place au ministère, qui a vocation à accompagner les enseignants.
Je ne voudrais pas que l’on pense que l’État se décharge de sa responsabilité d’accompagner, de rassurer et de protéger le corps enseignant, mais, encore une fois, ce n’est pas l’objet de ce texte.
M. Max Brisson. Vous n’avez pas répondu sur le statut ! Les enseignants sont-ils encore des fonctionnaires ?
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Levi, Mme Belrhiti, MM. Laugier, Pellevat et Burgoa, Mme Bourrat, M. Kern, Mme Thomas, MM. Longeot, Menonville, Folliot et Bouchet, Mmes Drexler et Billon, M. Guerriau, Mmes Férat et Loisier, M. Bonneau, Mme L. Darcos, MM. Grand, Détraigne, Chasseing et Bonhomme, Mme Doineau, MM. Hingray, Charon, Houpert, Le Nay, Maurey, Wattebled, Belin et Poadja, Mme Perrot, MM. Cigolotti, Médevielle et Genet, Mmes Dindar, Saint-Pé, Dumont et Létard, M. Laménie, Mme Morin-Desailly et M. Moga, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant la durée de la procédure et afin de lui permettre de poursuivre sereinement sa scolarité ou ses études, la victime peut demander au rectorat de l’Académie dans laquelle elle est inscrite de pouvoir être placée d’office, à titre préventif et de manière temporaire, dans un autre établissement d’enseignement lui permettant de suivre une formation comparable. »
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Le présent amendement a pour objet de permettre à la personne harcelée, si elle le désire, de continuer sereinement sa scolarité ou ses études, en en faisant la demande à son rectorat de rattachement, le temps que se mette en place et aboutisse la procédure engagée à l’encontre de la ou des personnes à l’origine du harcèlement.
En effet, en pratique, on constate toujours une double peine pour la victime : non seulement elle est harcelée, mais, en outre, elle décroche scolairement, parce qu’elle a peur de retourner dans l’établissement et d’y recroiser, chaque jour, son ou ses harceleurs.
Il faut donc lui permettre, à titre préventif et de façon temporaire, de retrouver immédiatement un établissement d’enseignement dans lequel elle pourra continuer son année d’apprentissage sans risquer de perdre des mois ou une année scolaire, du fait par exemple de l’absence d’une option dans le nouvel établissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Cher Pierre-Antoine Levi, sur le fond, je suis d’accord avec vous, mais d’autres amendements, allant dans le même sens tout en étant plus précis que le vôtre, vont être examinés sous peu. Vous mentionnez notamment, dans votre amendement, la « procédure », terme qui assez vague.
La commission vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit d’amendements à venir dans notre discussion. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Levi, les modalités de traitement des situations de harcèlement permettent d’ores et déjà d’apporter une réponse rapide et concrète pour lutter contre le fléau du harcèlement. Je pense notamment à la prise en charge adaptée des victimes.
Si le changement d’établissement peut constituer une réponse, cette dernière s’apprécie en fonction de la situation de chaque élève. Les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen), en lien avec les maires pour les élèves du premier degré, disposent déjà de toute latitude pour procéder à une nouvelle affectation de l’élève, que celle-ci se fasse ou non dans le secteur dont relève l’enfant.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Levi, l’amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Antoine Levi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié est retiré.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Bansard, Mmes Belrhiti et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Chauvin, L. Darcos, Drexler, Dumont et Joseph, MM. Gremillet et Laménie, Mme Lassarade, MM. Le Gleut, Longuet et Mandelli, Mme M. Mercier et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Après l’article L. 401-2, il est inséré un article L. 401-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 401-2-… – Il appartient au directeur de l’école ou au chef d’établissement de faire respecter le règlement intérieur de l’établissement scolaire en distinguant les sanctions judiciaires et les sanctions scolaires. La réponse pénale ne peut se substituer à une réponse disciplinaire. »
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Souvent, un chef d’établissement n’inflige pas de sanction au motif que la situation de harcèlement est en cours de traitement par la justice.
Or, d’une part, même si un comportement n’est pas pénalement répréhensible, en raison du manque de preuves suffisantes par exemple, son auteur peut, et c’est souvent le cas, avoir enfreint le règlement intérieur de l’établissement scolaire ; d’autre part, le temps de la justice et le temps scolaire ne sont pas les mêmes, puisque plusieurs années peuvent s’écouler entre le harcèlement subi par l’élève et la réponse pénale. La victime mais aussi les témoins peuvent alors avoir l’impression que les cas de harcèlement ne sont pas punis dans l’établissement.
Ainsi, conformément aux recommandations du rapport d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, cet amendement vise à lutter contre le sentiment d’impunité, en distinguant sanction judiciaire et sanction scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Nous connaissons votre engagement dans la lutte contre le harcèlement scolaire, ma chère collègue – vous étiez d’ailleurs vice-présidente de la mission d’information déjà mentionnée –, mais la commission est défavorable à votre amendement.
Vous avez raison, il faut décorréler la sanction pénale de la sanction administrative et, parfois, le temps de la justice, vous l’avez fort bien dit, est un peu long, mais, dans l’immense majorité des cas, les chefs d’établissement font tout à fait correctement leur travail, d’une part, en sanctionnant, en corrigeant les comportements répréhensibles et, d’autre part, en protégeant les élèves victimes de harcèlement.
Peut-être faudrait-il insister sur ce point dans les directives ministérielles – du reste, c’est déjà le cas avec le programme pHARe et les formations axées sur cette problématique, qui vont être améliorées, pourront y insister –, mais cet amendement me semble jeter un voile mauvais ou le soupçon sur le rôle des directeurs, principaux ou proviseurs.
D’où l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Boulay-Espéronnier, la procédure disciplinaire est évidemment indépendante de la procédure pénale. En vertu de ce principe général, rappelé à plusieurs reprises par le Conseil d’État, une sanction disciplinaire peut intervenir quand bien même la juridiction répressive n’aurait pas encore statué.
Ainsi, lorsque le conseil de discipline estime qu’il n’existe pas de doute sur la matérialité des faits reprochés à l’élève, il peut, selon sa libre appréciation, décider d’engager une procédure disciplinaire et de prononcer une sanction sans attendre l’issue des poursuites pénales. En cas de contestation sérieuse sur la matérialité des faits ou sur leur imputation à l’élève en cause, l’action disciplinaire peut être suspendue jusqu’à ce que la juridiction pénale saisie se soit prononcée.
Par ailleurs, le chef d’établissement peut interdire à titre conservatoire l’accès de l’élève à l’établissement, en attendant la réunion du conseil de discipline.
Par conséquent, votre amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. J’interviens pour appuyer cet amendement.
Ce qui vient d’être opposé à notre collègue Boulay-Espéronnier, c’est la théorie. Moi, je vais vous parler de ce qui se passe réellement dans les établissements scolaires, en tant qu’élu local siégeant au conseil d’administration de huit lycées et ayant siégé au conseil d’administration de plusieurs collèges.
Dans la majorité des cas, lorsque de tels faits se produisent, il y a naturellement des suites, notamment la réunion du conseil de discipline, mais il arrive aussi que l’on impose à la victime une stratégie de la défausse : « Puisque vos parents ont porté plainte, attendons que la plainte aboutisse et que la justice se prononce. » C’est ainsi que la victime se retrouve isolée et que les agresseurs pensent bénéficier, et même bénéficient réellement, d’une forme d’impunité.
Par conséquent, parfois, des chefs d’établissement prétendent que, même si les protagonistes se sont rencontrés et côtoyés dans l’établissement scolaire et que la situation de harcèlement a débuté dans l’établissement, cette situation s’est développée à l’extérieur, notamment sur les réseaux sociaux. Ainsi, dès lors que la situation de harcèlement a dégénéré hors de l’établissement, même si c’est au sein de celui-ci que les différents protagonistes se rencontrent au quotidien, certains chefs d’établissement refusent de prendre leurs responsabilités. Pourquoi ? Par peur que leur établissement soit mal noté par certains magazines, qui publient chaque année la liste des meilleurs établissements de France en fonction des taux de réussite au baccalauréat, des taux d’incivilité ou encore du nombre de convocations du conseil de discipline. C’est la raison pour laquelle certains chefs d’établissement refusent de jouer leur rôle lorsqu’une situation de cette nature est portée à leur connaissance.
Je soutiens donc votre amendement, ma chère collègue, et je le voterai.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, MM. Bacci, Bansard et Belin, Mme Belrhiti, MM. Bonnus, Bouchet, J.M. Boyer et Burgoa, Mme Chauvin, M. Charon, Mmes de Cidrac, Demas et Dumont, M. Favreau, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genet, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, M. Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lassarade, M. Le Gleut, Mme Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier, Micouleau, Noël et Pluchet, MM. Regnard, Savin, Sol, Somon et Tabarot et Mmes F. Gerbaud et Raimond-Pavero, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par une section ainsi rédigée :
« Section…
« Art. L. 312-… – Une information liée à la sensibilisation contre le harcèlement est obligatoirement dispensée dans les écoles, collèges, lycées et tout autre établissement d’enseignement, y compris agricole, à raison de trois séances annuelles.
« Elle comporte une éducation à la prévention des violences et du harcèlement scolaires, que ces actes soient commis dans l’enceinte de l’établissement ou sur internet. »
La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. Pour lutter contre le harcèlement, il est impératif d’en parler, pour ouvrir la voie à la libération de la parole.
Cet amendement vise donc à mettre en place des mesures concrètes permettant que ce sujet soit régulièrement abordé au sein des établissements avec les élèves, à raison d’une fois par trimestre. Cela garantira que les élèves connaissent les réalités du harcèlement, ses manifestations et, surtout, les moyens concrets étant à leur disposition pour l’empêcher de prospérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer trois séances annuelles de présentation de la lutte contre le harcèlement.
La loi prévoira, grâce à l’alinéa 5 de l’article 1er du présent texte, une séance annuelle d’information, mais cela n’empêche bien évidemment pas, pendant l’année, notamment en cours d’éducation morale et civique ou lors de la journée européenne du harcèlement, qui a lieu au mois de novembre, d’évoquer de nouveau la question du harcèlement.
Toutefois, prévoir, dans des programmes déjà très chargés, trois séances obligatoires me semble beaucoup. Les enseignants sont libres d’ajouter, une fois ou deux fois au cours de l’année, quelques éléments relatifs à cette problématique s’ils la vivent au quotidien, mais imposer à tous les enseignants de France trois séances annuelles me semble excessif, je le répète.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Bourrat, la détermination à combattre le harcèlement a déclenché une véritable dynamique dans les établissements.
Ainsi, il y a 337 référents académiques et départementaux, qui sont les interlocuteurs clefs pour les élèves victimes de harcèlement ; les numéros d’appel 3020 et 3018 sont des lignes consacrées à l’écoute des victimes et au signalement de tels faits ; il existe des ressources sur le site « Non au harcèlement » du ministère de l’éducation nationale et deux temps forts, avec la journée nationale de mobilisation contre le harcèlement à l’école et le prix « Non au harcèlement » ont été mis en place.
Par ailleurs, depuis la dernière rentrée scolaire, le programme français anti-harcèlement pHARe est généralisé à l’ensemble du territoire national. Ce programme est piloté, à l’échelon académique, par 213 superviseurs, qui prennent en charge le traitement des situations au plus près des élèves, dans les écoles et les collèges. En outre, un volet pédagogique est destiné aux élèves, avec dix heures d’apprentissage au moyen de différents supports pédagogiques, sur l’empathie ou sur le cyberharcèlement. Un parcours pédagogique par cycles visant à développer les compétences psychosociales a également été mis en place.
Ce programme combine différentes actions selon une organisation annuelle précise, laquelle prévoit notamment la mise en place d’une équipe ressource et permet aux écoles et aux établissements de mettre en œuvre de manière effective leur plan de prévention et leur protocole de prise en charge, avec des acteurs formés et des outils adaptés à ces phénomènes – vous l’avez tous dit – extrêmement complexes.
Ainsi, cet amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait et, à défaut, émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je partage évidemment l’intention de notre collègue Toine Bourrat, mais nous votons ici la loi. Or, aujourd’hui, en vertu de la loi, il est censé y avoir dans chaque établissement trois séances obligatoires par an et par niveau d’éducation à la sexualité – c’est inscrit dans la loi depuis des années –, pourtant ce n’est absolument pas respecté. Donc, attention à l’application de la loi.
Ensuite, en matière de formation des enseignants, il faut savoir que l’on se trouve confronté, avec le harcèlement scolaire, à un phénomène d’ampleur ; il convient donc de former les enseignants, sans trop alourdir leur tâche, qui est déjà énorme, ne serait-ce que pour les aider à faire des repérages simples.
Enfin, on arrivera à combattre le harcèlement scolaire à partir du moment où la médecine scolaire sera réellement présente dans tous les établissements, de sorte que ceux-ci seront en mesure d’identifier, de repérer et d’accompagner, pour lutter contre ce phénomène.
Votre intention est probablement louable, ma chère collègue, mais attention aux bonnes intentions qui ne sont jamais appliquées ou qui sont déjà traduites dans les textes.
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je comprends, et même je partage, les bonnes intentions de Toine Bourrat et d’Alexandra Borchio Fontimp ; ce n’est donc pas sur le fond que, de mon point de vue, cet amendement pose une difficulté.
Dans une école ou dans un établissement scolaire, il y a la vie scolaire, la direction de l’établissement et la santé scolaire, dont on a déjà mentionné l’état. Qu’il faille sensibiliser, former, multiplier les actions de prévention pour lutter contre le harcèlement et pour protéger les enfants, nous en sommes tous d’accord. Sans doute, il y a des efforts à faire, mais il faut entendre ce que vient de nous dire Mme la ministre.
Ensuite, au-delà de cela, il y a le temps de la classe. Or le meilleur moyen d’intégrer dans le temps de la classe de tels sujets, c’est de les aborder dans le cadre des programmes des différentes disciplines. Ne nous payons pas de mots !
En outre, toute action qui vient perturber le temps de la discipline a des conséquences sur l’apprentissage de celles-ci. Une école, un collège, un lycée, c’est encore et avant tout un professeur qui enseigne le contenu d’un programme dans une salle de classe.
S’il y a un sujet qui doit être pris en compte dans le champ disciplinaire – c’est le cas de celui-ci –, il faut le faire, mais, pour le reste, Annick Billon l’a bien dit, on est dans l’injonction. On écrit des circulaires qui, autrefois, partaient dans des classeurs et qui, maintenant, restent sur le bureau numérique du chef d’établissement, mais qui ne se traduisent pas dans la réalité.
Essayons de comprendre ce qu’est la vie d’un établissement et, quand on est confronté à une réelle problématique, introduisons-la dans la réalité de cet établissement : une classe, un professeur qui enseigne, des disciplines et des programmes.
Ne chargeons pas à l’excès le pauvre code de l’éducation, dont l’obésité commence à devenir préoccupante…
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Nous sommes tous convaincus de la nécessité de prévenir les faits de harcèlement. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
Ces derniers temps, il y a eu une réelle prise de conscience sur cette question. Malheureusement, ce sont souvent des événements dramatiques qui ont amené l’opinion à se mobiliser sur le sujet, mais nous avons maintenant tous conscience qu’il faut agir contre le phénomène de société qu’est le harcèlement scolaire.
Comment ? Nous y travaillons et nos collègues de l’Assemblée nationale également, de sorte que nous examinons ce matin cette proposition de loi, dans l’étude de laquelle la commission des lois et celle de la culture se sont vraiment investies.
Je reprendrai ce qui vient d’être dit par Annick Billon et Max Brisson : on ne peut pas tout inscrire dans la loi et ce ne sont pas trois réunions obligatoires par an qui changeront la nature des choses. Beaucoup d’établissements scolaires – j’en ai visité de nombreux – sont déjà investis sur cette question. C’est véritablement par la prise de conscience de toute la communauté éducative que les choses avanceront.
Par conséquent, inutile d’en rajouter, surtout si c’est pour que la loi ne soit pas appliquée…
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié quater, présenté par Mmes Bourrat et Borchio Fontimp, MM. D. Laurent, Cambon, Perrin, Rietmann, Bouchet, Folliot et Hingray, Mme Berthet, MM. Laugier, Burgoa, Bascher, Joyandet et Détraigne, Mmes L. Darcos et Demas, M. Bouloux, Mmes Garnier et Ventalon, MM. Cardoux, Chauvet et Charon, Mme Drexler, M. Grand, Mmes Belrhiti, de La Provôté et Létard et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 511-5 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement intérieur rappelle également le droit à une scolarité sans cyberharcèlement et les sanctions encourues en cas de cyberharcèlement et de harcèlement scolaire. »
La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. Cet amendement vise à rappeler aux élèves et à leurs représentants légaux, par le biais du règlement intérieur, dont ils doivent avoir connaissance et qu’ils signent en début d’année scolaire, les sanctions encourues en matière de cyberharcèlement, afin de formaliser leur responsabilité.
Je profite de la présentation de cet amendement pour expliquer à Mme la ministre qu’il ne s’agit là que d’une première étape. En effet, le domaine réglementaire étant le mieux à même de concrétiser cet objectif, je vous propose de considérer cet amendement comme une balise, qui fera à la fois office de guide et d’alerte pour la création, par décret, d’un document traitant exclusivement des droits et devoirs de chacun en matière de harcèlement et de cyberharcèlement, et qui serait rendu opposable par la signature des parents et des élèves.
Cela me semble indispensable pour créer un véritable choc de responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Notre ami Max Brisson souhaite que le code de l’éducation ne devienne pas obèse et il a bien raison. Néanmoins, cet amendement, qui tend à compléter ce code, me semble particulièrement pertinent. Toine Bourrat indiquait précédemment que le règlement intérieur tenait lieu de « code civil » à l’établissement scolaire. Il est évident que le rôle des parents est clef pour lutter contre le harcèlement et surtout contre le cyberharcèlement.
Responsabiliser les parents, c’est crucial et cette mesure y contribuera. J’y suis très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Bourrat, les sanctions qui sont prononcées dans le cadre scolaire ont pour objet de punir les manquements graves ou répétés d’un élève à ses obligations, notamment les atteintes aux personnes, qu’elles soient physiques ou verbales, et aux biens, qu’il s’agisse de dégradations ou de destructions. Ces sanctions ont un objectif de réparation et d’éducation.
Au collège et au lycée, elles peuvent prendre la forme d’une exclusion temporaire ou définitive de l’enfant et les motifs de sanction figurent d’ailleurs dans le règlement intérieur de l’établissement, lequel est porté à la connaissance des parents. Ce document est présenté lors du conseil d’école ou, quand il s’agit d’un collège ou d’un lycée, du conseil d’administration ainsi qu’à l’ensemble des parents d’élèves, qui doivent en prendre connaissance et le signer au début de chaque année scolaire. Or les motifs de sanction listés dans le règlement intérieur, notamment ceux qui concernent les actes de violence physique ou verbale, permettent également de traiter les actes de harcèlement ou de cyberharcèlement.
D’autre part, le programme pHARe, dont nous avons déjà parlé, mis en place dans les établissements scolaires permet de fournir une information aux parents d’élèves sur les usages que font leurs enfants du numérique, notamment des réseaux sociaux.
Votre amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Notre collègue Sabine Van Heghe l’a souligné en discussion générale, nous avons beaucoup insisté, dans le cadre de la mission d’information sénatoriale sur le harcèlement, sur cette question et l’amendement de Toine Bourrat me paraît bienvenu.
Nous indiquions qu’il fallait inscrire, chaque année, une telle mention dans le règlement intérieur ou encore qu’il fallait indiquer, bien en vue sur les tableaux d’affichage, les numéros de téléphone ; bref, nous proposions des choses pragmatiques pouvant être mises en place tout de suite.
La mesure proposée par les signataires de cet amendement en est une autre et contribuera à faire prendre conscience de ce sujet. Ainsi les parents seront-ils informés, parce que l’information des parents est très importante, à propos tant du harcèlement en général que du cyberharcèlement. Ils doivent pouvoir intervenir et éduquer leurs enfants – s’ils le sont eux-mêmes… – à l’utilisation du téléphone portable et du numérique en général.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 1er bis
La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 421-8 du code de l’éducation est complétée par les mots : « ainsi qu’en matière de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement ». – (Adopté.)
Article 2
Le chapitre II du titre IV du livre IV du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 442-2 est complété par les mots : « , notamment contre toute forme de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement » ;
2° À l’article L. 442-20, après la référence : « L. 111-3 », est insérée la référence : « , L. 111-6 ». – (Adopté.)
Après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par Mme Cazebonne, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 452-3-1 du code de l’éducation, le mot : « fait » est remplacé par les mots : « et la lutte contre le harcèlement font ».
La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Cet amendement tend à une légère modification dans la forme, mais bien plus importante sur le fond, de l’article L. 452-3-1 du code de l’éducation : afin de lutter encore plus fermement contre ce fléau, je vous propose de faire de la lutte active contre le harcèlement scolaire l’un des critères d’homologation des établissements d’enseignement français à l’étranger. Pour rappel, nous comptons aujourd’hui 553 établissements membres de ce réseau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement à la fois original et important : le réseau d’enseignement français à l’étranger est aujourd’hui très développé.
Je suis favorable à cet amendement sur le fond, mais je m’interroge sur la manière concrète dont pourra être évalué le dispositif.
Je souhaiterais donc connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Cazebonne, l’homologation des établissements d’enseignement français à l’étranger est la procédure par laquelle le ministère en charge de l’éducation atteste et reconnaît que des établissements scolaires situés à l’étranger peuvent dispenser un enseignement conforme aux principes, aux programmes et à l’organisation pédagogique du système éducatif français.
L’attribution de l’homologation s’effectue en accord avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les principes et les critères sont appliqués au regard de la législation locale et des accords signés dans les pays d’accueil.
L’ajout de ce critère a vocation à s’accompagner d’actions de formation à destination des personnels du réseau de l’enseignement français à l’étranger, qui pourront notamment être proposées par l’opérateur public, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), en lien avec les formations proposées par le système éducatif français.
Cet élément fera ainsi partie des observables par les corps d’inspection dans le cadre de la procédure d’homologation et de suivi, diligentée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et son opérateur, l’AEFE.
L’application de ce critère devra tenir compte de la réglementation locale et des accords intergouvernementaux signés par les États d’accueil, la réglementation française ne pouvant s’appliquer directement à l’étranger.
L’ajout explicite du critère de la lutte contre le harcèlement scolaire permet d’inscrire les établissements d’enseignement français à l’étranger dans la continuité des principes qui prévalent dans le système éducatif français et d’en incarner les valeurs.
C’est la raison pour laquelle, madame la sénatrice, monsieur le rapporteur, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 3
Le titre IV du livre V du code de l’éducation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« La prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement
« Art. L. 543-1. – Les médecins, l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs, notamment les personnes titulaires d’un contrat d’engagement éducatif, et les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale, reçoivent une formation initiale et continue sur la prévention et la lutte contre le harcèlement scolaire et universitaire ainsi que le cyberharcèlement, sa détection et la prise en charge des victimes, des témoins et des auteurs de ces faits.
« Cette formation inclut notamment une information sur les compétences réciproques de chacun des acteurs.
« Elle est dispensée dans des conditions fixées par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 35, présenté par Mme Havet, MM. Bargeton et Buis, Mmes Cazebonne et Schillinger et MM. Lévrier, Marchand, Haye et Iacovelli, est ainsi libellé :
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les forces de l’ordre, les personnels de l’éducation nationale et les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs reçoivent, dans le cadre de leur formation initiale, une formation à la prévention des faits de harcèlement au sens de l’article 222-33-2-3 du code pénal ainsi qu’à l’identification et à la prise en charge des victimes et des auteurs de ces faits. Une formation continue relative à la prévention, à la détection et à la prise en charge du harcèlement scolaire et universitaire est proposée à l’ensemble de ces personnes ainsi qu’à toutes celles intervenant à titre professionnel dans les établissements d’enseignement.
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La prise en charge des victimes et des auteurs de harcèlement scolaire
III. – Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 543-1. – Le projet d’école ou d’établissement mentionné à l’article L. 401-1 fixe les lignes directrices et les procédures destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits constitutifs de harcèlement au sens de l’article 222-33-2-3 du code pénal.
« Pour l’élaboration des lignes directrices et des procédures mentionnées au premier alinéa du présent article, les représentants de la communauté éducative associent les personnels médicaux, les infirmiers, les assistants de service social et les psychologues de l’éducation nationale intervenant au sein de l’école ou de l’établissement. »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à renforcer la formation de l’ensemble des personnels intervenant au sein des établissements en créant un chapitre spécifique consacré à la prise en compte des victimes et des auteurs de harcèlement scolaire.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après le mot :
paramédicaux,
insérer les mots :
les accompagnants des élèves en situation de handicap,
2° Après le mot :
enseignants,
insérer les mots :
les personnels de vie scolaire, les personnels de direction des établissements scolaires,
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Lors de la discussion générale, j’ai souligné combien les apports du Sénat me semblaient intéressants. La nouvelle rédaction de l’article 3 permet ainsi d’améliorer la formation initiale et la formation continue des différents acteurs de la communauté éducative.
Toutefois, certains professionnels ont été oubliés de la liste de la commission. Je pense tout d’abord aux AESH, qui demandent à être mieux reconnus. Les élèves handicapés étant, plus encore que d’autres, de potentielles victimes de harcèlement, leurs accompagnants doivent être spécifiquement formés à ces questions.
Je pense aussi aux personnels de vie scolaire, qui ont un rôle tout à fait particulier dans les établissements. Ils entretiennent un lien différent avec les élèves de celui que peuvent avoir les enseignants, ce qui suppose également une formation spécifique.
Je pense enfin aux personnels de direction, en écho au débat que nous avions à l’instant entre sanction judiciaire et disciplinaire. Il faut, là encore, étoffer la formation des différents acteurs de la communauté éducative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. L’amendement de Mme Havet vise à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, ce qui revient, par exemple, à supprimer la mention des témoins.
J’y suis totalement défavorable : les témoins doivent impérativement être pris en considération pour lutter contre le harcèlement et le cyberharcèlement.
De même, l’adoption de cet amendement reviendrait à minorer, voire à faire disparaître, la notion de cyberharcèlement. Là aussi, j’y suis totalement défavorable.
En revanche, Mme Brulin vient réparer un oubli de ma part en proposant d’élargir opportunément le champ de l’article 3 aux AESH : je l’en remercie et émets un avis favorable sur son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Havet, la rédaction de l’article 3 issue des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait une offre de formation relative à la prévention, à l’identification et à la prise en charge du harcèlement scolaire.
Cette formation abordera toutes les formes que peut prendre le harcèlement scolaire, y compris le cyberharcèlement, ce qui permettra de construire une culture commune et une réponse globale pour lutter efficacement contre toute forme de harcèlement.
Par conséquent, j’émets un avis favorable sur votre amendement.
Madame Brulin, l’article 3, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, se fonde sur l’idée d’une formation continue, proposée à l’échelle de la structure éducative, aussi bien dans les écoles que dans les regroupements d’écoles ou dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Ainsi, elle prend déjà en compte les AESH qui y sont affectés.
Je vous demande donc, madame Brulin, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de Mme Havet.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié quater est présenté par MM. Brisson et Retailleau, Mme Canayer, M. Pointereau, Mmes L. Darcos, Berthet et Malet, M. Mandelli, Mmes Chauvin et Demas, MM. Belin et Sol, Mmes Estrosi Sassone, M. Mercier et Imbert, MM. D. Laurent et Meignen, Mmes Puissat, Garnier, Procaccia et Dumont, M. Mouiller, Mme Lopez, MM. Bouchet et Courtial, Mme Gruny, MM. Pellevat, Cardoux, Panunzi, Cadec, Burgoa, Bascher et Anglars, Mme Lavarde, M. Grosperrin, Mme Lassarade, MM. Piednoir et Gremillet, Mme Drexler, MM. Charon et C. Vial, Mmes Thomas, Muller-Bronn, Bourrat, Deseyne, Micouleau et Pluchet, M. Saury, Mme Belrhiti, MM. Rapin, Tabarot et Le Rudulier, Mme Raimond-Pavero, M. Somon, Mme Borchio Fontimp et MM. Karoutchi, Savin, Bansard et Sido.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme Préville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 543-…. – Lorsqu’il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant peuvent se voir accorder une dérogation concernant les obligations découlant de la carte scolaire afin d’inscrire l’enfant dans une école située sur une autre commune ou dans un établissement situé dans un autre secteur ou district. »
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié quater.
M. Max Brisson. Cet amendement vise à permettre aux parents d’un enfant harcelé de le changer d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, sans tenir compte des limites de la carte scolaire.
Lorsqu’un enfant est bien intégré dans un établissement scolaire, qu’il y a des amis et de bons camarades, le changement d’école peut être vécu comme un drame et ne pas paraître aller dans l’intérêt de l’enfant.
Toutefois, c’est bien cette dernière notion que nous devons garder à l’esprit lorsqu’il s’agit de harcèlement scolaire. L’intérêt de l’enfant doit primer lorsqu’il subit les brimades de certains de ses camarades au point d’être désocialisé et de ne plus vouloir aller en cours, c’est-à-dire de mettre son avenir en péril.
Un parent a toujours la possibilité d’inscrire son enfant dans un établissement privé, quand bien même ce dernier ne serait pas situé dans son secteur. Et c’est une terrible inégalité par rapport aux familles qui n’ont pas les mêmes moyens. C’est la raison pour laquelle nous devons leur permettre de changer leur enfant d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, et ce sans tenir compte des problématiques de carte scolaire.
La rédaction de cet amendement s’appuie sur une disposition de l’article 49 de la loi confortant le respect des principes de la République qui permet à une famille de retirer son enfant d’un établissement scolaire pour lui dispenser l’instruction en famille sans attendre en cas de harcèlement à l’école. Il s’agit donc de mettre en place un mécanisme équivalent pour le changement d’établissement.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 13.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à permettre aux parents d’un enfant harcelé de le changer d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, sans tenir compte des limites de la carte scolaire.
C’est bien la notion d’intérêt de l’enfant qui doit nous guider en cas de harcèlement scolaire.
Un parent a toujours la possibilité d’inscrire son enfant dans un établissement privé, quand bien même ce dernier ne serait pas situé dans son secteur, et c’est une terrible inégalité par rapport aux familles qui n’ont pas les mêmes moyens. C’est la raison pour laquelle nous devons leur permettre de changer leur enfant d’établissement en cours d’année ou à la rentrée, et ce sans tenir compte des problématiques de carte scolaire.
En matière de harcèlement, le maître mot doit être « l’urgence » : l’urgence à agir, car la rapidité est primordiale. Faire cesser le harcèlement est un impératif. C’est d’abord l’arrêt immédiat des souffrances, mais c’est surtout le gage de conséquences moindres à long terme en réduisant ce qu’on pourrait appeler « l’empreinte morale » du harcèlement.
La réalité du harcèlement, c’est un traumatisme à vie. La possibilité de changer d’établissement est donc une nécessité. Tant d’exemples montrent que les difficultés rencontrées pour changer un enfant d’établissement ont eu des conséquences délétères !
L’école doit rester ce monde préservé et bienveillant dans ce moment si particulier et précieux où l’enfant s’ouvre au monde pour apprendre.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 543-…. – Lorsque, suite à un diagnostic établi par un des professionnels mentionnés à l’article L. 3221-1 du code de la santé publique, il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant se voient proposer une inscription auprès de l’établissement mentionné à l’article R. 426-1 du présent code et peuvent se voir accorder une dérogation concernant les obligations découlant de la carte scolaire afin d’inscrire l’enfant dans une école située sur une autre commune ou dans un établissement situé dans un autre secteur ou district. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à développer et à systématiser les solutions d’urgence pour les victimes de harcèlement.
Selon une note d’information du ministère de 2015, un collégien sur cinq doit changer d’établissement par obligation ou par choix des parents. Si les causes sont multiples, le climat scolaire et l’insécurité ressentie par les élèves sont souvent invoqués.
Il est aujourd’hui possible de changer d’établissement en cas de harcèlement. Mais encore faut-il que les parents connaissent l’existence de ce dispositif. Nous ne pouvons que regretter que cette démarche ne puisse être entreprise que sur leur seule initiative.
Nous proposons d’ajouter la mention de la formation à distance par le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Ce mode de scolarisation n’est pas le plus connu, mais il peut permettre d’éviter la phobie scolaire.
En outre, il nous semble essentiel d’ajouter au dispositif un diagnostic psychologique, et ce pour deux raisons : tout d’abord, parce que les enfants en ont certainement besoin ; ensuite, pour éviter tout effet d’aubaine dans le contournement de la carte scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à l’amendement de M. Max Brisson, cosigné par une cinquantaine de ses collègues, et à l’amendement identique de Mme Préville.
Retirer un enfant d’un établissement scolaire, c’est toujours une défaite de l’école. Si ce n’est jamais souhaitable, il y a parfois urgence à agir, comme l’a rappelé Mme Préville. Il faut alors pouvoir déroger à la logique de carte scolaire.
L’amendement de Mme Gréaume est quelque peu différent en ce qu’il vise à adosser cette dérogation à un avis médical. Or les seuls professionnels mentionnés à l’article L. 3221-1 du code de la santé publique sont ceux de la santé mentale et de la psychiatrie, alors que les problématiques de harcèlement scolaire ont souvent des conséquences physiques.
C’est la raison pour laquelle, madame Gréaume, je vous demanderai de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Les modalités de traitement des situations de harcèlement permettent déjà d’apporter une réponse rapide et concrète pour lutter contre ce fléau, notamment celles relatives à une prise en charge adaptée des victimes.
Si le changement d’établissement peut constituer une réponse, il doit s’apprécier en fonction de la situation de chaque élève. Les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, en lien avec les mairies pour ce qui concerne les élèves du premier degré, disposent d’ores et déjà de toute latitude pour procéder à une nouvelle affectation de l’élève soit dans le secteur dont relève l’enfant, soit dans un autre. Les amendements identiques de M. Brisson et de Mme Préville sont donc déjà satisfaits.
Par ailleurs, comme vient de le souligner M. le rapporteur, les psychologues de l’éducation nationale peuvent être saisis, à la demande de l’établissement et avec l’accord des parents, pour accompagner cette nouvelle inscription. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 23 de Mme Gréaume.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour explication de vote.
Mme Sabine Van Heghe. Nous sommes d’accord pour faciliter le changement d’établissement de l’enfant sans tenir compte des limites de la carte scolaire en cas d’urgence, mais opposés à la possibilité d’instruire en famille, qui revêt, selon nous, un caractère inégalitaire.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Bien évidemment, nous souhaitons permettre aux enfants victimes de harcèlement scolaire de changer d’établissement.
Nous souhaitons également, pour ce même motif, leur permettre de suivre une instruction en famille ou à distance via le CNED. Cette question ne souffre pas débat, même si cela implique de déroger à la carte scolaire.
J’entends que notre amendement est incomplet en ce qu’il ne vise qu’un diagnostic psy. Sans doute faudrait-il élargir le champ du diagnostic et nous appuyer sur la parole de l’enfant, dont nous pensons qu’elle doit toujours être entendue. Toutefois, nous nous méfions, faute de garde-fou, de la possibilité qu’auront certaines familles de déroger à la carte scolaire sous couvert – et je le dis avec le plus grand respect à l’égard des victimes – de harcèlement.
Nous maintenons notre amendement, tout en reconnaissant le caractère incomplet du dispositif, pour marquer notre attachement au respect de la carte scolaire.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Je soutiendrai ces amendements.
En tant que maman, je regrette seulement que ce soit souvent à l’enfant harcelé de changer d’école. Devoir quitter les amis qu’il a pu se faire dans cet établissement peut être vécu comme une punition. Si c’était à l’enfant harceleur de quitter l’école, ce serait déjà un progrès.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié quater et 13.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 23 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Après l’article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 rectifié quater est présenté par MM. Brisson et Retailleau, Mme Canayer, M. Pointereau, Mmes L. Darcos, Berthet et Malet, M. Mandelli, Mmes Chauvin et Demas, MM. Belin et Sol, Mmes Estrosi Sassone, M. Mercier et Imbert, MM. D. Laurent et Meignen, Mmes Puissat, Garnier, Procaccia et Dumont, M. Mouiller, Mme Lopez, MM. Bouchet et Courtial, Mme Gruny, MM. Pellevat, Cardoux, Panunzi, Cadec, Burgoa, Bascher et Anglars, Mme Lavarde, M. Grosperrin, Mme Lassarade, MM. Piednoir et Gremillet, Mme Drexler, MM. Charon et C. Vial, Mmes Thomas, Muller-Bronn, Bourrat, Deseyne, Micouleau et Pluchet, M. Saury, Mme Belrhiti, MM. Rapin, Tabarot et Le Rudulier, Mme Raimond-Pavero, M. Somon, Mme Borchio Fontimp et MM. Savin, Karoutchi, Bansard et Sido.
L’amendement n° 42 rectifié bis est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Joseph et MM. Laménie, Le Gleut et Longuet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de l’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, est complété par les mots : « ou de choix d’instruction ».
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié quater.
M. Max Brisson. Il est actuellement possible de changer de mode d’instruction en cours d’année, conformément aux dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation. Toutefois, dans sa version issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine, les termes « de choix d’instruction » ont été retirés dudit article, ce qui revient à supprimer cette possibilité.
Or il n’existe aucune raison d’interdire un changement en cours d’année, si le nouveau mode d’instruction convient mieux à l’enfant, que ce soit pour passer d’un établissement public à un autre établissement, public ou privé, ou vers l’instruction en famille.
Il est dangereux de contraindre un enfant à rester dans un environnement qui ne lui convient pas, voire qui peut être nocif pour lui.
Les parents doivent pouvoir opter, en cours d’année, pour l’instruction en famille si cette possibilité leur permet de mettre à l’abri leur enfant en danger.
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié bis.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Cet amendement a été très bien défendu par mon collègue Max Brisson.
Encore une fois, il ne s’agit pas de dire que l’enfant harcelé doit systématiquement quitter l’établissement, mais de mettre la détresse au cœur de nos débats et de favoriser tout ce qui peut permettre d’extraire l’enfant d’une situation dangereuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Comme je l’ai dit voilà quelques instants, retirer un enfant d’un établissement est toujours une défaite de l’école et ce n’est jamais souhaitable.
Toutefois, il est des cas où la scolarisation n’est plus possible. Dès lors, j’émets un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Pour rebondir sur les propos de Céline Brulin, je pense comme elle qu’il ne faut pas instrumentaliser la lutte contre le harcèlement scolaire à d’autres fins.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Brisson, madame la sénatrice Boulay-Espéronnier, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République prévoit une procédure exceptionnelle afin de permettre aux personnes responsables d’un enfant inscrit dans un établissement scolaire de solliciter, à tout moment, l’autorisation d’instruction dans la famille lorsqu’il est établi que son intégrité morale ou physique est menacée.
Ainsi, les Dasen ont d’ores et déjà toute latitude pour modifier l’affectation d’un élève qui serait victime de harcèlement.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié quater et 42 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 4 rectifié quater est présenté par MM. Brisson et Retailleau, Mme Canayer, M. Pointereau, Mmes L. Darcos, Berthet et Malet, M. Mandelli, Mmes Chauvin et Demas, MM. Belin et Sol, Mmes Estrosi Sassone, M. Mercier et Imbert, MM. D. Laurent et Meignen, Mmes Puissat, Procaccia et Dumont, M. Mouiller, Mme Lopez, MM. Bouchet et Courtial, Mme Gruny, MM. Pellevat, Cardoux, Panunzi, Cadec, Burgoa, Bascher et Anglars, Mme Lavarde, M. Grosperrin, Mme Lassarade, MM. Piednoir et Gremillet, Mme Drexler, MM. Charon et C. Vial, Mmes Ventalon, Thomas, Muller-Bronn, Bourrat, Deseyne, Micouleau et Pluchet, M. Saury, Mme Belrhiti, MM. Rapin, Tabarot et Le Rudulier, Mme Raimond-Pavero, M. Somon, Mme Borchio Fontimp et MM. Karoutchi, Savin, Sido et Bansard.
L’amendement n° 14 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 43 rectifié bis est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Joseph et MM. Laménie, Le Gleut et Longuet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au cinquième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de l’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, les mots : « ou son handicap » sont remplacés par les mots : « , son handicap ou la menace de son intégrité physique ou morale au sein de son établissement scolaire ».
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié quater.
M. Max Brisson. Cet amendement s’inscrit dans la continuité du précédent.
Dans le cas où son intégrité physique ou morale est menacée au sein de son établissement scolaire, un enfant doit pouvoir être retiré de son école sans considérations relatives à la capacité des parents ou à la validation d’un projet pédagogique.
De la même manière que sont pris en compte l’état de santé ou le handicap, les parents doivent pouvoir bénéficier, le cas échéant, du service public gratuit d’enseignement à distance afin d’offrir à ces enfants un égal accès à l’instruction.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme Angèle Préville. Dans le cas où son intégrité physique ou morale est menacée au sein de son établissement scolaire, un enfant doit pouvoir être retiré de son école sans considérations relatives à la capacité des parents ou à la validation d’un projet pédagogique.
De la même manière que sont pris en compte l’état de santé ou le handicap, les parents doivent pouvoir bénéficier, le cas échéant, du service public gratuit d’enseignement à distance afin d’offrir à ces enfants un égal accès à l’instruction.
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié bis.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Je suppose que Mme la ministre soulignera que le code de l’éducation permet déjà de retirer de l’école un enfant harcelé sans attendre l’analyse du dossier.
Néanmoins, les parents demeurent soumis à la nécessité de présenter un projet pédagogique et de démontrer leur capacité.
C’est la raison pour laquelle je suis favorable à ces amendements. Ils visent à aligner les contraintes applicables aux enfants victimes de harcèlement scolaire dans leur établissement sur celles applicables aux enfants en situation de handicap ou ne pouvant se rendre à l’école pour cause d’itinérance ou d’éloignement géographique comme en zone de montagne, par exemple.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous supposez très bien, monsieur le rapporteur… (Sourires.)
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Je lis dans vos pensées ! (Mêmes mouvements.)
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. En effet, l’article L. 131-5 du code de l’éducation prévoit, dans sa version issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qu’une autorisation d’instruction dans la famille peut être délivrée pour différents motifs dont l’état de santé de l’enfant ou son handicap.
L’atteinte à l’intégrité physique ou morale d’un enfant peut donc justifier une telle autorisation.
Ces amendements étant satisfaits, je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié quater, 14 et 43 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Chantrel.
L’amendement n° 41 rectifié est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier, Belrhiti et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Chauvin, L. Darcos, Drexler, Dumont et Joseph, MM. Laménie, Longuet et Mandelli, Mme M. Mercier et M. Pellevat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du quatorzième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de l’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, les mots : « Lorsque, après concertation avec le directeur de l’établissement d’enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant, il » sont remplacés par les mots : « Lorsqu’il ».
La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Yan Chantrel. Pour certains enfants victimes de harcèlement scolaire dont l’intégrité physique ou morale est menacée, il peut arriver, pour de nombreuses raisons, que la seule solution alternative, temporaire ou pérenne, soit l’instruction dans la famille.
L’article 49 de la loi confortant le respect des principes de la République, qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine, a instauré une nouvelle disposition dans le code de l’éducation selon laquelle cette déscolarisation d’urgence devait se faire après concertation avec le directeur de l’établissement.
Nous n’avons rien contre une telle concertation, bien au contraire. Toutefois, les décrets d’application qui vont bientôt paraître évoquent une « autorisation expresse » du directeur d’établissement.
Or, comme l’a fort justement souligné M. le rapporteur, une déscolarisation est toujours vécue – à juste titre – comme un échec de l’école. Demander à un directeur de reconnaître que le harcèlement scolaire est présent dans son établissement revient à le placer dans une situation très compliquée – il n’est pas médecin et n’est pas compétent pour apprécier objectivement si la situation relève du harcèlement.
Pour avoir recueilli plusieurs témoignages, je crains que de nombreux directeurs ne refusent d’assumer cette charge : ainsi, pour « ne pas faire de vagues », ils préféreront ne pas reconnaître l’existence de cas de harcèlement scolaire dans leur établissement.
Cet amendement vise donc à ne pas exercer cette pression supplémentaire sur les épaules des directeurs d’établissement en cas de déscolarisation.
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Il s’agit de permettre aux familles de bénéficier d’une déscolarisation d’urgence sur justificatif. C’est une simplification importante.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié quater, présenté par MM. Brisson et Retailleau, Mme Canayer, M. Pointereau, Mmes L. Darcos, Berthet et Malet, M. Mandelli, Mmes Chauvin et Demas, MM. Belin et Sol, Mmes Estrosi Sassone, M. Mercier et Imbert, MM. D. Laurent et Meignen, Mmes Puissat, Garnier, Procaccia et Dumont, M. Mouiller, Mme Lopez, MM. Bouchet et Courtial, Mme Gruny, MM. Pellevat, Cardoux, Panunzi, Cadec, Burgoa, Bascher et Anglars, Mme Lavarde, M. Grosperrin, Mme Lassarade, MM. Piednoir et Gremillet, Mme Drexler, MM. Charon et C. Vial, Mmes Ventalon, Thomas, Muller-Bronn, Bourrat, Deseyne, Micouleau et Pluchet, M. Saury, Mme Belrhiti, MM. Rapin, Tabarot et Le Rudulier, Mme Raimond-Pavero, M. Somon, Mme Borchio Fontimp et MM. Savin, Karoutchi, Sido et Bansard, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatorzième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de l’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, est ainsi modifié :
1° Après les mots : « dans lequel est inscrit un enfant », sont insérés les mots : « et prise en compte de la parole de ce dernier » ;
2° Après les mots : « de cet enfant est menacée, », sont insérés les mots : « ou à la suite d’un dépôt de plainte pour harcèlement, ».
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Le présent amendement vise à élargir les conditions d’une déscolarisation d’urgence en cas harcèlement scolaire.
D’après le rapport d’Erwan Balanant sur le harcèlement scolaire, les directeurs d’établissement ont tendance à minimiser les situations de harcèlement. S’il est important de mieux former les directeurs d’établissement à la détection du harcèlement, il est aussi nécessaire de permettre à l’enfant en souffrance d’avoir une solution alternative à la scolarisation dans le cas où son intégrité est menacée.
De plus, la convention internationale des droits de l’enfant, signée par la France en 1989, dispose en son article 12 que l’« on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant […] ».
L’exercice de ce droit reste aujourd’hui loin d’être effectif, alors que l’article 371-1 du code civil portant sur l’autorité parentale prévoit : « Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »
Aussi, cet amendement tend à élargir les critères pouvant mener à une déscolarisation d’urgence en ajoutant le dépôt de plainte pour faits de harcèlement et en introduisant la prise en considération de la parole de l’enfant pour la reconnaissance d’un cas de harcèlement scolaire.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatorzième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de l’article de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, après les mots : « dans lequel est inscrit un enfant, » sont insérés les mots : « et prise en compte de la parole de ce dernier ».
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Comme vient de l’exposer Max Brisson, la convention internationale des droits de l’enfant, signée par la France en 1989, dispose en son article 12 que l’« on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant […] ».
De même, le Défenseur des droits, dans son rapport du 19 novembre 2020 intitulé Prendre en compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un devoir pour l’adulte, rappelait que l’exercice de ce droit était aujourd’hui loin d’être effectif. Nous en faisons aussi le constat et voulons pour cette raison introduire la disposition proposée dans l’amendement.
J’y insiste à mon tour, l’article 371-1 du code civil portant sur l’autorité parentale prévoit : « Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »
La parole du directeur ne suffit pas nécessairement à reconnaître un harcèlement scolaire ; celle de l’enfant doit aussi être prise en compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 1 et 41 rectifié, il me semble que le dialogue est toujours préférable ; vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur Chantrel.
Il ne faut pas déresponsabiliser les chefs d’établissement. Vous avez utilisé l’expression : « faire peser une charge sur eux ». Or c’est leur métier, ils sont là pour assumer ! Pour ma part, je fais confiance à leur professionnalisme, car, dans leur immense majorité, ils font très bien leur travail.
Pour cette raison, l’avis est défavorable.
Les deux autres amendements de la discussion commune sont assez proches.
J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 2 rectifié quater, car il est important de prendre en compte la parole de l’enfant. Mme Préville souhaite la même chose, mais l’amendement de M. Brisson et de sa cinquantaine de cosignataires contient une précision supplémentaire qu’il faut souligner : il s’appuie sur une plainte. En effet, il n’est jamais anodin de porter plainte. Si les parents ont porté plainte, et que l’enfant s’est bien sûr exprimé, l’acte est encore plus fort.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 15 au profit de l’amendement n° 2 rectifié quater.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Sur les amendements identiques nos 1 et 41 rectifié, permettez-moi de citer précisément les termes de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa version modifiée par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : « Lorsque, après concertation avec le directeur de l’établissement d’enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant, il est établi que l’intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l’enfant peuvent lui donner l’instruction dans la famille après avoir sollicité l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans le délai restant à courir avant que cette autorisation ne leur soit accordée ou refusée. »
Les échanges avec l’institution scolaire, dans une telle situation, sont indispensables et la concertation avec le directeur de l’établissement scolaire tout à fait nécessaire, puisqu’il s’agit de retirer de l’école un enfant qui est soumis à l’obligation scolaire, étant entendu que la scolarisation en établissement reste une priorité et qu’absolument tout doit être fait pour permettre à l’enfant d’en bénéficier.
Les décrets sur l’instruction dans la famille, évoqués par M. Chantrel, qui font actuellement l’objet d’un examen par le Conseil d’État et seront probablement prêts d’ici au mois de mai prochain, prévoient évidemment un dialogue entre les parents et le directeur de l’établissement.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié quater présenté par M. Brisson vise à modifier le quatorzième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021, qui traite des situations dans lesquelles l’intégrité physique ou morale d’un enfant est menacée, en permettant aux parents de demander l’instruction dans la famille.
La concertation avec le directeur de l’établissement d’enseignement public ou privé est prévue par l’article L. 131-5 et permet de prendre en compte la parole de l’enfant.
Par ailleurs, le recueil et le traitement de la parole sont prévus dans le cadre du programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l’école, élaboré au niveau national par une équipe ressource formée, chargée de recueillir la parole des victimes, des témoins ainsi que des agresseurs.
Enfin, comme cela a été dit précédemment, il est déjà donné toute latitude aux Dasen pour modifier l’affectation d’un élève lorsqu’il est victime de harcèlement.
Par conséquent, l’amendement n° 2 rectifié quater ainsi que l’amendement n° 15 faisant l’objet d’une discussion commune sont déjà satisfaits. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 41 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3, et l’amendement n° 15 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 28, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 542-2 du code de l’éducation est complété par les mots : « ou victimes de harcèlement scolaire ».
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise en quelque sorte à compléter les objectifs assignés aux visites médicales obligatoires à l’école, dont le but est aujourd’hui de détecter les cas de maltraitance. Nous proposons d’y ajouter qu’une attention doit être portée aux cas de harcèlement scolaire.
Nous évoquions précédemment les possibles atteintes à l’intégrité physique de certains enfants victimes de harcèlement. Justement, ces personnels de santé sont, par définition, particulièrement compétents pour déceler ces atteintes, de même que des signaux que l’on pourrait qualifier de « plus faibles », et donc pour agir en matière de détection.
Il nous semble que cette proposition pourrait utilement compléter les dispositifs existants. Évidemment, et c’est un autre enjeu – je devance là des amendements et prises de parole ultérieurs –, cela nécessite de prévoir des effectifs pour la santé scolaire, en particulier des postes de médecins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Nous allons, mon cher Max Brisson, rendre encore plus obèse le code de l’éducation… (Sourires.)
Je suis totalement favorable à cette proposition pertinente de Céline Brulin. Que la détection du harcèlement scolaire fasse en partie l’objet des visites médicales scolaires est une bonne chose.
Cet amendement me donne l’occasion d’évoquer, faisant suite aux interventions de Thomas Dossus, Annick Billon, Anne Ventalon et Céline Brulin lors de la discussion générale, la problématique des moyens de la médecine scolaire – on pourrait aussi parler de la présence des psychiatres à l’école –, car c’est un véritable problème. Ce n’est certes pas l’objet de la présente proposition de loi, mais si l’on veut être efficace, il faudra évidemment donner davantage de moyens.
Encore une fois, l’avis est très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Brulin, les dispositions de l’article L. 542-2 du code de l’éducation concernent la prévention et la détection de l’enfance maltraitée.
À ce titre, les situations de maltraitance qui peuvent être vécues par un enfant, qu’elles soient intrafamiliales ou scolaires, sont évidemment prises en compte par la médecine scolaire et font l’objet d’une attention toute particulière. Il n’est donc pas souhaitable de dresser une liste des situations de maltraitance, au risque d’en omettre quelques-unes.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 26, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la couverture des frais de consultation et de soin engagés par les victimes et les auteurs de faits de harcèlement mentionnés au 6° de l’article 222-33-2-3 du code pénal auprès de psychologues et de psychiatres. Le rapport évalue les conditions d’une amélioration des remboursements assurés par les régimes d’assurance maladie au titre de ces prestations.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement prévoit la rédaction d’un rapport sur la prise en charge par la sécurité sociale des frais de consultation et de soins engagés pour le suivi d’enfants victimes de harcèlement.
On sait en effet qu’il s’agit d’une manière de soigner, de « réparer », si tant est que ce soit possible, ces enfants victimes. Par ailleurs, un élément assez positif est intervenu ces derniers temps avec la création du « chèque psy ». Il y a donc matière à se demander comment sont utilisés ces outils et s’il n’est pas possible de les développer.
Dans toutes nos interventions, nous avons salué les mesures contenues dans ce texte, mais il est nécessaire d’aller plus loin, afin que ce texte n’ait pas pour seul objet – pardonnez-moi de le dire un peu maladroitement – de nous donner bonne conscience.
Il faut vraiment que l’on se dote d’outils pertinents et performants. Dans cette optique, un rapport nous permettrait d’envisager sur quels développements travailler afin de venir en aide aux enfants victimes de harcèlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Il est vrai qu’il n’est pas dans la tradition du Sénat d’accepter les demandes de rapport, mais, en l’occurrence, le contexte est très particulier. L’année dernière a été créée une prise en charge psychologique, le chèque psy, dans le cadre du confinement. Quel bilan en tirer ? Il y a de nombreuses questions à se poser. Ce rapport pourrait donc être très utile.
Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous avez raison de dire, madame la sénatrice Brulin, que le harcèlement à l’école affecte de manière plus ou moins grave la santé psychique des enfants. Ces atteintes peuvent nécessiter l’orientation soit vers une prise en charge psychologique, soit vers une prise en charge psychiatrique, en fonction des besoins.
Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie des 27 et 28 septembre derniers, que vous avez évoquées précédemment, ont été l’occasion d’annonces très fortes en ce sens.
Tout d’abord, il existe de nombreuses structures spécialisées qui proposent un accueil et/ou une prise en charge des victimes de harcèlement. Des établissements publics, tels que les maisons des adolescents (MDA) ou les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles, offrent un accompagnement psychologique et psychiatrique lorsque cela est nécessaire.
Notre objectif est d’atteindre le ratio d’une MDA par département en 2022. Quant aux effectifs des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles, ils seront renforcés de 400 équivalents temps plein (ETP) d’ici à 2024.
En outre, une prise en charge est désormais possible par les psychologues en ville.
Enfin, l’une des mesures phares des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie annoncées par le Président de la République est la prise en charge pour l’ensemble de la population, dès l’âge de 3 ans, de séances chez le psychologue en ville. Cette mesure doit permettre d’améliorer l’accès aux soins en santé mentale et s’adresse évidemment aux enfants et aux adolescents qui seraient victimes de harcèlement.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 27, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant un état des lieux du nombre de médecins, d’infirmières et de psychologues scolaires et leur répartition au sein des établissements scolaires. Il établit notamment des recommandations concernant le nombre de personnels à recruter afin d’avoir un taux d’encadrement satisfaisant, permettant aux médecins et infirmières scolaires de mieux prendre en charge le suivi des enfants victimes de harcèlement.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. J’ai bien conscience que demander deux fois un rapport, au moyen de deux amendements successifs, représente un très gros effort pour le Sénat, et j’en suis désolée. (Sourires.)
Mais, pour être tout à fait transparente, je ne pouvais pas rater cette occasion de dire – et nous sommes un certain nombre à plaider en ce sens – que, si nous voulons vraiment être opérants face au harcèlement, il faut des moyens pour la médecine scolaire, dont les effectifs se dégradent de manière très alarmante.
On le ressent particulièrement dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons. Ainsi, il aurait été de bon sens et dans l’intérêt général de tester les enfants à l’école. Or de telles mesures ne peuvent pas être appliquées parce que notre service de santé scolaire est indigent.
On ne peut ni identifier des fléaux d’une nature nouvelle, tels que le harcèlement scolaire dont nous débattons aujourd’hui et qui prend un tour nouveau avec le cyberharcèlement, ni expliquer, comme vous l’avez fait, madame la ministre, que la santé psychique est un véritable enjeu pour les jeunes, notamment les enfants – surtout dans le contexte actuel –, sans prendre deux minutes pour plaider en faveur de véritables moyens.
La question n’est pas simple, puisque notre pays manque globalement de médecins ; c’est donc aussi le cas, a fortiori, pour la médecine scolaire. Pour autant, il convient d’engager un très grand effort de formation. Il existe une appétence chez les jeunes pour les études en soins infirmiers et de médecine. Je crois donc que c’est le moment d’engager cet effort.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Comme Céline Brulin s’y attendait, j’émettrai un avis défavorable.
Tout d’abord, les rapports n’entrent pas, en effet, dans la tradition du Sénat. Ensuite, nous n’avons pas besoin d’un rapport pour savoir que les moyens de la médecine scolaire sont insuffisants.
Le plaidoyer de notre collègue était brillant, mais je pense qu’un tel rapport serait inutile. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. C’est comme ça, au Sénat ! (Sourires.)
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous me donnez l’occasion, par cet amendement, madame la sénatrice Brulin, de rappeler combien le rôle des médecins, des psychologues et des infirmiers scolaires est essentiel dans la politique de lutte contre le harcèlement scolaire, et combien l’accompagnement dont ils font bénéficier les élèves est important. Je tiens ici, devant vous, à les en remercier.
Toutefois, et vous ne serez pas surprise, ce sujet a fait l’objet depuis 2006 d’une vingtaine de rapports qui ont émané d’organismes de contrôle tels que les inspections générales, la Cour des comptes ou d’autres assemblées d’experts. Nous pensons qu’un rapport supplémentaire ne serait pas très utile.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je ne suis pas non plus favorable aux demandes de rapport, auxquelles je préfère des actions.
Je souhaite profiter de cette occasion pour proposer que l’on recentre le vocabulaire. En effet, mieux vaut parler de « santé scolaire » plutôt que de « médecine scolaire », la scolarité n’étant pas une maladie.
Par ailleurs, la santé, cela regroupe le bien-être physique, psychique et social des individus. On sait quel est l’état de la démographie médicale : il faudra des années pour combler les retards liés à l’application du numerus clausus. On connaît aussi les besoins en termes d’effectifs d’infirmiers et d’infirmières, dans les services et à domicile…
Il est bien plus facile, en revanche, de trouver des psychologues, dont on sait, notamment grâce au rapport de la mission sénatoriale d’information sur le harcèlement scolaire et sur le cyberharcèlement, combien leur recrutement est important pour la santé scolaire. Il faut, par ailleurs, moins de temps pour les former et l’on peut engager à cet égard un rattrapage beaucoup plus important. Il serait donc possible d’affecter ces professionnels de santé, à temps complet ou à temps partiel, à la santé scolaire.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Il est vrai que l’on n’a pas forcément besoin d’un rapport de plus, d’autant que l’on connaît les chiffres ; je les ai d’ailleurs cités lors de la discussion générale.
L’un de ces chiffres est criant, celui de la baisse de 15 % du nombre des médecins scolaires en cinq ans, ce qui correspond de façon flagrante à la durée du présent quinquennat. Nous regrettons, particulièrement à cet instant, l’absence du ministre Blanquer au banc du Gouvernement : nous aurions pu débattre de ce sujet – je rappelle que nous n’avions pas pu examiner le budget de l’éducation nationale ; nous aurions pu en parler aujourd’hui…
La question du harcèlement scolaire doit permettre d’ouvrir un grand débat sur la santé mentale des adolescents, laquelle doit être prise en charge et mieux suivie. Je soutiens donc cet amendement qui constitue une alerte quant au dépérissement de la médecine scolaire.
On a voulu, ces dernières années, garder nos écoles ouvertes ; tant mieux. Pour autant, on ne leur a pas donné les armes pour faire face à cette ouverture, notamment sur le plan de la santé scolaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, MM. Stanzione et Bourgi, Mmes Lubin et Préville, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 411-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une fois par an, le directeur communique au conseil d’école les modalités de coopération mises en œuvre entre l’école et les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes, en présence des représentants de ces associations. » ;
2° Après le 5° de l’article L. 421-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Il associe chaque année les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes, afin d’établir un programme de coopération. »
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement tend à prévoir que les conseils d’école et les conseils d’administration des établissements puissent bénéficier, au moins une fois par an, d’une information dispensée par les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire et par le chef d’établissement sur la coopération existant entre ces associations et l’établissement, et qu’un débat ait lieu.
L’Assemblée nationale avait prévu un dispositif permettant de renforcer les liens entre les établissements d’enseignement scolaire et ces associations de lutte contre le harcèlement scolaire et de soutien aux victimes. Mais la rédaction adoptée et la place du dispositif dans le code de l’éducation n’étaient pas idéales.
Nous préférons donc lui substituer un dispositif donnant aux organes exécutifs des établissements les moyens de débattre de la politique mise en œuvre et d’envisager, avec le soutien des associations compétentes, la façon de mieux lutter et de mieux prendre en charge le fléau que constituent le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
Ces associations sont très actives et demandeuses de davantage de liens avec les écoles et les établissements scolaires. Il serait positif qu’un plan d’action pour la prévention et pour la lutte contre le harcèlement, ainsi que pour la prise en charge de ses victimes, de ses auteurs et de ses témoins, puisse être débattu et arrêté annuellement par les conseils exécutifs des établissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. L’avis sera défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, vous avez évoqué, ma chère collègue, les conseils d’école. Or je rappelle que, dans le secondaire, ce sont les conseils d’administration qui seront concernés : il ne s’agit pas de l’instance la plus appropriée pour évoquer la problématique du harcèlement scolaire. Il serait plus judicieux de confier cette mission au comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE). Il me semble donc qu’il ne faut pas charger encore davantage les conseils d’administration.
Ensuite, vous souhaitez conférer un caractère obligatoire au partenariat avec les associations. Celles-ci – je pense à Marion la main tendue, ou à HUGO ! – font un travail formidable. Beaucoup d’établissements scolaires se saisissent du savoir-faire et de l’expérience de ces acteurs associatifs, qu’ils font venir pour susciter une prise de conscience, notamment au moyen d’ateliers tout à fait formidables.
Toutefois, il convient de ne pas obliger tous les établissements de France à agir de la sorte. La liberté d’action du chef d’établissement et des enseignants me semble être l’une des bases de notre système éducatif, et il faut la préserver.
Voilà pourquoi l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Pour répondre à M. Dossus, il est vrai que je vous ai dit lors de mon propos introductif que Jean-Michel Blanquer était retenu à Strasbourg ce matin. Mais, puisque le présent débat va vraisemblablement se poursuivre cet après-midi, il devrait alors être parmi vous, dans cet hémicycle.
Madame la sénatrice Van Heghe, l’expertise et l’appui des associations spécialisées dans la lutte contre le harcèlement sont régulièrement sollicités par les établissements. Ces associations interviennent auprès des élèves et des personnels pour des actions de sensibilisation.
Nous n’avons pas besoin de la loi pour permettre aux établissements scolaires de s’appuyer sur les associations dans la lutte contre le harcèlement scolaire.
Par ailleurs, un comité national d’experts a été créé en mai 2018. Ce comité multicatégoriel, spécialisé dans les questions de harcèlement, s’associe à des partenaires associatifs, des inspections générales, des experts universitaires, des professionnels de terrain, des membres du ministère, des influenceurs, des médecins et des spécialistes des médias.
Il a pour rôle d’appuyer le ministère dans sa politique nationale de prévention, en faisant du partage d’expertise et en étant un relais de l’éducation nationale sur le terrain. Ainsi, des actions ont été menées en cohérence avec le plan d’action du ministère de l’éducation nationale, des contributions écrites ont été produites, et des interventions dans les séminaires et dans les classes ont eu lieu. Il est également dans ses compétences de favoriser le travail partenarial avec les associations.
Conformément à l’avis émis par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je partage, bien entendu, les intentions des auteurs de cet amendement présenté par notre collègue Sabine Van Heghe, qui a beaucoup travaillé sur la problématique du harcèlement scolaire.
Je tiens à lui dire, néanmoins, que je suis moi aussi très attachée à la liberté d’organisation et d’administration au sein des établissements. Je ne pense donc pas qu’il soit nécessaire d’inscrire cette disposition dans la loi.
Par ailleurs, rendre obligatoire ce recours aux associations, lesquelles ont rencontré de nombreuses difficultés durant ces deux années de pandémie, supposerait que les associations et les bénévoles soient en nombre suffisant pour assurer des interventions dans tous les établissements.
Je suivrai donc l’avis du rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour explication de vote.
Mme Sabine Van Heghe. Non seulement je ne retirerai pas mon amendement, mais je reviendrai sur deux points développés par notre rapporteur à l’appui de son avis défavorable.
Il nous semble, au contraire, extrêmement important de rendre obligatoire, pour tous les établissements, une telle coopération avec les associations chargées de la lutte contre le harcèlement scolaire, et de prévoir un débat annuel au niveau des conseils d’école et des conseils d’administration.
Le phénomène du harcèlement produit trop de dégâts, souvent irrémédiables, pour qu’un établissement quel qu’il soit puisse se dispenser de cette séance annuelle. Aucune école, aucun collège, aucun lycée, n’est malheureusement à l’abri de la survenue de faits de harcèlement en son sein.
Le rapporteur nous indique, par ailleurs, qu’il relève de la compétence du CESCE, plutôt que de celle des conseils d’administration, de traiter de cette question. Encore faudrait-il que ces instances soient réunies, et ce de façon régulière, ce qui est loin d’être le cas dans de nombreux établissements.
Pour ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 3 bis demeure supprimé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidature à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature en remplacement d’un membre démissionnaire pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Gouvernance de l’AEFE et création des instituts régionaux de formation
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation, présentée par Mme Samantha Cazebonne et plusieurs de ses collègues (proposition n° 234, texte de la commission n° 316, rapport n° 315).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi.
Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je souhaite vous remercier, tous, pour votre engagement et votre soutien. Ce n’est pas seulement en tant que sénatrice que je vous adresse mes remerciements, mais aussi en tant qu’ancienne proviseure de lycées français au Maroc et en Espagne.
Si nous avons parfois, dans cet hémicycle, des points de divergence qui font la richesse d’un débat parlementaire passionné, il est une citation de Nelson Mandela sur laquelle nous pouvons, je crois, nous retrouver unanimement : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ».
La France, depuis des décennies, a fait de l’enseignement français à l’étranger un outil d’influence et de rayonnement.
Nous, Français de l’étranger, sommes particulièrement fiers que, dans 138 pays, la France puisse transmettre ses valeurs, son histoire, son savoir-faire éducatif et pédagogique et faire vivre la francophonie.
Si notre réseau d’enseignement scolaire à l’étranger défend la place de la France dans le monde, il sait également s’enrichir du multiculturalisme, du plurilinguisme, de l’effort pour l’inclusion, du respect de la différence et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. On y forge des esprits critiques, on y défend des convictions humanistes et des savoirs qui confèrent à nos élèves une richesse intellectuelle recherchée dans les plus grandes écoles et universités du monde.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. C’est vrai.
Mme Samantha Cazebonne. Il suscite l’intérêt bien au-delà des familles françaises : sur tous les continents, des familles recherchent et rejoignent notre réseau scolaire français et ses 552 établissements homologués dans le monde. Les parents d’élèves sont de plus en plus nombreux à vouloir rejoindre notre réseau, à vouloir une école française dans leur pays.
Face à cette attente, nous devons répondre présents. Nous devons augmenter notre offre scolaire française afin de nous positionner comme une alternative crédible aux modèles anglo-saxon, chinois, turc, qui se développent de manière exponentielle.
C’est une belle et noble ambition que de vouloir que toujours plus d’enfants français et étrangers aient accès, à travers le monde, à un enseignement francophone, plurilingue et ouvert sur les cultures des pays d’accueil. Parce qu’il a fait de cette ambition la sienne, le Président de la République s’est engagé, dans son discours sur la francophonie du 20 mars 2018, à doubler les effectifs de ce réseau.
Ce réseau est une chance pour la France et pour son influence. Vous seriez d’ailleurs surpris du nombre de personnalités du monde de la culture, des arts, des sciences, de l’entreprise ou de la politique qui ont reçu une éducation au sein de nos écoles françaises à l’étranger. Leurs anciens élèves sont des milliers, de toutes nationalités, établis partout dans le monde. Grâce à cette éducation, et à leur attachement à la France, ils créent des relations économiques, artistiques, diplomatiques, politiques avec la France et leur pays d’origine.
Monsieur le ministre, je vous sais totalement convaincu par cette ambition du Président de la République, vous qui la portez au quotidien, sur le terrain, depuis déjà cinq ans. Si vous me le permettez, j’ajouterai qu’en tant qu’ancien élève de ce réseau, vous le connaissez mieux que quiconque.
Mme Samantha Cazebonne. Nous devons donc nous fixer des objectifs ambitieux afin de gagner en compétitivité et en puissance. C’est pour cela que la présente proposition de loi se met au service de ce réseau et de son développement.
Tous les gouvernements en place ont assumé, ces quinze dernières années, de mener une politique qui permettait aux établissements ayant le statut de partenaires de se développer. Dire que ce gouvernement tendrait à privatiser ce réseau n’est pas seulement lui faire un faux procès : ce serait mentir, ou grandement méconnaître ses intentions.
Les rapports d’anciens sénateurs représentant les Français établis hors de France, comme André Ferrand, qui a beaucoup œuvré pour ce réseau, ou Claudine Lepage, ceux de la Cour des comptes, de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche nationale ou de l’inspection générale des affaires étrangères, celui, enfin, des sénateurs Rémi Féraud et Vincent Delahaye en 2018 l’attestent : depuis près de quinze ans, ce sont ces établissements partenaires, homologués par l’éducation nationale et encadrés par le ministère des affaires étrangères, qui ont fait croître les effectifs des élèves et des personnels titulaires de l’éducation nationale en détachement comme des enseignants en contrat local.
Le but, à l’époque, n’a jamais été de soutenir le développement pour répondre à la demande croissante des familles. Il s’agissant de maintenir l’existant, tout en augmentant de 60 % les frais de scolarité pour les familles entre 2008 et 2016 – ce sont les chiffres de la Cour des comptes. Le rapport de Mme Lepage et de M. Cordery, en 2014, soulignait d’ailleurs que les frais de scolarité n’avaient jamais autant augmenté.
Le Gouvernement actuel a procédé lui aussi à une hausse, mais cette fois de la subvention publique, puisque celle-ci a augmenté de 150 millions d’euros, ce qui est inédit. Cette hausse a fait passer de 500 à 650 millions d’euros l’aide accordée aux élèves, aux familles, aux personnels, tous statuts confondus, et aux établissements. Cela a permis d’éviter les départs d’enfants scolarisés depuis des années dans nos établissements, des licenciements et des fermetures.
Oui, soyons fiers que, pour la première fois, sous cette majorité, l’ensemble – et je dis bien l’ensemble – des familles qui en ont fait la demande et, donc, des élèves de ce réseau aient pu être aidés : les familles françaises ont été soutenues avec plus de 50 millions d’euros supplémentaires, tout comme les familles étrangères, aidées elles aussi à hauteur de 50 millions d’euros.
Au-delà du soutien financier accordé dans le cadre du développement souhaité par le Président de la République, il nous faut désormais prendre à bras-le-corps la dimension qualitative de ce réseau : développer, oui, mais développer bien, avec des compétences professionnelles certifiées, grâce à des formations qualifiantes ou diplômantes.
Après ces quelques points de contexte, j’en viens à la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui. Celle-ci vise à faire évoluer la gouvernance et les missions de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et à prévoir une base juridique pour la création des instituts régionaux de formation (IRF).
L’article 1er prévoit la participation au conseil d’administration de l’AEFE, en qualité d’experts, d’un représentant des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger et d’un représentant des associations « français langue maternelle » (FLAM).
L’Union-ALFM, qui est l’association des anciens élèves des lycées français du monde, compte 148 associations locales. Son représentant, siégeant en qualité d’expert, pourra apporter son éclairage, donner son avis et faire des propositions pour le réseau. Il me semblait indispensable que l’expérience de tels représentants, riche d’enseignements à travers le monde, puisse être partagée de manière régulière.
La fédération FLAM a également vocation à faire son entrée au conseil d’administration de l’AEFE, tutelle de ces associations, que l’Agence a d’ailleurs soutenues par une subvention d’un montant inédit de 1 million d’euros cette année, contre 250 000 euros ces dernières années.
Aux côtés des alliances françaises et des instituts français, les associations FLAM sont les fleurons de l’enseignement français et des valeurs françaises : elles doivent trouver un nouveau canal d’expression pour faire entendre leurs attentes, leurs besoins et partager leur savoir-faire exceptionnel, qui réunit aujourd’hui près de 14 000 élèves au sein de 173 associations implantées dans 39 pays.
L’article 2 vise à modifier la proportion des représentants de chaque catégorie, afin de rehausser la représentation des parents d’élèves, et prévoit expressément une représentation des parents gestionnaires.
Alors que notre réseau ne serait rien sans ces acteurs, il en est qui, aujourd’hui, ne sont pas reconnus à la hauteur de leur engagement. Il me paraissait indispensable que, par ce texte, nous remettions un peu d’équité dans la représentation des acteurs essentiels, sans ôter de légitimité à ceux sans qui le réseau ne pourrait fonctionner, c’est-à-dire les enseignants et leurs représentations syndicales.
Je proposerai d’ailleurs un sous-amendement tendant à renforcer les droits et pouvoirs d’expression des parents d’élèves les plus représentatifs.
Les articles 3 et 4 étendent les compétences de l’AEFE et modifient le code de l’éducation pour prévoir la gestion des IRF par l’opérateur public. Les 16 IRF qu’il s’agit de créer existent déjà : nous n’avons plus qu’à leur permettre de prendre enfin leur élan pour faire en sorte que, dans un proche avenir, des formations initiales et continues identiques à celles dispensées en France puissent y être proposées.
Les enseignants, qui sont nombreux chaque année à rejoindre ce réseau, sont des acteurs essentiels, tout comme leurs collègues que sont les personnels d’encadrement, d’éducation et administratifs. Je tiens à les saluer et à les remercier de leur travail, particulièrement en cette période de crise sanitaire.
Parce que les familles, de plus en plus exigeantes, comparent les modèles d’éducation afin de choisir le meilleur pour leur enfant, il nous faut permettre à nos enseignants de gagner en compétences et en expérience tout en se formant aux méthodes innovantes.
L’AEFE aura pour mission de faire vivre et prospérer ces IRF. Elle devra coordonner sa propre ingénierie de formation avec celles proposées par d’autres opérateurs, comme la Mission laïque française, l’Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture ou des établissements conventionnés, comme à Mexico, ou partenaires, comme à Tunis.
Ces instituts devront, à terme, je l’espère et je le souhaite, permettre aux personnels de l’éducation nationale, qu’ils soient titulaires ou stagiaires, de valider leurs acquis d’expérience, de réaliser leurs stages de titularisation et de faire reconnaître des qualifications sans avoir à rentrer en France, ce qui jusqu’alors leur faisait courir le risque de perdre leur poste à l’étranger. En la matière, les attentes sont fortes, et les enjeux, majeurs.
Chers collègues, l’enseignement français à l’étranger attend, les familles attendent, les personnels attendent, mais, surtout et avant tout, les élèves nous attendent.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Samantha Cazebonne. Donnons à ce réseau toutes les chances de continuer à compter parmi les meilleurs au monde et à se développer, pour permettre à davantage d’élèves d’en bénéficier et à la France de rayonner en déployant la plus belle de ses diplomaties d’influence, notre éducation française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Pas du tout, et je demande à chacun de bien vouloir respecter son temps de parole.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont notre collègue Samantha Cazebonne a présenté les objectifs, procède aux ajustements nécessaires pour permettre à l’AEFE d’accompagner la croissance de son réseau, dans l’objectif de doubler les effectifs à l’horizon 2030.
Le réseau de l’enseignement français à l’étranger est le fleuron de notre diplomatie culturelle et d’influence. Il permet, d’abord, aux enfants français expatriés de disposer d’une éducation de qualité à l’étranger et de conserver un lien fort avec la France. C’est aussi un réseau mondialement reconnu comme dispensant un enseignement d’excellence, un réseau dont le pouvoir de rayonnement est sans équivalent, qui fait la fierté de notre pays.
Il démontre en effet, sur les cinq continents et dans les 138 pays où il est implanté, que nous sommes encore une nation dont la langue et la culture sont omniprésentes dans le monde. Les anciens élèves, dont le nombre est évalué à 600 000, comptent dans leurs rangs de nombreuses personnalités françaises et étrangères. Ce sont autant d’ambassadeurs, à vie, de la langue, de la culture et des valeurs de la France.
En trente ans, les effectifs du réseau ont plus que doublé, passant de 165 000 élèves en 1990 à 375 000 aujourd’hui. L’ambition du Président de la République est de doubler à nouveau les effectifs, c’est-à-dire d’accueillir 700 000 élèves d’ici à 2030.
On ne peut qu’approuver cet objectif ambitieux, qui contribue à ce que le soft power trouve une traduction française : pouvoir d’influence, ou pouvoir de convaincre, il est aujourd’hui au cœur de la compétition, voire de la confrontation, entre puissances.
L’éducation est aussi un combat – très concurrentiel – pour les valeurs. C’est évident dans l’enseignement supérieur, mais c’est aussi le cas au niveau des collèges et des lycées.
On connaît la force des réseaux anglo-saxons, et l’activisme de la Chine. La multipolarisation du monde démultiplie le nombre d’acteurs en compétition, dans un champ qui doit être considéré comme une composante à part entière de notre diplomatie.
Au-delà des effets d’annonce, toutefois, quels sont les moyens réellement mis en œuvre pour consolider et développer le réseau de l’enseignement français à l’étranger ? L’État investit, au total, 520 millions d’euros de crédits budgétaires annuels dans cet enseignement.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées dénonce régulièrement, dans ses travaux, les limites de la stratégie adoptée, en l’absence de croissance suffisante des moyens budgétaires. Nous nous étonnons également de la stagnation, et de la non-consommation, de l’enveloppe des aides à la scolarité, dans un contexte d’augmentation des effectifs.
Par ailleurs, entre 2016 et 2021, le nombre d’enseignants a baissé de 21 % pour les personnels expatriés et de 7 % pour les personnels sous le statut de résidents. Le ministère de l’éducation nationale promet 1 000 détachements supplémentaires avant 2030, mais ce nombre, même s’il est atteint, sera loin d’être suffisant pour accompagner la croissance du réseau.
Un verrou important subsiste : l’interdiction faite à l’AEFE d’emprunter à moyen et long terme. Cette interdiction n’a pas toujours existé. À sa création, en 1990, l’AEFE était autorisée à emprunter, ce qu’elle a pu faire jusqu’en 2011. Étant classée comme organisme divers d’administration centrale (ODAC), elle a été ensuite été privée de cette capacité, au nom de la lutte contre l’endettement public.
Or le développement du réseau ne doit pas se limiter à la croissance des établissements partenaires. Il importe aussi de développer les établissements en gestion directe (EGD), qui sont le cœur du dispositif et ont besoin de réaliser des opérations immobilières.
Par ailleurs, pour les établissements conventionnés et partenaires, le nouveau dispositif de garantie de l’État est moins favorable que celui qui préexistait au travers de l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger (Anefe). Tout cela est en contradiction avec les ambitions de développement du réseau.
Dans ce domaine, le Parlement est, hélas, empêché d’agir par l’article 40 de la Constitution. Mais nos débats permettront peut-être d’obtenir des éclaircissements, monsieur le ministre, car des avancées sont nécessaires.
L’Agence ne peut recourir qu’aux avances de l’Agence France Trésor, et encore à titre exceptionnel, dans l’attente de la mise en place d’un nouveau mécanisme de financement.
Un groupe de travail est chargé de réfléchir à ce nouveau mécanisme qui pourrait, nous dit-on, être fondé sur une mutualisation entre établissements.
Mais comment imaginer puiser dans les réserves d’un établissement, issues des écolages, pour financer des travaux dans un autre établissement ? Les familles, qui financent 64 % du fonctionnement des EGD auraient du mal à le comprendre.
L’interdiction du recours à l’emprunt est d’ailleurs d’autant plus contestable qu’elle intervient dans le contexte d’un financement majoritaire par les familles, l’AEFE n’étant pas, comme les autres ODAC, financée principalement par l’État.
Dans ce contexte, les avancées figurant dans la proposition de loi de notre collègue Samantha Cazebonne sont bienvenues.
Il s’agit, tout d’abord, d’élargir la gouvernance de l’Agence, en y associant davantage les parents d’élèves. Cette évolution est légitime. Je viens d’évoquer le rôle prépondérant des familles dans le financement des EGD, mais dans l’ensemble du réseau, ce sont 81 % des coûts de fonctionnement qui sont financés par les familles.
La proposition de loi prévoit que deux représentants supplémentaires de parents d’élèves siègent au conseil d’administration. Pour respecter les grands équilibres fixés par la loi, le nombre de représentants de l’État augmenterait également, ce qui porterait le nombre d’administrateurs de l’AEFE de 28 à 31. Ce n’est pas un bouleversement, mais un ajustement bienvenu.
Je vous proposerai simplement un amendement visant à encadrer la notion de « représentativité » des fédérations de parents d’élèves.
La proposition de loi étend par ailleurs la participation au conseil d’administration à des membres sans voix délibérative : un représentant des associations d’anciens élèves, un représentant des associations FLAM et, sur proposition de la commission, un représentant de l’Anefe.
La proposition de loi complète, enfin, les missions de l’AEFE, en ouvrant de nouveaux dispositifs de formation. Elle prévoit la création des IRF, qui seront gérés directement par l’AEFE.
Le développement du réseau homologué nécessite en effet de disposer de personnels qualifiés, qui soient garants de la qualité de l’offre d’enseignement. Or la plupart des personnels recrutés localement ne sont pas des personnels titulaires de l’éducation nationale.
L’enjeu est majeur, puisqu’il s’agit de préserver la qualité qui fait la réputation de l’enseignement français à l’étranger, dans le contexte d’un développement accéléré du réseau.
Les IRF pourront proposer non seulement de la formation continue, mais aussi des cursus diplômants, à un public élargi.
Pour clarifier ce champ d’action, la commission a adopté un amendement tendant à leur donner prioritairement pour mission de former les personnels et futurs personnels. Elle a également souhaité que ces formations soient un outil de promotion de la francophonie.
Mes chers collègues, je vous propose de soutenir ce texte qui conforte la dynamique de l’enseignement français à l’étranger. Je suis heureux qu’il nous donne l’occasion de débattre d’un sujet essentiel, suivi attentivement par notre commission, mais sur lequel les textes législatifs sont rares.
Or, vous l’aurez compris, il s’agit d’une question majeure, intéressant environ 3 millions de Français expatriés, et dont les dimensions diplomatique et stratégique ne sauraient être négligées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jules Verne, Antoine de Saint-Exupéry, Victor Hugo, Mermoz, Jean Monnet, Stendhal, Camus, et j’en passe : autant de noms familiers de notre histoire littéraire, de notre histoire de France, mais surtout, autant de noms fièrement inscrits au fronton des écoles, des collèges et des lycées de l’enseignement français à l’étranger, partout dans le monde.
C’est à cela que l’on mesure l’apport de ce réseau pour nos compatriotes établis hors de France, qui y trouvent la possibilité de faire suivre à leurs enfants une scolarité conforme aux canons en vigueur sur le territoire national. Ils apprécient aussi la capacité de rayonnement de ce réseau, qui nous permet de partager cette culture, ce savoir et cette capacité d’apprendre avec des ressortissants de bien d’autres pays.
Notre ambition, partagée, je le sais, sur toutes les travées, a été réaffirmée par le Président de la République en mars 2018 : il s’agit de faire resplendir ce trésor national.
C’est pourquoi, à partir de mars 2018, nous nous sommes attelés à préparer un véritable plan d’action pour le développement de l’enseignement français à l’étranger. Il s’agissait de mettre en œuvre la feuille de route qui avait été fixée, et qui prévoyait de doubler, d’ici à 2030, les effectifs d’élèves scolarisés dans les établissements français à l’étranger.
La présente proposition de loi en est une traduction législative de cette feuille de route : elle parachève les démarches mises en œuvre. Nous avions déjà sollicité, à l’époque, Samantha Cazebonne, pour éclairer les décisions et les actions du Gouvernement. Nous avions également consulté, naturellement, toutes les parties prenantes, notamment les représentants des enseignants, des différents personnels, des parents d’élèves et des anciens élèves.
La crise sanitaire est passée par là, mais on peut dire, je crois, que l’enseignement français à l’étranger a résisté, grâce à un soutien massif de l’État. Les aides directes, à elles seules, ont représenté 100 millions d’euros, mobilisés pour les établissements et les familles en difficulté – pour toutes les familles, françaises ou étrangères.
Non seulement le réseau a tenu bon, puisqu’aucun établissement n’a fermé ses portes, mais il a continué à se développer.
Il compte à ce jour, comme l’ont rappelé aussi bien le rapporteur que l’auteure de la proposition de loi, 552 établissements. Il n’y en avait que 522 en 2019. L’expansion se poursuit, donc.
La période de crise a été difficile – et elle n’est d’ailleurs pas terminée. Les élèves scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger ont été les premiers à être touchés par la pandémie, avant les élèves français : dès le mois de janvier 2020, nos établissements situés en Chine ont été soumis aux premières contraintes. À cette occasion, je souhaite rendre hommage à l’ensemble de la communauté éducative, qui a su s’adapter.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est essentiel. Il porte sur trois grands enjeux : la formation des personnels, la gouvernance de l’AEFE et la réaffirmation du rôle de l’AEFE comme un pivot des opérateurs publics au service du réseau d’enseignement français.
Dès les premières concertations que j’ai conduites en 2019, la question de la formation est apparue centrale, pour que la croissance du réseau ne se fasse en aucun cas au détriment de la qualité des enseignements. Développer le réseau, c’est attirer de nouvelles familles par une offre éducative de qualité, gage d’une réputation que nous souhaitons maintenir et conforter. Il importe donc de déployer au service des enseignants, titulaires de l’éducation nationale ou non, une offre de formation, initiale ou continue, qui réponde à leurs besoins et leur permette d’adapter en permanence leurs compétences.
La création de 16 IRF, au service des personnels des 552 établissements, est une réponse à ce défi. Pour bien fonctionner, ceux-ci doivent être placés sous la gestion directe de l’AEFE.
La proposition de loi a trait également à la gouvernance de l’AEFE. Elle conforte, notamment, et même renforce, la place des parents d’élèves dans le conseil d’administration. C’est un engagement que j’avais pris en octobre 2019, lorsque nous avons présenté ce plan avec Jean-Yves Le Drian et Jean-Michel Blanquer.
Certains nous conseillaient de ne pas le faire, mais j’estime pour ma part qu’il est très bien de l’avoir fait. Ainsi, les parents d’élèves seront représentés, non plus par deux, mais par quatre représentants. Nous voulons marquer par là notre reconnaissance envers des familles, qui non seulement font confiance à notre modèle éducatif, mais le cofinancent par le droit d’écolage et participent activement à la vie de la communauté éducative.
Je salue également l’entrée au conseil d’administration de l’AEFE, en qualité d’expert, d’un représentant des anciens élèves. Ceux-ci, en effet, incarnent les valeurs de l’éducation française, et leur parcours, partout dans le monde, est un témoignage de la qualité de l’enseignement reçu.
C’est aussi en qualité d’expert que siégera au conseil d’administration un représentant des associations FLAM. Tant mieux : vous savez combien nous sommes attachés à ce dispositif, qui permet à des enfants français n’ayant pas la possibilité d’être scolarisés dans le réseau homologué, de conserver un contact régulier, construit, avec notre langue et notre culture.
Ce réseau est en train de se structurer admirablement, à travers une fédération internationale. Il ne compte pas moins de 160 associations, dans 38 pays. J’ai pu constater récemment, au Portugal, où le réseau se met en place après une installation réussie en Espagne, combien son déploiement répondait à des attentes fortes. C’est pourquoi j’ai souhaité augmenter significativement le budget dédié au soutien à ces associations, qui sera multiplié par trois en 2022, où il atteindra 1 million d’euros.
Les évolutions proposées vont dans le sens du renforcement du rôle du conseil d’administration de l’AEFE en tant que pilote stratégique et en tant qu’instance de dialogue.
Le rôle de l’Agence lui-même est conforté comme ensemblier du réseau d’enseignement français à l’étranger, comme cheville ouvrière de son développement. L’AEFE se voit en effet confier de nouvelles missions, notamment un rôle de conseil et d’accompagnement dans la création de nouveaux établissements, qui lui est désormais explicitement assigné par le code de l’éducation.
Les porteurs de projets, qu’il s’agisse d’investisseurs privés ou d’acteurs associatifs, peuvent bénéficier de l’expertise de l’AEFE grâce au service d’appui et de développement du réseau (SADR). Cette activité est en plein développement : une centaine de dossiers de demandes d’homologation ont été déposés pour la campagne 2021-2022, dont un tiers est suivi par le SADR.
L’AEFE est également partie prenante du nouveau dispositif d’octroi de la garantie de l’État aux emprunts immobiliers des établissements partenaires et conventionnés.
Je tiens à saluer le travail du sénateur André Ferrand, qui a dirigé l’Anefe pendant de nombreuses années. S’il n’était guère possible de maintenir l’action de cette dernière sous sa forme d’origine, j’ai toutefois tenu à faire en sorte que le savoir-faire développé en son sein soit préservé.
Le fait que l’Anefe puisse jouer un rôle d’expertise au sein du conseil d’administration de l’AEFE me paraît très précieux. L’Agence elle-même sera partie prenante du nouveau dispositif d’octroi que j’évoquais.
Je tiens d’ailleurs à signaler que nous réunirons pour la première fois dans le courant du mois de février la commission interministérielle d’octroi de la garantie de l’État, afin d’examiner les premiers dossiers de demandes de garantie. Nous avons clairement besoin de dispositifs opérationnels pour nous assurer que des extensions ou de nouvelles constructions puissent voir le jour, faute de quoi le développement du réseau serait à l’évidence freiné.
Même si la pandémie nous a obligés à gérer l’urgence, nous n’avons jamais perdu de vue l’objectif qui avait été assigné par le Président de la République en 2018. D’ailleurs, un certain nombre d’actions ont pu être menées nonobstant la crise sanitaire.
Je pense par exemple à la simplification de la procédure d’homologation, engagée par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en lien avec le ministère des affaires étrangères. Cette démarche a porté ses fruits, puisqu’on dénombre 55 établissements de plus qu’en 2018. Nous sommes donc sur un rythme de croissance d’une vingtaine de nouveaux établissements par an.
Nous avons demandé à nos chefs de poste et à nos ambassadeurs d’élaborer, en lien avec les acteurs concernés, des feuilles de route pour structurer ce développement et s’assurer que les extensions ou les nouveaux établissements n’entrent pas en concurrence directe avec l’existant. Il s’agit, non pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais de progresser de manière ordonnée et cohérente. Tel est le rôle que nous avons assigné au réseau diplomatique.
En matière de formation, nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même sabot. Nous avons créé le certificat d’aptitude à participer à l’enseignement français à l’étranger (Capefe), aujourd’hui proposé aux étudiants qui se destinent à une carrière d’enseignant dans tous les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).
En outre, de nouveaux outils de pilotage ont été mis en place. Certes, les services respectifs du ministère des affaires étrangères et de l’éducation nationale échangent régulièrement. Mais je tenais à ce que le dialogue s’établisse aussi entre les ministres. Il arrive en effet que des demandes de part et d’autre ne puissent pas aboutir parce que chacun reste campé sur ses positions. Or, à un moment, il faut des décisions politiques pour avancer.
Le conseil interministériel d’orientation de l’enseignement français à l’étranger a donc été réuni sous l’autorité des ministres voilà plusieurs mois ; il le sera de nouveau à l’avenir.
Nous soutenons la présente proposition de loi, dont l’ambition s’inscrit pleinement dans les orientations qui sont les nôtres et dans celles que le conseil d’administration de l’AEFE a définies hier en adoptant le contrat d’objectifs et de moyens 2021-2023. La feuille de route stratégique est donc partagée.
Le texte qui vous est soumis donne à l’AEFE et à l’ensemble du réseau les moyens de se développer, afin que cet instrument unique contribue toujours plus au rayonnement de notre langue, de notre culture et de notre modèle éducatif dans le monde.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi est d’abord l’occasion de souligner l’excellent travail que fournit l’AEFE depuis 1990, à travers plus de 500 établissements homologués qui participent au rayonnement de la France et de la culture française. J’y suis d’autant plus sensible que mes petits-enfants ont été ou sont scolarisés dans un établissement de ce type.
Aussi, je souhaite rendre hommage aux efforts, souvent soulignés, de ce réseau d’écoles.
Ces établissements réussissent à faire se combiner le système éducatif français et la culture locale, intégrant et adaptant l’école française au sein d’autres pays. Les témoignages de ceux qui en ont fait l’expérience le soulignent : un tel équilibre permet d’offrir une continuité du parcours scolaire d’un pays à l’autre aux enfants issus de familles qui se déplacent beaucoup tout en accueillant une proportion importante d’élèves originaires des pays d’implantation de ces collèges et lycées français de l’étranger.
Il faut donc s’en féliciter et tout mettre œuvre pour soutenir l’AEFE dans son développement. Au demeurant, les effectifs d’élèves ont doublé en trente ans. L’objectif n’est pas de les stabiliser à ce niveau ; il est d’encore les augmenter dans les années à venir.
C’est pourquoi je comprends l’importance d’assurer une meilleure représentation des familles et des anciens élèves au sein du conseil d’administration. Ceux qui sont passés par ces établissements de l’enseignement français à l’étranger aiment souligner leur attachement et leur souhait de valoriser ce réseau d’établissements même après l’avoir quitté.
Nous n’aurons donc aucune difficulté à soutenir l’ajout au sein du conseil d’administration d’un représentant des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger, d’un représentant des associations FLAM et d’un représentant de l’Anefe.
De même, nous n’aurons aucune difficulté à voter en faveur de la création de trois nouvelles missions : d’abord, contribuer à la formation des personnels ; ensuite, conseiller les promoteurs d’initiatives dans la conduite de leurs projets d’homologation d’établissements ; enfin, instruire les dossiers de demande de garantie de l’État pour financer les locaux d’enseignement.
Tout cela va dans le bon sens, de même que la décision de confier la gestion des instituts régionaux de formation à l’AEFE. Notre commission a eu raison de souligner que ces instituts avaient prioritairement pour objet de former les personnels et futurs personnels des établissements de l’enseignement français à l’étranger.
Vous l’aurez compris, le groupe RDSE est donc favorable à la présente proposition de loi.
Cependant, si ces ajustements peuvent apporter des améliorations dans la gestion de l’AEFE et dans le développement de l’enseignement français à l’étranger, ils n’effaceront pas les carences, qui sont bien identifiées et, pour l’essentiel, liées à des questions budgétaires. Nous regrettons une nouvelle fois de ne pas avoir pu examiner la seconde partie du projet de loi de finances l’automne dernier ; le moment eût été plus adapté qu’aujourd’hui pour aborder de telles problématiques.
Ainsi, afin de mettre en valeur le travail des rapporteurs pour avis sur ce volet du projet de loi de finances, nos collègues Ronan Le Gleut et André Vallini, je rappellerai certaines de leurs conclusions.
Malgré la stabilité de la subvention allouée à l’AEFE, la trésorerie de cette dernière sera très sollicitée, notamment pour venir en aide aux établissements en difficulté et aux établissements français au Liban. Dans le même temps, il faudra également financer des opérations immobilières pour développer les capacités d’accueil des établissements.
Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera la présente proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par remercier notre collègue Samantha Cazebonne, dont la proposition de loi nous permet d’aborder les problématiques relatives à l’AEFE au-delà des aspects purement budgétaires, évoqués une fois par an lors de l’examen du projet de loi de finances.
Il s’agit en effet d’un formidable opérateur public à la tête d’un réseau trentenaire qui, je le souligne, demeure unique au monde – il n’est comparable ni dans son organisation ni dans ses missions avec l’offre éducative d’autres pays – et continue à démontrer sa résilience dans la crise actuelle. Il est aussi l’un des principaux fleurons de notre diplomatie d’influence, car au-delà de notre langue, ce sont bien nos valeurs républicaines qu’il transmet.
La présente proposition de loi a deux objectifs.
Le premier est de modifier la composition du conseil d’administration de l’AEFE en y faisant entrer de nouveaux représentants d’associations en tant qu’experts et en doublant la représentation des familles.
Une telle évolution nous semble légitime, dans la mesure où l’implication des parents d’élèves dans la gestion des établissements, ainsi que leur participation financière sont croissantes. Cependant, nous souhaitons que cet élargissement promeuve la pluralité des fédérations d’associations de parents d’élèves.
Nous estimons également que la modification de la proportion des sièges au sein du conseil d’administration ne doit pas s’effectuer au détriment de la représentativité des personnels. En effet, le changement radical de modèle vers lequel veut tendre le Gouvernement, avec l’extension à marche forcée du réseau par le biais de l’homologation d’établissements partenaires, nécessiterait au contraire que leur soit accordé un rôle plus important. Nous souhaitons donc qu’à l’issue de ce débat, l’équilibre prévu actuellement par le code de l’éducation soit rétabli.
Le second objectif vise la création des IRF, qui ont vocation à prendre le relais des 16 établissements mutualisateurs de zone. Il semblerait que l’AEFE n’ait pas attendu cette proposition de loi, puisque le premier IRF a été inauguré à Dakar les 3 et 4 janvier derniers, avant même l’adoption du texte…
Une telle précipitation marque sans doute l’empressement de l’AEFE à répondre à l’objectif fixé par le Président de la République de doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030 – il nous reste huit ans –, qui implique, entre autres, d’augmenter le nombre d’enseignants formés.
Faut-il voir un changement de politique dans l’accélération de l’augmentation du nombre de personnels en contrat local ?
Rappelons que le quinquennat s’est ouvert par des suppressions de postes d’enseignants, conséquemment à l’annulation, en 2017, de 33 millions d’euros de la subvention pour charges de service public de l’AEFE. Le nombre d’expatriés est ainsi passé de 1 073 à 821 équivalents temps plein travaillé (ETPT) entre 2017 et 2021, soit une baisse de 21 %, alors que sur la même période, le nombre de résidents a baissé de 7 %, passant de 5 147 à 5 004.
Dans ce contexte, nous comprenons la volonté de renforcer la formation des personnels afin de maintenir l’excellence et l’attractivité d’un réseau, qui reposent en grande partie sur la qualité de ses ressources humaines, recherchée par les familles, mais aussi sur des méthodes pédagogiques novatrices.
Nous nous interrogeons cependant sur le nombre et le statut des enseignants formateurs qui seront déployés pour faire face à la demande. Celle-ci pourrait se révéler exponentielle du fait de l’ouverture de la formation, comme le suggère le texte, d’une part, à des personnels extérieurs au réseau, qualifiés ou non, et, d’autre part, aux personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers dans le cadre de la mission de coopération éducative fortement renforcée par ce texte.
La question des moyens et de l’origine de ceux-ci pour réaliser ces missions si une activité économique de formation venait à être déployée mérite d’être précisée.
Par ailleurs, pour espérer accueillir à terme 700 000 élèves, il sera nécessaire de procéder à une extension significative du parc immobilier de l’AEFE. Depuis 2011, l’interdiction d’emprunt handicape l’Agence pour conduire ses propres projets immobiliers dans ses établissements en gestion directe et crée des tensions croissantes avec les familles, sur lesquelles l’essentiel de la charge pèse lourdement.
Ce point financier n’est, certes, pas abordé par le texte. Mais si nous n’avons pas de salles de classe pour héberger élèves et professeurs, il ne sert à rien de monter en puissance dans la formation de ces derniers. À moins évidemment que l’objectif ne soit de nous reposer intégralement sur le développement d’établissements privés ? Cela expliquerait que l’AEFE soit en même temps privée de moyens supplémentaires, humains et financiers pour remplir sa mission.
En conclusion, le nombre d’amendements déposés, plutôt convergents, bien qu’issus de groupes politiques différents, montre que nous avons une autre vision de l’organisation future de l’enseignement français à l’étranger que celle proposée par le Gouvernement, même si nous partageons sur la forme les deux objectifs de cette proposition de loi : élargir la gouvernance et les prérogatives de l’AEFE.
Si ce texte satisfait aux objectifs du dernier contrat d’objectifs et de moyens et honore un engagement pris auprès des associations de parents d’élèves, il suscite de nombreuses questions et nous incite à ouvrir de futurs débats sur un sujet qui nous tient tous à cœur.
Nous espérons que nos échanges permettront d’enrichir le texte. C’est ce qui déterminera la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que le prix Goncourt 2021 ait été attribué au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr.
Cela met en valeur la langue française en démontrant qu’elle rayonne au-delà de nos frontières. La majorité de ses locuteurs vivent en effet en dehors du territoire national. Quelque 220 millions de personnes parlent notre langue et l’enrichissent de toute une variété d’accents et d’expressions. C’est évidemment un atout dans le cadre de nos échanges avec de nombreux pays aux quatre coins du monde.
D’ailleurs, monsieur le ministre, parmi tous les auteurs que vous avez cités en préambule, vous avez oublié certains écrivains étrangers qui figurent parmi les grands noms de notre littérature, voire, pour certains, siègent parmi les immortels au sein de l’Académie française.
Notre réseau d’enseignement à l’étranger est un atout que nous devons préserver et renforcer. Il permet à nos concitoyens expatriés de bénéficier d’un enseignement dans leur langue maternelle, imprégné de leur culture. Cet enseignement contribue à transmettre le français et à partager la culture française avec les étrangers qui le souhaitent. Aussi, nous devons assurer une évaluation permanente de l’efficacité de nos dispositifs.
Voilà trente-deux ans, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger était créée, et 160 000 élèves en bénéficiaient. En 2021, cet enseignement s’appuyait sur 543 établissements répartis dans 138 pays, recevant 375 000 élèves ; c’est important.
Le Président de la République souhaite doubler ces effectifs. Une telle évolution nécessite évidemment des adaptations. Je salue à ce titre le travail de notre collègue Samantha Cazebonne, qui nous propose d’en adopter certaines.
Afin d’assurer une meilleure représentation des fédérations de parents d’élèves, la proposition de loi leur offre deux sièges supplémentaires. Cette mesure pleine de bon sens a été complétée par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées par l’attribution d’un siège à l’Anefe, sans voix délibérative cependant. Il aurait en effet été fort dommage de se priver de la compétence et de l’expérience de cet organisme, qui est présidé par notre excellent collègue Olivier Cadic.
L’AEFE aura une gouvernance plus équilibrée – cela a été souligné –, ce qui devrait lui permettre de mieux assurer ses missions actuelles tout en en assumant de nouvelles.
Il est impératif de renforcer l’enseignement français à l’étranger, afin d’accroître et, parfois, de restaurer l’influence française dans le monde, d’où l’importance de cette délibération pour soutenir les filières d’enseignement.
Les défis sont en effet immenses.
Force est de constater que la francophonie est aujourd’hui menacée. En Afrique, des campagnes de propagande et de désinformation contre la France sont orchestrées par des puissances étrangères.
En Amérique du Nord, le wokisme pousse des instituts d’enseignement français à organiser des campagnes d’épuration littéraire, comme cela s’est produit à Ontario, au Canada, avec la destruction de près de 5 000 livres en français à destination de la jeunesse, dont nos fameux Tintin et Astérix.
Et au Moyen-Orient, région stratégique pour la France, plusieurs instituts d’enseignement français sont menacés de fermeture du fait de conflits armés et de situations instables. C’est le cas en Iran, en Syrie et, malheureusement, au Liban.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, éclairée par le travail de notre excellent rapporteur, a eu l’occasion de rappeler sa vigilance quant aux moyens financiers alloués à l’enseignement français à l’étranger.
En effet, alors que l’objectif fixé pour 2030 est très clair, l’évolution des financements l’est beaucoup moins. Un doublement des effectifs devrait nécessairement s’accompagner d’une augmentation significative des budgets de personnels.
En conclusion, nous nous réjouissons des ambitions nourries par la France. Pour que notre réseau d’enseignement à l’étranger continue de rayonner toujours plus, nous devons veiller à fortifier les piliers de notre action à l’étranger. La proposition de loi que nous examinons prépare sa montée en puissance.
Le groupe Les Indépendants la votera donc avec enthousiasme. (Mme Samantha Cazebonne applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ronan Le Gleut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui s’inscrit, d’une part, dans la logique du contrat d’objectif et de moyens de l’AEFE pour la période 2021-2023 et, d’autre part, dans le cadre des orientations fixées par le Président de la République d’un doublement du nombre d’élèves accueillis dans les établissements d’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030.
En effet, la création de 16 IRF ayant un statut d’établissement en gestion directe est une conséquence logique de l’augmentation des homologations d’établissements. Ainsi, davantage d’enseignants pourront être formés.
De même, la meilleure prise en compte de la voix des parents d’élèves, des parents gestionnaires, des associations FLAM, de l’Anefe et des 600 000 anciens élèves au sein du conseil d’administration de l’AEFE en est une conséquence, elle aussi, à la fois logique et bienvenue.
Pour ces raisons, il n’y a pas d’objection à adopter cette proposition de loi, même si, lors de nos débats, certains amendements seront présentés afin de l’améliorer. Je pense notamment à un amendement visant à ouvrir à un conseiller des Français de l’étranger non membre de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) un siège au conseil d’administration de l’AEFE.
Néanmoins, permettez-moi d’interroger la stratégie globale au regard des moyens alloués à cet objectif ambitieux et souhaitable de doublement du nombre d’élèves, qui, au rythme actuel, n’interviendrait pas avant les années 2050.
En effet, un abîme existe entre les annonces et la réalité, entre les paroles et les actes. Et cet abîme porte un nom : le « en même temps », source d’impuissance politique et de contradictions insurmontables.
Vous dites que vous voulez doubler le nombre d’élèves et, « en même temps », vous supprimez 512 postes d’enseignants résidents ou expatriés. Et à peine arrivé au pouvoir en 2017, vous amputez le budget de l’AEFE de 33 millions d’euros. (M. le ministre délégué proteste.) Le rattrapage des années suivantes n’a rien changé à la réalité à laquelle les parents sont confrontés : cette déstabilisation financière a malheureusement entraîné des hausses de frais d’écolage.
Vous dites que vous voulez aider les parents à inscrire leurs enfants dans les écoles françaises à l’étranger et, « en même temps », vous supprimez 10 millions d’euros pour les bourses scolaires, passant de 104 millions d’euros à 94 millions d’euros dans le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », de la loi de finances pour 2022.
Mme Hélène Conway-Mouret. Les chiffres sont têtus !
M. Ronan Le Gleut. Vous dites que vous voulez accompagner les établissements scolaires et, « en même temps », vous augmentez temporairement la participation financière complémentaire (PFC), ce qui a entraîné des déconventionnements d’établissements scolaires.
Vous dites que vous êtes auprès des écoles et, « en même temps », vous créez une concurrence inéquitable entre établissements de nature différente, avec des homologations qui ne tiennent aucun compte de ce qu’il faudrait faire, c’est-à-dire une carte scolaire.
Vous dites que les établissements doivent se développer et, « en même temps », vous empêchez les EGD de recourir à l’emprunt, et vous proposez une garantie de l’État pour les établissements conventionnés et les établissements partenaires moins favorable que celle qu’ils pouvaient solliciter auprès de l’Anefe.
Je pourrais continuer ainsi, mais je crois que le message est suffisamment clair : votre politique est à la fois brouillonne et sans vision ! Et cela nous désole.
Je suis l’un des deux sénateurs désignés par notre Haute Assemblée pour siéger au conseil d’administration de l’AEFE – le mandat est évidemment bénévole – et je suis corapporteur pour avis du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence ». Mais je suis aussi un Français de l’étranger profondément attaché à notre magnifique réseau d’établissements scolaires partout dans le monde. Ce réseau est un atout majeur de la France, or ces dernières années, il a été est mis à mal.
Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement : mettez enfin en conformité vos paroles et vos actes ! Sinon, vous ne créerez que frustration et incompréhension, et ce sera encore un échec ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l’enseignement français à l’étranger est peu débattue, comme la plupart des sujets qui concernent les Françaises et les Français établis hors de France.
L’examen de la présente proposition de loi nous donne donc l’occasion d’aborder la question dans cet hémicycle. C’est, je le crois, un élément positif en soi.
L’enseignement français à l’étranger est face à un défi majeur : une tension très forte entre des objectifs chiffrés extrêmement substantiels annoncés par le Président de la République, doubler le nombre d’élèves à l’horizon 2030, et un abaissement des moyens fournis par l’État. C’est étrange quand on le dit comme cela, mais c’est ainsi : la volonté politique de doubler le nombre d’élèves n’est pas du tout corrélée à des mesures visant à doubler les moyens mis en œuvre par l’État.
En réalité, en 2017, le Gouvernement a même effectué une coupe de 33 millions d’euros. Entre 2016 et 2021, les personnels expatriés ont baissé de 21 %, tandis que le nombre de personnels résidents a baissé que de 7 %. Le personnel de droit local croît, de 9 %, et les détachements aussi. Mais cela ne fait en tout qu’un dixième du nécessaire.
Comme la magie n’existe pas, comment cet objectif de doublement du nombre d’élèves peut-il être rempli avec moins de moyens ?
Est-ce impossible ? Non, c’est possible. Mais cela a un coût très fort en matière de solidarité, d’égalité, de culture du service public et de traitement des enseignants.
Cela suppose de s’orienter davantage vers un système guidé par des logiques privées, où le poids des frais de scolarité pèse de plus en plus sur les parents, puisque la part d’engagement de l’État diminue. Plus précisément, c’est sur les parents qui en ont les moyens que cela pèse, la précarisation du statut des enseignants, qui permet de faire des économies, s’accentuant dans le même temps. C’est mécanique.
À notre avis, la logique de l’enseignement français à l’étranger doit au contraire être celle d’un service public, afin d’assurer un enseignement inclusif, de bonne qualité, accessible, assurant le principe républicain d’égalité des chances.
En conséquence, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, plusieurs grandes réformes auraient pu être menées.
S’agissant du réseau en lui-même, la clé est à nos yeux de renforcer la participation financière de l’État afin de juguler l’envolée des frais de scolarité. Cela signifie par exemple favoriser le recrutement d’enseignants titulaires, travailler à l’harmonisation des rémunérations et des avantages sociaux entre salariés de droit français et contrats locaux ou encore mettre en place des conventions collectives internationales et une charte sociale de respect des droits des travailleurs et des travailleuses pour obtenir le label AEFE.
Il conviendrait par ailleurs d’agir au niveau des bourses qui, cela a été dit, ont été amputées de 10 milliards d’euros. Selon nous, une augmentation substantielle du budget des bourses est au contraire nécessaire pour ne pas exclure une part de plus en plus grande de familles.
Pour réduire les inégalités, il faut par exemple modifier les barèmes d’attribution fixés en fonction de la situation économique et sociale de chaque pays. Il faut également une réforme du barème et des modes d’attribution des bourses pour les foyers monoparentaux et les couples séparés.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi se donne deux objectifs principaux. D’une part, elle assure une plus grande représentation des familles et des anciens élèves au sein du conseil d’administration de l’AEFE. D’autre part, elle confie à cette dernière le soin de gérer les IRF, qui ont déjà été créés, le premier ayant d’ailleurs été inauguré au mois de janvier.
Nous aurons l’occasion de discuter du contenu précis des dispositions proposées lors de la discussion des articles. Mais, vous l’aurez compris, pour nous, les écologistes, la priorité aurait été de réorienter structurellement notre modèle vers une logique de service public, c’est-à-dire une logique où priment l’égalité des chances, la qualité de l’enseignement, la mixité sociale de ces centaines de milliers d’élèves que nous avons vocation à accueillir.
Nous attendons donc avec enthousiasme les débats et les votes sur les différents amendements, afin de déterminer si nous pouvons soutenir ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi nous permet, ce qui est trop rarement le cas, de débattre du réseau de l’enseignement du français à l’étranger. Dans le fond, elle tente de répondre à deux enjeux majeurs.
Le premier est celui de la gouvernance. Le réseau connaît une externalisation croissante. Ainsi, sur le quinquennat, si on dénombre 53 établissements supplémentaires, le nombre d’établissements en gestion directe diminue.
Le second sujet d’inquiétude, lié par ailleurs à l’importance prise par les établissements partenaires, est l’augmentation des frais imposés aux familles. On parle, en cumulé, de 1,5 milliard d’euros de frais de scolarité, contre une subvention de 417 millions d’euros au réseau, avec des taux de prise en charge par les familles supérieurs dans les établissements en gestion indirecte.
Comment, dans une telle optique, et malgré les aides à la scolarisation, espérer démocratiser l’accès à l’enseignement français à l’étranger ? D’ailleurs, si l’on peut se réjouir que les établissements accueillent une plus grande part d’élèves étrangers, certains parents craignent que l’AEFE ne devienne de plus en plus une « machine à exclure » les élèves français, qui ne représentent aujourd’hui que 37 % des effectifs.
Au vu du contexte, la proposition de doubler la présence des représentants des familles au sein du conseil d’administration de l’AEFE est bienvenue, avec toutefois une réserve : elle risque de restreindre la représentation des personnels, alors même que leur situation mériterait d’être examinée de près et améliorée.
À ce titre, j’insisterai sur deux points.
Le premier est l’augmentation massive et continue du nombre de personnels recrutés en contrats locaux, bien moins protecteurs.
Le second est le choix fait par le réseau de refuser le versement de la prime informatique à ces personnels de droit local, alors qu’ils ont été tout aussi sollicités que leurs collègues durant la pandémie.
Pour en terminer avec la gouvernance, je m’interroge sur la pertinence d’intégrer au sein du conseil d’administration un collège d’anciens élèves au seul motif qu’il s’agit d’anciens élèves.
On a vu apparaître depuis plusieurs années des « réseaux des anciens », des alumni et autres associations. Si les dispositifs mis en place par des anciens élèves ou les établissements eux-mêmes ont un intérêt certain, sont-ils pour autant légitimes à participer à la gouvernance des établissements ? Peut-on imaginer que siégeraient dans tous les conseils d’administration des collèges, des lycées et des universités des élus supplémentaires ayant pour seule qualité d’avoir fréquenté l’établissement concerné ?
J’en viens à la question des instituts régionaux de formation. Depuis le 1er janvier, 16 d’entre eux ont été créés dans l’optique de renforcer la formation des personnels des établissements. C’est une mesure utile dans le contexte de l’augmentation espérée du nombre d’élèves, tout comme la proposition qui nous est faite d’en confier la gestion à l’AEFE.
Cela étant, je souhaite me faire une nouvelle fois l’écho des interrogations des familles, en souhaitant que notre collègue autrice de la proposition de loi puisse y répondre et apporter toutes les précisions utiles.
Quel sera le financement de ces instituts régionaux de formation ? Quelles seront les conséquences éventuelles de leur création sur les frais d’écolage, déjà très élevés, et sur le recrutement des personnels ?
Faut-il notamment s’attendre à une mutation des fonctionnaires expatriés pour de nouvelles vagues de recrutements de droit local ? Quels seront les effets quant au déploiement des personnels en place ? Pouvons-nous espérer un remplacement systématique des enseignants partis former ou se former ?
Enfin, quelle sera la place des investisseurs privés dans le processus ? Faut-il voir dans cette évolution une forme de privatisation du réseau, déjà engagée par ailleurs ?
Toutes ces questions méritent d’être posées, sans remettre en cause le bien-fondé de la création des instituts régionaux de formation.
Tout en gardant en tête ces réserves, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste soutiendront la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Samantha Cazebonne, dont je salue le travail et l’engagement en faveur de l’enseignement français à l’étranger, vise à faire évoluer la gouvernance de l’AEFE et à créer les instituts régionaux de formation.
Cette proposition de loi est destinée à soutenir le nouvel élan que le Gouvernement souhaite donner au réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger afin, entre autres, de développer le réseau actuel et d’accompagner la création de nouveaux établissements, tout en associant mieux les familles à la vie des établissements.
Comme le souligne notre rapporteur, les familles investissent largement dans le réseau. Il est donc juste qu’elles puissent s’investir davantage dans l’administration de celui-ci.
La proposition de loi a justement pour objectif d’assurer un nouvel équilibre au sein du conseil d’administration de l’AEFE, en attribuant quatre sièges au lieu de deux aux représentants des parents d’élèves, tandis que les représentants du personnel en conservent cinq.
L’article 1er prévoit qu’un représentant des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger et un représentant des associations FLAM participent au conseil d’administration de l’AEFE en qualité d’experts. Cette innovation semble faire consensus, même si je persiste à penser que la mission des associations FLAM, qui proposent aux enfants des activités autour de la pratique du français en tant que langue maternelle, relève davantage de l’Institut français et des alliances françaises que de l’AEFE.
Successeur de notre ancien collègue André Ferrand en qualité de président de l’Anefe, une structure qui a tant fait pour l’enseignement français à l’étranger – je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le ministre –, je me réjouis de l’amendement voté en commission visant à maintenir la représentation de cette association au sein du conseil d’administration de l’AEFE en qualité d’expert.
À la fin du mandat du président Hollande, la Cour des comptes dénonçait un réseau d’enseignement fragilisé et invitait les autorités publiques à insuffler une nouvelle dynamique.
M. Olivier Cadic. Malgré le demi-milliard d’euros d’argent public qui lui est consacré chaque année, le réseau de l’AEFE plafonnait à 495 établissements scolaires fin 2017, soit moins que les 499 recensés à la création de l’Agence vingt-sept ans plus tôt. Pour mémoire, l’enseignement anglo-saxon compte désormais 9 000 écoles, qui scolarisent 5 millions d’élèves. Elles sont donc près de vingt fois plus nombreuses que les nôtres.
Aussi, en décembre 2017, je me tenais à cette tribune et exposais devant vous, mes chers collègues, l’urgence vitale de doubler le nombre d’établissements au sein desquels l’enseignement français est dispensé.
Pour éviter le déclassement de la France dans ce domaine, le Président de la République Emmanuel Macron déclarait le 20 mars 2018 à l’Institut de France : « Nous allons développer les établissements partenaires avec l’objectif de doubler le nombre d’élèves accueillis au sein du réseau scolaire français d’ici à 2025. Des pôles régionaux de formation seront créés pour former les nouveaux enseignants. » Même si l’objectif a ensuite été reporté à 2030, j’ai toujours appuyé la démarche du Président de la République, qui a impulsé le nouvel élan que j’appelais de mes vœux.
Nous pouvons nous réjouir que, malgré la pandémie, le nombre d’établissements du réseau ait enfin entamé sa croissance. En effet, trois ans après le discours de l’Institut, à la rentrée 2021, nous sommes passés de 495 à 543 établissements scolaires homologués.
M. Stéphane Piednoir. Avec ça…
M. Olivier Cadic. N’en déplaise aux esprits chagrins, c’est un premier succès qui marquera l’histoire du réseau, et j’en suis sincèrement reconnaissant à Emmanuel Macron et à tous ceux qui ont contribué à ce résultat.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui permettra d’amplifier l’accroissement du réseau dans les années à venir pour atteindre cet objectif.
Pour y parvenir, il faut recruter des enseignants en nombre. Or nous savons que l’éducation nationale est incapable de nous les fournir à hauteur de nos besoins.
Cette expansion s’appuiera sur les enseignants recrutés en droit local, nous le savons. Il faut donc former ces enseignants afin de maintenir le niveau d’excellence des établissements d’enseignement français. Tel était bien le sens des propos tenus par le Président de la République à l’Institut de France au sujet de la création des pôles régionaux de formation.
Celle-ci se concrétise à l’article 4, qui prévoit que l’AEFE gère également des IRF situés à l’étranger et placés en gestion directe, qui assurent notamment la formation de personnels exerçant ou ayant vocation à exercer dans les établissements d’enseignement français à l’étranger, ainsi que des personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers.
Cette formation indispensable des enseignants est une solution pour assurer l’attractivité des établissements ; elle permettra d’en augmenter le nombre et partant, d’accroître le rayonnement de notre réseau.
Ceux qui freinent le développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger sont les meilleurs pourvoyeurs de clients des systèmes éducatifs étrangers.
Lorsque j’ai été élu à Londres en 2006, le manque de places au lycée Charles-de-Gaulle nous amenait à refuser 700 élèves chaque année. Ils étaient redirigés vers l’enseignement britannique. C’est parce que nous avons mené une politique d’expansion ambitieuse, en créant quatre nouvelles écoles secondaires à Londres, que nous avons pu mettre fin à cette situation.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui nous propose de soutenir ce nouvel élan, dont nous avons un besoin impérieux pour reprendre une place, et non la conserver, dans le marché mondial de l’éducation internationale. C’est bien en sortant du conservatisme qu’on pourra répondre à l’ambition du doublement du nombre d’élèves d’ici à 2030 et rêver d’un rayonnement un peu plus éblouissant.
Dans cette perspective stimulante et revigorante d’un enseignement français à l’étranger libre de croître, le groupe Union Centriste votera bien évidemment la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à consolider le travail accompli depuis plusieurs décennies pour renforcer notre présence éducative à l’étranger. En trente ans, le nombre d’élèves a plus que doublé. Nos établissements sont reconnus et appréciés.
En conséquence, un travail d’adaptation et de modernisation s’impose.
En raison du rôle clé de l’Agence dans le maintien de la présence de la France à l’étranger, l’amélioration de la gouvernance de l’AEFE est à cet égard indispensable. Au-delà de l’enseignement, c’est notre place dans le monde qui est en jeu. L’enseignement français contribue à notre rayonnement, et il convient de préserver cet atout.
Je salue bien sûr les réformes envisagées pour l’AEFE et le travail de mon collègue Bruno Sido.
La meilleure prise en compte des parents d’élèves au conseil d’administration de l’AEFE était notamment indispensable. Ils sont les premiers concernés et sont fortement impliqués dans le financement de l’enseignement à l’étranger. Ils doivent donc être mieux entendus, d’autant que leur expérience et leur soutien sont indispensables, et qu’ils contribuent à l’image de nos établissements. Le rôle des familles doit donc être reconnu, comme c’est le cas au sein de toute communauté éducative digne de ce nom.
De même, les missions de l’AEFE ont été élargies, qu’il s’agisse de l’accompagnement des projets d’homologations, de l’instruction des demandes de garantie de l’État, ou surtout, de la formation des personnels qui exerceront dans les établissements d’enseignement français. Il faut former les enseignants, mais aussi l’ensemble du personnel.
À ce titre, je me réjouis de la mise en place d’instituts régionaux de formation, qui permettront de renforcer la qualité de notre enseignement à l’étranger. Cette formation suppose évidemment une remise à plat en France de notre système de formation des enseignants. Il n’y a que des cloisons étanches entre ce que nous faisons en France et ce que nous faisons à l’étranger.
L’AEFE doit donc être un pilier de notre rayonnement éducatif dans le monde, mais il faut aller plus loin en termes de moyens. Certes, beaucoup a été dit, notamment dans un récent rapport d’information, et je salue mes collègues qui ont attiré l’attention sur ces différents problèmes.
La question des moyens soulève en effet des enjeux considérables, car il y va de la place de la France dans le monde, notamment dans certaines parties du globe où se dessinent de nouveaux équilibres.
Notre présence éducative est indispensable à notre présence économique, industrielle et diplomatique. Nous devons adopter une approche globale, car il y va de la souveraineté de la France et de son rayonnement. Nous devons éviter toute politique à courte vue, car c’est bien le long terme qui est en jeu. Les trente prochaines années seront tout aussi décisives que les trente dernières.
Notre enseignement est évidemment un marqueur de la francophonie, un marqueur fort de notre langue, un marqueur de notre culture. Nos établissements sont des ambassadeurs estimés du français, dont ils assurent la défense et le rayonnement.
C’est dire l’importance de l’enjeu si nous voulons préserver la place du français face à d’autres langues concurrentes. Nous savons que la concurrence est féroce, agressive, or ce qui se passe à l’étranger peut inévitablement rejaillir en France.
Il faut ensuite consolider la présence de notre pays par l’enseignement, notamment dans des lieux stratégiques. Comment faire pour que tout soit mis en œuvre, au-delà des seuls effets d’annonce ?
À cet égard, pour maintenir cette dynamique de consolidation, l’AEFE pourrait appuyer des projets de création d’établissements, comme c’est le cas d’un lycée international à Taipei. Les porteurs du projet et les conseillers consulaires ont détaillé leurs demandes, et ils sont prêts à offrir une éducation en français, et pas seulement en anglais et en chinois, notamment aux enfants des Français installés dans la région.
Notre langue est un précieux sésame, et c’est pourquoi il faut également permettre aux autres étrangers sur place d’accéder à cet enseignement. C’est aussi cela, le rayonnement de la France !
On pourrait multiplier les exemples, tant les demandes abondent.
De même, comment consolider notre présence au Proche-Orient ? La culture française y bénéficie encore d’une aura. Elle peut être une médiatrice dans les conflits de cette région, un supplément d’âme parmi des cultures antagonistes, un ciment dans le rapprochement des nations.
D’autres projets pourraient voir le jour à la lumière d’une gouvernance de l’AEFE améliorée.
Le rayonnement du français dépasse les seuls besoins de nos expatriés. Il faut aborder également la problématique des parents qui ne sont pas français, mais qui veulent donner à leurs enfants un enseignement français et en français. Il faudra donc repenser le rôle de notre présence éducative à l’étranger. C’est urgent !
En somme, nous devons réfléchir aux trente prochaines années.
Parce qu’il faut aborder l’enjeu avec l’idée que notre place dans le XXIe siècle se joue aujourd’hui, je voterai ce texte ainsi que les amendements approuvés par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par MM. Le Gleut et Frassa, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 452-6 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le conseil d’administration comprend également un conseiller des Français de l’étranger non membre de l’Assemblée des Français de l’étranger, nommé sur proposition de cette dernière. »
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. Le conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger se prive de l’extraordinaire expertise des conseillers des Français de l’étranger qui ne sont pas membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
En effet, l’article D. 452-3 du code de l’éducation dispose, dans son huitième alinéa, que le conseil d’administration de l’AEFE comprend un membre de l’AFE. En revanche, il ne permet pas à un conseiller des Français de l’étranger non membre de l’AFE d’y siéger.
Ce faisant, on ne tient pas compte des changements opérés par la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France de notre collègue Hélène Conway-Mouret, qui fait des conseillers des Français de l’étranger, et non plus seulement des membres de l’AFE, les élus locaux des Français de l’étranger.
Cet amendement vise à permettre à ces élus locaux, qui siègent dans les commissions locales des bourses scolaires, qui sont en contact avec les parents d’élèves, les enseignants, les proviseurs et toute la communauté éducative, d’avoir voix au chapitre au sein du conseil d’administration de l’AEFE.
Cette disposition serait utile pour l’enseignement français à l’étranger et s’inscrirait parfaitement dans la volonté de doubler le nombre d’élèves fréquentant des établissements français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La loi dispose que le conseil d’administration de l’AEFE comprend des représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger. Cette assemblée se compose de 90 conseillers élus parmi les 442 conseillers des Français de l’étranger.
L’adoption de cet amendement introduirait une incohérence, puisque le chiffre d’« un » conseiller des Français de l’étranger serait inscrit dans la loi, quand celle-ci a vocation à fixer de grands équilibres.
Sur cet amendement, comme sur plusieurs autres qui proposent d’élargir le conseil d’administration de l’AEFE, je suggère de nous en tenir à l’objectif de la proposition de loi : améliorer la représentation des parents d’élèves.
À chaque fois que l’on ajoute un membre à ce conseil d’administration, il faut en ajouter d’autres, notamment des représentants de l’État, pour maintenir les équilibres. Un conseil d’administration est une instance de pilotage, pas une assemblée représentative.
Cet amendement invoque en particulier la nécessité d’une représentation proche du terrain : il me semble que cet objectif est rempli, notamment grâce à la participation accrue des parents d’élèves. Les Français établis hors de France sont également représentés par des parlementaires et par un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Néanmoins, la loi évoque des « représentants », et non des « membres » de l’Assemblée des Français de l’étranger. Dès lors, le décret d’application ne pourrait-il pas disposer que cette assemblée peut désigner son représentant parmi l’ensemble des conseillers des Français de l’étranger ? Cela vous paraît-il envisageable, monsieur le ministre ?
Quoi qu’il en soit, nous sollicitons le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le sénateur Le Gleut s’est livré à une défense quasi jésuitique de cet amendement. (Sourires.)
Par définition, un membre de l’AFE est aussi un conseiller des Français de l’étranger. Ces derniers sont donc d’ores et déjà représentés au sein de conseil d’administration de l’AEFE.
Je m’associe donc à la demande de retrait de cet amendement, qui me semble satisfait.
M. le président. Monsieur Le Gleut, l’amendement n° 30 est-il maintenu ?
M. Ronan Le Gleut. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. M. Le Gleut, à travers cet amendement, comme Mme Cazebonne, à travers l’amendement n° 21, souhaite faire entrer au conseil d’administration de l’AEFE un conseiller des Français de l’étranger supplémentaire. Mme Cazebonne propose toutefois que ce membre supplémentaire siège aussi à l’Assemblée des Français de l’étranger.
Comme l’a rappelé Ronan Le Gleut, les conseillers des Français de l’étranger sont des élus de proximité. Ils siègent à la commission locale des bourses, sont généralement très impliqués dans les établissements scolaires de leur circonscription et très actifs dans les associations de parents d’élèves. Ils paraissent donc parfaitement qualifiés pour apporter une expertise de terrain qui ne peut qu’enrichir les échanges lors des réunions du conseil d’administration.
Comme nous proposons par ailleurs un amendement permettant de respecter les équilibres en cas d’ajout d’un nouveau membre au conseil d’administration, ces amendements ne nous semblent pas poser de difficultés.
Pour cette raison, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cet amendement, ainsi que l’amendement n° 21.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Article 1er
L’article L. 452-6 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un représentant des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger, un représentant de l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger et un représentant des associations de français langue maternelle participent au conseil d’administration en qualité d’experts sans voix délibérative. »
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au 2° de l’article L. 452-6 du code de l’éducation, après les mots : « des fédérations d’associations de parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger, », sont insérés les mots : « des associations de français langue maternelle, ».
II. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
l’étranger, un
par les mots :
l’étranger et un
2° Supprimer les mots :
et un représentant des associations de français langue maternelle
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Si le statut de membre expert du conseil d’administration de l’AEFE, proposé par l’article 1er, ne correspond à aucune innovation, puisqu’il est déjà possible d’inviter ces représentants au titre de leur expertise, il semble néanmoins pertinent pour les représentants des associations d’anciens élèves de l’enseignement français à l’étranger et de l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger.
En revanche, il nous paraît essentiel que les associations FLAM puissent participer de plein droit au conseil d’administration de l’AEFE, étant donné le rôle primordial qu’elles sont amenées à jouer à l’avenir.
Je m’inscris d’ailleurs en faux avec les propos tenus par le sénateur Cadic lors de la discussion générale. Dire que ces associations n’assurent pas de cours de français, mais seulement du périscolaire, c’est faire preuve soit d’une profonde méconnaissance de leur rôle, soit d’un profond mépris à leur égard.
Avec 170 associations dans 44 pays, dont la mission principale est d’enseigner le français aux enfants et adolescents vivant à l’étranger et scolarisés dans le système local, les écoles FLAM occupent une place croissante dans l’offre éducative française à l’étranger et constituent un complément essentiel aux établissements homologués du réseau. Par ailleurs, la constitution récente d’une fédération des associations FLAM à travers le monde leur offre une nouvelle visibilité et une forte légitimité.
Cet amendement vise donc à permettre à un représentant des associations « français langue maternelle » de participer de plein droit au conseil d’administration de l’AEFE avec voix délibérative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. D’une part, comme je l’ai indiqué précédemment, à chaque fois que l’on ajoute un membre au conseil d’administration de l’AEFE, il faut en ajouter d’autres, pour maintenir les équilibres et permettre à l’État de conserver la majorité.
Si l’on adoptait aujourd’hui tous les amendements proposant des membres supplémentaires, on aboutirait à un conseil d’administration d’une quarantaine de membres, au lieu d’une trentaine, ce qui nuirait à son efficacité.
Je rappelle en outre qu’un représentant du réseau FLAM participera au conseil d’administration en qualité d’expert technique avec voix non délibérative, ce qui permettra à ces associations d’exprimer leur point de vue.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je vous suggère de ne pas reprendre l’explication complète pour tous les amendements visant à ajouter un membre au conseil d’administration de l’AEFE, et d’indiquer simplement votre avis, puisque celui-ci est défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Il faut, me semble-t-il, respecter les caractéristiques du réseau FLAM, composé d’une myriade d’associations. C’est en effet ce qui fait sa force.
Les associer comme experts au sein du conseil d’administration permettra de créer des synergies. En revanche, leur accorder une voix délibérative, ce serait les faire entrer dans un système où elles finiraient par être régentées par d’autres qu’elles-mêmes.
Le statut de membre expert me semble être un bon mécanisme : donnons sa chance au produit !
Nous sollicitons donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je soutiendrai cet amendement. Les associations FLAM sont très importantes. Créées en 2001 à l’initiative de notre ancienne collègue Monique Cerisier-ben Guiga, elles permettent une socialisation en français des enfants de nos compatriotes scolarisés dans les établissements étrangers locaux.
Elles développent leurs activités sous la houlette de l’AEFE, qui a notamment la responsabilité d’attribuer les subventions.
Toutefois, la mission de l’AEFE étant prioritairement tournée vers l’enseignement français à l’étranger, nous devons veiller à ce que le programme FLAM ne soit pas la dernière roue du carrosse.
C’est pourquoi, pour les vingt ans de ce programme – je salue au passage l’association Un autre monde, active à Zagreb, qui a fêté ses vingt ans d’existence la semaine dernière –, il est important que le conseil d’administration de l’Agence place enfin ces associations au cœur de ses préoccupations.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, lors d’une explication de vote, vous devez parler de l’amendement, et non refaire la discussion générale. Le règlement est très clair sur ce point.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monique Cerisier-ben Guiga, qui fut à l’origine du lancement du réseau FLAM il y a vingt ans, serait en effet très heureuse de constater sa remarquable évolution.
En tant qu’élus locaux, nous avons tous été à l’initiative de la création d’un programme FLAM dans nos circonscriptions. En 2012, c’est au Sénat que les Assises FLAM se sont tenues.
J’avais demandé, dans une autre fonction, qu’un espace dédié au réseau FLAM soit créé sur le site de l’AEFE.
Le budget alloué à ce programme cette année montre qu’il a toute sa place, et c’est pourquoi nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Permettez-moi tout d’abord de rétablir une vérité : le programme FLAM n’a pas été créé par Mme Cerisier-ben Guiga, pour qui j’ai toujours eu par ailleurs beaucoup d’estime.
Il existe depuis longtemps quantité de petites écoles françaises aux quatre coins du monde qui ont été créées pour soutenir l’apprentissage du français en tant que langue maternelle. J’ai moi-même été à l’origine des tout premiers séminaires de formation des mamans destinés à transmettre l’enseignement du français.
En revanche, il est vrai que Mme Cerisier-ben Guiga a trouvé, avec le groupe socialiste, la très belle appellation « FLAM ».
Ces écoles sont magnifiques, cela ne fait aucun doute, mais je veux revenir sur la question de la composition du conseil d’administration. Sénatrice depuis dix-huit ans, j’ai assisté à la création de l’AEFE en tant qu’élue des Français de Grande-Bretagne et d’Irlande au Conseil supérieur des Français de l’étranger, il y a trente-deux ans.
Je constate que l’on veut toujours ajouter des postes dans les conseils d’administration. C’est souvent démagogique, on pense surtout à ses électeurs… Ce n’est pas à l’honneur du Sénat.
Je soutiens donc le rapporteur dans sa sagesse : un conseil d’administration pléthorique est en effet inefficace !
Mieux vaut tard que jamais, mais j’aurais dû faire cette remarque dès la discussion du premier amendement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je remercie Joëlle Garriaud-Maylam de son historique.
Monsieur Chantrel, je ne méconnais pas la différence entre enseignement français et enseignement du français. Le réseau FLAM s’occupe de l’enseignement du français, ce qui est très précisément la mission de l’Institut français et des alliances françaises. Je persiste donc à penser que le développement des écoles FLAM serait mieux assuré dans le cadre de l’Institut français.
Je méconnais d’autant moins le problème que, lorsque nous avons lancé le plan École au Royaume-Uni, le nombre d’associations FLAM est passé de quinze à cinquante. J’avais également à l’époque proposé d’innover pour leur financement, en créant un chèque éducation. J’espère que cette idée sera reprise à l’avenir.
Je me souviens avoir vu arriver le réseau FLAM, en 2012, au sein de l’AEFE, dont j’étais membre, alors, du conseil d’administration.
Je me souviens également que le budget qui leur était alloué s’élevait à 700 000 euros. Sous le président Hollande, il est passé à 300 000 euros. (Mme Hélène Conway-Mouret se récrie.)
Aujourd’hui, le ministre propose 1 million d’euros… S’agissant du réseau FLAM, il y a ceux qui parlent, et ceux qui font !
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la seconde occurrence du mot :
étranger
insérer les mots :
, un représentant des élèves actuellement scolarisé dans un établissement d’enseignement français à l’étranger
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. La présente proposition de loi étend la participation au conseil d’administration de l’AEFE à un représentant des associations d’anciens élèves en qualité d’expert avec voix non délibérative.
Cet amendement vise à associer également un élève actuellement scolarisé dans le réseau aux discussions du conseil d’administration.
Dans les lycées français, les élèves disposent en effet d’une représentation au sein des comités d’établissements et d’autres instances. Intégrer le vécu et les idées des élèves permettrait d’appréhender l’état du réseau avec une plus grande justesse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est assurément une belle idée, mais est-ce bien là l’intérêt de l’élève ?
S’il paraît indispensable d’associer les élèves à la vie des établissements, je m’interroge sur l’opportunité de leur participation à une instance lointaine, gérant des questions complexes, notamment budgétaires, et assez éloignées de leurs préoccupations.
Une participation en visioconférence serait à tout le moins souhaitable, afin d’éviter à l’élève en question de s’absenter de son établissement et de se déplacer à Paris – ce qui, d’ailleurs, a un coût.
Comment faire le choix parmi les 370 000 élèves ? En quoi l’élève désigné représenterait-il l’ensemble des élèves du réseau, de la maternelle au lycée, de l’Europe à l’Océanie ?
Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais c’est une sagesse tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Les élèves sont déjà représentés, sur le terrain, dans les instances des établissements.
Au niveau du réseau, il n’existe pas, à l’inverse des autres parties prenantes, de structure représentative des élèves. Tenons-nous-en à la représentation dans les instances des établissements.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Renaud-Garabedian, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par Mme Cazebonne, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre de représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger est égal à deux. »
La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Cet amendement vise en quelque sorte à rétablir le parallélisme des formes.
Le conseil d’administration de l’AEFE compte – cela a été rappelé – deux députés et deux sénateurs. Par souci de simplicité, je propose la nomination supplémentaire d’un conseiller des Français de l’étranger qui soit membre de l’Assemblée des Français de l’étranger.
J’ignore comment les auteurs de l’amendement n° 30 envisagent la nomination du conseiller des Français de l’étranger au conseil d’administration de l’AEFE sans en passer par une nouvelle usine à gaz. L’administration devra, en tout état de cause, beaucoup réfléchir à la méthode.
Je rappelle que les conseillers des Français de l’étranger sont répartis dans le monde entier. Comment feront-ils campagne pour ce poste ?
Il était, me semble-t-il, hasardeux d’adopter l’amendement n° 30. En effet, nous disposons d’une instance qui représente les conseillers des Français de l’étranger et dont les procédures de nomination des membres à des conseils d’administration sont connues.
La recherche de la simplicité nous conduit donc à défendre l’amendement n° 21, dont l’adoption faciliterait également la tâche de l’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement n° 21 me paraît satisfait par le vote de l’amendement n° 30. L’adopter porterait d’un à trois le nombre de représentants des Français de l’étranger au conseil d’administration de l’AEFE.
Par conséquent et sans répéter les arguments que j’ai déjà exposés – M. le président m’ayant invité à la concision –, j’y suis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. En réalité, cette question relève non pas de la loi, mais du domaine réglementaire.
Je souscris à l’idée que nos élus locaux soient mieux représentés. Cela passe, je le répète, par la présence d’un conseiller des Français de l’étranger au sein du conseil d’administration de l’AEFE et par une homothétie entre les députés, les sénateurs et les conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger.
J’ai bien entendu l’appel de Mme Samantha Cazebonne, auquel je répondrai volontiers par voie décrétale. Sur le fondement de cet engagement, je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Cazebonne, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?
Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le ministre, vous avez tenu jusqu’à présent tous vos engagements en faveur de l’enseignement français à l’étranger. Je retire donc mon amendement, au bénéfice de votre engagement.
M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le dernier alinéa de l’article L. 452-6 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Le nombre de représentants des personnels affectés dans les établissements d’enseignement français à l’étranger et dans les services centraux de l’agence ainsi que le nombre de représentants des fédérations d’associations de parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger, dont au moins un représente les organismes gestionnaires des établissements conventionnés, sont chacun égaux au moins au tiers du nombre des représentants mentionnés au 2º. »
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, sur l’article.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Le texte que nous discutons aujourd’hui vise notamment à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
Le titre de la proposition de loi laisse présager de changements majeurs dans la composition du conseil d’administration de l’Agence, et donc, de nouvelles orientations. Or dans les faits, il n’en est rien.
L’AEFE est aujourd’hui administrée par un conseil d’administration comprenant un président, deux députés, deux sénateurs et des membres répartis en deux collèges : le premier, représentant la moitié des sièges, est composé de représentants du Gouvernement ; le second, composé d’au moins pour moitié de représentants du personnel, est également constitué de représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger, des organismes gestionnaires d’établissements et des fédérations d’associations de parents d’élèves.
Cet article 2 tend à modifier uniquement la composition du second collège, afin de renforcer la représentation des parents d’élèves et de réduire celle des représentants du personnel.
Cette modification n’est que cosmétique : elle ne change en rien l’équilibre global du conseil d’administration, au sein duquel les représentants du Gouvernement restent majoritaires. Ces derniers continueront d’entériner des propositions qu’ils ont faites, sans que le second collège ne puisse finalement faire entendre sa voix.
La répartition actuelle, ainsi que celle proposée par cet article, prive le conseil d’administration de toute collégialité et relègue les membres du second collège au rang de spectateurs impuissants.
Afin que le conseil d’administration devienne un véritable organe stratégique, il faut avoir le courage et la confiance de laisser les acteurs du réseau, personnels et familles, décider du devenir de l’Agence.
Telle est l’ambition que je porte au travers de l’amendement que je défendrai.
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian et M. Salmon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. L’article 2 prévoit la modification du conseil d’administration de l’AEFE au bénéfice des parents et au détriment des personnels enseignants.
Ainsi que nous l’avons développé lors de la discussion générale, ce changement ne nous paraît pas judicieux : alors que nous manquons d’enseignants et que la logique politique à l’œuvre actuellement consiste à faire peser le coût de la scolarité sur les parents, maintenir la représentation des personnels pourrait contribuer à contenir cette dérive orientée vers une logique de marché.
Nous défendons, au contraire, une logique orientée vers le service public. Cet amendement vise donc à supprimer l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise purement et simplement à supprimer l’article 2.
M. Bruno Sido, rapporteur. Tout à fait, monsieur le ministre, c’est radical.
Les nouveaux équilibres introduits par la proposition de loi doivent permettre de porter le nombre de représentants des parents d’élèves de deux à quatre. Cette proposition fait consensus.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Permettez-moi de rappeler l’évolution de la contribution des parents d’élèves à l’enseignement français à l’étranger.
En 2007, ces derniers contribuaient à son financement à hauteur de 70 % ; aujourd’hui, ils y contribuent à hauteur de 80 %. Sur un montant global de 2,5 milliards d’euros, l’État apporte 500 milliards d’euros et les familles 2 milliards d’euros.
Dans ces conditions, il est souhaitable, me semble-t-il, de reconnaître l’engagement des parents – qui dépasse d’ailleurs le simple aspect financier et se traduit par un engagement moral au quotidien – en tenant cette promesse consistant à doubler leur représentation.
L’avis est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au 1° de l’article L. 452-6 du code de l’éducation, les mots : « , en nombre au moins égal à la moitié des sièges du conseil d’administration » sont remplacés par une phrase ainsi rédigée : « . Ils occupent moins de la moitié des sièges du conseil d’administration. »
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Cet amendement tend à diminuer le nombre de sièges réservés aux représentants du Gouvernement au sein du conseil d’administration de l’AEFE, de façon que celui-ci devienne une instance stratégique de débat et de réflexion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Un conseil d’administration n’a pas pour simple vocation d’être une instance de débat et de réflexion ; c’est une instance de pilotage, d’orientation et de décision.
Or il n’existe pas de libre administration des établissements publics. Si ces derniers disposent d’une autonomie, ils restent un prolongement de la personne publique à laquelle ils sont rattachés et qui exerce sur eux un pouvoir de tutelle.
On ne peut éluder l’existence de ce pouvoir de tutelle, qui est un pouvoir d’approbation ou d’annulation des décisions qui sont prises. La majorité dont l’État dispose au conseil d’administration est le pendant logique de la tutelle.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
L’article L. 452-6 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au 2, après la deuxième occurrence du mot : « étranger », sont insérés les mots : « les plus représentatives » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. L’article 2 tend à assurer une meilleure représentation des élèves au conseil d’administration de l’AEFE.
Cet objectif est légitime dans la mesure où les parents d’élèves financent – M. le ministre l’a rappelé – environ 80 % de l’enseignement français à l’étranger.
La réforme proposée permettra d’assurer la présence de quatre représentants des parents d’élèves au sein du conseil d’administration de l’AEFE.
Cette augmentation du nombre de représentants des parents pose la question de la mesure de la représentativité des fédérations d’associations de parents d’élèves.
Les deux fédérations actuellement représentées sont reconnues d’utilité publique et disposent d’une légitimité incontestable. Il conviendra de s’assurer que les fédérations représentées continueront toutes à disposer d’une légitimité suffisante et d’éviter la présence de fédérations marginales ou à vocation purement locale, tout en permettant aux parents d’élèves d’être représentés dans leur diversité.
Cet amendement tend à mettre l’accent sur la notion de représentativité, sans se prononcer sur des critères, qu’il reviendra au Gouvernement de fixer par décret.
M. le président. Le sous-amendement n° 39, présenté par Mme Cazebonne, est ainsi libellé :
Amendement n° 35, alinéa 4
Après les mots :
les mots : «
insérer les mots :
d’utilité publique et
La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Ce sous-amendement va dans le sens des propos de M. le rapporteur, qui pose une question essentielle.
Nous allons voter un texte visant à augmenter le nombre de sièges des représentants des parents d’élèves au sein du conseil d’administration de l’AEFE.
C’est important, car comme vous le savez, notre réseau est pluriel. Il est très vaste et couvre des zones géographiques très diverses, aux problématiques également très diverses.
Si la représentation des parents doit être assurée de la manière la plus fine possible, il serait cependant assez inopportun de voir « pulluler » un certain nombre de représentations auto-désignées à travers le monde.
Aussi un critère de stabilité intéressant pourrait-il être– je vous en soumets l’idée, mes chers collègues – d’exiger que ces fédérations soient a minima reconnues d’utilité publique, par le biais d’associations.
Cela donnerait un gage d’assurance, car elles seraient tenues de justifier, sur une période de trois ans, de la stabilité de leurs effectifs et d’un certain nombre de critères.
Cette proposition permettrait ainsi de différencier les associations susceptibles d’être représentées au conseil d’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Les critères de représentativité sont très exigeants, même après la rectification proposée par Mme Samantha Cazebonne tendant à ce que les fédérations soient simplement reconnues d’utilité publique.
La proposition de loi conduirait probablement à la désignation de représentants supplémentaires des fédérations déjà représentées. Ne vaudrait-il pas mieux rechercher une meilleure représentation de la diversité des parents ?
Je vous propose d’en rester à mon amendement, qui répond, me semble-t-il d’une façon plus souple, à la question de la représentativité des fédérations d’associations de parents d’élèves.
La commission n’ayant pu se prononcer sur ce sous-amendement, j’émets à titre personnel un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 35 et sur le sous-amendement n° 39 ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Avis favorable sur l’amendement et sur le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Dès lors que l’on décide d’augmenter le nombre de représentants des associations de parents d’élèves au sein du conseil d’administration de l’AEFE, la question de la représentativité se pose.
Monsieur le ministre, le Gouvernement estime-t-il utile de mesurer la représentativité des différentes associations et si oui, comment compte-t-il procéder, sachant que les parents d’élèves sont représentés dans les conseils d’établissement selon les modalités de la circulaire Vie scolaire ?
Compte tenu de l’évolution du nombre de parents d’élèves, comptez-vous vous appuyer sur les élections aux conseils d’établissement et sur l’affiliation des parents aux différentes associations pour mesurer la représentativité ?
Si nous obtenons l’assurance que le Gouvernement tiendra compte de la représentativité des associations de parents d’élèves sur le fondement de la circulaire Vie scolaire et sur celui des élections aux conseils d’établissement, alors l’amendement de M. le rapporteur fera sens et nous pourrons y souscrire.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le nombre de représentants des personnels affectés dans les établissements d’enseignement français à l’étranger et dans les services centraux de l’agence est égal au moins à la moitié du nombre des représentants mentionnés au 2°. Le nombre de représentants des fédérations d’associations de parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger, dont au moins un représente les organismes gestionnaires des établissements conventionnés, est égal au moins au tiers du nombre des représentants mentionnés au 2°. »
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
L’amendement n° 4, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le nombre de représentants des personnels affectés dans les établissements d’enseignement français à l’étranger et dans les services centraux de l’agence est égal au moins à la moitié du nombre des représentants mentionnés au 2º. Le nombre de représentants des fédérations d’associations de parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger, dont au moins un représente les organismes gestionnaires des établissements conventionnés, est égal au moins au quart du nombre des représentants mentionnés au 2º. »
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement de cohérence tient compte de la décision de notre assemblée d’accorder un siège supplémentaire aux représentants des fédérations d’associations de parents d’élèves au sein du comité d’administration de l’AEFE.
Il vise à rétablir la proportion des représentants des personnels enseignants, sans empêcher l’augmentation de celle des parents d’élève, désormais inscrite dans le marbre.
Dans le texte initial, la recherche d’une meilleure représentation des parents d’élèves au sein du conseil d’administration se faisait, de manière problématique, au détriment de celle des personnels, et plus particulièrement des enseignants.
Nous le savons : ce Gouvernement ne les traite pas bien. Mais cela devient une obsession. Dès qu’il le peut et quel que soit le texte, il tape sur les enseignants.
Or il est possible d’augmenter à la fois le nombre de représentants des associations de parents d’élèves et de garantir la proportion de représentants des enseignants en conservant le même équilibre. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement devrait logiquement être retiré, car il suppose l’adoption de l’amendement n° 3 à l’article 1er. Or cet amendement a été rejeté.
L’amendement n° 4 tend à réduire à un quart la place des fédérations d’associations de parents d’élèves plutôt qu’à un tiers.
Par conséquent, la commission demande son retrait ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chantrel, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Yan Chantrel. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Leconte, Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 451-2 du code de l’éducation est complété par les mots : « , après avis du conseil d’administration de l’agence ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Alors que le Président de la République annonçait, au printemps 2018, sa volonté de voir le nombre d’élèves doubler dans le réseau, le ministère des finances a bloqué, l’été suivant, le dispositif de l’Anefe qui permettait d’obtenir des garanties de l’État.
Au cours de son existence, ce dispositif a permis à 112 écoles de contracter 190 emprunts, 50 prêts courant encore jusqu’en 2047.
Compte tenu de ses délais de mise en œuvre et de son caractère inopérant, le nouveau dispositif voté en décembre 2020 n’a pas encore permis d’aider le moindre établissement scolaire.
L’une des raisons est claire : le coût de cette nouvelle garantie de l’État peut être prohibitif, le montant de la provision à verser pour la rémunérer étant fixé par Bercy.
Parmi les établissements qui ont essayé de déposer des dossiers, certains se sont vu communiquer des taux annuels de 1,8 % environ du montant de l’emprunt, contre 0,3 % à 0,4 % dans le cadre du précédent dispositif de l’Anefe. Cela rend la garantie de l’État totalement ineffective.
Voilà, monsieur le ministre, le résultat de votre politique : depuis l’été 2018, plus aucun établissement n’est en mesure de demander une garantie de l’État, qui soit opérationnelle et à un tarif acceptable.
Par cet amendement, nous proposons, au minimum et par transparence, que le conseil d’administration donne un avis sur le montant de la provision que l’État demande lorsqu’il donne sa garantie à un projet immobilier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’article 198 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, complété par un arrêté du 2 avril 2021, a mis en place le dispositif de garantie qui se substitue à celui qui était auparavant proposé par l’Anefe.
Ce nouveau dispositif est – hélas !, cela a été dit – moins favorable que le précédent. Il prévoit en particulier une rémunération de la garantie par une commission variable en fonction des risques encourus, alors que cette commission était auparavant fixée à 0,4 % et mutualisée.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi attribue à l’AEFE un rôle d’instruction des dossiers de demande de garantie de l’État ; l’Agence joue donc déjà un rôle d’expertise qui sera utile pour déterminer le taux de la commission.
Serait-elle bien dans son rôle vis-à-vis des établissements si elle donnait formellement un avis sur ce taux, qui sera de toute façon déterminé par le ministre chargé de l’économie ? Je crains que cela ne la place dans une situation délicate.
Aussi la commission émet-elle un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Même avis, monsieur le président.
J’ajoute que l’AEFE sera bien impliquée dans l’instruction du dossier, puisque son service immobilier, le SADR, participera à l’avis, après consultation du conseil consulaire dans le pays concerné et après soumission du dossier à l’AEFE par le chef du poste diplomatique.
L’AEFE est donc pleinement partie prenante dans l’élaboration du dossier, qui est ensuite transmis à la commission interministérielle. J’y serai particulièrement vigilant, mon double rattachement à Bercy et au Quai d’Orsay pouvant sans doute faciliter les choses.
S’agissant du taux, je précise qu’il se situe entre 0,32 % et 1,8 %. Cela signifie qu’il peut très bien être de 0,32 % ou de 0,40 %, soit l’équivalent du taux pratiqué auparavant par l’Anefe.
Enfin, vous savez que la réforme de l’Anefe a été rendue nécessaire au regard de ses activités. Il n’était pas banal qu’une association exerce une activité bancaire.
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.
Mme Samantha Cazebonne. Permettez-moi de rendre hommage à ceux qui ont porté l’Anefe durant toutes ces années. Je salue l’engagement d’André Ferrand, qui a toute mon amitié, ainsi que celui d’Olivier Cadic, qui a pris sa succession.
En tant que proviseure dans ce réseau pendant un certain nombre d’années, j’ai eu recours à ce dispositif. M. le ministre a toutefois rappelé que le cadre, alors admis par tous, était, disons-le, à la limite de la légalité. Il fallait donc absolument réformer l’Anefe.
Aujourd’hui, l’Anefe a vocation à se renouveler, à proposer de nouveaux services et à pallier précisément ce différentiel.
Je vous rappelle tout de même, mon cher collègue – ce n’est pas négligeable – que c’est désormais l’État qui apporte directement sa garantie aux projets. Dans la logique comptable qui est la nôtre, ce point ne peut échapper à votre vigilance.
Les cadres réglementaires doivent aujourd’hui être respectés ; ce n’est pas là remettre en cause toutes les qualités de gestion que l’Anefe a démontrées – il faut au contraire les reconnaître, et même les saluer.
Je souhaite bonne chance à la nouvelle Anefe, en espérant qu’elle rendra de nouveaux services à l’enseignement français à l’étranger.
M. le président. Naturellement !
Mes chers collègues, je le répète une dernière fois, après quoi j’appliquerai le règlement à la lettre : je vous remercie de vous en tenir à l’amendement. Il n’est pas permis à ce stade d’élargir le propos pour le transformer en discussion générale.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Merci de cette précision, monsieur le président. Mon intention n’était pas contraire ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, entre 2018 et aujourd’hui, plus une seule garantie de l’État n’a été accordée. Pourtant, la gestion des dossiers par l’Anefe était particulièrement satisfaisante.
Mme Samantha Cazebonne. Le Panama !
M. Jean-Yves Leconte. Les quelques défaillances survenues ont pu être régulées, en effet, par la mutualisation du risque au sein même de l’association.
Que le nouveau dispositif voté depuis plus d’un an – qui est attendu par nombre d’établissements – n’ait encore jamais été activé montre bien que ce dernier ne fonctionne pas, pas plus que votre politique.
La raison est évidente : le taux de 1,8 % du montant engagé est totalement prohibitif pour ces établissements, qui demandent simplement la garantie de l’État. (Mme Hélène Conway-Mouret le confirme.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Trois dossiers ont été déposés et seront examinés en février.
M. Jean-Yves Leconte. Mais oui ! Si, un an plus tard, vous n’avez toujours pas accordé la moindre garantie de l’État alors qu’un nombre croissant d’établissements attendaient le nouveau dispositif, c’est bien que celui-ci n’est pas opérationnel et que son coût est trop élevé !
Aussi nous proposons – je vous invite à y réfléchir, monsieur le ministre, ainsi que monsieur le rapporteur – de rendre les taux publics, de manière à ne pas bloquer les projets et à permettre le développement des établissements.
Si nous voulons développer le réseau, il faut que la garantie de l’État soit accessible dans les pays où précisément les taux d’intérêt sont élevés et où, en l’absence de garantie, on ne construit rien.
M. Jean-Yves Leconte. Non, aujourd’hui, le taux n’est pas de 0,32 %, mais de 1,8 % !
M. le président. Il ne saurait y avoir ainsi, dans cet hémicycle, de pareils échanges entre un ministre et un parlementaire.
Je mets aux voix l’amendement n° 10.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Leconte, Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 452-7 du code de l’éducation, après le mot : « habilitée », sont insérés les mots : « , après délibération de son conseil d’administration, ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement s’inscrit, lui aussi, dans la volonté d’assurer le développement du réseau.
Comme notre rapporteur l’a signalé, l’AEFE a malheureusement perdu depuis longtemps – et ce n’est pas le fait de ce gouvernement – sa capacité d’emprunt.
Toutefois, le code de l’éducation donne bien à l’Agence la prérogative de lever l’emprunt.
Il est tout de même étonnant que, alors que celle-ci est inscrite dans la loi, une autre loi soit venue conférer au Gouvernement la prérogative de décider du classement en ODAC et que le Gouvernement ait inscrit l’AEFE sur cette liste – il en rejette d’ailleurs la responsabilité, quand on l’interroge, sur l’Insee en arguant de son indépendance –, entravant ainsi tout développement de l’AEFE.
Par cet amendement, nous posons de nouveau la question : l’AEFE a-t-elle réellement perdu sa capacité d’emprunt, comme on le prétend depuis des années bien que la loi dispose du contraire ?
Nous réaffirmons pour notre part la possibilité, pour l’AEFE, de lever l’emprunt, après examen du dossier par son conseil d’administration.
Que le Gouvernement respecte la loi ! À partir du moment où le Parlement a voté la capacité d’emprunt de l’AEFE et que cette prérogative figure dans le code de l’éducation, nous souhaitons que l’AEFE puisse l’exercer, sous le contrôle de son conseil d’administration.
Cela permettra le développement du réseau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Lors de la création de l’AEFE, il était effectivement prévu que celle-ci puisse emprunter, mais la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a interdit aux ODAC, dont fait partie l’AEFE, d’emprunter « nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables ».
Ces ODAC sont au nombre de 700. Vous imaginez bien que si chacune se met à emprunter, notre pauvre État, déjà submergé par les dettes, ne s’en sortira pas.
La disposition proposée n’apporte pas de solution à cette situation, si bien que le vote de cet amendement ne permettrait pas de remettre en vigueur la disposition implicitement abrogée par la loi de programmation des finances publiques. Seule une loi financière pourrait le faire, et encore sur l’initiative du Gouvernement. Le dispositif proposé est donc inopérant.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Il a bien été précisé par le rapporteur que la décision de classement en ODAC remonte à 2011.
Naturellement, j’ai veillé à réinterroger l’Insee sur ce sujet, qui est bien identifié. Je vous livre sa réponse, en date de mai 2021 : « le comptable national considère ainsi que l’AEFE est une administration publique appartenant du fait de sa compétence au sous-secteur des administrations centrales, classée sans ambiguïté dans le secteur des ODAC ». Cela a le mérite d’être clair.
Je le répète, la décision a été prise en 2011. De 2011 à 2014, votre groupe disposait de la majorité au Sénat, monsieur Leconte, et à partir de 2012, il était également majoritaire à l’Assemblée nationale. De plus, Hélène Conway-Mouret a été ministre. Que n’avez-vous agi ? (Exclamations sur les travées du groupe SER. – MM. Olivier Cadic et Gérard Longuet applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote. Soyez bref, mon cher collègue. Vous n’allez pas monopoliser la parole tout l’après-midi.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, je suis désolé, mais nous examinons un texte de loi, avec des amendements que nous devons discuter.
Monsieur le ministre, j’ai bien précisé que la faute ne reposait pas sur votre gouvernement, donc ce n’est pas la peine de venir nous titiller avec ce genre d’argument. Ce que vous me dites, je le sais parfaitement.
Cela étant, monsieur le rapporteur, vous êtes parlementaire. Quand une loi dispose que l’AEFE a une capacité d’emprunt, comment pouvez-vous accepter que le pouvoir réglementaire inscrive postérieurement l’AEFE sur la liste des ODAC, au terme d’une procédure totalement opaque, annulant ainsi ce que le Parlement a voté, à savoir la capacité d’emprunt de l’AEFE ?
C’est anormal, et peu importe le gouvernement qui est responsable de cela. J’y insiste, nous avons voté la loi en tant que parlementaires, et il n’est pas logique que nous soyons dessaisis du pouvoir de décider des instances relevant des ODAC.
Surtout, monsieur le ministre, qu’aujourd’hui, et on peut le regretter, les recettes de l’AEFE proviennent majoritairement, non pas de subventions publiques, mais de son activité. Or de nombreux établissements publics semblables à l’AEFE, mais disposant de ressources propres moins importantes, ont été sortis de la liste des ODAC, au contraire de l’AEFE.
Pour résumer : premièrement, il n’est pas logique qu’en tant que parlementaires nous acceptions que le pouvoir réglementaire annule une disposition que nous avons votée et inscrite dans la loi ; deuxièmement, même si nous acceptons le principe des ODAC, l’AEFE a des ressources propres qui sont supérieures à sa subvention publique et il n’est donc pas normal qu’elle reste sur la liste des ODAC.
M. le président. C’est terminé, monsieur Leconte. Je vous en conjure, respectez votre temps de parole !
La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.
Mme Samantha Cazebonne. Si, dans l’esprit, je pourrais rejoindre mon collègue, je tiens quand même à rétablir une vérité : aujourd’hui, l’AEFE a recours à un emprunt octroyé par l’Agence France Trésor, et bénéficie de dérogations pouvant aller jusqu’à sept ans, voire neuf ans pour ce qui est du remboursement.
J’entends ce que vous dites, cher collègue, et j’aurais tendance à vous rejoindre sur le principe : une telle situation n’est pas satisfaisante. Je tenais simplement à préciser qu’une possibilité d’emprunt par dérogation est tout de même accordée à l’Agence.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Leconte, Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 452-7 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces concours financiers sont établis sur la base d’une tarification fixée par le conseil d’administration lorsqu’il s’agit de prestation de service ou de mise à disposition de personnels détachés de l’éducation nationale. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte. On ne pourra pas dire que vous manquez de temps de parole, mon cher collègue. (Applaudissements.)
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à offrir une lisibilité et une stabilité aux établissements français à l’étranger s’agissant des participations qu’ils reversent à l’AEFE.
En 2017, par exemple, à la suite d’une coupe de 33 millions d’euros de subventions publiques, en quelques semaines, l’Agence a augmenté de 50 % sa demande de participation financière complémentaire aux établissements conventionnés, ce qui est ingérable quand on a besoin de prévisibilité.
Nous savons aussi que l’Agence envisage aujourd’hui, compte tenu de l’absence de financements publics à la hauteur de ses ambitions, un changement dans la participation des établissements, de sorte que, comme l’on dit en novlangue, celle-ci soit plus « dynamique ». En d’autres termes, elle est censée augmenter tous les ans sans qu’il soit besoin d’en modifier le calcul.
Il nous semble logique que les demandes de participation que l’Agence formule auprès des établissements scolaires soient normées, transparentes et discutées par le conseil d’administration. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La loi se borne à indiquer que l’Agence est administrée par un conseil d’administration. Les domaines dans lesquels celui-ci délibère sont fixés par décret.
En l’espèce, l’article D. 452-8 du code de l’éducation dispose que le conseil d’administration délibère sur les principes selon lesquels sont déterminées les redevances et rémunérations de toute nature perçues par l’agence.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
L’article L. 452-2 du code de l’éducation est complété par des 7° à 9° ainsi rédigés :
« 7° De contribuer à la formation de personnels exerçant ou ayant vocation à exercer dans les établissements d’enseignement français à l’étranger ainsi que de personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers au titre de la mission de coopération éducative définie au 2°, dans le cadre de programmes de formation dispensés en langue française ou portant sur le français ;
« 8° De conseiller les promoteurs d’initiatives en vue de la création d’un établissement d’enseignement français dans la conduite de leur projet d’homologation ;
« 9° D’instruire les dossiers de demande de garantie de l’État pour financer l’acquisition, la construction et l’aménagement des locaux d’enseignement. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, je vous rassure, c’est la fin de votre supplice, car il me reste peu d’amendements à défendre. (Sourires.)
Je souhaite d’abord rendre hommage aux enseignants du réseau, ainsi qu’à l’ensemble des enseignants qui exercent en France et pour la France. Nous le savons, nous avons aujourd’hui énormément de difficultés à les recruter, compte tenu du niveau de leurs rémunérations, en particulier. À l’étranger, il est dommage qu’un certain nombre de personnes qui exercent sous contrat local ne puissent avoir le choix d’être titularisés en restant à l’étranger.
Permettez-moi de rappeler quelques éléments.
Le Président de la République, en 2018, a émis le vœu de voir le nombre d’élèves dans le réseau doubler entre 2018 et 2030. Pourtant, si l’on rappelle les moyens attribués, le constat est cruel : entre 2017 et 2022, le plafond d’emplois des titulaires détachés auprès de l’AEFE est passé 6 169 à 5 609, et la subvention de l’AEFE, de 397 millions d’euros à 420 millions d’euros.
Comment voulez-vous faire plus avec moins, tout en maintenant la qualité ?
Bien entendu, dans ce cadre, les instituts régionaux de formation auront leur utilité, mais, il faut le dire, ce sont les parents qui financeront ces nouveaux organismes, parce qu’il n’y a pas de moyens nouveaux, qu’ils soient financiers ou humains. Ainsi, il n’y aura pas d’inspecteurs en plus dans les instituts régionaux de formation.
La question est posée : pourquoi créer des dispositifs sans aucun moyen ?
Dans ces conditions, il est impensable d’assurer la qualité de l’enseignement. Celle-ci est pourtant essentielle si nous voulons garantir la crédibilité et l’avenir de l’enseignement français à l’étranger dans la durée et partant, converser la confiance des familles qui confient leurs enfants aux établissements du réseau.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de cet article, nous allons notamment aborder la question de la formation des enseignants de droit local. C’est un sujet fondamental, car les attentes des établissements appellent une réponse.
Cet article confie également à l’Agence un rôle de conseil pour la création d’établissements d’enseignement et la charge d’instruire les dossiers de demande de garantie de l’État pour financer l’acquisition, la construction et l’aménagement des locaux d’enseignement.
Les établissements du réseau de l’AEFE sont importants pour nos compatriotes établis à l’étranger, mais ils sont aussi un outil essentiel de rayonnement de la France et de la francophonie dans le monde.
J’ai en mémoire un déplacement parlementaire effectué voilà quelques années dans un pays d’Amérique centrale, qui, par définition, n’était pas francophone. Tous les entretiens que nous avions eus avec les membres du gouvernement de ce pays s’étaient tenus en français, car tous avaient été scolarisés dans le lycée français du pays concerné.
À l’heure où nombre de pays essaient de développer leur stratégie d’influence, nous avons la chance extraordinaire, inestimable, de pouvoir nous appuyer sur ce réseau. Avec ce texte de loi, nous allons lui donner encore plus de moyens pour prospérer, ce qui est essentiel à mes yeux.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
contribuer
insérer le mot :
prioritairement
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. C’est un amendement de cohérence avec l’amendement que je présenterai au deuxième alinéa de l’article 4, lequel a déjà recueilli un avis favorable du rapporteur en commission.
On attend en effet de la loi que l’expression utilisée dans deux articles successifs soit identique. Je le rappelle, l’article 3 liste les missions de l’Agence, tandis que l’article 4 s’attache plutôt aux IRF.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Comme vous venez de le préciser, ma chère collègue, l’article 3 complète la liste des missions confiées à l’Agence, en application du principe de spécialité des établissements publics, mais il n’a pas vocation à hiérarchiser ces missions.
Ne m’en veuillez pas, madame Conway-Mouret, mais j’ai une autre solution que celle que vous préconisez à proposer.
Vous l’avez dit, la commission avait donné un avis favorable à l’amendement n° 16 à l’article 4, dont l’objet est à peu près identique. Cependant, pour être en cohérence avec le Gouvernement, j’estime préférable de donner un avis défavorable à l’amendement n° 16 et un avis favorable à l’amendement n° 12, que vous venez de présenter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 11 est présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 24 est présenté par Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou ayant vocation à exercer
La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Yan Chantrel. La vocation de l’AEFE est de former les personnels exerçant dans les établissements français de l’étranger dans le cadre de la formation continue.
En voulant élargir le public ciblé par les formations des instituts régionaux de formation à des personnes « ayant vocation à exercer » dans les établissements français, cet article ouvre une brèche qui pourrait nuire à l’opérateur public.
D’abord, cette extension du périmètre de formation risque de s’effectuer au détriment de la formation continue des personnels des établissements français de l’étranger. On peut d’ailleurs s’interroger sur les critères de sélection de ces « personnes ayant vocation à exercer » et sur les garanties mises en place pour s’assurer qu’elles exercent bien, in fine, dans les établissements français de l’étranger.
Ensuite, on peut se demander s’il est normal qu’il revienne au contribuable français de financer la formation de personnes qui pourraient ne pas enseigner dans le réseau de l’AEFE. Aussi, nous souhaitons nous assurer que ces IRF, qui bénéficieront de subventions de l’État, ne seront pas détournés de leur vocation.
Cet amendement a donc pour objet de limiter les formations proposées par les IRF à la formation continue des personnels déjà recrutés, conformément à la mission de l’AEFE, afin d’éviter que ces IRF ne favorisent la création d’établissements concurrents aux établissements homologués du réseau.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour présenter l’amendement n° 24.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Les IRF doivent assurer la formation de professeurs déjà présents dans le réseau, ainsi que celle de personnes « ayant vocation » à y exercer.
L’ouverture de la formation à cette catégorie de personnes pose de nombreuses difficultés. Quid de la sélection de ces personnes et du diplôme qu’elles obtiendront ? Auront-elles la possibilité de venir enseigner en France, alors qu’elles n’ont pas passé de concours ? À l’issue de leur formation, enseigneront-elles bien dans une école française à l’étranger ?
Monsieur le ministre, trouvez-vous normal que des instituts subventionnés par la France forment des personnels qui pourront exercer dans les systèmes éducatifs étrangers, ou bien encore que ces personnels, formés uniquement au sein des IRF, puissent, au même titre que nos professeurs, enseigner dans nos établissements, que ce soit en France ou à l’étranger ?
Ma crainte est que l’on crée ainsi une nouvelle catégorie de personnels, qui, à terme, remplaceront les titulaires de l’éducation nationale au sein des établissements d’enseignement français installés à l’étranger. Or ce sont eux qui sont les garants de la qualité pédagogique de nos lycées.
La formation continue des personnels français a toujours été exemplaire, mais la création des IRF, qui assureront à la fois la formation continue des personnels du réseau et la formation de futurs personnels, risque d’entraîner des difficultés d’accès et un appauvrissement des cursus destinés aux personnels déjà en place.
C’est la raison pour laquelle nous demandons de supprimer l’expression « ayant vocation à ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La question qui est posée est importante et structurante dans la réforme. C’est même l’un des points centraux de cette proposition de loi.
En effet, l’AEFE se voit confier une mission de formation qui va bien au-delà de la seule formation continue de ses personnels. Les instituts régionaux de formation seront en effet habilités à former non seulement les personnels du réseau, mais aussi les personnels « ayant vocation à exercer » au sein de ce réseau et des personnels des systèmes éducatifs étrangers au titre de la coopération éducative.
Le ministère de l’éducation nationale promet 1 000 détachements d’ici à 2030, mais ce ne sera pas suffisant pour soutenir la croissance du réseau. Il s’agit donc ici de créer des cursus diplômants, qui garantiront l’existence d’un vivier de personnels disposant d’un niveau de qualification conforme aux exigences de qualité des enseignements et aux critères de l’homologation.
Ces cursus sont déjà expérimentés dans certains réseaux ayant des besoins importants ou en développement, par exemple au Maroc, au Liban ou en Égypte. Ils fonctionnent sur la base d’un partenariat entre une institution d’enseignement supérieur local et un institut national supérieur du professorat et de l’éducation. La forte croissance prévisible des personnels de droit local appelle l’extension de ce type de dispositif.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.
Mme Samantha Cazebonne. Je ne peux pas laisser ce que je viens d’entendre sans réponse.
Je trouve assez extraordinaire de la part de mes collègues de vouloir réduire à ce point l’activité de ces centres de formation en interdisant à un certain nombre de personnes de venir s’y former, alors que, voilà quelques instants, ils défendaient l’entrée des représentants des associations FLAM au conseil d’administration de l’AEFE. C’est pour moi totalement incohérent, mais peut-être pourrez-vous me préciser votre position.
Aujourd’hui, mes chers collègues, nous avons un besoin criant de ces IRF. Nous avons besoin qu’ils puissent à la fois former un certain nombre de personnels en formation initiale, j’y insiste et je l’assume, dès lors que les besoins se font sentir, et assurer une formation continue de qualité pour l’ensemble des personnels du réseau.
Sans cela, notre réseau finira par s’éteindre au bénéfice du modèle anglo-saxon, qui, lui, ne se pose pas ce genre de question. À un moment donné, il faut vraiment prendre conscience de cette chance extraordinaire que l’on offre à ce réseau, aux parents et, surtout, à nous-mêmes de rester crédibles en préservant la qualité de cet enseignement français à l’étranger, qui fait notre renommée.
On ne peut pas aujourd’hui limiter à cette seule corporation, dont j’ai fait partie, l’accès à la formation continue. Non, mes chers collègues, la formation initiale est aussi nécessaire. J’ai été enseignante, et j’ai commencé ma formation initiale en France…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Samantha Cazebonne. J’aurais bien voulu pouvoir bénéficier de cette formation initiale à l’étranger.
M. le président. C’est fini !
Mme Samantha Cazebonne. Pardon, monsieur le président, je suis passionnée, mais ce réseau, c’est ma vie, et je me dois de rectifier certaines choses que j’ai pu entendre aujourd’hui.
M. le président. Ma chère collègue, quels que soient vos états d’âme, vous devez respecter le temps de parole, comme tout le monde ici. Sinon, je ne vous donnerai plus la parole.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je souhaite répondre à notre collègue. Nous sommes bien sûr favorables au renforcement de la formation des personnels, et plus particulièrement de celle des personnels recrutés localement, compte tenu de leur poids croissant dans les effectifs du réseau depuis 2017, leur nombre ayant augmenté de 9 %.
Ce qui nous pose problème, c’est la rédaction des articles 3 et 4, qui soulève un grand nombre de questions s’agissant de la mission des instituts régionaux de former les personnels « ayant vocation à exercer » dans les établissements français à l’étranger. On se demande en fait ce que cette expression recouvre, ou cache… Les contours en sont très flous, et quand c’est flou, vous savez ce qu’il en est…
Ouvre-t-elle la formation à des personnes qui ne sont pas des enseignants ? Quels sont les critères qui seront choisis ? Cette formation débouchera-t-elle sur une certification et, le cas échéant, laquelle ? Sera-t-elle diplômante ?
C’est ce manque de clarté qui nous pousse à proposer de réserver les formations dispensées par les instituts régionaux de formation aux personnels exerçant effectivement dans le réseau.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame Cazebonne, vous décrivez au fond le problème majeur de l’éducation nationale, qui n’arrive pas à recruter suffisamment d’enseignants en France, mais aussi à l’étranger. Il faut donc trouver des solutions, et ce que vous proposez peut en être une.
Toutefois, je ne crois pas non plus que ce soit une baguette magique. Pensez-vous vraiment que, d’un seul coup, à partir de rien, cela résoudra tous nos problèmes de recrutement, alors que l’on n’aura pas plus d’un inspecteur par IRF, sachant que ces inspecteurs passent aujourd’hui plus de 60 % de leur temps à homologuer de nouveaux établissements pour « faire du chiffre » et, ainsi, respecter les engagements pris par le Président de la République ? Ils n’exercent plus leurs fonctions dans les établissements et ils ne pourront pas exercer leurs fonctions dans les instituts régionaux de formation.
Certes, ce que vous défendez est utile, mais ce n’est pas une solution magique.
Je reconnais que votre argument relatif au réseau FLAM est habile et qu’il nous place devant une certaine contradiction. Cependant, sur le fond, nous pensons qu’il faut commencer par les personnels qui sont déjà dans notre réseau, au sein duquel un besoin sérieux se fait sentir. Commençons par cela, et nous verrons ensuite.
D’ailleurs, je ne suis pas certain qu’une telle ouverture des IRF soit réellement envisagée. Une note présentée au comité technique de l’AEFE, le 9 décembre dernier, indique très clairement les missions et attributions des instituts régionaux de formation, avant même la discussion de cette proposition de loi. Or l’ouverture à des personnes qui ne sont pas encore dans le réseau n’est absolument pas évoquée.
Si tel était le cas, cela poserait des difficultés, car, d’une certaine manière, nous créerions des établissements d’enseignement supérieur dans différents pays sans avoir discuté de leur statut. Ce point n’a pas encore été abordé dans le débat, mais c’est problématique.
Je le répète, commençons déjà par ce que nous savons faire et qui répond à nos besoins.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. J’entends les inquiétudes exprimées par ceux qui redoutent la concurrence des établissements étrangers. À les entendre, ces derniers profiteraient de l’aubaine pour former leurs enseignants sur le dos du contribuable français.
Néanmoins, la formulation que vous souhaitez supprimer est indispensable, mes chers collègues, car nous avons besoin de former de nouveaux enseignants pour accompagner le développement du réseau. Certains n’ont pas encore enseigné dans le réseau d’établissements d’enseignement français à l’étranger, mais ils sont appelés à le faire.
Cette ouverture est d’ailleurs d’autant plus nécessaire que dans le cadre du label « Francéducation », que l’AEFE développe également, on peut très bien imaginer que des enseignants aillent enseigner dans un établissement étranger.
Encore une fois, chaque fois que vous mettez des limites, vous envoyez des enfants vers les systèmes étrangers.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 24.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26, présenté par Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
l’étranger
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Nous sommes tous très attachés à la francophonie, mais est-il juste que la France finance des formations de personnels, a priori de nationalité étrangère, qui exercent dans des systèmes étrangers ?
Le coût de la création de ces IRF et de leur fonctionnement n’est pas neutre pour les finances publiques, même si, aujourd’hui, rien n’est chiffré.
Le bénéfice des formations devrait selon nous être réservé aux personnels d’établissements du réseau. C’est pourquoi je demande la suppression de la disposition ouvrant le bénéfice des formations dispensées par les IRF aux personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
dispensés
insérer les mots :
, sauf exception dûment motivée,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit de répondre à l’objection légitime formulée au travers de l’amendement n° 13 de Mme Conway-Mouret, qui sera appelé juste après celui-ci, tout en préservant la portée de la disposition introduite par la commission, qui précise que les formations dispensées par les instituts régionaux de formation sont francophones.
Ces formations doivent en effet avoir lieu en français si l’on souhaite que les instituts régionaux de formation contribuent réellement à notre diplomatie culturelle et d’influence. L’AEFE reste ainsi dans son rôle.
Cette disposition nous a paru d’autant plus nécessaire que ces formations seront ouvertes à un large public, nous avons eu l’occasion d’en débattre. L’AEFE n’aurait pas vocation, par exemple, à dispenser des formations en anglais à des personnes « ayant vocation à exercer » dans le réseau ou exerçant dans des systèmes éducatifs étrangers, qui pourraient décider ensuite de rejoindre le réseau anglophone.
L’ajout de l’adverbe « principalement », qui ressemble beaucoup à « notamment », j’en conviens, vide en fait de sa portée la disposition introduite par la commission. Il semble toutefois qu’une souplesse soit nécessaire dans certains cas précis et limités. C’est pourquoi je vous propose, par cet autre amendement, de ménager la possibilité d’exceptions « dûment motivées ».
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
dispensés
insérer le mot :
principalement
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. La rédaction actuelle du texte risquerait de priver certains personnels de formations pédagogiques, c’est-à-dire techniques. Je pense par exemple à certains personnels administratifs essentiels au fonctionnement de nos établissements, mais aussi à des professeurs de langues étrangères, qui sont des locuteurs natifs, et dont le français n’est pas la langue maternelle. Cela reviendrait finalement à exclure ces personnels.
Dans un souci de précision, nous proposons donc de laisser ouverte pour l’AEFE la possibilité de dispenser des formations pédagogiques en langues étrangères, notamment dans la langue locale, quand cela est nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 26 et 13 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement n° 26 a pour objet de supprimer la possibilité pour l’AEFE de former des personnels de systèmes éducatifs étrangers au titre de la coopération éducative, qui figure pourtant parmi les missions assignées à l’AEFE depuis sa création.
Les auteurs de l’amendement évoquent un risque d’« ingérence » ; je parlerai plutôt d’influence, mais aussi, et surtout, de contribution à la consolidation du système éducatif dans des pays disposant de compétences et de moyens insuffisants, alors que l’éducation est l’une des clés du développement.
S’il faut faire de la formation des personnels de l’AEFE une priorité, ce sur quoi nous aurons l’occasion de revenir plus tard, je vous propose néanmoins de maintenir la possibilité d’actions de coopération éducative.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 26.
Par ailleurs, pour les raisons que j’ai indiquées, je demande retrait de l’amendement n° 13, au bénéfice de l’amendement n° 36 de la commission. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 26, 36 et 13 ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 26, car la coopération éducative est au cœur du rayonnement de la langue française.
Par ailleurs, entre l’amendement n° 36 de M. Bruno Sido et l’amendement n° 13 de Mme Hélène Conway-Mouret, il revient à l’Académie française d’être l’arbitre des élégances. (Sourires.) Toutefois, faute d’avoir cette qualification, j’ai une préférence, je l’avoue, pour l’amendement n° 13. En effet, l’amendement n° 36 tend à « cadenasser » le dispositif. Passionné de la francophonie, biberonné au Sénat par Jacques Legendre, j’estime que l’amendement n° 13 donne plus de latitude pour s’adapter à des publics en langue nationale.
Je suis donc défavorable, monsieur le rapporteur, à l’amendement n° 36 et favorable à l’amendement n° 13.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je comprends la démarche proposée par M. le rapporteur, qui souhaite promouvoir la francophonie.
Je le rappelle, ces formations pédagogiques sont susceptibles d’être assez nombreuses. Si, à chaque fois, il faut instruire une demande, cela induira des formalités administratives supplémentaires, ce qui ne semble pas nécessaire, puisque la demande devra être dûment motivée. Qui décidera ? Devra-t-on installer un comité pour instruire ces demandes ?
Ainsi, la rédaction proposée par l’amendement n° 13 permet de répondre à chaque cas, en laissant une grande flexibilité, notamment au regard de la diversité des formations qui seront proposées.
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.
Mme Samantha Cazebonne. Je partage avec vous l’envie de défendre jusqu’au bout la francophonie. Néanmoins, je me permets de rappeler le principe de réalité.
Nos établissements français à l’étranger fonctionnent dans le cadre d’accords bilatéraux. Nous vivons dans des pays qui nous accueillent, et avec lesquels nous avons des conventions.
Permettez-moi de prendre le cas, que je connais, d’un lycée en Espagne, où on enseigne, dans le cadre des accords, outre l’espagnol et le français, qui est la langue de communication, le catalan. De fait, il n’est pas toujours possible de nommer un professeur qui maîtrise la langue française. Mais je dois pourtant bien former à la pédagogie française mon professeur de catalan !
Cela veut dire qu’on lui parlera dans la langue de transmission, sous le contrôle d’inspecteurs, qui sont bien plus nombreux que ce qu’affirme M. Jean-Yves Leconte, et qui ont la capacité d’enseigner dans plusieurs langues, conformément au principe de notre réseau.
Quand c’est nécessaire, il convient d’enseigner dans la langue du pays. Sinon, nous n’avons pas de professeur et nous ne sommes pas en mesure d’honorer les accords bilatéraux qui nous lient.
Par ailleurs, quand nous demandons à nos professeurs de se certifier dans l’enseignement d’une langue, par exemple pour enseigner les mathématiques en anglais, il faut bien qu’ils parlent anglais, même s’ils sont français !
C’est la raison pour laquelle la rédaction proposée par l’amendement n° 36 me paraît limitative, même si, comme vous, monsieur le rapporteur, je défends haut et fort la francophonie.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 13 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 32, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement tend à supprimer la mission de conseil de l’AEFE aux promoteurs d’initiatives en vue de la création d’un établissement EFE, école française à l’étranger.
Nous craignons que le conseil à l’homologation d’un opérateur chargé de doubler le nombre d’élèves soulève une interrogation s’agissant de la neutralité du conseil qui serait donné. Cela risquerait de faire baisser les exigences de qualité relatives aux établissements homologués.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer le rôle de conseil de l’Agence auprès des candidats à l’homologation.
Accordée par le ministère de l’éducation nationale, l’homologation atteste et reconnaît que les établissements dispensent un enseignement conforme aux principes, aux programmes et à l’organisation pédagogique du système éducatif français. L’attribution de celle-ci s’effectue en accord avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Afin d’accélérer la croissance du réseau, conformément aux objectifs qui lui ont été fixés, l’AEFE a d’ores et déjà renforcé son rôle dans l’accompagnement des projets d’homologation, en créant un service d’appui et de développement du réseau.
Ce rôle de conseil est essentiel pour alimenter la dynamique actuelle des homologations. Depuis 2019, l’homologation des établissements accompagnés par l’AEFE a permis de faire entrer 9 000 nouveaux élèves dans le réseau, et une cinquantaine d’établissements sont actuellement accompagnés. Ce rôle doit être conforté par son inscription dans la loi.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° De développer une relation continue avec les services institutionnels, culturels et médiatiques des pays d’implantation, aux fins de valoriser son action, de participer au rayonnement de la France et de mieux faire connaître sa culture. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Comme je l’ai indiqué précédemment, il nous semble important d’inscrire l’action des établissements du réseau de l’AEFE dans l’ensemble des outils d’influence français.
Dans ce cadre, il nous paraît nécessaire que l’AEFE s’attelle à développer une relation avec les acteurs culturels institutionnels et médiatiques locaux.
L’enjeu ici est double.
Il s’agit tout d’abord de faciliter l’intégration des familles au sein de leur pays de résidence. Faire découvrir aux enfants et indirectement aux parents les établissements culturels du pays dans lequel ils viennent d’arriver pourrait être une bonne méthode.
À ce titre, le renforcement des enseignements culturels et artistiques, cinq ans après la mise en place du parcours d’éducation artistique et culturelle, constitue un levier très prometteur.
Il s’agit ensuite de mieux faire connaître le réseau auprès des familles françaises, mais aussi des familles étrangères. Si notre objectif est bien de doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030, il est nécessaire de renforcer la visibilité de l’AEFE et de ses établissements.
Les établissements et le réseau, en lien avec le ministère des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mènent déjà cette action de promotion et de valorisation. Il semble donc légitime de l’inscrire officiellement dans ses missions. Cela pourrait d’ailleurs être utile à l’avenir, notamment au moment de renégocier le contrat d’objectifs et de moyens du réseau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est une idée intéressante, mais qui figure déjà au 3° de l’article L. 452-2 du code de l’éducation, lequel précise que l’AEFE a pour objet de contribuer « au rayonnement de la langue et de la culture françaises ». Le texte proposé serait donc redondant avec cette disposition.
Par ailleurs, cette nouvelle mission créerait une confusion avec l’action d’autres acteurs publics tels que les services culturels des ambassades ou les instituts français.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° D’être un laboratoire d’innovation pédagogique pour l’Éducation nationale, en particulier dans le domaine de l’enseignement des langues. »
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Afin d’encourager les démarches innovantes et des approches pluridisciplinaires, Samantha Cazebonne l’a rappelé dans le cadre de la discussion générale, l’AEFE a organisé son premier forum de l’innovation pédagogique à Prague, les 24 et 25 janvier 2020, qui a réuni plus d’une centaine de participants afin de préparer l’école de demain et de faire évoluer les pratiques.
Depuis 2010, elle a aussi intensifié son partenariat avec le Centre national d’enseignement à distance, afin d’assurer la continuité de l’offre de scolarisation française dans tous les contextes, ce qui s’est avéré précieux pour traverser la crise sanitaire mondiale.
Il nous paraît donc important d’inscrire dans le code de l’éducation le rôle de l’AEFE en tant que laboratoire d’innovation pédagogique, conformément aux objectifs fixés par le dernier contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Selon un rapport de 2019 du Centre national d’étude des systèmes scolaires, en France, 75 % des collégiens en fin de classe de troisième sont incapables de s’exprimer correctement en anglais.
Si l’enseignement des langues vivantes débute désormais à l’école élémentaire, les professeurs des écoles sont peu formés et souvent mal à l’aise avec cet enseignement.
Or, dans le domaine de l’apprentissage des langues, il y a beaucoup à apprendre des systèmes scolaires étrangers, et les établissements de l’AEFE peuvent servir de relais.
L’Agence développe des dispositifs d’excellence dans ce domaine : sections européennes, orientales et internationales. Des parcours renforcés en langues étrangères sont proposés dès le CP, les élèves évoluant naturellement dans deux langues, le français et la langue du pays hôte.
L’idée que cette expérience puisse être source d’enseignements pour l’éducation nationale est intéressante et pertinente.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 452-3 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’agence gère également des instituts régionaux de formation, situés à l’étranger et placés en gestion directe, qui assurent la formation de personnels exerçant ou ayant vocation à exercer dans les établissements d’enseignement français à l’étranger et peuvent assurer des missions de formation au bénéfice de personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers au titre de la mission de coopération éducative définie au 2° de l’article L. 452-2. » ;
2° À la seconde phrase, les mots : « de ces établissements » sont remplacés par les mots : « des établissements et des instituts régionaux de formation placés en gestion directe ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
directe,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dont la mission principale est la formation continue de personnels exerçant ou sur le point d’exercer, sous réserve d’une promesse unilatérale de contrat de travail par l’Agence d’enseignement français à l’étranger, dans les établissements d’enseignement français à l’étranger. Dans certains cas définis par l’agence après consultation de l’instance de gouvernance pédagogique et scientifique des instituts régionaux de formation, ces derniers peuvent assurer des missions de formation continue au bénéfice de personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers au titre de la mission de coopération éducative définie au 2° de l’article L. 452-2.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise tout d’abord à clarifier la rédaction de cet article, en précisant que la mission prioritaire et principale des IRF est la formation continue des personnels du réseau d’enseignement français à l’étranger ou des personnels qui exerceront effectivement dans le réseau, sous réserve d’une promesse unilatérale de contrat. En effet, des personnels dont le contrat n’a pas commencé doivent pouvoir être formés.
Il est également précisé que les IRF peuvent proposer des missions de formation continue aux personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers, dans certains cas définis par l’Agence, après consultation d’une instance de gouvernance pédagogique et scientifique des IRF.
Bien qu’elle ait vocation à être précisée par voie réglementaire, une telle disposition permettra de contrôler la manière dont des personnels hors réseau pourraient bénéficier de formations.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
qui assurent
insérer le mot :
prioritairement
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à garantir la cohérence du texte, puisqu’il s’agit de préciser à l’article 4, comme précédemment à l’article 3, le caractère prioritaire de la formation des personnels exerçant au sein de notre réseau.
Une telle précision nous semble nécessaire pour plusieurs raisons.
D’abord, la proposition de loi tend à modifier substantiellement la mission incombant à l’AEFE. En effet, à ce jour, aux termes de l’article L. 452-2 du code de l’éducation, l’Agence contribue au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers. Dans ce cadre, elle est un partenaire des postes diplomatiques chargé de cette mission.
Or la proposition de loi prévoyant que l’Agence contribue également à la formation de personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers, elle deviendra l’acteur principal de cette mission de coopération.
Ensuite, nous souhaitons cibler prioritairement les personnes exerçant au sein du réseau, afin que celles-ci soient assurées de bénéficier des formations qui leur sont nécessaires en cas de forte demande. Ce dispositif n’exclut pas, bien sûr, les demandes locales des professeurs employés au profit d’une formation initiale, pour répondre aux besoins d’autres systèmes éducatifs.
Au fond, cet amendement vise à éviter des tensions inutiles dans la gestion des IRF.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou ayant vocation à exercer
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je le retire, monsieur le président, car il s’agit d’un amendement de coordination avec deux amendements précédemment rejetés.
M. le président. L’amendement n° 25 est retiré.
L’amendement n° 27, présenté par Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
français à l’étranger
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je le retire également pour les mêmes raisons, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 33 rectifié et 16 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’amendement n° 33 rectifié vise à faire de la formation des personnels une priorité, tout en permettant à ceux qui seraient « sur le point » d’exercer dans le réseau d’être formés et en limitant les possibilités en matière de coopération éducative.
L’avis est défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 16, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir le retirer, dans la mesure où nous avons déjà introduit cette formulation en adoptant votre amendement n° 12 à l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 33 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 16, sans doute le fait d’inscrire une seconde fois la même disposition peut sembler superflu.
Mme Hélène Conway-Mouret. C’est une question de cohérence.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 16 est-il maintenu, madame Conway-Mouret ?
Mme Hélène Conway-Mouret. L’adoption de cet amendement permettra d’assurer la cohérence du texte. Si l’article 3 fait mention d’une mission particulière, il paraît logique que celle-ci soit également visée à l’article 4.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Si c’est écrit une fois dans la loi, ce n’est pas la peine de l’inscrire deux fois.
M. Jean-Yves Leconte. Mais l’article du code de l’éducation qui sera modifié n’est pas le même !
M. Bruno Sido, rapporteur. L’avis est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mme Renaud-Garabedian et M. Bansard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’instance pédagogique et scientifique des instituts régionaux de formation compte des représentants des enseignants parmi ses membres. »
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. La gouvernance des IRF est assurée par une instance administrative et financière, d’une part, et par une instance pédagogique et scientifique, d’autre part, ces deux instances étant propres à chaque zone.
Cet amendement vise à assurer la participation de représentants des enseignants aux instances pédagogiques et scientifiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement pose la question de la gouvernance des instituts régionaux de formation.
L’institut régional de formation est une interface qui assurera la gestion administrative et financière de l’ensemble des moyens déconcentrés de l’Agence, mutualisés à l’échelle d’une zone géographique.
Ces moyens proviendront des contributions des établissements, c’est-à-dire, d’une part, de la participation des établissements partenaires aux frais du réseau et, d’autre part, de la participation à hauteur de 1 % de la masse salariale de tous les établissements homologués pour financer les actions de formation.
D’après les informations qui nous ont été fournies, pour assurer leurs missions, les IRF seront dotés d’un conseil des affaires administratives et financières, regroupant des personnels de l’institut régional de formation et de l’Agence, des représentants des parents d’élèves, des personnels et des comités de gestion des établissements.
Une seconde instance, un conseil pédagogique et scientifique, ou CPS, apportera l’expertise nécessaire pour l’élaboration d’un plan régional de formation et l’évaluation des actions menées. Il est évidemment légitime que les enseignants participent à cette instance pédagogique et scientifique.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Les représentants des personnels sont d’ores et déjà présents dans le cadre du conseil des affaires administratives et financières. Or ce conseil étudie, amende et valide le plan régional de formation et toutes les actions menées par les IRF.
Il nous semble donc que l’esprit et l’intention qui guident les auteurs de cet amendement sont satisfaits par le dispositif mis en place. Le CPS est une instance non pas d’identification des besoins, mais d’ingénierie.
Le Gouvernement, qui souhaite en rester à la rédaction retenue par la commission, émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Leconte, Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 452-5 du code de l’éducation, les mots « auprès d’elle » sont remplacés par les mots : « auprès des établissements d’enseignement français à l’étranger dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l’éducation, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Nous proposons, par cet amendement, de confier à l’AEFE un rôle de coordination des détachements de titulaires de l’éducation nationale vers l’enseignement français à l’étranger.
Aujourd’hui, vous le savez, il existe deux types de détachement pour les titulaires de l’éducation nationale : d’une part, les détachements de l’éducation nationale vers l’AEFE pour les établissements qui sont en gestion directe et conventionnés et, d’autre part, des détachements directs vers les établissements partenaires, qui sont opérés par l’éducation nationale.
L’AEFE gère sa ressource, qui est rare, en essayant de l’économiser. En effet, elle ne dispose pas d’enseignants en nombre suffisant, car elle n’a pas les moyens de les rémunérer. Toutefois, l’analyse du détail des détachements directs effectués au profit des établissements partenaires fait état d’une situation de totale anarchie, dans la mesure où ni la direction générale des ressources humaines ni l’éducation nationale ne s’en occupent.
On le constate, la ressource est particulièrement mal répartie dans le monde. En effet, seuls les établissements partenaires semblent susceptibles d’échanger efficacement avec l’éducation nationale pour bénéficier de détachements.
Cet amendement vise donc à confier à l’AEFE le rôle de détacher les personnels et d’assurer une répartition juste et efficace de l’ensemble des détachements des titulaires de l’éducation nationale à l’étranger.
Je rappelle d’ailleurs que le détachement d’un titulaire de l’éducation nationale auprès d’un établissement partenaire entraîne un coût caché d’à peu près 25 000 euros à 30 000 euros par an en termes de pensions civiles. Il s’agit donc d’une dépense significative de l’État, qui, si elle peut être justifiée, mérite d’être également répartie et correctement coordonnée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’Agence affecte des personnels titulaires, expatriés et résidents, détachés dans les établissements en gestion directe et conventionnés du réseau. Par ailleurs, le ministère de l’éducation nationale peut également détacher directement des personnels titulaires au sein des établissements partenaires. Ces fonctionnaires détachés sont alors recrutés dans le cadre d’un contrat de droit local.
Quelque 1 000 détachements supplémentaires de personnels titulaires de l’éducation nationale ont été promis à l’horizon 2030, ce qui pose en effet la question de la coordination.
Toutefois, dans quelle mesure l’AEFE pourrait-elle assurer une fonction de coordination, alors que ces détachements sont décidés par le ministère de l’éducation nationale, en fonction des besoins des établissements partenaires, des besoins recensés en France dans les académies et des situations individuelles des fonctionnaires candidats au détachement ? Les établissements partenaires sont-ils demandeurs d’une telle coordination ?
Il s’agit, en définitive, de mieux coordonner les actions du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère de l’éducation nationale dans le domaine de l’enseignement français à l’étranger.
Que proposez-vous en ce sens, monsieur le ministre ? La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. La rédaction proposée par l’amendement de M. Jean-Yves Leconte n’est pas totalement en ligne avec l’argumentaire qu’il vient de défendre.
À la lecture de l’article L. 452-5 du code de l’éducation, je constate que cet amendement tend à une remise en cause significative des statuts existants. Les personnels détachés auprès de l’AEFE seraient en effet détachés auprès des établissements, ce qui signifie la disparition pure et simple des statuts de résidents et d’expatriés. Les détachés seraient dès lors considérés comme des détachés directs et recrutés sous contrat local par les établissements.
Telle serait la conséquence concrète de l’adoption de cet amendement. Connaissant M. Leconte, je ne pense pas que tel soit l’effet recherché.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Même avis : défavorable.
M. le président. L’amendement n° 17 est-il maintenu, monsieur Leconte ?
M. Jean-Yves Leconte. Je le retire, monsieur le président.
Toutefois, j’aurais souhaité, monsieur le ministre, que vous évoquiez le sujet au fond, car il est majeur pour l’enseignement français à l’étranger.
J’ai été contraint d’évoquer le sujet par ce biais malgré l’écueil que vous signalez, car le premier amendement que j’avais déposé a été retoqué au titre de l’article 40 de la Constitution.
Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 17 est retiré.
L’amendement n° 20, présenté par M. Leconte, Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 452-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comprend l’ensemble des composantes du barème et les propositions d’évolution des instructions de la prochaine campagne des bourses scolaires. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à préciser, dans le code de l’éducation, que le rapport remis annuellement par l’AEFE précise les évolutions du barème et des instructions pour la future campagne des bourses scolaires.
Il est en effet important que la politique des bourses scolaires et ses modifications puissent être évoquées dans le cadre de l’Assemblée des Français de l’étranger.
C’est la raison pour laquelle nous proposons l’inscription d’une telle disposition dans le code de l’éducation.
M. le président. Le sous-amendement n° 38, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 20, alinéa 3
Remplacer la référence :
L. 452-9
par la référence :
L. 452-8
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 38 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 20.
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission partage le souci de transparence exprimé par les auteurs de l’amendement n° 20, mais elle souhaite que les informations visées soient portées à la connaissance du Parlement plutôt qu’à celle de l’Assemblée des Français de l’étranger, laquelle disposera toutefois ainsi de ces informations. Tel est l’objet du sous-amendement n° 38.
J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 20, sous réserve que le sous-amendement n° 38 soit adopté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 20 et le sous-amendement n° 38 ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. En réalité, ces informations sont communiquées par la Commission nationale des bourses, au sein de laquelle siègent des représentants de l’AEFE.
Tous les sujets étant débattus au sein de l’AEFE, il n’existe aucun obstacle à ce que celui-ci le soit également. Très franchement, au regard des pratiques en vigueur au sein de la Commission nationale comme de l’AEFE, je ne comprends pas l’objet de l’amendement n° 20.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 20 et le sous-amendement n° 38.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Le rapport comprendrait l’ensemble des composantes du barème et les propositions d’évolution des instructions de la campagne suivante de bourses scolaires. Par cet amendement, il s’agit donc d’inscrire dans la loi que l’AEFE présente à l’Assemblée des Français de l’étranger ces propositions d’évolution, afin que celle-ci puisse en débattre et, éventuellement, émettre des remarques. Ce n’est pas la même chose qu’un rapport a posteriori.
En prévoyant simplement une information du Parlement plutôt qu’un débat à l’Assemblée des Français de l’étranger, j’ai peur que nous perdions finalement l’esprit de cet amendement, lequel vise à permettre à l’Assemblée des Français de l’étranger de débattre des évolutions futures du barème.
Selon moi, monsieur le rapporteur, votre sous-amendement ne permet pas d’améliorer les choses. Bien au contraire ! En effet, ce n’est pas au Parlement que nous débattrons du barème des bourses scolaires versées par l’AEFE !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 18, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Féraud, Chantrel, Leconte, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2022, un rapport portant sur la possibilité d’autoriser l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger à recourir à l’emprunt pour le financement de ses projets immobiliers et sur l’évolution de ses capacités de financement.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je déplore le sort qui a été réservé à nos précédents amendements. Ils tendaient pourtant à apporter des réponses aux blocages financiers qui empêchent aujourd’hui l’Agence de se développer, alors que, par ailleurs, elle doit procéder à la restauration et à la mise aux normes de certains locaux, ainsi qu’à l’extension de son parc immobilier pour accueillir les nouveaux élèves.
Cet amendement vise donc à prévoir la remise d’un rapport au Parlement afin de répondre aux interrogations des rapporteurs budgétaires, qui, chaque année, font état des blocages rencontrés par l’Agence, laquelle n’a pas forcément les moyens d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Certains de ces blocages ont été évoqués.
Ainsi, l’AEFE ne pouvant contracter d’emprunt d’une durée supérieure à douze mois, elle a deux solutions pour financer ses investissements immobiliers.
La première est d’accroître les ressources propres des établissements, ce qui entraîne une augmentation importante et pluriannuelle des frais de scolarité. Cette hausse n’est pas sans conséquence sur les familles. Or ces travaux ne bénéficieront qu’aux générations d’élèves suivantes…
La deuxième est de recourir aux avances de l’Agence France Trésor. Or ces dernières sont inadaptées aux financements immobiliers, car elles sont théoriquement destinées à satisfaire un besoin de financement imprévu. Le contrat d’objectifs et de moyens, en tout cas le dernier, prévoit d’ailleurs leur extinction en 2022 ou en 2023 et leur remplacement par un nouveau mécanisme, lequel, au demeurant, ne semble pas très adéquat et sera étudié par un groupe de travail interministériel.
Nous pensons que ce rapport permettrait peut-être d’obtenir des réponses aux questions que se pose depuis longtemps la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Il s’agit, une bonne fois pour toutes, de trouver une solution afin de pallier l’impossibilité pour l’AEFE de contracter un emprunt d’une durée supérieure à douze mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué au cours de la discussion générale, la principale entrave au développement du réseau est aujourd’hui l’interdiction faite à l’AEFE d’emprunter à moyen et long terme, alors que des opérations immobilières sont nécessaires pour accroître les capacités d’accueil des établissements en gestion directe.
J’espère que nos débats aujourd’hui permettront des avancées sur la question cruciale de l’endettement, qui se négocie avec Bercy. C’est un point de blocage important, sur lequel le Parlement est empêché d’agir par l’article 40 de la Constitution.
Il serait regrettable de devoir se passer de la contribution des EGD à la croissance du réseau, monsieur le ministre, alors que votre ministère a l’ambition de doubler les effectifs à terme.
Lors de la création de l’AEFE, il était prévu que celle-ci puisse emprunter. Cette disposition figure toujours à l’article L. 452-7 du code de l’éducation, mais elle a été abrogée, de façon implicite, par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui interdit aux organismes divers d’administration centrale d’emprunter.
Seule une loi financière permettrait de revenir sur ce dispositif. Encore faudrait-il, pour qu’elle soit recevable, que cette modification du dispositif émane du Gouvernement. Une solution plus simple a été proposée. Elle consisterait à ne pas inscrire l’AEFE dans la liste des 700 ODAC établie par l’Insee et fixée par arrêté du ministre chargé des comptes publics.
J’ai évoqué deux pistes ; il en existe peut-être d’autres. Toujours est-il, monsieur le ministre, qu’il faut trouver une solution. Le rapport proposé par cet amendement est donc le bienvenu. La commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Il me semblait que le Sénat avait un goût modéré pour les rapports ! (Sourires.)
Alors que nous sommes désormais dans l’action, l’heure n’est plus à la compilation de rapports. Nous disposons d’un dispositif alternatif. Les textes ont été pris. Une commission interministérielle sera appelée à statuer sur les demandes des établissements ayant besoin de prêts garantis par l’État. Action, feu : on y va ! Il n’y a pas besoin de rapport.
Avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 19, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Chantrel, Leconte, Kanner, Todeschini, Roger et Féraud, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Temal, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2022, un rapport portant sur le respect des principes de la République, et en particulier de la laïcité, dans les établissements français à l’étranger.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. L’examen de cette proposition de loi nous permet d’évoquer largement les missions qui incombent à l’AEFE, que l’article 3 complète.
Le code de l’éducation prévoit ainsi qu’elle a pour mission de contribuer au rayonnement de la culture française, dont les principes républicains, en particulier le principe de laïcité, sont structurants.
Alors que le plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, présenté en octobre 2019, a allégé les critères d’homologation afin de faciliter la création de nouveaux établissements, il nous semble plus que nécessaire de nous assurer du respect des principes cardinaux de l’enseignement français dans l’ensemble du réseau, tels que l’égalité des chances et l’égalité entre les filles et les garçons.
C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à prévoir la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport nous permettant d’avoir une vision globale des situations très diverses qui existent au sein de nos établissements à l’étranger et de l’évolution du réseau.
Ce rapport, en dressant un état des lieux, pourrait également permettre aux instituts régionaux de formation de mettre en place des soutiens spécifiques à destination des personnels qui en auraient besoin, comme cela est le cas aujourd’hui dans l’Hexagone.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’homologation d’un établissement en tant qu’établissement d’enseignement français à l’étranger atteste normalement du respect des principes, des programmes et de l’organisation pédagogique du système éducatif français.
Mais nos principes républicains, en particulier le concept français de laïcité, sont souvent mal compris à l’étranger. Aussi un état des lieux sur cette question paraît-il fort utile.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Au risque de vous surprendre, j’émets également un avis favorable sur cet amendement.
Il faut mettre en valeur les nombreuses actions de l’enseignement français à l’étranger : mise en place d’un réseau de 16 correspondants « laïcité », instauration d’une équipe « valeurs de la République ». Bref, le rapport proposé est bienvenu !
Avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
L’amendement n° 34, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à partir de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l’état actuel de la mixité sociale dans le réseau d’enseignement français à l’étranger et ses perspectives d’évolution dans le cadre du plan de développement de l’enseignement français à l’étranger.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise lui aussi à prévoir la remise d’un rapport au Parlement, cette fois sur l’état de la mixité sociale dans le réseau.
Nous l’avons dit, dans un contexte de désengagement de l’État, de réduction des bourses et d’augmentation des frais de scolarité, la mixité sociale à l’intérieur du réseau d’enseignement français à l’étranger risque de s’amoindrir.
Nous pensons qu’il serait utile, pour être mieux guidés s’agissant du développement du réseau et des politiques publiques à mener à l’avenir, de pouvoir nous fonder sur des données précises concernant la mixité sociale et son évolution : est-elle préservée ou, au contraire, s’amoindrit-elle ?
M. le président. Le sous-amendement n° 37, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 34, alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport fait aussi un point sur l’accueil, dans les établissements français à l’étranger, des enfants des fonctionnaires et militaires en poste à l’étranger, en examinant en particulier l’adéquation des majorations et aides qu’ils perçoivent avec les montants de frais de scolarité.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 37 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 34.
M. Bruno Sido, rapporteur. Parmi les familles établies hors de France, le cas des fonctionnaires et des militaires en poste à l’étranger est particulier, car ils n’ont souvent pas choisi leur affectation et exercent une mission au service de l’État.
L’existence d’un enseignement français à un coût abordable permet bien souvent d’éviter l’éclatement des familles et de garantir des affectations plus pérennes, mais le coût des établissements français à l’étranger est très variable et parfois très élevé.
Dans ce contexte, les aides et majorations proposées sont-elles toujours suffisantes et adaptées aux évolutions, parfois rapides, des frais de scolarité ?
Ce sous-amendement tend à prévoir que le rapport proposé par l’amendement n° 34, auquel la commission est favorable, soit aussi l’occasion de faire un point sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Dans ce domaine aussi, le Gouvernement agit. Le quotient maximum d’accès aux bourses scolaires a été assoupli, passant de 21 000 à 23 000 euros.
Par ailleurs, nous avons octroyé plus de bourses qu’auparavant, le montant total distribué s’élevant ainsi à 108 millions d’euros. Je le dis pour démentir de fausses informations qui ont été relayées à la tribune précédemment.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement et ce sous-amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons pour cette proposition de loi, dans la mesure où elle apporte, sur un certain nombre de points, des éléments utiles à l’évolution du réseau de l’enseignement français à l’étranger. Nous émettrons toutefois un certain nombre de réserves.
Certes, nous sommes pour la croissance du réseau, mais pour une croissance raisonnée, qui préserve la qualité et permette le développement et l’approfondissement des valeurs de l’enseignement français à l’étranger. Nous ne sommes pas pour un grand bond en avant ou pour une politique du chiffre.
Alors que l’enseignement français évolue – une place plus importante est donnée au contrôle continu –, l’homologation mérite un suivi, au moment de son attribution, mais aussi par la suite.
Nous voterons cette proposition de loi, même si nous pensons que nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de maintenir la qualité de l’enseignement français à l’étranger dans le cadre de la croissance du réseau voulue par le Gouvernement. Nous n’avons pas obtenu d’assurances de la part du Gouvernement sur les moyens.
La qualité, c’est pourtant ce qu’il y a de plus précieux. L’image de marque de notre réseau est le fruit de la mobilisation de tous les acteurs depuis des dizaines d’années. Pour maintenir ce réseau et le renforcer, nous ne pouvons pas le faire croître à marche forcée sans préserver sa qualité. Nous avons donc besoin d’assurances sur les moyens. Aujourd’hui, nous ne les avons pas. Les garanties que nous vous avons proposées n’ont pas été votées.
Telles sont les réserves que nous souhaitions émettre. Nous voterons néanmoins, je l’ai dit, cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.
Mme Samantha Cazebonne. Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des groupes qui voteront cette proposition de loi, parce qu’elle est fondamentale, essentielle pour le réseau d’enseignement français à l’étranger : pour nos élèves avant tout, bien sûr ; pour les familles aussi, dont nous avons beaucoup parlé ; pour les enseignants, dont nous avons également beaucoup parlé ; mais surtout pour l’avenir de notre réseau.
Je tiens ensuite à rassurer notre collègue Leconte s’agissant de la qualité de l’enseignement. Si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour la garantir. Nous offrons aujourd’hui à ce réseau, tous ensemble – je dis bien : tous ensemble – l’opportunité d’accroître sa qualité, grâce à la création des instituts régionaux de formation. Nos élèves continueront ainsi d’être reconnus pour leur excellence à travers le monde.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Malgré les limites que j’ai évoquées lors de mon intervention dans la discussion générale, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera ce texte, qui apporte quelques avancées au fonctionnement de l’AEFE.
Toutefois, il me semble que cette proposition de loi reste à l’écume des choses et que nous devrons continuer de réfléchir aux ambitions que nous avons pour ce réseau et aux moyens que nous sommes prêts à y consacrer. De fait, un équilibre subtil reste à trouver.
D’un côté, il me semble que l’AEFE devrait permettre d’offrir un service public de l’éducation à l’ensemble des enfants des familles françaises expatriées. De l’autre, le réseau doit aussi permettre la scolarisation des enfants étrangers, notamment dans les zones géographiques où l’état des services publics est désastreux.
Car si l’AEFE ne fait pas à proprement parler partie des opérateurs de l’aide publique au développement, elle peut y contribuer fortement de par son domaine d’action, son expérience, son déploiement et son expertise. À cet égard, et alors qu’on commence à peine à mesurer l’ampleur du désastre qu’a été l’option militaire au Sahel et malgré la montée en puissance de l’aide publique au développement, un renforcement de notre réseau éducatif et culturel à l’étranger est nécessaire.
La proposition de loi est clairement sous-dimensionnée pour atteindre cet objectif.
Nous apprécions la participation accrue des familles dans la gouvernance, sachant qu’elles financent la majeure partie du réseau.
Ce modèle doit toutefois être réinterrogé afin de démocratiser l’accès au réseau de l’AEFE et d’en faire un outil de rayonnement et de diffusion du modèle éducatif français.
Je suis d’ailleurs assez sceptique, et je terminerai sur ce point, quant à la volonté affichée de ne pas renforcer la logique partenariale entre l’AEFE et les systèmes éducatifs étrangers, comme en attestent les débats que nous avons eus sur le périmètre des instituts régionaux de formation.
C’est donc avec quelques réserves et une volonté d’aller plus loin que nous voterons ce texte.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. On ne peut pas faire croître un réseau, mes chers collègues, si on ne préserve pas sa qualité. Si on le fait croître, on aura forcément la qualité.
Encore une fois, s’opposer à la croissance du réseau, c’est envoyer des dizaines de milliers d’enfants vers des systèmes d’enseignement étrangers.
Telles sont les raisons pour lesquelles, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le groupe Union Centriste votera bien sûr ce texte.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que cette proposition de loi de notre collègue Samantha Cazebonne nous ait permis de débattre dans cet hémicycle de la stratégie du Gouvernement visant à doubler les effectifs de l’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030. Le Sénat soutient cet objectif ambitieux pour les raisons rappelées au cours du débat, notamment par notre rapporteur Bruno Sido.
Intéressant environ 3 millions de Français expatriés, le réseau d’enseignement français à l’étranger est par ailleurs l’un des instruments les plus efficaces dont nous disposons en termes d’influence pour préserver, mais aussi développer le rayonnement de la langue et de la culture françaises sur tous les continents, alors que cette influence est très contestée, notamment sur le continent africain.
Lutter contre la désinformation nécessite de faire œuvre de pédagogie, d’expliquer notre vision du monde, de diffuser notre « narratif », comme le font de façon très décomplexée des pays comme la Russie, la Chine, mais aussi les États-Unis ou le Royaume-Uni.
L’Europe est, je le pense, beaucoup trop discrète dans ce domaine. C’est pourquoi la commission a souhaité mettre l’accent dans ce débat sur la francophonie. Nos outils de diplomatie culturelle ne doivent pas perdre de vue quelques évidences : nous n’accepterons aucun recul face à l’envahissement de la langue anglaise.
Pourquoi l’anglais est-il toujours autant utilisé au sein des instances de l’Union européenne, malgré le Brexit ? L’existence de ce faux espéranto mondial qu’est l’anglais est un facteur d’appauvrissement de la réflexion. Nous ne devons donc pas céder sur cette question.
La commission a par ailleurs amélioré le texte sur la notion de représentativité des fédérations de parents d’élèves, sur la priorité à donner à la formation des personnels ou encore sur la participation au conseil d’administration de l’AEFE de l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger.
Nous pouvons dire aussi que le Parlement est empêché d’agir sur la question essentielle des moyens financiers de l’AEFE et de l’accès à l’endettement par les règles constitutionnelles de recevabilité.
Monsieur le ministre, il est urgent d’avancer sur cette question : nous attendons des mesures claires pour mettre fin au bricolage financier actuellement à l’œuvre avec l’Agence France Trésor, mais aussi des mesures réalistes, dans le respect des familles, qui, et cela a été régulièrement rappelé sur toutes les travées, paient 80 % du coût de fonctionnement de l’enseignement français à l’étranger.
En conclusion, je remercie tous les participants à ce débat, sous l’autorité bienveillante du président Karoutchi. Je remercie également M. le ministre. Au-delà des quelques points de divergence, ce texte nous permet, je crois, de nous retrouver assez largement sur l’essentiel.
Reste, au-delà des grands principes, la traduction dans les faits. À cet égard, le Sénat, dont c’est une spécialité, devra effectuer avec attention le suivi de l’application des lois. Soyez convaincus que notre commission s’y emploiera.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 330 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bruno Sido, rapporteur. Bravo ! Quel succès !
5
Combat contre le harcèlement scolaire
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à combattre le harcèlement scolaire.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 3 ter.
Article 3 ter
(Supprimé)
Après l’article 3 ter
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par Mmes Bourrat et Borchio Fontimp, MM. Cambon, Grosperrin, Belin, Perrin, Rietmann et J.P. Vogel, Mme Primas, MM. Laugier, Charon, Darnaud, Burgoa, D. Laurent et B. Fournier, Mme Dumont, MM. P. Martin et Bonhomme, Mmes Gruny et Billon, MM. Kern et Longeot, Mmes Demas et Gosselin, M. Lefèvre, Mmes Sollogoub, Joseph et Belrhiti, MM. Bascher et Piednoir, Mmes Drexler, Berthet et de Cidrac, M. Moga, Mme F. Gerbaud, MM. Genet, Bas et Levi, Mme Ventalon et M. Bansard, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 916-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
2° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’État peut conclure un contrat à durée indéterminée avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d’assistant d’éducation, en vue de poursuivre ses missions. »
La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. Les assistants d’éducation (AED) sont indispensables au maintien d’un climat scolaire serein. Présents en dehors des cours – durant les pauses méridiennes, lors des récréations et des intercours –, ils ont une vision complète des relations entre élèves et perçoivent plus rapidement les prémices du harcèlement. Ils permettent ainsi de limiter son installation dans la durée.
Toutefois, le droit en vigueur les contraint à quitter l’établissement dans lequel ils exercent au bout de six ans maximum. Or les chefs d’établissement ont besoin de s’appuyer sur des professionnels connaissant bien les réalités de l’environnement scolaire. En outre, du fait de cette instabilité, les assistants d’éducation peinent à faire face au harcèlement scolaire, qui, lorsqu’il s’installe, exige une alerte immédiate.
Cette précarité paraît d’autant plus décalée que les AED ne sont plus de simples surveillants et que la création de leur corps en 2003 procédait déjà d’une volonté d’adaptation aux réalités nouvelles du second degré.
Cet amendement vise donc à permettre aux personnels ayant exercé pendant six ans en qualité d’assistant d’éducation de poursuivre leur mission dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Cet assouplissement du droit existant doit permettre aux chefs d’établissement de continuer à bénéficier d’une ressource humaine précieuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. On a beaucoup parlé ce matin des élèves, un peu des parents, beaucoup des enseignants. On a également parlé des chefs d’établissement, de la médecine et de la santé scolaires.
En revanche, on n’a pratiquement pas évoqué le cas des assistants d’éducation. Or, comme l’a très bien dit Mme Bourrat, ils jouent un rôle clef dans la lutte contre le harcèlement scolaire parce qu’ils sont particulièrement proches des élèves. C’est donc une excellente chose de leur permettre, s’ils le souhaitent, d’exercer leur mission plus longtemps.
La commission a émis, à l’unanimité, un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3 ter.
TITRE II
AMÉLIORATION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES FAITS DE HARCÈLEMENT SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE
Article 4
L’article 222-33-2-2 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Lorsqu’ils ont été commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant au sein du même établissement d’enseignement ou se sont poursuivis alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement. » ;
2°.Au dernier alinéa, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 6° ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38, présenté par Mme Havet, MM. Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Iacovelli et Haye, Mme Schillinger et MM. Marchand et Lévrier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 3 bis du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 222-33-2-3 ainsi rédigé :
« Art. 222-33-2-3. – Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l’article 222-33-2-2 lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement.
« Le harcèlement scolaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail.
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
« Le présent article est également applicable lorsque la commission des faits mentionnés au premier alinéa du présent article se poursuit alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement. »
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement tend à créer un délit spécifique de harcèlement scolaire et universitaire.
Il ne pèse pas sur le harcèlement scolaire le même interdit symbolique que sur le harcèlement au travail, qui fait, lui, l’objet d’un article autonome du code pénal et qui est sanctionné par de lourdes peines.
Il paraît donc nécessaire de poser un interdit clair et cohérent en créant un article autonome, comme nous l’avons fait récemment pour sanctionner les thérapies de conversion.
Cette spécificité permettra aussi une meilleure identification du phénomène. La circonstance aggravante n’est pas adaptée au harcèlement scolaire : elle semble ignorer son essence même. En effet, le harcèlement scolaire, le harcèlement au travail et le harcèlement au sein du couple sont autant de formes de violences qui surviennent dans un environnement d’où la victime peine à s’extraire.
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par Mmes Guidez et Mélot, M. Hingray, Mme Muller-Bronn, M. Détraigne, Mmes Dindar et Vermeillet, MM. Guerriau et A. Marc, Mmes L. Darcos, Jacques, Sollogoub, Herzog et Férat, MM. Menonville, Kern, Longeot, Levi, Le Nay, Chauvet et J.M. Arnaud, Mmes Perrot et Doineau, MM. Lagourgue, Poadja et Laménie, Mme Morin-Desailly et M. Moga, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 3 bis du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 222-33-2-3 ainsi rédigé :
« Art. 222-33-2-3. – Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l’article 222-33-2-2 lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant au sein du même établissement d’enseignement.
« Le harcèlement scolaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail.
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
« Le présent article est également applicable lorsque la commission des faits mentionnés au premier alinéa du présent article se poursuit alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Cet amendement tend à restaurer le délit de harcèlement scolaire, caractérisé dans la proposition de loi, afin de lui donner toute la substance nécessaire, identifiée par les acteurs de terrain que sont les représentants d’associations, les magistrats et les juges, les policiers et les gendarmes.
Le septième alinéa de l’article 222-33-2-2 du code pénal, qui crée une circonstance aggravante en cas de harcèlement moral sur mineur de 15 ans, n’est pas appliqué dans les faits. Cette circonstance aggravante repose sur une définition du harcèlement moral dit « entre adultes », laquelle ne prend en considération ni la typologie du harcèlement ni la dynamique de groupe propre au harcèlement scolaire.
Recréer une circonstance aggravante n’aurait donc que peu de sens pour le traitement juridique des faits de harcèlement scolaire et reviendrait à s’en tenir au statu quo actuel.
Pour rappel, bien que ce délit soit passible d’une peine d’emprisonnement et d’une amende, une telle condamnation ne sera jamais prononcée par la justice des mineurs, qui préférera un dispositif à visée réparatrice et constructive pour l’enfant auteur des faits : le suivi de soins thérapeutiques ou encore d’un stage de sensibilisation et de responsabilisation au harcèlement scolaire. Tel est d’ailleurs l’objet de l’amendement n° 30 rectifié bis, que nous présenterons dans un instant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Les dispositions présentées diffèrent quelque peu. En effet, contrairement à l’amendement n° 31 rectifié bis, l’amendement n° 38 vise à rétablir l’article dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale, laquelle inclut dans le champ spécifique du harcèlement les faits commis par le personnel sur des élèves.
Madame Mélot, nous avons déjà consacré de longues discussions à cet article. Comme vous le savez, la commission des lois est opposée à la création d’un délit spécifique, en cohérence avec la position de la mission d’information dont vous étiez la rapporteure et dont j’étais membre. Vous n’étiez alors pas favorable à un délit spécifique ; je ne reviens pas sur les arguments que nous avons développés ce matin.
Par ailleurs, le périmètre proposé par cet article pose un certain nombre de problèmes.
Ces deux amendements visent à prévoir des sanctions assez lourdes, mais il ne faut pas oublier le travail de prévention qu’il est nécessaire de mener.
De telles mesures nous semblent trop restrictives, eu égard à la réalité des faits de harcèlement susceptibles de toucher les élèves et les enseignants : il n’est pas souhaitable de rétablir, sous une forme ou sous une autre, la disposition que nous avons supprimée.
Le quantum des peines proposé, de trois à dix ans d’emprisonnement et de 45 000 à 150 000 euros d’amende, nous paraît trop élevé par rapport à l’objectif affiché de la proposition de loi : prévenir le harcèlement scolaire – c’est essentiel ! – et non sanctionner par de lourdes peines de prison les mineurs qui s’en rendraient coupables.
En outre, d’accord avec la commission de la culture, la commission des lois a jugé nécessaire de distinguer, d’un côté, ce qui relève du harcèlement entre élèves et, de l’autre, les faits impliquant des adultes. Nous y sommes attachés : ce sont là deux sujets différents, qui appellent des prises en charge distinctes. Si l’ensemble de ces faits doivent être sanctionnés, ils ne sauraient être appréhendés de la même manière.
Mes chers collègues, il nous est donc apparu impossible de rétablir le texte de l’Assemblée nationale. Nous vous proposons de maintenir la rédaction adoptée par la commission des lois, à savoir la création d’une circonstance aggravante.
En conséquence, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Le Gouvernement soutient la disposition proposée par Mme la sénatrice Havet : nous en avons besoin.
La création d’un délit autonome permettra de quantifier le fléau du harcèlement scolaire, qui constitue un phénomène très spécifique. Il faut pouvoir évaluer le nombre de jeunes et d’adolescents victimes de tels actes, qui les brisent. Si la caractérisation reste trop large, nous manquerons d’éléments pour lutter contre ce fait social grave, qui mène malheureusement à des drames, et pour élaborer les politiques de prévention les plus pertinentes.
Aussi, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 38. Pour ce qui est de l’amendement n° 31 rectifié bis, dont les dispositions vont dans le même sens, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la rapporteure pour avis, vous l’avez rappelé : la mission d’information sénatoriale ne s’était pas prononcée pour la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire. Reste que toutes les associations ne se sont pas exprimées en ce sens – je pense notamment à l’association Hugo !, dont nous avons eu le grand plaisir d’auditionner le fondateur.
Néanmoins, j’entends vos arguments et je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 38.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par Mme Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou n’exerce plus
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis
I.– L’article 131-21 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au début des deuxième, troisième, sixième et huitième alinéas, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions du dernier alinéa, » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsqu’une infraction pour laquelle la peine de confiscation est encourue a été commise en utilisant un service de communication au public en ligne, l’instrument utilisé pour avoir accès à ce service est considéré comme un bien meuble ayant servi à commettre l’infraction et peut être confisqué. Au cours de l’enquête ou de l’instruction, il peut être saisi conformément aux dispositions du code de procédure pénale. » ;
3° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « , et sous réserve du dernier alinéa » sont supprimés ;
4° Au début des quatrième, cinquième et neuvième alinéas, sont ajoutés les mots : « Sous les mêmes réserves, » ;
5° À la première phrase du huitième alinéa, les mots : « et du même dernier alinéa » sont supprimés ;
6° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début sont ajoutés les mots : « Hors le cas prévu au septième alinéa » ;
b) Les mots : « un tiers » sont remplacés par les mots : « toute personne » ;
c) Les mots : « ce tiers » sont remplacés par les mots : « cette personne » ;
d) Le mot : « mis » est remplacé par le mot : « mise » ;
e) Les mots : « qu’il revendique » sont remplacés par les mots : « qu’elle revendique ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles 60-1, 77-1 et 99-3, après les mots : « y compris », sont insérés les mots : « , sous réserve de l’article 60-1-2, » ;
2° Au début de l’article 60-1-1, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de l’article 60-1-2 » ;
3° Après le même article 60-1-1, est inséré un article 60-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 60-1-2. – À peine de nullité, les réquisitions portant sur les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, les données de trafic et de localisation mentionnées au 3° du II bis et au III de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ne sont possibles que si les nécessités de la procédure l’exigent et que celle-ci porte sur un crime ou sur un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans, que ces réquisitions concernent les équipements terminaux de la victime et interviennent à la demande de celle-ci en cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement ou qu’elles tendent à retrouver une personne disparue dans le cadre des procédures prévues aux articles 74-1 ou 80-4. » ;
4° Au premier alinéa de l’article 60-2, après les mots : « par la loi », sont insérés les mots : « et sous réserve de l’article 60-1-2 » ;
5° Le premier alinéa de l’article 77-1-2 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions de l’article 60-1-2 ».
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… ° Au début du troisième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La confiscation » ;
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
première phrase du huitième
par les mots :
deuxième phrase du neuvième
III. Alinéa 14
Remplacer la référence :
77-1
par la référence :
77-1-1
IV. – Alinéa 15
Après la référence :
60-1-1
insérer les mots :
, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire,
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Levi, Mme Belrhiti, MM. Laugier, Pellevat et Burgoa, Mme Bourrat, M. Kern, Mme Thomas, MM. Longeot, Menonville, Folliot et Bouchet, Mme Drexler, M. Guerriau, Mmes Férat et Loisier, M. Bonneau, Mme L. Darcos, MM. Grand, Détraigne, Chasseing, Bonhomme, Hingray, Charon, Houpert, Le Nay, Wattebled, Belin et Poadja, Mme Perrot, MM. Cigolotti, Médevielle et Genet, Mmes Dindar, Saint-Pé, Dumont et Létard, M. Laménie, Mme Morin-Desailly et M. Moga, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
trois ans
par les mots :
un an
La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. Cet amendement a été déposé par notre collègue Pierre-Antoine Levi.
L’article 4 bis prévoit notamment que « les réquisitions portant sur les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion […] ne sont possibles que si les nécessités de la procédure l’exigent » et si « celle-ci porte sur un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans ».
Or, pour renforcer l’arsenal législatif de lutte contre le harcèlement et combattre ce phénomène sous toutes ses formes, il est nécessaire d’aligner la rédaction de cet alinéa sur celle de l’article 222-33-2-2 du code pénal, en vertu duquel certains actes ou comportements constitutifs de harcèlement sont punis d’un an d’emprisonnement.
M. Levi propose donc de réécrire l’alinéa 17 de l’article 4 bis, afin de renforcer l’ensemble des moyens dont dispose la justice pour lutter contre ces faits délictuels de harcèlement.
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu’elles tendent uniquement à identifier l’auteur d’un délit commis par l’utilisation d’un service de télécommunication au public en ligne, ces réquisitions sont possibles s’il s’agit d’un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Pour rédiger cet amendement, le Gouvernement s’est appuyé sur les travaux du sénateur Levi et sur ceux de la commission, qui ont mis en lumière cette problématique.
Nous suivons leur philosophie tout en proposant une écriture un peu différente de l’alinéa 17 : il s’agit de fixer un seuil, en limitant la possibilité des réquisitions qui ont pour seul but d’identifier l’auteur d’un délit commis par internet aux délits punis d’au moins un an d’emprisonnement.
Nous avons besoin d’une telle disposition pour lutter efficacement contre le fléau du cyberharcèlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. J’ai évidemment parlé avec notre collègue Pierre-Antoine Levi de la rédaction de son amendement. Après hésitation, les difficultés d’application nous ont conduits à émettre, en commission, un avis défavorable.
Sur la base des échanges que j’ai eus avec la Chancellerie, en particulier avec le cabinet de M. le garde des sceaux, je demande à M. Levi de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement : son adoption répondrait à son souhait.
Sur l’amendement du Gouvernement, dont nous n’avons pu débattre en commission à cause d’un dépôt trop tardif, j’émets, partant, un avis favorable.
M. le président. Madame Bourrat, l’amendement n° 21 rectifié est-il maintenu ?
Mme Toine Bourrat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 51.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Après l’article 4 bis
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié ter, présenté par Mmes Bourrat et Borchio Fontimp, MM. Piednoir et Somon, Mme Lopez, MM. Pellevat et Levi, Mme Ventalon, M. Cardoux, Mme Richer, M. Tabarot, Mme de Cidrac, MM. Folliot et Détraigne, Mme L. Darcos, MM. Bouchet, Burgoa, Cadec, Panunzi et Joyandet, Mme Gruny, MM. Laugier et Chaize, Mme Gosselin, M. Grand, Mme Joseph, MM. Hingray et Cambon, Mme Lassarade, M. Kern, Mme Drexler et MM. J.M. Arnaud, Sido, Gremillet, Savin et Bansard, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article 222-33-2-2 du code pénal les mots : « de quinze ans » sont supprimés.
La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. En l’état actuel du droit, le délit de harcèlement moral comporte une circonstance aggravante dès lors qu’il a été commis sur un mineur de 15 ans, ce qui crée un vide juridique pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans.
Cette lacune est d’autant plus dommageable que le harcèlement scolaire, en particulier le cyberharcèlement, s’étend au collège comme au lycée. En 2021, sur les 22 victimes mineures ayant attenté à leurs jours, 8 étaient âgées de 16 à 18 ans.
Maintenir une circonstance aggravante pour les seuls mineurs de 15 ans n’apparaît donc pas adapté aux nouvelles réalités sociétales. Le phénomène s’étend à toutes les tranches d’âge : il faut le couper net quel que soit l’âge du mineur concerné.
Notre amendement vise à combler ce vide juridique afin de couvrir l’ensemble du spectre des potentielles victimes mineures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Le droit pénal sanctionne en général plus sévèrement les infractions commises sur des mineurs de 15 ans, qui sont des sujets plus vulnérables. Néanmoins, notre collègue pose une question d’importance : il s’agit de la protection des mineurs de 15 à 18 ans.
De surcroît, en 2018, une circonstance aggravante relative à la présence d’un mineur lorsque les faits constituant l’infraction ont été commis a été ajoutée à l’article du code pénal dédié au harcèlement. Cette circonstance aggravante concerne tous les mineurs, et non seulement les mineurs de 15 ans.
Dès lors, il nous paraît tout à fait logique d’étendre à tous les mineurs la circonstance aggravante relative à l’âge des victimes.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Le Gouvernement est particulièrement réservé sur cet amendement. J’inclinais à en demander le retrait ; mais, compte tenu de l’avis de la commission, j’émets un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 bis.
Article 5
Le premier alinéa de l’article 706-52 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les mêmes conditions, l’audition d’un mineur victime de l’une des infractions prévues à l’article 222-33-2-2 du code pénal peut faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel. »
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme Eustache-Brinio, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la seconde phrase du troisième alinéa du même article 756-52, après la référence : « 60 », sont insérés les mots : « du présent code ».
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 11 est présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, MM. Stanzione et Bourgi, Mmes Lubin et Préville, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 30 rectifié bis est présenté par Mmes Guidez et Mélot, M. Hingray, Mme Muller-Bronn, M. Détraigne, Mmes Saint-Pé, Dindar et Vermeillet, MM. Guerriau et A. Marc, Mmes L. Darcos, Jacques, Sollogoub, Herzog et Férat, MM. Menonville, Kern, Longeot, Folliot, Levi, Le Nay, Chauvet et J.M. Arnaud, Mmes Perrot et Doineau, MM. Lagourgue et Poadja, Mmes Létard et N. Delattre, M. Laménie, Mme Morin-Desailly et M. Moga.
L’amendement n° 39 est présenté par Mme Havet, MM. Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Iacovelli, Haye, Marchand et Lévrier et Mme Schillinger.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Le 9° de l’article L. 112-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce stage peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est prononcé pour une infraction commise dans le cadre de la scolarité, le stage de citoyenneté prévu au 1° de l’article 131-5-1 du code pénal peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. » ;
3° Après le premier alinéa de l’article L. 422-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est prononcé pour une infraction commise dans le cadre de la scolarité, le stage de formation civique peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. » ;
4° Le 1° de l’article L. 422-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’il est prononcé pour une infraction commise dans le cadre de la scolarité, ce stage peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire ; ».
La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour présenter l’amendement n° 11.
Mme Sabine Van Heghe. Nous souhaitons rétablir la possibilité de mettre en œuvre, dans le cadre de différentes procédures judiciaires pour harcèlement scolaire ou universitaire, des stages de responsabilisation à la vie scolaire.
Prévu par la proposition de loi initiale, ce dispositif répondait aux préoccupations de la mission d’information sénatoriale, qui suggérait le développement des stages de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pour les personnes condamnées et des travaux d’intérêt général traitant spécifiquement du harcèlement pour les auteurs d’infractions de ce type.
De manière générale, notre mission d’information avait estimé que la prévention était préférable à la sanction dans les affaires de harcèlement.
Les stages de citoyenneté ou de formation civique ordonnés soit par le procureur de la République soit par la juridiction pénale et assortis, en l’espèce, de mentions spéciales de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire, ne constituent certes pas des mesures préventives. Ils apportent malgré tout une réponse d’ordre pédagogique aux délits de harcèlement, réponse à mes yeux préférable à des sanctions lourdes.
L’accomplissement d’un tel stage permet au jeune de mieux prendre conscience de ses actes. Elle le responsabilise. Grâce aux missions réalisées dans ce cadre, l’intéressé peut même retrouver confiance et regagner un peu d’estime de soi.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié bis.
Mme Jocelyne Guidez. Notre collègue vient de le souligner : dans une logique de prévention, il est essentiel de promouvoir la création de stages de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire.
Un tel dispositif à visée réparatrice et constructive est primordial, car il contribue tant à la reconstruction psychologique de l’enfant harcelé et de sa famille qu’à la sensibilisation et à la responsabilisation de l’enfant auteur des faits, via le suivi d’un stage spécifiquement conçu à cette fin.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 39.
Mme Nadège Havet. Mes collègues ayant très bien argumenté en sa faveur, je le considère comme défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. La commission n’est évidemment pas hostile à l’organisation de tels stages – ces derniers peuvent bel et bien donner du sens aux peines proposées. Mais elle est extrêmement attachée à bien distinguer les domaines de la loi et du règlement.
Or, si elles ont toute leur importance, les différentes mesures présentées sont de nature réglementaire. Veillant à ne pas surcharger les lois par de telles dispositions, la commission a donc souhaité la suppression de l’article 6.
J’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Le Gouvernement est extrêmement favorable à ces amendements.
Pour lutter contre le harcèlement et le cyberharcèlement, il faut évidemment des sanctions, mais aussi de la prévention et de l’éducation – c’est d’ailleurs ce que préconisait l’excellente mission d’information sénatoriale. Prévenir, c’est éviter d’avoir à sanctionner et surtout empêcher que des vies ne soient brisées.
Il paraît opportun d’inscrire dans la partie législative du code de la justice pénale des mineurs que des stages de sensibilisation peuvent être prononcés à titre de peines contre les auteurs de harcèlement scolaire ; il s’agit là d’une véritable avancée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11, 30 rectifié bis et 39.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, MM. Stanzione et Bourgi, Mmes Lubin et Préville, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir ainsi cet article :
Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « et aux articles 222-33 » sont remplacés par les mots : « , à l’article 222-33, au 6° de l’article 222-33-2-2 et aux articles » ;
2° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent I présentent à leurs utilisateurs, de courtes vidéos de sensibilisation sur les bons usages du numérique, la prévention du cyberharcèlement et les moyens pour les victimes de réagir, selon des modalités fixées par décret. »
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Par cet amendement, nous souhaitons non seulement rétablir le dispositif de l’article 7, issu des travaux de l’Assemblée nationale, mais aller plus loin et le compléter.
Il est urgent que les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de services soient davantage responsabilisés face au fléau du cyberharcèlement, qui se propage sur les réseaux.
L’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique impose déjà aux fournisseurs d’accès et hébergeurs de services de communication au public en ligne de lutter contre la diffusion de certains contenus favorisant différents crimes et délits : l’apologie, la négation ou la banalisation des crimes contre l’humanité ; la provocation à la commission d’actes de terrorisme et leur apologie ; l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap ; la pornographie enfantine ; l’incitation aux violences sexuelles et sexistes ; ou encore les atteintes à la dignité humaine.
Il me semble donc tout à fait logique d’inclure le harcèlement scolaire et universitaire dans la liste des contenus contre la diffusion desquels ces prestataires devront lutter.
Par ailleurs, nous souhaitons aller plus loin que cette simple obligation, assez vague, de lutte.
Ainsi, outre le rétablissement de l’article voté par l’Assemblée nationale, nous proposons de compléter le dispositif relatif aux obligations applicables aux prestataires de services du net en reprenant une recommandation de la mission d’information. Il s’agit d’obliger ces prestataires à présenter périodiquement à leurs utilisateurs de courtes vidéos de sensibilisation portant sur les bons usages du numérique, la prévention du cyberharcèlement et les moyens dont disposent les victimes pour réagir.
La mission d’information avait également souhaité renforcer l’accessibilité des sites de sensibilisation au harcèlement et d’accompagnement des victimes ; mais de telles dispositions sont d’ordre réglementaire plus que législatif.
Je suis heureuse de constater que ma collègue Céline Boulay-Espéronnier exprime les mêmes préoccupations : en témoignent ses sous-amendements, qui visent notamment à ce que les prestataires diffusent de telles vidéos de manière régulière et à ce que les usagers soient prévenus des peines encourues en cas de mauvais usage des réseaux.
J’espère que le Sénat votera cet amendement ainsi sous-amendé.
M. le président. Le sous-amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Bansard, Mmes Belrhiti et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Chauvin, L. Darcos, Drexler, Dumont et Joseph, M. Laménie, Mme Lassarade, MM. Le Gleut, Longuet et Mandelli, Mme M. Mercier et MM. Pellevat et Rojouan, est ainsi libellé :
Amendement n° 12, alinéa 5
Après le mot :
utilisateurs,
insérer les mots :
de manière régulière,
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
M. le président. Le sous-amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Bansard, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mmes Chauvin, L. Darcos, Drexler, Dumont et Joseph, M. Laménie, Mme Lassarade, MM. Le Gleut, Longuet et Mandelli, Mme M. Mercier et MM. Pellevat et Rojouan, est ainsi libellé :
Amendement n° 12, alinéa 5
Après le mot :
cyberharcèlement
insérer les mots :
, les peines encourues en cas de mauvais usage
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps le sous-amendement n° 46 rectifié.
M. le président. Le sous-amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Bansard, Mmes Belrhiti et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Chauvin, L. Darcos, Drexler, Dumont et Joseph, M. Laménie, Mme Lassarade, MM. Le Gleut, Longuet et Mandelli, Mme M. Mercier et MM. Pellevat et Rojouan, est ainsi libellé :
Amendement n° 12
Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles présentent également de manière explicite les extraits des conditions générales d’utilisation relatives au harcèlement et au cyberharcèlement, selon des modalités fixées par décret. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Le sous-amendement n° 45 rectifié tend à compléter le dispositif prévu à l’article 7 en obligeant les réseaux sociaux à sensibiliser leurs usagers aux peines encourues en cas de cyberharcèlement, afin d’attirer leur attention sur les conséquences que peut avoir un mauvais usage des plateformes.
Quant au sous-amendement n° 46 rectifié, compte tenu du caractère illisible des conditions d’utilisation des réseaux tant pour les enfants que pour les parents, il vise à obliger les prestataires de services de communication en ligne à présenter de manière explicite les extraits de leurs conditions générales d’utilisation relatives au harcèlement, afin de sensibiliser leurs utilisateurs au bon usage des plateformes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Mes chères collègues, face au cyberharcèlement, le manque d’efficacité des plateformes est certain : aussi, nous éprouvons tous l’inquiétude que vous venez d’exprimer.
Nous avons souvent eu ces discussions, lors de l’examen de la proposition de loi Avia et du projet de loi confortant le respect des principes de la République par exemple ; le Gouvernement et le Sénat ont, ensemble, fait avancer les choses.
N’oublions pas néanmoins que la France ne réglera pas ce problème toute seule dans son petit coin. Nous l’avons souvent dit ici même : la réponse réside dans un cadre européen, qui est d’ailleurs en cours d’élaboration, les États membres réfléchissant en ce moment même à un certain nombre de mesures.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable. Ce sujet ô combien important doit être pris en charge par l’Europe, car c’est elle qui peut trouver des réponses à des problèmes que la France seule, hélas ! ne saurait résoudre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Lorsqu’il se mue en cyberharcèlement, le harcèlement scolaire ne laisse plus aucun répit aux jeunes qui en sont victimes ; entre ces deux phénomènes, la frontière est si ténue qu’à force d’usure des drames adviennent.
Le Gouvernement entend totalement les arguments exposés par Mme la rapporteure pour avis. Néanmoins, pour cet amendement comme pour ces sous-amendements, je m’en remets à la sagesse du Sénat. En effet – j’en suis convaincue –, il ne faut se priver d’aucun moyen de lutter contre le harcèlement en général et contre le cyberharcèlement en particulier.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. J’y insiste : de nos jours, il n’y a pas de harcèlement sans cyberharcèlement. Ce phénomène est extrêmement grave : comme Mme la secrétaire d’État vient de le dire, un continuum apparaît de ce fait entre l’établissement scolaire et la sphère privée.
Certes – nous le savons –, les plateformes et les hébergeurs ne sont pas domiciliés dans notre pays, et des travaux sont en cours à l’échelle européenne pour lutter contre ce fléau. Mais il est nécessaire d’inscrire dans notre loi l’obligation pour les hébergeurs et les fournisseurs d’accès d’intervenir dans la lutte contre le harcèlement.
Mme Jocelyne Guidez. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour explication de vote.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Compte tenu du consensus qui se dégage sur ces sujets dans notre hémicycle, j’espère sincèrement que cet amendement et ces sous-amendements seront votés.
L’idée est de mettre les plateformes, les hébergeurs et les éditeurs devant leurs responsabilités, dont ils s’exemptent si souvent.
Le cyberharcèlement est au cœur du problème : on le sait, il multiplie par cinquante ou par cent les effets du harcèlement.
Ne versons pas dans l’angélisme : ce sont les modèles économiques des plateformes qui sont en cause. Il est donc fondamental d’inscrire dans le texte que leur responsabilité est la clef pour résoudre ce problème.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour explication de vote.
Mme Sabine Van Heghe. Madame la rapporteure pour avis, nous attendons bien sûr que l’Union européenne achève ses travaux ; mais nous avons aussi le devoir, nous, en France, d’imposer aux plateformes…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Elles ne sont pas hébergées chez nous…
Mme Sabine Van Heghe. … de prendre en compte cette question et d’agir.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Nous sommes tous d’accord sur le fond ; mais malheureusement nous ne saurions, nous, petits Français, traiter seuls ce sujet dans notre coin ! On peut toujours inscrire des intentions dans la loi : la seule solution véritable sera une contrainte imposée à l’échelle européenne.
Nous aurons beau écrire que nous souhaitons une prise de conscience de la part des plateformes, à défaut de contraintes européennes fortes assorties de sanctions, tout cela restera un vœu pieux. Cela ne suffira pas !
Mme Annick Billon. Tout à fait !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Nous avons souvent eu ce débat. Que nous discutions comme nous le faisons aujourd’hui, c’est important ; mais il va falloir que les choses bougent bien davantage au niveau européen. Les plateformes n’étant pas domiciliées en France, comment imposerions-nous quoi que ce soit à l’Irlande, par exemple, s’il n’existe pas de règles européennes ?
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 44 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 45 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 46 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° À l’intitulé de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II, les mots : « de la vie privée » sont supprimés ;
2° Après l’article L. 34-6, il est inséré un article L. 34-… ainsi rédigé :
« Art. L. 34-…. – Les services de communication électroniques sont tenus, par tout moyen approprié, de fournir à l’inscription au service une information claire sur les modalités, par l’utilisateur, de blocage d’un numéro ou d’un correspondant, aux fins d’empêcher toute communication avec ce dernier. Cette procédure de blocage doit par ailleurs être facilement accessible et visible.
« Les services de communication électroniques doivent par ailleurs mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance des communications constitutives de faits de harcèlement, aux fins de faciliter le blocage de toute communication. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à renforcer les obligations des services de messagerie instantanée afin de faciliter le recours au blocage de numéro.
Nous avons beaucoup évoqué les réseaux sociaux et leur effet amplificateur du harcèlement, mais il ne faut pas négliger les nombreuses applications et messageries qui laissent les jeunes victimes de harcèlement presque sans répit.
Certes, des dispositifs existent déjà ; mais il nous semble nécessaire de les renforcer afin de mieux protéger nos jeunes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure pour avis. Ma chère collègue, nous en avons discuté ensemble : nous comprenons le sens de votre amendement, visant à ce que les outils de lutte soient clairement exposés.
Toutefois, il semble que votre demande soit satisfaite par le droit en vigueur ; c’est la mise en œuvre des procédés et des outils existants qui pèche.
Le fait de rappeler les obligations applicables – tel est l’objet de cet amendement – ne changera malheureusement pas grand-chose à la situation actuelle. Les pouvoirs publics doivent avant tout travailler en lien plus étroit avec les plateformes : c’est la seule solution efficace pour mieux protéger les jeunes vulnérables. S’il est nécessaire de le redire, une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Brulin, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
Mme Céline Brulin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Paccaud, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, la division « Titre III » et son intitulé sont supprimés.
Article 8
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Sabine Van Heghe, pour explication de vote.
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue de son examen par les deux chambres, cette proposition de loi permettra de mieux appréhender et punir les phénomènes de harcèlement scolaire grâce à un traitement ad hoc et des peines ciblées.
Elle permettra également d’accroître la sensibilisation en direction des élèves et de tous les acteurs de la communauté éducative, ainsi que la formation des personnels concernés.
Néanmoins, de nombreuses propositions de la mission d’information sénatoriale ne trouvent aucune concrétisation dans ce texte, la plupart étant de nature infralégislative. Il reviendrait donc au Gouvernement de prendre rapidement les mesures réglementaires nécessaires à leur application.
Nous ne pouvons pas nous opposer au texte issu des travaux parlementaires, même s’il faut bien admettre que les débats au Sénat l’ont plutôt abîmé, notamment par l’adjonction de dispositions concernant l’instruction en famille, le phénomène très grave du harcèlement pouvant servir de prétexte pour renforcer ce mode d’instruction que nous considérons comme inégalitaire. Le harcèlement scolaire n’est même pas identifié comme tel, mais comme une menace à l’intégrité physique et morale, notion beaucoup plus large et floue que le harcèlement.
Nous saluons la refonte de l’article 4, qui correspond davantage aux orientations de la mission d’information ; mais nous déplorons que trois des quatre amendements du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’aient pas été repris par le Sénat, alors qu’ils avaient pour objet de mieux contrer le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
Pour autant, la gravité du problème, qui peut toucher tous nos enfants, et la nécessité d’avancer pour mettre enfin terme à ce fléau nous conduisent à voter en faveur de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Au terme de l’examen des articles, nous constatons que nous avons tous sincèrement le même dessein : éradiquer ce fléau que constitue le harcèlement scolaire. Toutefois, force est d’observer que nous ne sommes pas d’accord sur la nature des dispositifs qui nous permettront d’atteindre cet objectif commun.
Notre groupe considère qu’il est indispensable d’inclure les adultes dans le champ du harcèlement scolaire et que la création d’un délit autonome de harcèlement scolaire est nécessaire. Nous croyons aussi au stage en responsabilité à la vie scolaire.
En conséquence, au regard des importantes modifications apportées, notre groupe s’abstiendra sur ce texte en l’état.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Les travaux de l’Assemblée nationale ayant donné lieu à cette proposition de loi sont complémentaires de ceux menés par la mission d’information sénatoriale.
Il était important d’attirer l’attention sur le harcèlement, qui est un fait de société extrêmement grave. L’ensemble des mesures énumérées dans notre rapport, à la suite de la mission d’information que nous avons menée en 2021, devraient être progressivement appliquées.
Je le rappelle en présence de Mme la secrétaire d’État : ce sont des mesures pragmatiques (Mme la secrétaire d’État opine.), qui n’exigent pas des moyens considérables. Leur mise en œuvre est une simple question de volonté.
Il s’agit essentiellement de mesures de prévention – c’est là le maître-mot pour lutter contre le harcèlement scolaire. D’autres concernent la détection, qui relève de la formation, ou le traitement des victimes et des auteurs.
L’école formant les citoyens de demain, il est inadmissible que l’on déplore tant de faits de harcèlement dans les établissements scolaires.
J’espère que nos collègues députés prendront en compte toutes nos remarques, en particulier pour ce qui concerne le cyberharcèlement, lequel est si prégnant de nos jours. (M. le rapporteur acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je l’ai dit lors de la discussion générale : nous soutenons cette proposition de loi. En effet, tout ce qui favorise la reconnaissance et la pénalisation du harcèlement doit être encouragé.
Nous regrettons que tous les harceleurs ne soient pas poursuivis, adultes comme élèves : ç’aurait été une mesure importante. Malgré tout, nous espérons que les choses s’amélioreront. Tout petit pas dans le bon sens représente une avancée.
Nous condamnons toutes les formes de harcèlement, notamment le cyberharcèlement, et, sur ce sujet, nous espérons que les mentalités évolueront : à terme, il faut pouvoir condamner tous les harceleurs, adultes comme scolaires.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Les élus du groupe Union Centriste voteront cette proposition de loi, amendée par le Sénat. Je remercie sincèrement les rapporteurs, Jacqueline Eustache-Brinio et Olivier Paccaud, de leur travail sur ce texte.
La nouvelle disposition qui consacre le harcèlement entre pairs est une bonne mesure. Une définition trop large du harcèlement scolaire, incluant notamment les personnels de l’éducation nationale, aurait forcément conduit à des dérives.
Ce texte est donc un signal fort envoyé aux victimes – les harcelés – et à leurs familles, auxquelles je pense aussi ce soir. Il ne s’agit pourtant que d’un premier pas, car on ne mesure pas encore toute l’ampleur de ce fléau.
Le Sénat a inclus dans le texte le cyberharcèlement, qui ne laisse aucun répit aux victimes.
Madame la rapporteure pour avis, vous l’avez souligné vous-même : ce n’est qu’à grande échelle que l’on pourra lutter contre le cyberharcèlement. Nous ne pourrons pas le faire seuls.
En outre, pour que cette lutte soit effective, il faut donner à la médecine scolaire les moyens de détecter, d’informer, d’alerter et d’accompagner les victimes.
Enfin, lutter contre le harcèlement scolaire, c’est assurer la formation de tous les acteurs qui sont au contact des enfants.
La question des réseaux sociaux et des plateformes reste entière et cruciale. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sur ce sujet, nous avons encore du travail à accomplir ! (Mme la secrétaire d’État le confirme.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je confirme que les élus du groupe CRCE voteront ce texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat.
À mon tour, je salue la qualité du travail de nos rapporteurs, en particulier sur l’article 4, celui dont la version initiale nous posait le plus de problèmes. Il prévoyait en effet des peines disproportionnées et il était – si je puis m’exprimer ainsi – mal ficelé. Il aurait donc été, de fait, inopérant. Or chacun d’entre nous entend lutter de manière efficace contre le harcèlement scolaire : nous avons tous témoigné de cette volonté aujourd’hui.
Il ne faudrait pas que, de notre débat, reste la seule idée selon laquelle les personnels de l’éducation nationale doivent être « épargnés ». En effet, le délit de harcèlement moral existe et peut être mobilisé dans les cas, fort heureusement rares, de harcèlement d’un adulte à l’encontre d’enfants.
Je me permets d’exercer une amicale pression sur nos rapporteurs en vue de la commission mixte paritaire, car ce texte me paraît désormais très équilibré et opérant. J’y insiste : il ne s’agit pas d’adopter des mesures d’affichage, mais de se donner les moyens de lutter efficacement contre le harcèlement scolaire.
Je n’énumérerai pas les sujets qui constituent pour nous autant de lignes rouges. Je suis convaincue que vous aurez à cœur, madame, monsieur les rapporteurs, de défendre la position du Sénat et je vous en remercie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi, dont le Sénat a rédigé ainsi l’intitulé : proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.
(La proposition de loi est adoptée.)
6
Modifications de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande le retrait de l’ordre du jour du mardi 8 février du projet de loi étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et son remplacement par l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, initialement inscrit à l’ordre du jour du mercredi 16 février.
Par ailleurs, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 15 février, en premier point de l’ordre du jour de l’après-midi, de quatre conventions internationales :
- relative à l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022 ;
- autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains ;
- autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces ;
- autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces.
Il demande également l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 17 février de :
- la deuxième lecture du projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l’article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace ;
- l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires, ou la nouvelle lecture, des propositions de loi : visant à combattre le harcèlement scolaire ; pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur ;
- l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône ;
- la proposition de loi visant à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales.
Acte est donné de ces demandes.
Pour l’examen de ces textes nous pourrions prévoir de siéger le jeudi 17 février à dix heures trente, quatorze heures trente et, éventuellement, le soir.
À la demande du Gouvernement, nous pourrions examiner les quatre conventions internationales selon la procédure simplifiée. Le délai limite pour la demande de retour à la procédure normale serait fixé au vendredi 11 février à quinze heures.
Pour l’examen du projet de loi relatif à la Collectivité européenne d’Alsace, nous pourrions fixer le délai limite du dépôt des amendements de séance au lundi 14 février à douze heures. Nous pourrions également prévoir une discussion générale de quarante-cinq minutes.
En cas de nouvelle lecture sur la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, nous pourrions prévoir un délai limite pour le dépôt des amendements de séance au lundi 14 février à douze heures, ainsi qu’une discussion générale de quarante-cinq minutes.
Pour l’examen de la proposition de loi visant à simplifier l’accès des experts forestiers aux données cadastrales, nous pourrions fixer le délai limite du dépôt des amendements de séance au lundi 14 février à douze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée mardi 1er février 2022 :
À quatorze heures trente :
Débat sur les menaces que les théories du wokisme font peser sur l’Université, l’enseignement supérieur et les libertés académiques ;
Débat sur le thème « Quelle politique ferroviaire pour assurer un maillage équilibré du territoire ? ».
À dix-huit heures :
Débat sur le suivi des ordonnances.
Le soir :
Débat sur les conclusions du rapport Mieux protéger notre patrimoine scientifique et nos libertés académiques.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Laurent Lafon, Olivier Paccaud, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Max Brisson, Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe et Nadège Havet ;
Suppléants : Mmes Toine Bourrat, Sabine Drexler, Anne Ventalon, Annick Billon, Sylvie Robert, M. Bernard Fialaire et Mme Céline Brulin.
nomination d’un membre d’une commission mixte paritaire
La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a désigné M. Jean-Pierre Sueur pour siéger à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale en remplacement de M. Didier Marie, démissionnaire.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jean-Pierre Sueur est proclamé représentant du Sénat à cette commission mixte paritaire.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER