M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté très attentivement et je comprends bien vos arguments. Néanmoins, dans la mesure où nous légiférons spécifiquement sur le harcèlement scolaire, sous toutes ses formes, la loi doit embrasser toutes les situations possibles.
Vous évoquez la question du cyberharcèlement, que j’ai abordée en discussion générale, mais ce phénomène fait partie intégrante du harcèlement, donc il est déjà pris en compte en tant que tel dans le texte.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je suis très mal à l’aise avec la position du Gouvernement et de la majorité présidentielle sur ce sujet.
Madame la ministre, quel message envoyez-vous aux fonctionnaires, aux agents de l’État – professeurs et autres –, qui appliquent la loi, qui y sont soumis et qui, lorsqu’ils fautent, encourent une sanction ? Avoir une attitude inappropriée vis-à-vis d’enfants constitue déjà pour un professeur une faute grave, qui est sanctionnée. Quel message envoie-t-on en sous-entendant que tel n’était pas le cas jusqu’à présent ?
Que la question de harcèlement entre pairs soit posée et que ce texte soit nécessaire – j’ai indiqué lors de la discussion sur l’article 1er combien le moment que nous vivons est important –, je le comprends, je le partage, je le soutiens, mais que l’on dérive vers le soupçon à l’égard des agents de l’État, qui sont soumis à des règles, à des devoirs, à des obligations et à une panoplie de sanctions existant déjà dans les textes, cela envoie un mauvais message, à un moment où, en outre, la défiance entre le ministère et les professeurs de ce pays est grande !
Bref, je ne comprends pas, je suis mal à l’aise. Aussi, je soutiens ce que le rapporteur a dit sur le cyberharcèlement.
Sauf à vouloir reprendre strictement le texte de l’Assemblée nationale et à considérer que la Haute Assemblée n’est pas là pour enrichir ce texte, je ne peux pas comprendre votre attitude sur le cyberharcèlement, madame la ministre.
Quant aux Crous – je regrettais précédemment que l’on se paie de mots avec ce texte –, on peut multiplier les injonctions pour se donner bonne conscience, mais certaines réalités demeurent et on en est très loin lorsque l’on adresse une injonction supplémentaire de cette nature à ces organismes.
Toutefois, c’est surtout le premier point qui suscite mon incompréhension. Je suis profondément mal à l’aise vis-à-vis de l’attitude du Gouvernement et de la majorité présidentielle sur le sujet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’abonderai dans le sens de Max Brisson.
Madame la ministre, quelle valeur accordez-vous au statut de la fonction publique ?
M. Max Brisson. Exactement !
M. Pierre Ouzoulias. C’est essentiel, c’est un point sur lequel vous devez vous exprimer maintenant.
Si vous considérez que le statut de la fonction publique est obsolète et qu’il faut y ajouter des règles spécifiques, on change alors de régime.
M. Max Brisson. Parfaitement !
M. Pierre Ouzoulias. Dans la perspective de la campagne pour l’élection présidentielle, nous aurions besoin d’une explication politique forte sur votre volonté de changement de régime.
Quant à la question du Crous, je ne comprends pas l’attitude du Gouvernement. Nous avons exprimé, à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, le souhait d’étendre les compétences du Crous dans le domaine de la restauration scolaire, notamment via le ticket restaurant, et vous l’avez refusé. Or vous souhaitez maintenant lui donner d’autres missions, relatives à des personnes majeures, ce qui est un problème différent.
Nous avons besoin d’explications sur vos intentions, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je suivrai la position du rapporteur.
Je l’ai indiqué dans mon propos introductif, en discussion générale, le cyberharcèlement est un amplificateur des violences. On ne peut pas s’exempter de prendre acte, au travers de ce texte, de son existence et je remercie encore les rapporteurs d’avoir consacré une partie de leur travail à cette tâche.
Ensuite, en ce qui concerne les Crous, c’est bien de donner de nouvelles responsabilités à des organismes, mais avec quels moyens ? Comment les Crous pourront-ils agir contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement ? C’est impossible !
Nous venons d’entendre en audition l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et cette autorité n’est déjà pas en mesure de s’opposer à la divulgation de vidéos pornographiques auprès des mineurs.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
Mme Annick Billon. Alors, comment les Crous pourront-ils combattre le cyberharcèlement ? C’est une aberration !
Enfin, en ce qui concerne l’élargissement de la notion de harcèlement aux adultes, le Sénat a organisé hier soir, à la demande du président Gérard Larcher, l’Agora de l’éducation. Oui, on demande beaucoup à l’éducation nationale. Il existe déjà des règles, des lois en vigueur, qui permettent d’agir. Donc, n’alourdissons pas le texte, ne soyons pas trop bavards ; les textes existent, ils permettent de condamner ces situations. Limitons-nous-en à ce que proposent nos commissions et nous serons dans le vrai.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur pour avis. Absolument !
MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Je comprends parfaitement les arguments que vous avancez, selon lesquels des professeurs peuvent être la cible, notamment de parents, mais, vous l’aurez compris, ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi.
Par ailleurs, je le rappelle, les enseignants bénéficient déjà d’une protection fonctionnelle et l’État réagit immédiatement lorsque cela est nécessaire.
M. Pierre Ouzoulias. Plus ou moins…
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. En outre, le carré régalien mis en place par le ministère de l’éducation nationale permet à la fois de protéger le corps enseignant et de prévenir les violences faites au personnel. Une cellule de lutte a été mise en place au ministère, qui a vocation à accompagner les enseignants.
Je ne voudrais pas que l’on pense que l’État se décharge de sa responsabilité d’accompagner, de rassurer et de protéger le corps enseignant, mais, encore une fois, ce n’est pas l’objet de ce texte.
M. Max Brisson. Vous n’avez pas répondu sur le statut ! Les enseignants sont-ils encore des fonctionnaires ?
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Levi, Mme Belrhiti, MM. Laugier, Pellevat et Burgoa, Mme Bourrat, M. Kern, Mme Thomas, MM. Longeot, Menonville, Folliot et Bouchet, Mmes Drexler et Billon, M. Guerriau, Mmes Férat et Loisier, M. Bonneau, Mme L. Darcos, MM. Grand, Détraigne, Chasseing et Bonhomme, Mme Doineau, MM. Hingray, Charon, Houpert, Le Nay, Maurey, Wattebled, Belin et Poadja, Mme Perrot, MM. Cigolotti, Médevielle et Genet, Mmes Dindar, Saint-Pé, Dumont et Létard, M. Laménie, Mme Morin-Desailly et M. Moga, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant la durée de la procédure et afin de lui permettre de poursuivre sereinement sa scolarité ou ses études, la victime peut demander au rectorat de l’Académie dans laquelle elle est inscrite de pouvoir être placée d’office, à titre préventif et de manière temporaire, dans un autre établissement d’enseignement lui permettant de suivre une formation comparable. »
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Le présent amendement a pour objet de permettre à la personne harcelée, si elle le désire, de continuer sereinement sa scolarité ou ses études, en en faisant la demande à son rectorat de rattachement, le temps que se mette en place et aboutisse la procédure engagée à l’encontre de la ou des personnes à l’origine du harcèlement.
En effet, en pratique, on constate toujours une double peine pour la victime : non seulement elle est harcelée, mais, en outre, elle décroche scolairement, parce qu’elle a peur de retourner dans l’établissement et d’y recroiser, chaque jour, son ou ses harceleurs.
Il faut donc lui permettre, à titre préventif et de façon temporaire, de retrouver immédiatement un établissement d’enseignement dans lequel elle pourra continuer son année d’apprentissage sans risquer de perdre des mois ou une année scolaire, du fait par exemple de l’absence d’une option dans le nouvel établissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Cher Pierre-Antoine Levi, sur le fond, je suis d’accord avec vous, mais d’autres amendements, allant dans le même sens tout en étant plus précis que le vôtre, vont être examinés sous peu. Vous mentionnez notamment, dans votre amendement, la « procédure », terme qui assez vague.
La commission vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit d’amendements à venir dans notre discussion. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Levi, les modalités de traitement des situations de harcèlement permettent d’ores et déjà d’apporter une réponse rapide et concrète pour lutter contre le fléau du harcèlement. Je pense notamment à la prise en charge adaptée des victimes.
Si le changement d’établissement peut constituer une réponse, cette dernière s’apprécie en fonction de la situation de chaque élève. Les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen), en lien avec les maires pour les élèves du premier degré, disposent déjà de toute latitude pour procéder à une nouvelle affectation de l’élève, que celle-ci se fasse ou non dans le secteur dont relève l’enfant.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Levi, l’amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Antoine Levi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié est retiré.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Bansard, Mmes Belrhiti et Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Chauvin, L. Darcos, Drexler, Dumont et Joseph, MM. Gremillet et Laménie, Mme Lassarade, MM. Le Gleut, Longuet et Mandelli, Mme M. Mercier et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Après l’article L. 401-2, il est inséré un article L. 401-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 401-2-… – Il appartient au directeur de l’école ou au chef d’établissement de faire respecter le règlement intérieur de l’établissement scolaire en distinguant les sanctions judiciaires et les sanctions scolaires. La réponse pénale ne peut se substituer à une réponse disciplinaire. »
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Souvent, un chef d’établissement n’inflige pas de sanction au motif que la situation de harcèlement est en cours de traitement par la justice.
Or, d’une part, même si un comportement n’est pas pénalement répréhensible, en raison du manque de preuves suffisantes par exemple, son auteur peut, et c’est souvent le cas, avoir enfreint le règlement intérieur de l’établissement scolaire ; d’autre part, le temps de la justice et le temps scolaire ne sont pas les mêmes, puisque plusieurs années peuvent s’écouler entre le harcèlement subi par l’élève et la réponse pénale. La victime mais aussi les témoins peuvent alors avoir l’impression que les cas de harcèlement ne sont pas punis dans l’établissement.
Ainsi, conformément aux recommandations du rapport d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, cet amendement vise à lutter contre le sentiment d’impunité, en distinguant sanction judiciaire et sanction scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Nous connaissons votre engagement dans la lutte contre le harcèlement scolaire, ma chère collègue – vous étiez d’ailleurs vice-présidente de la mission d’information déjà mentionnée –, mais la commission est défavorable à votre amendement.
Vous avez raison, il faut décorréler la sanction pénale de la sanction administrative et, parfois, le temps de la justice, vous l’avez fort bien dit, est un peu long, mais, dans l’immense majorité des cas, les chefs d’établissement font tout à fait correctement leur travail, d’une part, en sanctionnant, en corrigeant les comportements répréhensibles et, d’autre part, en protégeant les élèves victimes de harcèlement.
Peut-être faudrait-il insister sur ce point dans les directives ministérielles – du reste, c’est déjà le cas avec le programme pHARe et les formations axées sur cette problématique, qui vont être améliorées, pourront y insister –, mais cet amendement me semble jeter un voile mauvais ou le soupçon sur le rôle des directeurs, principaux ou proviseurs.
D’où l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Boulay-Espéronnier, la procédure disciplinaire est évidemment indépendante de la procédure pénale. En vertu de ce principe général, rappelé à plusieurs reprises par le Conseil d’État, une sanction disciplinaire peut intervenir quand bien même la juridiction répressive n’aurait pas encore statué.
Ainsi, lorsque le conseil de discipline estime qu’il n’existe pas de doute sur la matérialité des faits reprochés à l’élève, il peut, selon sa libre appréciation, décider d’engager une procédure disciplinaire et de prononcer une sanction sans attendre l’issue des poursuites pénales. En cas de contestation sérieuse sur la matérialité des faits ou sur leur imputation à l’élève en cause, l’action disciplinaire peut être suspendue jusqu’à ce que la juridiction pénale saisie se soit prononcée.
Par ailleurs, le chef d’établissement peut interdire à titre conservatoire l’accès de l’élève à l’établissement, en attendant la réunion du conseil de discipline.
Par conséquent, votre amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. J’interviens pour appuyer cet amendement.
Ce qui vient d’être opposé à notre collègue Boulay-Espéronnier, c’est la théorie. Moi, je vais vous parler de ce qui se passe réellement dans les établissements scolaires, en tant qu’élu local siégeant au conseil d’administration de huit lycées et ayant siégé au conseil d’administration de plusieurs collèges.
Dans la majorité des cas, lorsque de tels faits se produisent, il y a naturellement des suites, notamment la réunion du conseil de discipline, mais il arrive aussi que l’on impose à la victime une stratégie de la défausse : « Puisque vos parents ont porté plainte, attendons que la plainte aboutisse et que la justice se prononce. » C’est ainsi que la victime se retrouve isolée et que les agresseurs pensent bénéficier, et même bénéficient réellement, d’une forme d’impunité.
Par conséquent, parfois, des chefs d’établissement prétendent que, même si les protagonistes se sont rencontrés et côtoyés dans l’établissement scolaire et que la situation de harcèlement a débuté dans l’établissement, cette situation s’est développée à l’extérieur, notamment sur les réseaux sociaux. Ainsi, dès lors que la situation de harcèlement a dégénéré hors de l’établissement, même si c’est au sein de celui-ci que les différents protagonistes se rencontrent au quotidien, certains chefs d’établissement refusent de prendre leurs responsabilités. Pourquoi ? Par peur que leur établissement soit mal noté par certains magazines, qui publient chaque année la liste des meilleurs établissements de France en fonction des taux de réussite au baccalauréat, des taux d’incivilité ou encore du nombre de convocations du conseil de discipline. C’est la raison pour laquelle certains chefs d’établissement refusent de jouer leur rôle lorsqu’une situation de cette nature est portée à leur connaissance.
Je soutiens donc votre amendement, ma chère collègue, et je le voterai.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Bourrat, MM. Bacci, Bansard et Belin, Mme Belrhiti, MM. Bonnus, Bouchet, J.M. Boyer et Burgoa, Mme Chauvin, M. Charon, Mmes de Cidrac, Demas et Dumont, M. Favreau, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genet, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, M. Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lassarade, M. Le Gleut, Mme Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier, Micouleau, Noël et Pluchet, MM. Regnard, Savin, Sol, Somon et Tabarot et Mmes F. Gerbaud et Raimond-Pavero, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par une section ainsi rédigée :
« Section…
« Art. L. 312-… – Une information liée à la sensibilisation contre le harcèlement est obligatoirement dispensée dans les écoles, collèges, lycées et tout autre établissement d’enseignement, y compris agricole, à raison de trois séances annuelles.
« Elle comporte une éducation à la prévention des violences et du harcèlement scolaires, que ces actes soient commis dans l’enceinte de l’établissement ou sur internet. »
La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. Pour lutter contre le harcèlement, il est impératif d’en parler, pour ouvrir la voie à la libération de la parole.
Cet amendement vise donc à mettre en place des mesures concrètes permettant que ce sujet soit régulièrement abordé au sein des établissements avec les élèves, à raison d’une fois par trimestre. Cela garantira que les élèves connaissent les réalités du harcèlement, ses manifestations et, surtout, les moyens concrets étant à leur disposition pour l’empêcher de prospérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer trois séances annuelles de présentation de la lutte contre le harcèlement.
La loi prévoira, grâce à l’alinéa 5 de l’article 1er du présent texte, une séance annuelle d’information, mais cela n’empêche bien évidemment pas, pendant l’année, notamment en cours d’éducation morale et civique ou lors de la journée européenne du harcèlement, qui a lieu au mois de novembre, d’évoquer de nouveau la question du harcèlement.
Toutefois, prévoir, dans des programmes déjà très chargés, trois séances obligatoires me semble beaucoup. Les enseignants sont libres d’ajouter, une fois ou deux fois au cours de l’année, quelques éléments relatifs à cette problématique s’ils la vivent au quotidien, mais imposer à tous les enseignants de France trois séances annuelles me semble excessif, je le répète.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Bourrat, la détermination à combattre le harcèlement a déclenché une véritable dynamique dans les établissements.
Ainsi, il y a 337 référents académiques et départementaux, qui sont les interlocuteurs clefs pour les élèves victimes de harcèlement ; les numéros d’appel 3020 et 3018 sont des lignes consacrées à l’écoute des victimes et au signalement de tels faits ; il existe des ressources sur le site « Non au harcèlement » du ministère de l’éducation nationale et deux temps forts, avec la journée nationale de mobilisation contre le harcèlement à l’école et le prix « Non au harcèlement » ont été mis en place.
Par ailleurs, depuis la dernière rentrée scolaire, le programme français anti-harcèlement pHARe est généralisé à l’ensemble du territoire national. Ce programme est piloté, à l’échelon académique, par 213 superviseurs, qui prennent en charge le traitement des situations au plus près des élèves, dans les écoles et les collèges. En outre, un volet pédagogique est destiné aux élèves, avec dix heures d’apprentissage au moyen de différents supports pédagogiques, sur l’empathie ou sur le cyberharcèlement. Un parcours pédagogique par cycles visant à développer les compétences psychosociales a également été mis en place.
Ce programme combine différentes actions selon une organisation annuelle précise, laquelle prévoit notamment la mise en place d’une équipe ressource et permet aux écoles et aux établissements de mettre en œuvre de manière effective leur plan de prévention et leur protocole de prise en charge, avec des acteurs formés et des outils adaptés à ces phénomènes – vous l’avez tous dit – extrêmement complexes.
Ainsi, cet amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait et, à défaut, émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je partage évidemment l’intention de notre collègue Toine Bourrat, mais nous votons ici la loi. Or, aujourd’hui, en vertu de la loi, il est censé y avoir dans chaque établissement trois séances obligatoires par an et par niveau d’éducation à la sexualité – c’est inscrit dans la loi depuis des années –, pourtant ce n’est absolument pas respecté. Donc, attention à l’application de la loi.
Ensuite, en matière de formation des enseignants, il faut savoir que l’on se trouve confronté, avec le harcèlement scolaire, à un phénomène d’ampleur ; il convient donc de former les enseignants, sans trop alourdir leur tâche, qui est déjà énorme, ne serait-ce que pour les aider à faire des repérages simples.
Enfin, on arrivera à combattre le harcèlement scolaire à partir du moment où la médecine scolaire sera réellement présente dans tous les établissements, de sorte que ceux-ci seront en mesure d’identifier, de repérer et d’accompagner, pour lutter contre ce phénomène.
Votre intention est probablement louable, ma chère collègue, mais attention aux bonnes intentions qui ne sont jamais appliquées ou qui sont déjà traduites dans les textes.
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je comprends, et même je partage, les bonnes intentions de Toine Bourrat et d’Alexandra Borchio Fontimp ; ce n’est donc pas sur le fond que, de mon point de vue, cet amendement pose une difficulté.
Dans une école ou dans un établissement scolaire, il y a la vie scolaire, la direction de l’établissement et la santé scolaire, dont on a déjà mentionné l’état. Qu’il faille sensibiliser, former, multiplier les actions de prévention pour lutter contre le harcèlement et pour protéger les enfants, nous en sommes tous d’accord. Sans doute, il y a des efforts à faire, mais il faut entendre ce que vient de nous dire Mme la ministre.
Ensuite, au-delà de cela, il y a le temps de la classe. Or le meilleur moyen d’intégrer dans le temps de la classe de tels sujets, c’est de les aborder dans le cadre des programmes des différentes disciplines. Ne nous payons pas de mots !
En outre, toute action qui vient perturber le temps de la discipline a des conséquences sur l’apprentissage de celles-ci. Une école, un collège, un lycée, c’est encore et avant tout un professeur qui enseigne le contenu d’un programme dans une salle de classe.
S’il y a un sujet qui doit être pris en compte dans le champ disciplinaire – c’est le cas de celui-ci –, il faut le faire, mais, pour le reste, Annick Billon l’a bien dit, on est dans l’injonction. On écrit des circulaires qui, autrefois, partaient dans des classeurs et qui, maintenant, restent sur le bureau numérique du chef d’établissement, mais qui ne se traduisent pas dans la réalité.
Essayons de comprendre ce qu’est la vie d’un établissement et, quand on est confronté à une réelle problématique, introduisons-la dans la réalité de cet établissement : une classe, un professeur qui enseigne, des disciplines et des programmes.
Ne chargeons pas à l’excès le pauvre code de l’éducation, dont l’obésité commence à devenir préoccupante…
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Nous sommes tous convaincus de la nécessité de prévenir les faits de harcèlement. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
Ces derniers temps, il y a eu une réelle prise de conscience sur cette question. Malheureusement, ce sont souvent des événements dramatiques qui ont amené l’opinion à se mobiliser sur le sujet, mais nous avons maintenant tous conscience qu’il faut agir contre le phénomène de société qu’est le harcèlement scolaire.
Comment ? Nous y travaillons et nos collègues de l’Assemblée nationale également, de sorte que nous examinons ce matin cette proposition de loi, dans l’étude de laquelle la commission des lois et celle de la culture se sont vraiment investies.
Je reprendrai ce qui vient d’être dit par Annick Billon et Max Brisson : on ne peut pas tout inscrire dans la loi et ce ne sont pas trois réunions obligatoires par an qui changeront la nature des choses. Beaucoup d’établissements scolaires – j’en ai visité de nombreux – sont déjà investis sur cette question. C’est véritablement par la prise de conscience de toute la communauté éducative que les choses avanceront.
Par conséquent, inutile d’en rajouter, surtout si c’est pour que la loi ne soit pas appliquée…
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié quater, présenté par Mmes Bourrat et Borchio Fontimp, MM. D. Laurent, Cambon, Perrin, Rietmann, Bouchet, Folliot et Hingray, Mme Berthet, MM. Laugier, Burgoa, Bascher, Joyandet et Détraigne, Mmes L. Darcos et Demas, M. Bouloux, Mmes Garnier et Ventalon, MM. Cardoux, Chauvet et Charon, Mme Drexler, M. Grand, Mmes Belrhiti, de La Provôté et Létard et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 511-5 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement intérieur rappelle également le droit à une scolarité sans cyberharcèlement et les sanctions encourues en cas de cyberharcèlement et de harcèlement scolaire. »
La parole est à Mme Toine Bourrat.