M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on estime qu’entre 6 % et 12 % des élèves, soit environ 1 million d’enfants et de jeunes adultes, sont victimes de harcèlement au cours de leur scolarité. L’actualité illustre régulièrement les dramatiques conséquences du harcèlement, qui peuvent aller jusqu’au suicide, comme pour la jeune Dinah en octobre dernier.

Ces chiffres alarmants appellent une mobilisation générale dans l’école, mais aussi dans l’ensemble de la société.

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il a pris ces dernières années une intensité nouvelle avec le développement des réseaux sociaux et des applications d’échange. De fait, le harcèlement ne s’arrête plus jamais et s’engouffre partout, jusque très tard, dans la chambre de ces enfants. Il y a donc un nouveau défi à relever pour protéger ces jeunes. Ainsi, le Sénat ne se trompe pas en ajoutant la mention de « cyberharcèlement » dans le titre de cette proposition de loi.

Notre amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 7 s’inscrit dans cette logique : nous proposons de renforcer les obligations des services de communication électronique, et notamment de messageries instantanées, afin de faciliter le blocage de numéros.

Dans sa version initiale, cette proposition de loi avait surtout un caractère symbolique, car elle apportait peu aux instruments juridiques existants.

À l’inverse, la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire initialement prévue à l’article 4 était à la fois trop déséquilibrée et peu applicable. Elle pouvait même se révéler contre-productive, compte tenu de la nécessité d’une prise de conscience collective sur le sujet.

Je tiens à saluer le travail de mise en cohérence autour de la réponse pénale qu’ont réalisé Mme la rapporteure de la commission des lois, saisie pour avis, et M. le rapporteur de la commission de la culture.

La définition du harcèlement scolaire dans le texte adopté par l’Assemblée nationale mettait sur le même plan des adultes et des enfants. Ce point a été récrit, et le délit pénal a été supprimé, car il était à la fois inapplicable – la notion de discernement déterminant l’adaptation de la réponse pénale à l’auteur des faits – et disproportionné dans son quantum de peine.

Sans déresponsabiliser les établissements et les personnels dans la détection, le traitement et le suivi du harcèlement, nous devons prendre en compte les limites de leurs moyens et de leurs missions.

La proposition de loi vient d’ailleurs renforcer la formation de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale et des différents acteurs mobilisés face à ce fléau. Les enseignants sont déjà sensibilisés dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé), mais il est nécessaire d’aller plus loin et de renforcer cette formation. Nous défendrons à ce sujet un amendement à l’article 3 tendant à permettre à l’ensemble de la communauté éducative d’y accéder.

Une des difficultés en matière de harcèlement scolaire tient à l’interprétation des signes et au repérage de l’isolement progressif des victimes, qui doivent leur permettre de se confier.

Mais pour cela, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, il faut davantage de moyens pour la médecine scolaire. Les médecins scolaires suivent en moyenne 12 500 jeunes, et les infirmières sont débordées, particulièrement dans le contexte de la crise sanitaire.

Les assistants d’éducation, tout comme les directeurs d’école, les principaux de collège et les proviseurs de lycée voient leurs missions sans cesse élargies. Les psychologues scolaires se font de plus en plus rares. Et enfin, il est toujours question de confier aux départements la gestion des infirmières scolaires, via les services de protection maternelle et infantile (PMI), ce qui risquerait de priver la médecine scolaire d’un peu plus de moyens.

Je m’interroge également sur l’obsession, si vous me permettez cette expression, consistant à surcharger systématiquement tant l’enseignement moral et civique, qui ne bénéficie que d’une demi-heure par semaine, que les comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement, qui doivent traiter de sujets et d’enjeux toujours plus vastes.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Céline Brulin. On ne peut pas demander à l’école de régler tous les problèmes de notre société, encore moins quand les moyens d’accompagnement ne sont pas au rendez-vous.

M. Max Brisson. C’est vrai !

Mme Céline Brulin. Mais ce texte propose une nouvelle étape dans notre engagement collectif contre le harcèlement scolaire. C’est pourquoi notre groupe soutiendra le texte issu des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, INDEP et Les Républicains.)

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, devenu une grande cause nationale, le harcèlement scolaire suscite enfin un intérêt à la mesure des souffrances qu’il engendre.

Il a, hélas ! fallu nombre d’existences brisées pour que ce fléau quitte la rubrique des faits divers pour s’installer dans le débat public.

Si certains drames ont enfin alerté les autorités, ils ne constituent que l’aperçu le plus tragique d’un phénomène qui, à des degrés de gravité très divers, gangrène notre école et notre société.

Si le droit pour les élèves de vivre leur scolarité sans oppression ni anxiété relève de la cause nationale, cette cause mérite donc un engagement sincère et massif, au-delà des effets de manche législatifs.

En effet, ce ne sont pas quelques sentences votées dans cette enceinte qui mettront fin à un mal aussi insidieux qu’ancien, réclamant un combat quotidien au sein de chaque classe, couloir de collège ou cour de récréation.

Comme l’ont souligné nos rapporteurs, ainsi que Mme Colette Mélot dans son excellent rapport de septembre 2021, le délit de harcèlement figure déjà dans notre code pénal. Une qualification superfétatoire ne changerait donc pas le quotidien des élèves dont l’enfance ou l’adolescence est saccagée. Sans compter que, l’âge de la responsabilité pénale étant fixé à 13 ans, les peines d’amende et de prison seraient sans effet sur de nombreux cas de harcèlement, qui se manifestent dès l’école primaire.

Il reste alors d’avoir le courage de mener un travail concret et minutieux, qui ne s’effectue pas avec des déclarations de principes, mais réclame que des moyens humains soient mobilisés.

D’abord, il faut aider les enseignants à reconnaître le harcèlement, en leur dispensant des formations psychosociales.

Ensuite, l’action de l’ensemble des professionnels qui œuvrent dans les établissements doit être coordonnée, en puisant dans les responsabilités de chacun pour mobiliser les compétences utiles dans le combat contre le harcèlement.

Il faut ainsi affirmer la place des assistants d’éducation (AED), indispensables à l’harmonie de la vie scolaire, qui pourraient se voir confier des missions de veille éducative dans les moments informels que représentent les intercours.

J’en profite pour soutenir la démarche de ma collègue Toine Bourrat, dont l’amendement vise à prolonger les contrats de ces acteurs essentiels au-delà de six ans : pourquoi se séparer de personnels expérimentés qui connaissent parfaitement les établissements et leurs difficultés ?

Il convient également de coordonner les actions des conseillers principaux d’éducation (CPE) avec celles des assistantes sociales, des infirmières scolaires, des psychologues de l’éducation nationale.

Ces intervenants travaillent au plus près des élèves. Mais encore faut-il, d’une part, renforcer leurs synergies en leur permettant de décloisonner leurs approches et, d’autre part, pourvoir aux postes vacants. Combien de personnels de santé manquent aujourd’hui dans nos établissements, alors qu’ils devraient agir pour la prise en charge des élèves ? À titre d’exemple, dans le département de l’Ardèche, dont je suis l’élue, le collège Roqua attend son assistante sociale depuis avril 2021.

Frapper d’interdit le harcèlement en le sanctionnant par la loi est nécessaire, mais la menace du code pénal n’est guère dissuasive chez de jeunes enfants, et c’est très en amont qu’il faut agir, avant même que les faits ne soient commis.

Il faut pour cela former les jeunes esprits dans le cadre de l’enseignement moral et civique, afin de leur faire connaître et accepter les différences.

Les équipes mobiles de sécurité pilotées par les rectorats participent à cette sensibilisation ; mais ce patient travail effectué sur le terrain doit être renforcé et généralisé.

Le dispositif « sentinelles et référents » constitue aussi une réponse initiative intéressante. En formant les élèves au repérage des souffrances de leurs camarades isolés, il leur permet de s’impliquer et de rompre avec la passivité des témoins dont se nourrit le harcèlement.

Cependant, cette éducation des enfants à la responsabilité ne doit pas conduire les adultes à se décharger de la leur. Le rôle de ces derniers, à commencer par les parents, doit demeurer primordial. C’est la raison pour laquelle il m’apparaît fondamental de les associer très en amont à la lutte contre le harcèlement. L’école a doublement besoin d’eux, tant pour reconnaître les signes avant-coureurs chez une victime que pour transmettre à leurs enfants l’interdit du harcèlement. Aucun enfant ne naît victime ou bourreau ; aussi les parents doivent-ils être considérés comme les acteurs incontournables de la lutte contre ces dérives.

Lors de l’examen qui va s’ouvrir, nous allons certainement enrichir ce texte, mais aucune loi ne suppléera la volonté politique dont vous êtes, madame la ministre, la dépositaire. Donnez à nos professeurs, aux équipes accompagnantes, à la médecine scolaire, les moyens d’accomplir leur vœu le plus cher : voir chaque élève prendre le chemin de l’école avec sérénité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nadège Havet et Colette Mélot applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement

TITRE IER

DE LA PRÉVENTION DES FAITS DE HARCÈLEMENT SCOLAIRE ET DE LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire
Article 1er (suite)

Article 1er

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

Article 1er (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 8 rectifié bis

1° Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier est complété par un article L. 111-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-6. – Aucun élève ou étudiant ne doit subir, de la part d’autres élèves ou étudiants, de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d’apprentissage. Ces faits peuvent être constitutifs de circonstances aggravantes de harcèlement au sein d’un établissement d’enseignement telles que prévues au 6° de l’article 222-33-2-2 du code pénal.

« Les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire et le cyberharcèlement. Ces mesures visent notamment à prévenir l’apparition de situations de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement, à favoriser leur détection par la communauté éducative afin d’y apporter une réponse rapide et coordonnée et à orienter les victimes, les témoins et les auteurs, le cas échéant, vers les services appropriés ainsi que vers les associations susceptibles de leur proposer un accompagnement.

« Une information sur les risques liés au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement est délivrée chaque année aux élèves et aux parents d’élèves. » ;

2° L’article L. 511-3-1 est abrogé.

M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, sur l’article.

Mme Sabine Drexler. Aujourd’hui, le harcèlement n’épargne plus personne. Quels que soient leur condition sociale ou le territoire où ils résident, rares sont nos enfants ou nos petits-enfants qui n’en seront pas un jour victimes, témoins ou auteurs.

Alors que les zones urbaines et les territoires prioritaires, confrontés depuis longtemps à la présence de ce fléau, ont bénéficié de dispositifs spécifiques pour tenter de le contenir et en soutenir les victimes, en milieu rural, dans des territoires éloignés de structures médico-psycho-pédagogiques ou socioéducatives, les enseignants du premier degré n’ont ni la formation ni la disponibilité nécessaires pour faire face seuls à ces phénomènes, il faut bien l’avouer.

L’alinéa 4 de l’article 1er dispose que « les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement ».

Prendre des « mesures appropriées », c’est bien sûr développer des programmes ad hoc, des guides et des formations, mais c’est aussi pouvoir recourir à un vivier de personnel en mesure d’intervenir régulièrement et rapidement au sein même des écoles ; c’est disposer de personnels formés, qui pourront mettre en œuvre, en amont des actions de prévention et en aval, un suivi personnalisé des élèves et de leurs familles en cas de problèmes avérés.

Jusqu’à il y a une dizaine d’années, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), placés sous la responsabilité des inspecteurs de circonscription, assuraient cette présence dans les écoles rurales. Facilement mobilisables, notamment en cas de harcèlement, ils représentaient un recours de proximité précieux pour les enseignants ou les parents.

Ces dernières années, de nouveaux paramètres, dont le harcèlement, complexifient la gestion des classes. Le nombre d’élèves et d’enseignants en difficulté à l’école est en nette augmentation.

Madame la ministre, une fois la loi adoptée, nous comptons vraiment sur vous pour renforcer la présence de personnels spécialisés au sein des circonscriptions, y compris les plus rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.

Mme Laure Darcos. Au moment de discuter des articles de cette proposition de loi, je souhaite m’expliquer sur ce sujet si grave.

Affirmer qu’un élève a le droit de poursuivre sa scolarité sans être harcelé par ses pairs relève de l’évidence. Pourtant, le phénomène du harcèlement scolaire, qui s’est banalisé depuis plusieurs années, prend une ampleur à la fois inédite et inquiétante avec le développement des réseaux sociaux.

Certes, des programmes de prévention sont mis en œuvre dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire. Mais constituent-ils un rempart suffisamment solide pour circonscrire ce phénomène et dissuader les harceleurs ?

Le drame des réseaux sociaux est qu’ils reflètent les égarements individuels et collectifs d’aujourd’hui. Les parents et la communauté scolaire se sentent bien souvent impuissants face à un phénomène qui peut parfois virer au drame, comme nous l’avons malheureusement constaté récemment.

La mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement a souligné qu’il est pertinent d’informer régulièrement les enfants de leurs droits et devoirs, et que l’existence de numéros d’appel en cas de harcèlement constitue une nécessité absolue.

Pour ma part, je crois beaucoup à l’attention portée à la victime, qui doit pouvoir bénéficier d’un réel soutien psychologique.

Je crois également à la nécessité de prendre en considération les témoins. Je salue les dispositions adoptées sur l’initiative de M. le rapporteur Olivier Paccaud concernant les témoins de faits de harcèlement, qui doivent comprendre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.

Enfin, je ne saurais assez insister sur les vertus de la sanction à l’encontre des élèves harceleurs. Cette sanction doit être implacable, et se traduire par l’exclusion de l’établissement, car je ne peux imaginer un instant que l’élève harcelé soit le seul à être écarté de l’établissement scolaire.

Bien entendu, le principe de réalité doit nous guider, et je soutiens sans réserve la possibilité offerte à un élève dont l’intégrité physique et morale est menacée de s’inscrire dans un autre établissement, en bénéficiant d’une dérogation aux obligations de la carte scolaire, ou de changer de mode d’instruction pour l’instruction en famille.

En tout état de cause, je forme le vœu que cette proposition de loi favorise le rétablissement d’un climat de bienveillance et de fraternité dont l’école a besoin. J’ai une pensée très émue pour les victimes et leurs familles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. Le Sénat va marquer de son empreinte ce texte important, qui inscrit un droit à la protection contre le harcèlement scolaire au sein du livre Ier du code de l’éducation, et plus précisément dans l’article qui définit les missions de l’école et des établissements scolaires. La protection contre le harcèlement devient une mission confiée aux établissements, et en cela, ce texte est important.

Mais après ? Ce n’est pas parce qu’on aura changé le code de l’éducation que les pratiques seront différentes. Ne nous payons pas de mots, mes chers collègues ! Ce ne sont pas des injonctions dans le code de l’éducation qui modifient les pratiques, les postures et les positions.

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Max Brisson. Sabine Drexler a évoqué le manque de moyens. Nous savons que la médecine et la santé scolaire sont en état de décrépitude.

Nous pouvons ne pas partager la même position concernant les solutions à apporter, mais nous nous accordons autour de ce constat.

Deux solutions sont possibles, et peuvent nous opposer : d’une part, des moyens supplémentaires, comme ceux qu’a demandés Sabine Drexler ; d’autre part, il s’agit peut-être aussi d’accorder davantage de liberté et de confiance aux chefs d’établissement, pour permettre à ces derniers de régler les problèmes sans crouler sous de multiples injonctions et de multiples circulaires. Tout simplement, faisons-leur confiance et formons-les pour régler au plus près du terrain ces problématiques.

M. Pierre Ouzoulias. On est d’accord !

M. Max Brisson. C’est ainsi qu’on permettra, sur ce sujet comme sur bien d’autres, de rénover notre école. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Van Heghe et S. Robert, MM. Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Magner, Mme Monier, MM. Stanzione et Bourgi, Mmes Lubin et Préville, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

, de la part d’autres élèves ou étudiants,

La parole est à Mme Sabine Van Heghe.

Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement a pour objet d’ouvrir plus largement le champ d’application du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement, comme l’avait fait l’Assemblée nationale. Nous souhaitons que toute personne faisant subir une situation de harcèlement à un élève ou à un étudiant dans le cadre scolaire ou universitaire puisse être poursuivie.

Le texte issu des travaux de la commission ne vise désormais que le harcèlement émanant d’élèves ou d’étudiants. Or nous savons malheureusement que le harcèlement au sein de l’école ou de l’université peut être le fait d’adultes. De tels cas, heureusement rarissimes, existent néanmoins.

Une étude de l’IFOP de mars 2021 réalisée pour l’association Marion la main tendue en fait état. Ainsi, 3 % des cas de harcèlement scolaire proviendraient d’adultes exerçant au sein de l’établissement.

Certains de ces cas de harcèlement peuvent avoir les mêmes conséquences dramatiques que ceux en provenance des pairs, comme en témoigne l’exemple de la petite Evaëlle, harcelée notamment par l’un de ses professeurs, qui a mis fin à ses jours alors qu’elle avait 11 ans, en juin 2019.

Il n’y a donc aucune raison pour que, s’ils sont certes souvent irréprochables, les adultes exerçant au sein des établissements soient exclus du dispositif. L’argument du rapporteur selon lequel des adultes pourront être sanctionnés ne tient pas, puisqu’ils échapperont ainsi aux nouvelles circonstances aggravantes constituées par le harcèlement scolaire.

Notre amendement vise donc à inclure les adultes exerçant dans les établissements scolaires dans le dispositif de l’article 1er, qui précise le champ d’application du droit à la scolarité et aux études sans harcèlement. Il vise par conséquent à ce que les facteurs constitutifs de circonstances aggravantes au délit de harcèlement les concernent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur. Madame Van Heghe, je vous remercie de votre amendement. Il a pour objet de revenir sur la volonté de la commission de circonscrire le champ d’application de cette proposition de loi au harcèlement scolaire entre pairs, contrairement au texte transmis par l’Assemblée nationale.

Nous avons déjà eu ce débat dans cet hémicycle, notamment lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance en 2019. Madame la ministre, vous remplacez avantageusement M. Jean-Michel Blanquer, et je ne parlerais pas à sa place. Mais le ministre s’était exprimé à ce sujet, comme s’en souvient M. Max Brisson, rapporteur de ce texte.

La position ministérielle était claire : le harcèlement scolaire concerne avant tout des faits qui ont lieu entre pairs, ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir, malheureusement, de cas de harcèlement venant de professeurs, d’assistants d’éducation, ou d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

Ces cas inexcusables sont déjà prévus par la loi actuelle, et sont punis pénalement et administrativement. Si nous avons souhaité limiter la problématique au harcèlement scolaire entre pairs, c’est parce que, comme l’a dit Mme Annick Billon lors de la discussion générale, nous ne souhaitons surtout pas permettre de fissurer l’autorité des professeurs et de jeter sur eux la suspicion.

Dans le monde éducatif, malheureusement, certains parents refusent et critiquent l’autorité des professeurs. Il ne faut pas leur offrir une « arme » leur permettant d’attaquer les professeurs.

Il ne s’agit en aucun cas de donner un blanc-seing aux adultes qui œuvrent auprès de nos enfants. Madame Van Heghe, comme la mission d’information que vous présidiez l’a montré, l’immense majorité des cas de harcèlement ont lieu entre pairs. Dans les très rares cas où un adulte est malheureusement fautif, les responsables sont condamnables et condamnés par la loi. Restons-en là

L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice Van Heghe, l’enjeu de cette proposition de loi est de protéger les enfants contre le harcèlement, quel qu’il soit, quelle que soit la personne ayant commis les faits de harcèlement, qu’il s’agisse d’un autre élève ou d’un professionnel qui travaillerait au sein de l’établissement. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable au rétablissement de cette mention.

Cela dit, l’amendement n° 34 déposé par Mme Havet reprend la version du texte de l’Assemblée nationale, et notamment le délit de harcèlement dont nous souhaitons également le rétablissement. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, au profit du n° 34.

M. le président. Madame Van Heghe, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?

Mme Sabine Van Heghe. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mme Havet, MM. Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, M. Haye, Mme Schillinger et MM. Marchand, Lévrier et Iacovelli, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer les mots :

de circonstances aggravantes de harcèlement au sein d’un établissement d’enseignement telles que prévues au 6°de l’article 222-33-2-3

par les mots :

du délit de harcèlement scolaire prévu à l’article 222-33-2-3

II. – Alinéa 4

1° Première phrase

Après le mot :

privés

insérer les mots :

ainsi que le réseau des œuvres universitaires

et supprimer les mots :

et le cyberharcèlement

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

et de cyberharcèlement

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à revenir à la version adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale.

Comme Mme Van Heghe, nous regrettons que la commission ait exclu les adultes du dispositif de cet article.

Le nouveau droit à une scolarité sans harcèlement introduit par la loi pour une école de la confiance en 2019 doit inclure tous les faits de harcèlement, qu’ils soient commis par des élèves, des étudiants ou des adultes.

Pour nous, législateurs, il s’agit non pas de susciter une quelconque suspicion, mais de rendre possible dans ce cadre une action contre des adultes, évidemment minoritaires, qui adopteraient des comportements inappropriés.

Le harcèlement d’un élève ou d’un étudiant est le plus souvent conçu comme une violence émanant de ses pairs. Mais il arrive, comme des affaires graves le rappellent, que des adultes présents au sein des établissements alimentent voire provoquent ce phénomène. Il s’agit par conséquent de protéger au mieux les victimes, en couvrant toutes les situations envisageables.

De plus, il nous semble pertinent de faire figurer la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les missions des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, disposition qui, nous le regrettons, a été supprimée par la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur. Madame Havet, vous souhaitez rétablir le texte tel qu’il a été transmis par l’Assemblée nationale.

Or nous l’avons récrit, car nos points de vue divergent en particulier sur deux points.

Le premier concerne le cyberharcèlement. Tous les orateurs de la discussion générale ont insisté sur l’importance du cyberharcèlement, qui amplifie le fléau. Désormais, il n’y a plus « ni abri ni répit », comme je l’ai dit, et malheureusement, la caisse de résonance est démultipliée.

Par votre amendement, vous proposez ni plus ni moins que de supprimer, à deux reprises, le terme de cyberharcèlement à l’alinéa 4, alors que ce point est pour nous essentiel. Nous avons d’ailleurs modifié l’intitulé de la proposition de loi, en y ajoutant le mot « cyberharcèlement ».

Le second point concerne le rôle du Cnous et des Crous. Nous considérons que ces organismes ont déjà assez de travail comme cela. Il nous semble peu sage de confier une mission supplémentaire aux 1 600 référents étudiants qui ont été nommés, qui bénéficient pour l’instant de moyens, mais dont on ignore quel budget leur sera alloué à l’avenir. Pour ces raisons, nous avons souhaité modifier le texte initial de la proposition de loi.

L’avis est donc défavorable.