Mme Mélanie Vogel. Au nom de l’égalité de traitement entre tous les enfants, cet amendement vise à ouvrir la possibilité d’être adopté à tous les mineurs étrangers en ayant besoin, quelle que soit la loi de leur pays d’origine. Tous les enfants accueillis en France doivent bénéficier de protections et de droits équivalents.
Dans certains pays, notamment au Maghreb, l’adoption n’est pas reconnue. Les orphelins issus de ces pays sont recueillis par kafala, c’est-à-dire selon un système qui se rapproche d’une tutelle ou d’un transfert de l’autorité parentale. Avec ce système, l’enfant n’est cependant pas légalement un membre à part entière de la famille, ce qui cause un certain nombre de problèmes, y compris des discriminations traumatisantes au sein de la famille.
La Défenseure des droits nous a déjà invités à reconsidérer cette interdiction, en soulignant qu’elle contrevient aux obligations de la France découlant des droits de l’enfant énumérés par la convention des Nations unies de 1989, qui énonce que les États parties doivent prévoir pour les enfants une protection conforme à leur législation nationale.
Enfin, la comparaison avec d’autres pays montre que certains de nos voisins européens n’ont pas introduit de principe si prohibitif dans leur code civil. La Belgique, où je vis, a adopté en 2005 une position beaucoup plus ouverte, qui autorise l’adoption des enfants confiés par kafala sous des conditions précisément définies.
Au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, je vous demande de mettre fin à cette pratique et de permettre que des enfants qui vivent sur le sol français puissent être adoptés, même si la loi de leur pays d’origine ne le permet pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 23.
Mme Dominique Vérien. Il est identique à celui qui vient d’être défendu, mais je vais compléter le propos. Si une famille étrangère qui réside en France délaisse son enfant et que ce dernier est confié à l’aide sociale à l’enfance, pourquoi ne pas lui offrir la chance d’être adopté sur le seul motif qu’il n’est pas né dans la bonne famille et que sa famille n’a pas la bonne nationalité ?
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 rectifié ter est présenté par MM. Favreau, Pellevat, D. Laurent, Laménie et Klinger, Mme Lassarade, M. Belin et Mme Joseph.
L’amendement n° 25 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil, après le mot : « adoption », il est inséré le mot : « plénière ».
La parole est à M. Christian Klinger, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié ter.
M. Christian Klinger. Cet amendement vise à permettre aux enfants confiés par une kafala judiciaire à des ressortissants français de pouvoir bénéficier d’une adoption simple, si le juge français constate que les conditions requises pour une telle adoption sont respectées et sont conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant. Actuellement, l’adoption plénière comme l’adoption simple sont interdites.
La rédaction actuelle de l’article 370-3 du code civil précise que l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. Du fait de cette interdiction, les enfants recueillis en France par kafala souffrent d’une précarité de leur statut juridique qui les prive des droits reconnus aux autres enfants susceptibles d’être adoptés. Cette situation n’est humainement pas acceptable et contrevient aux obligations internationales de la France au regard du respect dû aux droits de l’enfant énumérés par la convention des Nations unies de 1989.
En autorisant l’adoption simple, comme le préconise le Défenseur des droits, la solution proposée par cet amendement permettrait au juge français de vérifier si les conditions d’une telle adoption existent réellement et si les adultes qui ont accueilli l’enfant présentent toutes les garanties pour assurer son éducation.
En droit français, l’adoption simple, qui crée un lien de filiation additif, révocable, qui ne se substitue pas à la filiation biologique, mais qui au contraire la maintient, n’apparaît contraire ni à la lettre ni à l’esprit de la loi personnelle de l’enfant mineur étranger. Elle permettrait d’améliorer la situation des familles et enfants concernés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 25.
Mme Michelle Gréaume. Nous revenons avec cet amendement sur le problème posé par la situation particulière des kafalas.
Le deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil opère en matière d’adoption internationale une distinction entre les mineurs étrangers qui résident en France selon que la loi de leur pays d’origine interdit ou autorise l’adoption. Cet alinéa dispose ainsi que l’adoption d’un mineur étranger ne peut pas être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France.
Cette distinction constitue une discrimination qui est préjudiciable à l’enfant. La France semble d’ailleurs être le seul pays européen à avoir introduit un principe prohibitif dans son code civil, alors que le législateur belge, par exemple, a choisi une orientation inverse, en autorisant le prononcé de l’adoption simple ou plénière.
Plus particulièrement, lorsqu’un enfant relève de la kafala, toute adoption est interdite, ce qui lui est préjudiciable et le conduit à devoir faire face à un certain nombre de difficultés matérielles. Depuis de nombreuses années, le Médiateur de la République et le Défenseur des droits sont à la recherche de solutions permettant de ne plus laisser ces enfants dans une situation aussi précaire, contraire aux droits de l’enfant.
Par cet amendement, nous proposons d’autoriser l’adoption simple pour les enfants liés par kafala. Une telle mesure va dans le sens de l’intérêt de l’enfant, que cette proposition de loi souhaite garantir.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 17 rectifié ter est présenté par MM. Favreau, Pellevat, D. Laurent et Laménie, Mme Lassarade, MM. Klinger et Belin et Mme Joseph.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 370-3 du code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, il peut être dérogé à ce principe de prohibition et l’adoption peut être autorisée par convention avec le pays d’origine du mineur. » ;
2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’année qui suit la promulgation de la loi n° … du … visant à réformer l’adoption, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur les négociations internationales en vue de la conclusion de conventions permettant l’adoption de mineurs dont la loi personnelle prohibe cette institution. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous proposons que, dans le cas d’enfants ne pouvant pas être adoptés en France, car la loi de leurs pays d’origine l’interdit, l’on puisse déroger à ce principe grâce à l’établissement d’une convention conclue avec le pays concerné.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié ter.
M. Christian Klinger. Défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié bis, présenté par M. Requier, Mme M. Carrère et MM. Artano, Bilhac, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du même article 370-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, il peut être dérogé à ce principe de prohibition et l’adoption peut être autorisée par convention avec le pays d’origine du mineur. »
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Le groupe RDSE souhaite également que soit trouvé un statut aux enfants confiés par la justice d’un pays étranger à des Français. Ces enfants se retrouvent sans protection en cas de prohibition de l’adoption dans leur pays d’origine.
Cette situation a donné naissance à des contentieux et a conduit à des décisions parfois contraires. L’arrêt Fanthou de 1995 avait énoncé une décision de principe considérant que le consentement du représentant légal d’un pays prohibant l’adoption pouvait permettre à des parents français d’adopter. Deux ans plus tard, un autre arrêt avait remis en cause l’adoption d’un enfant au mépris de sa loi personnelle.
L’intervention du législateur n’est pas idéale sur ce point, puisque nous devons respecter la souveraineté des pays. Mais si cette discussion pouvait au moins encourager l’élaboration de conventions internationales, nous ferions un premier pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je vais donner un avis global sur ces sept amendements.
Lorsqu’il s’agit d’un enfant étranger, le principe est que la loi qui s’applique est celle de sa nationalité, et non la loi française.
Il s’avère que, dans deux pays du Maghreb, le Maroc et l’Algérie, l’adoption n’existe pas. On ne peut donc pas adopter en France des enfants marocains ou algériens, car leur pays d’origine ne le permet pas. La seule procédure qui existe est la kafala, qui est une forme de délégation d’autorité parentale. Ces enfants peuvent être confiés à des familles en France, mais ils ne peuvent pas bénéficier d’une adoption.
Il me paraît difficile d’engager aujourd’hui notre pays sur la voie d’une dérogation à cette règle. Je ne suis pas sûre que nos débats conduisent à l’adoption de conventions internationales, mais il est possible que de telles mesures existent un jour, auquel cas elles s’appliqueront. Pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Les enfants qui vivent durant plusieurs années en France peuvent bénéficier d’une procédure d’acquisition de la nationalité française. Leur loi personnelle devient de ce fait la loi française et leur adoption est alors possible.
Il me semble qu’il convient de ne pas déroger au principe d’une application de la loi personnelle de l’enfant et de nous en tenir à la possibilité que le droit français offre à ces enfants d’acquérir la nationalité française, afin de devenir dès lors adoptables par la famille dans laquelle ils sont accueillis.
La commission est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet le même avis. J’ajoute, en ce qui concerne les amendements nos 6 rectifié, 17 rectifié ter et 46 rectifié bis, que la hiérarchie des normes nous semble satisfaire leur objectif.
Comme cela a été expliqué par Mme la rapporteure, la règle posée par le législateur en 2001 au deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil est respectueuse du statut personnel de l’enfant et permet d’éviter que la filiation établie en France ne soit pas reconnue à l’étranger. Cela permet d’éviter les adoptions que l’on appelle « boiteuses ».
Par ailleurs, cette règle est respectueuse de la souveraineté du pays d’origine de l’enfant et ne vient pas imposer à l’État étranger nos propres politiques en matière d’adoption.
En ce sens, notre législation s’inscrit bien, alors même que vous avez été nombreux à évoquer les conventions internationales, dans l’esprit de la convention de La Haye de 1993 qui laisse le soin au pays d’origine de l’enfant de contrôler son adoptabilité.
Vous souhaitez par ces amendements permettre l’adoption d’un enfant, alors que sa loi personnelle la prohibe. Une telle approche ne tient pas compte de la loi du pays d’origine de l’enfant et est contradictoire avec l’engagement international de la France, dont elle s’honore, de respecter le statut personnel de l’enfant.
La Cour de cassation l’a d’ailleurs confirmé dans un arrêt rendu en février 2009.
Cette disposition est également conforme à la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant, qui reconnaît que la kafala est respectueuse de l’intérêt de l’enfant. Elle ne méconnaît pas davantage le droit au respect de la vie familiale de l’enfant, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Vous aurez compris que nous entendons respecter les conventions internationales. J’ajoute que la kafala est une mesure légale d’accueil de l’enfant qui n’emporte aucun effet sur sa filiation d’origine et qui ne peut donc pas être assimilée à une adoption simple. Comme vous le savez, la kafala n’ouvre pas de droit à la succession, laisse la possibilité de se marier – nous parlions tout à l’heure des confusions de générations… – et est suspendue à la majorité de l’enfant.
Avec la kafala, l’État d’origine n’autorise pas l’adoption, même simple. Il convient de respecter cela. Ce principe qui vient de la charia se retrouve dans certains pays seulement. Respectons la loi personnelle des enfants !
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 23.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 rectifié ter et 25.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié et 17 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 370-5 du code civil est ainsi modifié :
1° À la troisième phrase, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’adoption plénière régulièrement prononcée ou retranscrite dans un pays membre de l’Union européenne produit en France les effets d’une adoption plénière lorsque au moins l’un des membres du couple est de nationalité française. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à ce qu’une adoption plénière régulièrement prononcée ou retranscrite dans un État membre de l’Union européenne produise en France les effets d’une adoption plénière, lorsque au moins l’un des deux membres du couple est de nationalité française.
J’ai déposé cet amendement afin de répondre à une situation particulière dont j’ai été informée : celle d’un couple vivant en Espagne, avec un père espagnol et une mère française, qui ont adopté une petite fille de nationalité russe. L’Espagne a reconnu l’adoption comme plénière, la fille de ce couple, aujourd’hui devenue grande, est donc pleinement reconnue comme leur enfant en Espagne et elle a acquis la nationalité espagnole. Mais il se trouve que la France ne reconnaît pas l’adoption prononcée en Russie comme plénière et refuse donc de la retranscrire, ce qui ne permet pas d’ouvrir le droit à la nationalité française pour cet enfant.
Ainsi, un couple franco-espagnol a un enfant pleinement reconnu dans un pays de l’Union européenne, mais pas en France. C’est pour résoudre ce problème que j’ai déposé cet amendement, et j’espère que vous le soutiendrez.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je crains fort que nous ne le soutenions pas, parce que ce que vous proposez est difficile à mettre en œuvre.
Vous proposez qu’une adoption simple, c’est-à-dire une adoption qui laisse subsister deux liens de filiation, dont celui avec la famille d’origine, se transforme en une adoption plénière, c’est-à-dire en adoption qui écrase tous les liens de filiation existants.
Telle est la teneur de votre amendement. Lorsque la première adoption consentie maintient tous les liens de filiation, il me paraît difficile de les faire disparaître dans le cadre d’une transcription.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet le même avis.
Notre droit pose le principe selon lequel une adoption prononcée à l’étranger ne peut produire en France les effets d’une adoption plénière qu’à la condition qu’elle rompe de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant.
Peu importe, finalement, comment cette filiation serait qualifiée par la juridiction étrangère. Peu importe surtout que les adoptants soient de nationalité française. Le juge français doit seulement se demander à quoi les parents de naissance ont consenti. S’ils n’ont pas consenti à une rupture complète et irrévocable de leur lien de filiation, l’adoption produira nécessairement en France les effets d’une adoption simple. Il y va du respect d’un des principes fondateurs du droit de l’adoption.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8
Après l’article 348-6 du code civil, il est inséré un article 348-7 ainsi rédigé :
« Art. 348-7. – Le tribunal peut prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, lorsque le mineur âgé de plus de treize ans ou le majeur protégé est hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis du représentant légal ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. » – (Adopté.)
Article 9
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 357 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement est requis. » ;
2° (Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Le dernier alinéa de l’article 357 est ainsi rédigé :
« Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut ajouter à l’état civil des enfants un prénom choisi par le ou les adoptants. Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement est requis. » ;
2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 363, le mot : « majeur » est remplacé par les mots : « âgé de plus de treize ans ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement porte sur une question importante : le consentement de l’adopté pour la modification de son nom ou de son prénom.
S’agissant du nom, la commission a supprimé la nécessité du consentement de l’enfant à compter de 13 ans, inscrite dans la proposition de loi. Aujourd’hui, si l’adopté de plus de 13 ans peut refuser que son nom soit substitué à son nom d’origine, il ne peut pas refuser l’adjonction du nom de l’adoptant au sien. Seul un majeur le peut.
La présente proposition de loi visait à soumettre cette adjonction à l’accord de l’enfant de plus de 13 ans. Nous estimons qu’il s’agit d’une mesure opportune, nous proposons donc de la rétablir, 13 ans étant l’âge supposé du discernement. Il semble juste et acceptable de laisser à l’enfant le choix de son patronyme, sans y voir une forme de défiance ou de remise en cause de l’adoption.
Il nous semble que cette mesure va dans l’intérêt de l’enfant. Imposer un changement de nom à un enfant de plus de 13 ans pourrait à l’inverse remettre en cause la nécessaire confiance dans la relation entre l’adopté et l’adoptant.
Concernant le prénom, les dispositions de la proposition de loi prévoient que, dans le cas d’une adoption plénière ou simple, le tribunal puisse modifier le prénom de l’enfant à la demande des adoptants. L’article 9 de la proposition de loi tend à introduire le consentement de l’enfant de plus de 13 ans pour ce changement. C’est une bonne chose, mais nous proposons d’aller un peu plus loin : plus qu’une modification des prénoms, c’est une adjonction de prénom qui devrait se faire sans que le prénom initial puisse jamais être gommé, ce qui reviendrait à nier les origines de l’enfant.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 9 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 14 est présenté par Mmes Harribey, Meunier et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, Pellevat, D. Laurent, Laménie et Klinger, Mme Lassarade, M. Belin et Mme Joseph.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
âgé de plus de treize ans
par les mots :
capable de discernement
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 9.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a pour objet de retenir la notion de discernement, plutôt qu’une limite d’âge, pour recueillir le consentement d’un enfant à son changement de nom ou de prénom.
Un âge minimal de 13 ans semble trop restrictif et il ne prend pas en compte les particularités de chaque enfant. Dans toutes les procédures le concernant, un mineur doué de discernement a le droit d’être entendu, comme le consacre l’article 12 de la convention de New York relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990, selon lequel « les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ». Je crois que nous pouvons être d’accord sur le fait que son prénom fait partie des questions « intéressant » l’enfant !
Je ne comprends pas bien pour quels motifs les parents d’un enfant adopté de 12 ans qui ne voudrait pas changer de prénom pourraient eux procéder à un tel changement… Le prénom est un élément important de la construction de l’enfant et de son identité sociale. Il me paraît inconcevable de ne pas entendre celui-ci sur le choix de ses prénoms dès qu’il est capable de discernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme Laurence Harribey. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié bis.
M. Christian Klinger. Il est défendu !
Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par Mmes Harribey, Meunier et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le discernement est la conscience de l’acte commis, de ses conséquences et la capacité à en apprécier la nature et la portée.
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Cet amendement s’inscrit dans la logique du précédent. Nous souhaitons ici préciser la définition du discernement. Puisque nous utilisons ce terme dans l’amendement n° 14, il est important de le définir.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Mohamed Soilihi, Haye, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, M. Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 363, le mot : « majeur » est remplacé par les mots : « âgé de plus de treize ans ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Lors de l’examen du texte en commission, l’exigence du consentement de l’enfant de plus de 13 ans adopté en forme simple pour l’adjonction du nom de l’adoptant a été supprimée.
Cette disposition s’inscrit pourtant dans la logique ayant conduit le législateur à exiger le consentement personnel de l’enfant âgé de plus de 13 ans pour des actes marquants, par exemple pour sa propre adoption.
Nous proposons de rétablir le consentement pour l’adjonction du nom, qui est un véritable fait marquant dans la vie d’une personne, afin de prendre en compte à sa juste valeur la parole de l’enfant de plus de 13 ans faisant l’objet d’une adoption simple.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Aujourd’hui, lorsqu’un enfant change de prénom dans le cadre d’une adoption, parce que ses parents le souhaitent, ce qui n’entre pas nécessairement en conflit avec l’intérêt de l’enfant, et qu’il est âgé de plus de 13 ans, son accord est requis.
La commission s’est opposée à la nécessité de recueillir le consentement de l’enfant adopté en forme simple en cas d’adjonction du nom du parent adoptif, parce que l’essence même de l’adoption simple est de créer deux filiations. Quand l’enfant accepte l’adoption, il accepte de fait que les deux filiations soient reconnues et que les deux noms soient accolés. Lui demander son consentement, c’est finalement nier l’adoption simple.
La commission est donc défavorable aux amendements nos 26 et 30 rectifié.
Les autres amendements entendent supprimer la limite d’âge de 13 ans pour viser les enfants « capables de discernement ». Certes, la notion de discernement est utilisée en droit de la famille, mais on y demande « l’accord » d’un enfant de plus de 13 ans et « l’avis » d’un enfant faisant preuve de discernement. Ce n’est pas du tout la même chose et je vous propose de nous tenir à cette distinction.
L’avis de la commission est donc défavorable sur les amendements identiques nos 9, 14 et 19 rectifié bis.
Enfin, je salue l’esprit d’économie circulaire du groupe socialiste, puisque le dispositif de l’amendement n° 15 a aussi été présenté hier dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. L’avis n’en reste pas moins défavorable. (Sourires.)