Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article 67, afin de renforcer le régime de sanctions applicables à la mise en danger délibérée de l’environnement. Dans un souci de transparence, nous précisons qu’il est inspiré du rapport de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique de février 2020, qui proposait des modifications législatives.
Cet amendement tend ainsi à réprimer les comportements délibérés mettant gravement en danger l’environnement, et ce indépendamment de la réalisation d’un dommage ou d’une mise en demeure de l’autorité administrative. Nous ne retenons donc pas la notion d’atteinte durable, d’une durée de dix ou sept ans, comme le proposent respectivement le Gouvernement et les rapporteurs, car nous estimons que cette appréciation subjective serait un frein à la bonne application de la législation.
Je me souviens moi aussi de la pollution due à la marée noire de l’Erika, et je veux saluer le travail de tous les bénévoles, qui avaient parfois mis leur santé en danger, et de toutes les collectivités, qui avaient œuvré sans relâche pour faire disparaître autant que faire se peut les marques de cette pollution. Heureusement que nous n’avons pas tout laissé en place !
Déterminer une durée minimale d’atteinte dans le temps avant même que la dégradation ne soit effective nous semble très difficile. Cela ouvrirait la voie à un champ d’interprétation très large, qui risquerait malheureusement de ne pas aller dans le sens de l’intérêt général, mais de profiter surtout à des intérêts économiques privés.
M. le président. L’amendement n° 1342 rectifié, présenté par MM. Gold, Cabanel, Corbisez, Guérini, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre…
« Des atteintes aux équilibres écologiques et à l’environnement
« Section…
« De la mise en danger de l’environnement
« Art. 415-1. – Le fait d’exposer directement la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol, du sous-sol ou de l’eau, ou l’équilibre des écosystèmes à une dégradation substantielle par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, le règlement ou un acte administratif individuel est puni de trois ans d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« Art. 415-2. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions délictuelles prévues à l’article 415-3 encourent, outre l’amende dans les conditions fixées à l’article 131-38, les peines prévues aux 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l’article 131-39 ainsi que celle prévue au 2° du même article 131-39, qui, si elle est prononcée, s’applique à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. La rédaction de cet article est d’une excessive complexité. Le nombre de verrous mis en place rend son application peu crédible et réduit l’intérêt de cette réforme du droit pénal de l’environnement, pourtant très attendue à travers la création d’un délit de mise en danger de l’environnement.
La portée de ce délit reste limitée à quelques infractions du code de l’environnement, alors que d’autres codes sanctionnent les atteintes à l’environnement, tels que le code minier, le code forestier ou encore le code rural et de la pêche maritime. Sa portée est également limitée, car il faut démontrer une atteinte durable, s’étalant sur au moins sept ans, à différents milieux physiques. Or le caractère durable de l’infraction ne traduit pas sa gravité et reste pratiquement impossible à déterminer au moment de la constatation des faits, comme l’a démontré l’affaire de l’Erika. Malgré sa gravité, la durée de ce désastre environnemental fut de deux ans environ seulement.
Le présent amendement vise donc à transformer la circonstance aggravante de mise en danger de l’environnement en véritable délit de mise en danger de l’environnement. Nous ne serions cependant pas opposés à la possibilité de prévoir des peines moins élevées, comme nous l’avions proposé par le passé dans le cadre de l’examen d’autres textes.
Tout d’abord, cet amendement vise à supprimer la condition du caractère durable de l’infraction.
Ensuite, il tend à sanctionner toute violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, le règlement ou un acte administratif individuel qui exposerait l’environnement à une dégradation substantielle. Il permet ainsi d’intégrer toutes les atteintes à l’environnement, y compris lorsque l’auteur méconnaît les dispositions d’autres codes que celui de l’environnement.
Enfin, il a pour objet d’insérer ce nouveau délit au sein du code pénal, en cohérence avec l’article 410-1, qui reconnaît déjà l’équilibre du milieu naturel et de l’environnement de la France au titre des intérêts fondamentaux de la Nation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. La commission est défavorable à ces trois amendements, qui visent à créer un délit générique et autonome de mise en danger de l’environnement, contrairement à ce que prévoit l’article dans sa rédaction actuelle, qui fait de la mise en danger de l’environnement une circonstance aggravante.
Il n’est pas souhaitable de créer pareil délit sans évaluation préalable ni étude d’impact. Il est nécessaire d’évaluer au préalable la manière dont cet article sera appliqué par les juridictions avant de créer un délit autonome.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Vous avez fait référence à des événements qui se sont déroulés un peu partout dans le monde, notamment ce qui s’est passé dernièrement au Sri Lanka, qui est effectivement très grave. On voit bien que cette catastrophe ne saurait relever d’une juridiction française. C’est donc bien au niveau international que l’on doit réussir à créer ce crime d’écocide. C’est précisément l’action que mène aujourd’hui l’État au niveau des instances internationales, afin que cette qualification puisse voir le jour à cette échelle.
Pour revenir aux amendements en discussion, ils visent à créer un délit autonome de mise en danger de l’environnement sans référence à la réglementation applicable à l’activité en cause. Nous préférons la rédaction de l’article 67 telle qu’adoptée à l’Assemblée nationale, qui circonscrit le champ d’application de la mise en danger de l’environnement et qui maintient l’équilibre de cette nouvelle incrimination.
Cet article fait partie d’un ensemble de dispositions qui permettent d’améliorer le droit de l’environnement. Vous avez raison, celui-ci doit être amélioré, et c’est pourquoi nous avons engagé un certain nombre de réformes, notamment la création de parquets spécialisés en matière environnementale pour faciliter le traitement des procès-verbaux.
Nous créons de plus dans cet article 67 la circonstance aggravante du non-respect d’une mise en demeure en cas de mise en danger de l’environnement.
Nous instaurons également un délit de pollution généralisée pour les pollutions les plus graves.
Nous facilitons la reconnaissance de la récidive en matière de pollution, qui permet de doubler les peines, et nous mettons aussi en place des éléments au niveau des territoires. Quand nous donnons à l’OFB des prérogatives de police judiciaire, c’est aussi pour faciliter la détection et le contrôle des atteintes à l’environnement.
Si le droit de l’environnement fut pendant longtemps le parent pauvre du droit en général, ces quelques exemples montrent que nous mettons tout en œuvre pour que ce ne soit plus le cas à l’avenir.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Certes, les catastrophes que j’ai évoquées ne sont pas advenues en France, mais est-ce à dire que rien ne peut nous arriver, que nous sommes à l’abri ? Il serait irréaliste de le croire. Or, gouverner, c’est prévoir !
Je le répète, dès lors que de telles catastrophes écologiques, qui ne sont pas des catastrophes naturelles – des personnes ou des sociétés en sont à l’origine –, existent ailleurs dans le monde, nous ne sommes à l’abri de rien. Il me semblerait parfaitement pertinent, dans ce contexte, que la France se dote d’un arsenal juridique à même de défendre notre territoire et notre population contre ce genre de catastrophes.
Heureusement que, pour la marée noire, des bénévoles sont venus nettoyer ! Sans eux, la catastrophe aurait duré beaucoup plus longtemps. Elle a duré moins de sept ans, parce que tout le monde, collectivités et citoyens, s’est mis à l’ouvrage. Il faut tenir compte de ces faits !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 835, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 11
Remplacer les mots :
grave et durable
par les mots :
non négligeable
II. – Alinéas 3 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. L’amendement est retiré.
M. le président. L’amendement n° 835 est retiré.
L’amendement n° 1933, présenté par M. Labbé, Mme Benbassa, MM. Dantec, Salmon, Fernique et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2, 6 et 11
Remplacer les mots :
et durable
par les mots :
ou significative
II. – Alinéas 3, 7 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à améliorer la rédaction actuelle de l’article 67, afin de rendre le dispositif plus opérationnel.
Cet article réprime les comportements qui font courir un danger grave à l’environnement, indépendamment de la réalisation du dommage. L’esprit est plus que louable, puisque, en matière environnementale, il est souvent complexe, voire impossible, de réparer un dommage. Sanctionner les comportements faisant courir un risque grave à l’environnement est donc nécessaire par souci de prévention.
Cependant, l’article prévoit que le dommage doit être grave et durable – il doit durer plus de sept ans –, ce qui pose un véritable problème : on ne peut que très rarement démontrer une telle durée de dommage, et c’est encore plus difficile lorsque l’on parle d’une mise en danger et donc d’un dommage potentiel. Même dans le cas de dommages qui ont eu lieu, comme les conséquences des pollutions pour l’environnement sont très complexes à appréhender, il n’est que rarement possible de pouvoir montrer une telle durabilité.
Pour l’Erika, on a trouvé des traces de polluants pendant deux ans. Pour Lubrizol, les procédures sont en cours, mais personne ne peut aujourd’hui déterminer avec précision la durée de l’atteinte à l’environnement. L’air et l’eau diluent fortement les polluants par nature. Par conséquent, on ne pourra pas prouver la pollution de ces milieux sur une durée de dix ans.
Cet article acte donc une protection de ces milieux plus faible que pour les sols. Pourtant, les milieux aquatiques, par exemple, sont menacés de façon importante par les pollutions.
La commission a commencé à reconnaître cette problématique, en réduisant de dix à sept ans la durée, ce qui n’est toujours pas suffisant.
De plus, le terme « durable » n’est pas en ligne avec le droit européen, qui emploie le terme « significatif » pour qualifier les atteintes à l’environnement.
Le droit de l’environnement est déjà très complexe et difficilement appliqué sur le terrain – ce constat est partagé par tous. Cet article ne vient pas améliorer son efficacité, alors que l’idée initiale était louable.
L’amendement vise donc à substituer au mot « durable » le qualificatif « significatif ».
M. le président. L’amendement n° 2180, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2, 6 et 11
Remplacer le montant :
200 000 euros
par le montant :
300 000 euros
II. – Alinéas 3, 7 et 12
Remplacer le mot :
sept
par le mot :
dix
La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 67 telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale. Il s’agit ainsi d’augmenter la peine d’amende encourue pour des circonstances aggravantes de mise en danger de l’environnement, en la faisant passer de 200 000 à 300 000 euros. Ce montant, qui m’apparaît plus dissuasif, permettra de réprimer plus efficacement ces comportements, qui créent un risque immédiat d’atteinte grave et durable à l’environnement. Je rappelle que le non-respect d’une simple mise en demeure, sans mise en danger de l’environnement, est déjà passible d’une amende de 100 000 euros.
En outre, cet amendement vise à définir les atteintes durables comme celles susceptibles de durer au moins dix ans, au lieu de sept dans le texte de la commission. On voit bien avec l’exemple de la chlordécone que les atteintes durables à l’environnement portent en général sur les sols. Le caractère durable des atteintes à l’environnement pourra être établi grâce au recours à des experts, comme cela est déjà le cas pour certaines infractions.
Cet article a fait l’objet de nombreuses discussions avec l’ensemble des parties prenantes. Il aboutit à un équilibre : il permet de concilier une pénalisation des comportements susceptibles de mettre en danger l’environnement, tout en assurant une sécurité juridique pour les acteurs.
Madame Préville, c’est justement à la suite de la catastrophe de l’Erika que la notion de préjudice écologique a été introduite dans la loi – c’était dans la loi Biodiversité de 2016. Cette disposition avait d’ailleurs été le fruit du travail de plusieurs sénateurs.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. De Bruno Retailleau, notamment !
Mme Barbara Pompili, ministre. Cette notion est absolument essentielle, parce qu’elle impose une réparation des dommages. Cette réparation peut s’opérer en nature : on doit réparer les dégâts ; si on ne peut pas le faire, on verse de l’argent.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Merci de cet hommage, madame la ministre !
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié bis, présenté par M. Longuet, Mme V. Boyer, MM. Burgoa et Cadec, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. D. Laurent, Panunzi et Piednoir, Mme Procaccia, MM. Sautarel, Vogel et Bascher, Mmes Deroche, Dumas et Lavarde et M. Duplomb, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 7 et 12
Remplacer le mot :
sept
par le mot :
dix
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. En tant que Lorrain, je suis très attentif aux dégâts miniers. J’avais le sentiment qu’une durée d’observation de dix ans était préférable à sept ans, mais je ne demande qu’à être convaincu…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. L’amendement n° 1933 vise à ne pas retenir la notion d’atteinte grave et durable pour la remplacer par celle d’atteinte « significative ». La commission a fait le choix d’abaisser de trois ans le seuil à partir duquel une atteinte est considérée comme durable : cette évolution répond en partie à la préoccupation des auteurs de cet amendement.
En revanche, il me paraît nécessaire de conserver la notion d’atteinte grave, dans la mesure où il s’agit d’une circonstance aggravante en cas de non-respect de prescriptions administratives en matière d’installations présentant un danger pour l’environnement. Il est également nécessaire qu’un seuil, c’est-à-dire le nombre d’années à partir duquel une atteinte est considérée comme durable, puisse définir la notion afin de limiter les divergences d’appréciation d’une juridiction à l’autre et de ne pas introduire de rupture d’égalité devant la loi pénale en fonction du lieu de commission de l’infraction.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 2180 du Gouvernement vise à revenir au quantum des peines prévu par la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. La commission a souhaité abaisser de dix à sept ans le seuil à partir duquel une atteinte pouvait être considérée comme durable et de diminuer en parallèle le montant de l’amende de 300 000 à 200 000 euros. Cet équilibre a paru plus conforme à l’objectif recherché, à savoir la volonté de réprimer la mise en danger de l’environnement de manière réaliste, dissuasive et proportionnée. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 253 rectifié bis vise à revenir sur l’abaissement par la commission de dix à sept ans du seuil à partir duquel une atteinte peut être considérée comme durable, sans pour autant rétablir le montant de la sanction pécuniaire. Pour cette raison, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 1933 et 253 rectifié bis au profit de son amendement.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 1933 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Oui, absolument !
M. Gérard Longuet. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 1933.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2180.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l’adoption | 23 |
Contre | 292 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1934, présenté par M. Labbé, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2
par les mots :
les délits et les contraventions prévus et réprimés par le présent code lors même qu’ils n’auraient pas occasionné de dommage aux milieux ou à la biodiversité
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 369.
L’article 67 repose sur un conditionnement de l’action judiciaire à l’action administrative, ce qui est éminemment problématique. Ainsi, il prévoit que le risque encouru par l’environnement ne pourra être sanctionné qu’après violation d’une autorisation administrative. Or les comportements de mise en danger de l’environnement, sans que le dommage se réalise effectivement, ne sont pas nécessairement précédés d’une réaction administrative.
Cet amendement vise à procéder à une extension indispensable de la qualification de risque pour l’environnement à l’ensemble des comportements régis par le code de l’environnement, même lorsqu’ils ne procèdent pas de la violation d’une prescription administrative.
Dans sa rédaction actuelle, l’efficacité de cet article semble conditionnée au renforcement des contrôles administratifs – inspection des installations classées, police de l’eau… Or la mission d’information sur l’incendie de Lubrizol a révélé clairement que le nombre de ces contrôles a diminué durant les dix dernières années. Se pose donc la question des moyens dédiés à ces contrôles.
Enfin, par comparaison, l’infraction de mise en danger d’autrui prévue et réprimée par l’article du code pénal a pour fondement l’ensemble des violations des lois et règlements, et non pas uniquement la violation d’un acte administratif individuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Cet amendement vise à créer un délit générique et autonome de mise en danger de l’environnement.
Il n’est pas souhaitable – je n’ai pas changé d’avis – de créer pareil délit sans évaluation préalable ni étude d’impact. À l’aune du bilan qui pourra être fait des dispositions inscrites dans ce projet de loi et de la manière dont elles seront mises en œuvre par le juge, il sera loisible au législateur, dans un second temps, de créer ce délit autonome. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous allons nous abstenir sur cet amendement, comme nous l’avons fait sur les amendements précédents. Il ne s’agit évidemment pas d’être complice, d’une façon quelconque, des auteurs de ces forfaits écologiques. Il s’agit simplement de prendre acte du travail réalisé sur ce texte depuis trois mois par nos trois rapporteurs, qui ont procédé, m’a-t-on dit, à 140 auditions.
Je lis un extrait de leur rapport : « Les auditions ont mis en évidence la complexité de démontrer, y compris au terme d’une expertise poussée, que la prise d’un risque peut potentiellement causer des atteintes susceptibles de durer au moins dix années. L’évolution des connaissances scientifiques concernant le fonctionnement des écosystèmes rend cette appréciation par le juge particulièrement complexe » – on peut le comprendre !
Or j’entends souvent nos collègues de la commission des lois dire que la loi doit être précise et opérante. Alors, comment inscrire dans la loi la notion de dommage durable ? Nous avons commémoré en avril la catastrophe de Tchernobyl : qui peut dire, trente-cinq ans plus tard, qu’il n’y a pas d’effets durables pour la population, la nappe phréatique ou l’espace naturel ? Malgré le sarcophage, il continue d’y avoir des radiations.
Il est donc difficile, selon nous, d’inscrire dans la loi de manière précise les dégâts durables causés à l’environnement. C’est ce qui explique notre réserve par rapport à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Bien entendu, je maintiens cet amendement.
Je voudrais dire les choses comme je les ressens. Comme toujours dans cet hémicycle, nous échangeons de manière courtoise – c’est une marque de fabrique du Sénat que nous apprécions tous –, mais j’ai l’impression que certains ne se rendent pas compte que notre planète part de travers. Nous sommes tous, de manière collective, dans la merde – pardonnez-moi cette expression –, et il faut le dire très clairement. Nous devons donc prendre des décisions pour rectifier radicalement nos orientations politiques.
Lorsque les nouvelles conclusions du GIEC seront publiées, certains les traiteront encore de catastrophistes, mais il faut savoir que la situation ne cesse d’empirer ! Malgré cette situation de plus en plus catastrophique, nous continuons de discuter fort courtoisement, d’examiner des amendements, etc. C’est vraiment très difficile à vivre pour moi !
M. le président. Je mets aux voix l’article 67.
(L’article 67 est adopté.)
Article 68 (priorité)
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au 1° du II de l’article L. 172-1, après la référence : « titre Ier », est insérée la référence : « et le titre III » ;
2° (Supprimé)
3° L’article L. 173-8 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « aux », est insérée la référence : « 1°, » ;
b) La référence : « et 9° » est remplacée par les références : « , 9° et 12° » ;
3° bis (Supprimé)
4° Le livre II est complété par un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« DES ATTEINTES GÉNÉRALES AUX MILIEUX PHYSIQUES
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 231-1. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, le fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement :
« 1° D’émettre dans l’air une ou des substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore ou la faune ;
« 2° De jeter, de déverser ou de laisser s’écouler, dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore ou la faune, à l’exception des dommages mentionnés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau ;
« 3° (nouveau) De déposer, déverser ou de laisser s’écouler dans ou sur les sols une ou des substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols.
« Le présent article ne s’applique :
« a) S’agissant des émissions dans l’air, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente ;
« b) S’agissant des opérations de rejet autorisées et de l’utilisation de substances autorisées, qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente.
« Sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins sept ans.
« Le délai de prescription de l’action publique du délit mentionné au premier alinéa du présent article court à compter de la découverte du dommage, sans pouvoir excéder douze années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
« Art. L. 231-2. – Les faits prévus à l’article L. 231-1 sont punis de sept ans d’emprisonnement et de 4,5 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, lorsqu’ils sont commis de manière intentionnelle.
« Sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore, la faune ou la qualité des sols qui sont susceptibles de durer au moins sept ans.
« Le délai de prescription de l’action publique du délit mentionné au premier alinéa du présent article court à compter de la découverte du dommage, sans pouvoir excéder douze années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
« Art. L. 231-3. – (Supprimé) » ;
5° Au premier alinéa des articles L. 512-16 et L. 555-2, la référence : « et L. 216-13 » est remplacée par les références : « , L. 216-13, L. 231-1 et L. 231-2 ».
II. – (Non modifié) À l’article L. 135 P du livre des procédures fiscales, la référence : « et L. 216-6 du code précité » est remplacée par les références : « , L. 216-6, L. 231-1 et L. 231-2 du même code ».
III. – Les commissionnements délivrés aux inspecteurs de l’environnement en application du III de l’article L. 172-1 du code de l’environnement avant la publication de la présente loi pour rechercher et constater l’infraction prévue à l’article L. 216-6 du même code valent, à compter de la publication de la présente loi, pour rechercher et constater les infractions prévues aux articles L. 231-1 et L. 231-2 dudit code.