M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 370, présenté par Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le livre II du code de l’environnement est complété par un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Des atteintes générales à l’environnement
« Art. L. 231-…. – I. – Le fait, par imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les sols, les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, de manière temporaire, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation en eau ou des limitations d’usage des zones de baignade, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Les dispositions de cet alinéa ne s’appliquent s’agissant des pollutions de l’air, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par arrêté ; s’agissant des opérations de rejet autorisées par arrêté, qu’en cas de non-respect des prescriptions de cet arrêté.
« Lorsque les faits résultent d’une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« Lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle, les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« II. – Lorsque les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune sont graves ou durables ou irréversibles, les peines de trois ans, cinq ans et sept ans d’emprisonnement prévues par les alinéas précédents sont respectivement portées à cinq ans, sept ans et dix ans d’emprisonnement.
« Les peines d’amende de 375 000, 750 000 et un million d’euros prévues par les alinéas précédents sont respectivement portées à 750 000, un million et 4,5 millions d’euros, ces montants pouvant être portés jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« III. – Sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de perdurer pendant une durée d’au moins dix ans.
« IV. – Les dispositions du présent article s’appliquent nonobstant la délivrance d’une autorisation ou d’une décision administrative, lorsque :
« 1° L’autorisation ou décision administrative est manifestement illégale ;
« 2° Les effets nuisibles, graves ou durables sur la flore, la faune, ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, les éléments ou fonctions des écosystèmes, étaient dans tous les cas prévisibles.
« Art. L. 231-…. – Le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets, dans des conditions contraires aux dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V, et le fait de gérer des déchets, au sens de l’article L. 541-1-1, sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre fixées en application des articles L. 541-2, L. 541-2-1, L. 541-7-2, L. 541-21-1 et L. 541-22, lorsqu’ils entraînent le dépôt, le déversement ou l’écoulement dans ou sur les sols de substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets qui portent une atteinte grave et durable à la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols sont punis de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le nouveau délit prévu par cet article figurait parmi les recommandations de la mission conjointe IGJ-CGEDD publiées en octobre 2019 dans le rapport intitulé Une Justice pour l’environnement. C’est également une demande de la Conférence nationale des procureurs de la République. C’est dire l’attente qu’il suscite.
Cependant, la rédaction actuelle pose problème. Elle crée simplement trois nouvelles incriminations sans qu’aucune des nombreuses infractions spéciales préexistantes soit remplacée. Cela a pour effet de complexifier davantage un édifice pénal déjà difficilement maîtrisable.
De plus, comme pour l’article 67, la rédaction actuelle est inopérante du fait de l’utilisation du qualificatif « durable ». L’atmosphère et les milieux aquatiques étant deux environnements aux forts pouvoirs de dilution, il sera impossible de démontrer que les effets d’une atteinte à l’eau ou à l’air sont graves et durables, c’est-à-dire qu’ils perdurent au moins dix ans, comme l’exige pourtant le projet de loi.
Enfin, la caractérisation du nouveau délit général d’atteinte aux milieux physiques nécessitera d’apporter la preuve d’une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, excluant les fautes d’imprudence et de négligence, pourtant les plus nombreuses.
Cet amendement vise donc à créer des infractions générales venant sanctionner de façon effective la pollution de l’environnement, en créant un véritable délit d’atteinte à l’environnement, revenant à la rédaction initiale proposée en novembre 2020 par le garde des sceaux et la ministre de la transition écologique.
M. le président. L’amendement n° 1343 rectifié, présenté par MM. Gold, Cabanel, Corbisez et Guérini, Mme Guillotin et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Des atteintes aux équilibres écologiques et à l’environnement
« Section …
« Des atteintes volontaires à l’environnement
« Art. 415-3. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, le fait de provoquer une dégradation substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l’air, du sol, du sous-sol ou de l’eau, ou de l’équilibre des écosystèmes en violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
« Art. 415-4. – Les faits prévus à l’article 415-3 sont punis de sept ans d’emprisonnement et de 4,5 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, lorsqu’ils sont commis de manière intentionnelle.
« Art. 415-5. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions délictuelles prévues aux articles 415-1 et 415-2 encourent, outre l’amende dans les conditions fixées à l’article 131-38 ou une amende, les peines prévues aux 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l’article 131-39 ainsi que celle prévue au 2° du même article 131-39, qui, si elle est prononcée, s’applique à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. De l’avis des praticiens du droit pénal de l’environnement, la répression des atteintes à l’environnement souffre d’un éparpillement des infractions au sein de différents codes, ainsi que d’une définition de l’infraction en fonction du non-respect d’une décision administrative. Cet éparpillement affaiblit la portée du droit pénal de l’environnement et sa vertu préventive.
Le rapport de la mission conjointe du Conseil général de l’environnement et du développement durable et de l’Inspection générale de la justice, intitulé Une Justice pour l’environnement et remis en octobre 2019, indique que « cette situation contribue à brouiller la fonction sociale du droit pénal de l’environnement, qui apparaît inféodé à la police administrative ». Il souligne que « la législation actuelle est trop souvent composée d’infractions d’une grande technicité exigeant la démonstration d’un résultat dommageable souvent difficile à établir. La création d’une infraction générique d’atteinte volontaire à l’environnement, appelée de leurs vœux par nombre d’interlocuteurs, dont la Conférence nationale des procureurs de la République, serait de nature à répondre à une telle aspiration. »
La réponse apportée par le projet de loi est décevante et s’avérera finalement peu opérationnelle pour réprimer des atteintes pourtant volontaires à l’environnement. La double condition d’intentionnalité a été critiquée par le Conseil d’État à juste titre.
Au moment de commettre l’infraction, l’auteur devra savoir que son comportement entraînera une pollution, mais aussi être conscient du caractère grave et durable du dommage. Comme nous l’avons déjà évoqué, le caractère durable du dommage est très contestable, car il est très réducteur de la réalité des atteintes à l’environnement.
De surcroît, la rédaction de l’article ajoute de la complexité dans un domaine qui n’en a pas vraiment besoin… Nous avons simplement besoin d’une loi intelligible. Cela irait également dans l’intérêt des entreprises, qui doivent, elles aussi, y voir clair.
Le présent amendement, déposé par Éric Gold, vise à sanctionner le fait de provoquer une dégradation substantielle de l’environnement, en distinguant, à l’instar de l’article 68 du projet de loi tel qu’il est issu des travaux de la commission, les infractions intentionnelles des infractions non intentionnelles et en retenant le même quantum des peines. Il nous faut de l’ambition dans ce domaine pour rompre avec le caractère lucratif actuel des délits et crimes environnementaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. En concertation avec la commission des lois, nous avons simplifié et rendu plus lisibles les délits d’atteintes générales aux milieux physiques, qui concernent les trois milieux – eau, air et sols –, en créant deux grandes infractions, l’une non intentionnelle et l’autre intentionnelle, cette dernière étant soumise à des peines plus sévères. L’équilibre ainsi trouvé permet une meilleure lisibilité du droit et répond aux critiques du Conseil d’État, qui pointait un risque d’inconstitutionnalité.
L’amendement n° 370 vise à ne pas retenir la notion d’effets nuisibles graves et durables, qui permet de sanctionner la commission des infractions les plus graves. Il ne me paraît pas souhaitable, dans un premier temps et en l’absence d’étude d’impact, d’ouvrir trop largement le champ des infractions susceptibles d’être concernées par ce dispositif, étant donné notamment la sévérité des peines prévues par ces nouvelles infractions, qui peuvent atteindre sept ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 1343 rectifié tend à codifier les atteintes volontaires à l’environnement dans le code pénal, plutôt que dans le code de l’environnement, ce qui est sans incidence sur la portée de ces dispositifs. En outre, les infractions proposées sont plus généralistes et n’excluent pas, notamment, les émissions dans l’air et les opérations de rejet autorisées par l’autorité administrative, ce qui paraît une précision indispensable pour ne pas pénaliser les opérateurs de bonne foi. Pour ces raisons, l’avis est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Concernant l’amendement n° 370, s’il reprend bien l’esprit de certaines mesures que M. le garde des sceaux et moi-même avons présentées, sa rédaction présente d’importantes différences avec nos propositions, notamment sur la dernière partie de l’amendement. C’est d’ailleurs cette partie qui pose des difficultés, dont certaines sont de nature constitutionnelle.
Cet amendement vise ainsi à ce que les infractions de pollution des eaux et des sols s’appliquent nonobstant la délivrance d’une autorisation administrative ou d’une décision administrative, lorsque celle-ci est manifestement illégale. Or cette notion d’autorisation manifestement illégale est excessivement imprécise et ne peut constituer le support d’une infraction pénale ; elle ne permet pas de circonscrire avec précision le comportement incriminé et apparaît en cela contraire au principe de légalité des délits et des peines.
En outre, cet amendement fait référence aux éléments ou fonctions des écosystèmes – l’amendement n° 1343 rectifié fait également référence à la notion d’écosystème. Or le code de l’environnement ne contient pas de définition de cette notion ; il s’agit d’une notion scientifique qui désigne à la fois une étendue terrestre ou marine, la biodiversité qui y réside et l’environnement physique qui lui est associé, ainsi que leurs interactions.
Un écosystème n’est pas défini par son étendue, mais par ses caractéristiques intrinsèques. La notion d’écosystème ne peut pas constituer le support d’une incrimination pénale, dès lors qu’elle est susceptible de s’appliquer à des espaces très réduits. Une telle incrimination est donc susceptible d’être contraire aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2181, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° L’article L. 173-3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajouté la mention « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsqu’ils entraînent des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 sont punis de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« Sont considérées comme durables, au sens du présent article, les atteintes qui sont susceptibles de durer au moins dix ans. » ;
II. – Alinéa 7
Rétablir le 3° bis dans la rédaction suivante :
3° bis Le chapitre III du titre VII du livre Ier est complété par un article L. 173-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 173-13. – Les délits définis aux 2° et 3° de l’article L. 173-3, aux articles L. 216-6, L. 218-11, L. 218-34, L. 218-48, L. 218-64, L. 218-73, L. 218-84, L. 226-9, L. 231-1 à L. 231-3, L. 415-3, L. 415-6, L. 432-2, L. 432-3 et L. 436-7 du présent code ainsi qu’à l’article L. 512-2 du code minier sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. » ;
III. – Alinéas 12 à 24
Remplacer cet alinéa par quinze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 231-1. – Le fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air, de jeter, de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune, à l’exception des dommages mentionnés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« Le premier alinéa du présent article ne s’applique :
« 1° S’agissant des émissions dans l’air, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente ;
« 2° S’agissant des opérations de rejet autorisées et de l’utilisation de substances autorisées, qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente.
« Sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins dix ans.
« Le délai de prescription de l’action publique du délit mentionné au premier alinéa du présent article court à compter de la découverte du dommage.
« Art. L. 231-2. – Le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets, dans des conditions contraires aux dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V, et le fait de gérer des déchets, au sens de l’article L. 541-1-1, sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre fixées en application des articles L. 541-2, L. 541-2-1, L. 541-7-2, L. 541-21-1 et L. 541-22, lorsqu’ils entraînent le dépôt, le déversement ou l’écoulement dans ou sur les sols de substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets qui portent une atteinte grave et durable à la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols sont punis de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« Sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins dix ans.
« Le délai de prescription de l’action publique du délit mentionné au premier alinéa du présent article court à compter de la découverte du dommage.
« Art. L. 231-3. – Constitue un écocide l’infraction prévue à l’article L. 231-1 lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle.
« Constituent également un écocide les infractions prévues au II de l’article L. 173-3 et à l’article L. 231-2 lorsqu’elles sont commises en ayant connaissance du caractère grave et durable des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits commis.
« La peine de cinq ans d’emprisonnement prévue au II de l’article L. 173-3 et aux articles L. 231-1 et L. 231-2 est portée à dix ans d’emprisonnement.
« La peine d’un million d’euros d’amende prévue au II de l’article 173-3 et aux articles L. 231-1 et L. 231-2 est portée à 4,5 millions d’euros, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
« Sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore, la faune, la qualité de l’air, de l’eau ou des sols qui sont susceptibles de durer au moins dix ans.
« Le délai de prescription de l’action publique du délit d’écocide court à compter de la découverte du dommage. » ;
IV. – Alinéa 27
Remplacer la référence :
L. 231-2
par la référence :
L. 231-3
La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’article 68 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
L’article 68 renforce significativement la protection judiciaire de l’environnement, à laquelle le Gouvernement est extrêmement attaché.
Tout d’abord, il renforce la répression des infractions applicables en matière d’activité réglementée, lorsqu’elles ont entraîné des atteintes graves et durables à l’environnement. Les peines sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
Ensuite, cet article crée un nouveau titre au sein du code de l’environnement dédié aux atteintes générales aux milieux physiques afin d’appréhender les atteintes graves à l’environnement dans leur globalité. Dans les cas les plus sévères d’atteinte intentionnelle grave et durable à l’environnement, les faits seront ainsi réprimés d’une peine de dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende, au lieu de cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende en l’état actuel du droit.
Ces évolutions permettront de réprimer à leur juste hauteur les atteintes à l’environnement les plus graves.
Monsieur le président, je profite d’avoir la parole pour vous indiquer dès maintenant que l’avis du Gouvernement sera défavorable sur les autres amendements en discussion commune.
M. le président. L’amendement n° 1478, présenté par Mme Préville, MM. Durain, J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
remplacer les mots :
manifestement délibérée
par les mots :
en connaissance de cause
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l’alinéa 12 issue des travaux de la commission.
À cet alinéa, il est prévu que les peines sont applicables en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Or la violation manifestement délibérée est un concept créé par la loi dite Fauchon pour protéger les personnes physiques, lorsqu’elles sont auteurs de faits dénués de causalité directe avec l’élément matériel d’une infraction volontaire.
Il est important, pour ne pas mettre à bas l’édifice jurisprudentiel qui s’est construit depuis cette loi, que ce concept ne soit pas étendu à la violation « en connaissance de cause », qui est l’expression adéquate pour désigner le comportement visé par l’article L. 231–1 du code de l’environnement. Ce comportement correspond à une mauvaise foi de la part de l’auteur, qui ne souhaite pas détruire les écosystèmes, mais économiser le coût de la lutte contre les nuisances, qu’il connaît par ailleurs, en général pour concurrencer plus efficacement les autres entreprises.
Tel est l’objet du présent amendement.
M. le président. L’amendement n° 1344 rectifié, présenté par MM. Gold, Cabanel, Corbisez et Guérini, Mme Guillotin et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 13, 14, 15
Supprimer les mots :
et durables
II. – Alinéas 19 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement de repli, déposé par Éric Gold, vise à supprimer le caractère durable des atteintes à l’environnement requis par l’article 68 afin de constituer l’infraction. Il n’est pas cohérent de devoir prouver que l’atteinte à l’environnement dure depuis sept ans – dix ans dans la version du texte issue des travaux de l’Assemblée nationale –, alors que le délai de prescription est de six ans à compter du jour où l’infraction a été commise.
M. le président. L’amendement n° 1935, présenté par M. Labbé, Mme Benbassa, MM. Salmon, Fernique, Dantec et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 13, 14 et 15
Remplacer les mots :
et durables
par les mots :
ou significatifs
II. – Alinéas 19 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 370, qui visait à réécrire entièrement l’article 68. Il s’inscrit dans le même esprit que les amendements que nous avons déposés sur l’article 67.
Il s’agit de remplacer le terme « durable » par le terme « significatif » et de supprimer la durée de sept ans. Si nous insistons, c’est parce que nous pensons vraiment que la rédaction actuelle de cet article ne permettrait pas de sanctionner les comportements qui ont mené à la catastrophe de l’Erika.
Pour Lubrizol, tout le monde est d’accord sur la gravité du dommage, mais, pour l’instant, les experts ne sont pas encore en mesure de définir sa durée. On ne pourrait donc pas sanctionner les fautes qui ont mené à cette catastrophe sur la base de cet article.
La création d’un délit général d’atteinte à l’environnement était très attendue, mais, avec cet article, on ne répond pas à l’enjeu. On peut donc s’interroger fortement sur son utilité, même si l’esprit initial était bon. On crée un nouveau délit inapplicable, ce qui complexifiera encore le droit de l’environnement.
En outre, comme nous l’avons déjà indiqué, la Commission européenne a édicté des lignes directrices sur la définition du dommage environnemental : elle propose d’utiliser le terme « significatif ». Ce terme est donc plus approprié que le terme « durable » pour qualifier le dommage.
Les atteintes à l’environnement ne sont condamnées que très rarement, et, avec cet article, nous ne nous donnons pas les moyens de changer la situation, alors même que l’urgence écologique est devant nous. Si nous voulons vraiment faire de la prévention, il faut que la loi soit dure : personne ne doit pouvoir prendre le risque de prendre des risques !