M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19
Article 1er
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, l’article 18 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 et l’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 sont ratifiés.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, les mots : « d’au plus » sont remplacés par le mot : « de ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à ce que chaque prolongation du fonds de solidarité soit prise pour une durée minimale de six mois. La raison est simple : il s’agit de redonner au tissu économique et associatif du pays les conditions pour sortir de l’incertitude liée à la crise sanitaire.
Il y a un problème de conditionnalité de la stabilité des actions de l’exécutif national, madame la secrétaire d’État : les chefs d’entreprise et les responsables d’association ne sauraient être suspendus à l’interview de tel ou tel ministre ! On ne peut pas nous dire le 12 décembre, au micro de Jean-Jacques Bourdin, que le fonds de solidarité universel et l’aide de 1 500 euros s’arrêteront à la fin du mois de décembre et décider de les prolonger de deux mois le 8 février !
Vous allez me dire que ce sont des ajustements. Pour ma part, je pense que cela traduit deux problèmes : l’existence de tergiversations et la déconnexion du temps politique de celui des chefs d’entreprise ou des responsables associatifs.
Notre groupe, tout en étant critique sur la gestion du prêt garanti par l’État, estime que la durée apporte la confiance. Pour les entreprises et les responsables associatifs, les charges ne s’arrêteront pas avec la disparition du virus ! Nous souhaitons tous ici avec force que le virus disparaisse d’ici à deux ou trois mois, voire dans les semaines qui viennent, mais, aujourd’hui, les garanties ne sont pas là.
Notre société a besoin de durée et de solidité, madame la secrétaire d’État. À cet égard, prévoir une durée minimale de six mois pour chaque prolongation du fonds de solidarité permet une lisibilité : cela donne un cap aux chefs d’entreprise, donc aux salariés, ainsi qu’aux responsables associatifs. Il faut faire de même pour le chômage partiel. Cela apportera la confiance.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Cet amendement tend à ce que chaque prorogation du fonds de solidarité soit d’une durée de six mois au minimum.
La loi de finances pour 2021 a précisé les conditions selon lesquelles le pouvoir réglementaire peut prolonger l’existence du fonds de solidarité. Dans un premier temps, le fonds a été mis en place jusqu’au 16 février. Par un décret en date du 8 février dernier, il a été prolongé jusqu’au 30 juin prochain. Si le fonds devait être maintenu après le 16 août, en tout état de cause, le Parlement sera consulté.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, dont elle comprend le fondement, mais qui ne semble pas opérant ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Comme l’a souligné le rapporteur, le fonds a été prolongé jusqu’au 30 juin 2021.
Je comprends le sens de votre amendement, monsieur Savoldelli. Toutefois, lors de l’examen du PLFR 4, en novembre dernier, notamment pour tenir compte de la nouvelle période de confinement, les parlementaires ont doté le fonds de solidarité de crédits supérieurs aux besoins pour permettre de tuiler les dispositifs et éviter ainsi toute rupture de charge. Je me permets de le souligner, car on ne le rappelle pas toujours… Si nous n’avions pas vu un peu plus grand dans le PLFR 4, avec 11 milliards d’euros, nous n’aurions sans doute pas pu rassurer les entreprises et les accompagner aussi bien ces dernières semaines.
Le fonds de solidarité évolue – vous nous le reprochez, et c’est tout le sens de votre amendement – en fonction de la situation sanitaire. Plus vite nous en aurons fini avec ce virus, plus vite nous sortirons de toutes ces aides, certes indispensables, mais qui témoignent de la mise sous perfusion de notre économie. Ce que les entrepreneurs attendent surtout, et c’est l’ancienne entrepreneure qui parle, c’est de sortir de tous ces fonds de solidarité et d’accompagnement et de voir notre économie retrouver son fonctionnement normal.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Savoldelli, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Pascal Savoldelli. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 3-1 de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, il est inséré un article 3-… ainsi rédigé :
« Art. 3-…. – Les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides du fonds de solidarité sont conditionnées par un nombre d’emplois équivalent au solde de l’année précédente. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement est cohérent avec notre position constante lors de l’examen des quatre lois de finances rectificatives et de la loi de finances pour 2021.
Il est encore temps de conditionner les aides du fonds de solidarité au maintien des salariés dans l’emploi. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures : on ne peut pas sanctionner des chômeurs et ne pas sanctionner les grandes entreprises qui ne tiennent pas leurs engagements.
Bruno Le Maire, dans cet hémicycle, comme lors de son audition par la commission des finances, avait invité les entreprises du CAC 40 qui touchaient des aides publiques à ne pas verser de dividendes. Lorsqu’elles l’ont fait, y a-t-il eu des sanctions ? Non ! Pas davantage quand elles ont licencié ou mis leurs salariés au chômage partiel !
C’est une question de responsabilité et de justice. Notre groupe pense qu’il faut des règles claires. Quand on bénéficie de la solidarité nationale, on ne licencie pas. Nous ne sommes pas dupes sur les aides, les fonds de solidarité, les prêts garantis par l’État, l’activité partielle ou les reports de cotisations sociales et patronales. Il n’existe aucune donnée sur les licenciements dans les entreprises bénéficiant du fonds de solidarité : c’est le vide total.
Dans le Val-de-Marne, l’État a versé 336 millions d’euros à 40 000 entreprises. En soustrayant les entrepreneurs individuels que j’évoquais en discussion générale, le fonds de solidarité a distribué 176 millions d’euros à 17 000 entreprises. C’est beaucoup d’argent, et il en faudrait peut-être encore davantage, mais il faut des règles : on ne peut pas à la fois toucher l’argent public et provoquer du chômage partiel. Comment peut-on me dire ensuite que, six mois, c’est beaucoup trop long pour donner une perspective aux entreprises et qu’il faut attendre le prochain débat au Parlement pour permettre aux chefs d’entreprise d’avoir une certaine visibilité en termes de commandes et de trésorerie ?
Madame la secrétaire d’État, les 2 163 licenciements au sein du ministère de l’économie votés en loi de finances amputent la capacité de l’administration à procéder au versement des aides dans les temps et à effectuer les contrôles nécessaires. Les agents ont ainsi réalisé 100 000 contrôles dans seulement 5 % des entreprises et n’ont récupéré que 3 millions sur les 30 millions d’euros usurpés.
Il s’agit d’un amendement d’appel, d’un amendement politique, j’en conviens. Il ne s’agit pas de s’opposer à l’aide publique aux entreprises, mais d’y mettre des conditions. Ce qui vaut pour les citoyens doit valoir aussi pour les entreprises, et particulièrement pour les plus grandes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Conditionner le bénéfice du fonds de solidarité au maintien des emplois est une rigidité qui pourrait fragiliser à la fois l’entreprise et les emplois.
Le fonds de solidarité est indispensable, mais il ne remplace pas l’activité et ne garantit pas que l’entreprise bénéficiaire ne sera pas fragilisée. Cette dernière peut se trouver dans une situation si précaire que sa survie dépend de sa capacité à ajuster ses effectifs à son activité. Or, si cet amendement était adopté, les entreprises seraient même dans l’obligation de reconduire les CDD arrivés à leur terme pour conserver le même niveau d’emplois.
Par ailleurs, en retenant le critère d’un nombre d’emplois équivalent à celui de l’année précédente, les auteurs de cet amendement en viennent à interdire à une entreprise de bénéficier du fonds de solidarité pour recruter un salarié supplémentaire.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Monsieur Savoldelli, je vous reconnais le mérite de la cohérence, tant en ce qui concerne vos propos que vos combats. Nous avons aussi notre cohérence : ce qui maintient l’activité et l’emploi, c’est davantage la confiance que le contrôle.
Si votre amendement était adopté, le signal envoyé aux PME-TPE, créatrices de 99 % des emplois dans nos territoires, serait désastreux. En tant que secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire, je suis bien placée pour constater le taux de non-recours aux aides des petites structures. Mettre en œuvre ce type de contrepartie rigide ne servirait qu’à casser encore plus la confiance.
Comme l’a souligné le rapporteur, bénéficier d’un fonds de solidarité ne permet en rien au chef d’entreprise de garantir un niveau d’emplois stable, a fortiori au regard de la durée de cette crise. Si ce dispositif était adopté, beaucoup d’entreprises, et notamment les plus petites, renonceraient tout simplement à bénéficier du fonds de solidarité.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je pense qu’il faut effectivement offrir un maximum de souplesse pour que les fonds aillent à ceux qui en ont véritablement besoin.
Les services de Bercy ont fait diligence pour attribuer les aides, et il faut les en féliciter. Il est bien évidemment légitime de s’intéresser à la situation de certaines entreprises et de lutter contre la fraude.
Madame la secrétaire d’État, sur les 750 000 dossiers déposés au titre du recours au fonds de solidarité en décembre dernier, 110 000 sont encore en attente. Quelles en sont les raisons ? Est-ce à cause des contrôles accrus ?
Deux mois après avoir formulé leur demande, il me semble important que les entreprises reçoivent le soutien qu’elles attendent et qui leur a été promis pour faire face à leurs nombreux engagements.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Je vais tenter de vous répondre, monsieur Canevet, même si je ne dispose pas de toutes les informations.
Je ne pense pas que les contrôles soient responsables de ces files d’attente, mais plutôt les modifications opérées au sein du fonds de solidarité. Les nouveaux cadrages – jusqu’à 10 000 euros – supposent de mettre en place une nouvelle organisation. J’ai demandé des informations plus précises que je partagerai avec le Sénat aussitôt qu’elles me seront parvenues.
Il me semble également important de rappeler le caractère rétroactif des dispositifs. J’entends bien que l’aide attendue en janvier ou en février n’était pas forcément au rendez-vous, mais elle sera libérée de manière rétroactive.
Encore une fois, l’évolution du périmètre du fonds de solidarité est sans doute à l’origine de cette petite file d’attente.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Au 1° de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 précitée, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième ». – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique est ratifiée. – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement et modifiant l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement est ratifiée. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1A de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle privilégie la transformation de la dette des entreprises en quasi-fonds propres dans les secteurs industriels et stratégiques ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous souhaitons tous le retour « à la normale », sans chômage partiel ni prêts garantis par l’État, mais nous serons alors dans une situation des plus délicates, face à un mur de faillites et de destructions d’emplois. Ce processus est d’ailleurs déjà à l’œuvre.
Cet amendement vise donc à renforcer l’intervention de Bpifrance en permettant à la Banque publique d’investissement de transformer certains prêts en quasi-fonds propres pour enrayer la spirale de la dette privée. Il s’agit de prioriser les PME-TPE opérant sur des secteurs reconnus stratégiques. On ne peut en effet prétendre ériger la relocalisation industrielle du pays en priorité et laisser s’écrouler le tissu productif.
Il s’agit de nouveau d’un amendement d’appel. Peut-être ne sera-t-il pas adopté, mais nous devons tous prendre conscience que les faillites, les destructions d’emplois, vont faire très mal ! Va-t-on anticiper et engager les fonds de Bpifrance pour venir en aide aux entreprises ? En l’espèce, l’exécutif ne s’ingérerait pas dans le destin industriel de la France, mais fixerait un cap en désignant les filières stratégiques pour la relance et en permettant d’injecter de l’argent dans les entreprises concernées.
L’endettement privé, qui s’élève aujourd’hui à 175 milliards d’euros dans notre pays, est vertigineux. Nous avons déjà connu la crise des subprimes en 2008. Nous courons un risque d’insolvabilité d’une partie de cette dette privée, ce qui retombera directement sur la dette publique, par effet boomerang. Il s’agit donc plutôt d’un amendement constructif et positif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Il s’agit d’un sujet important. Les PGE ont vocation à être remboursés. On sait déjà que 5 milliards à 10 milliards d’euros ne pourront l’être, n’y ajoutons pas volontairement d’autres non-remboursements.
Les prêts participatifs, décidés par le Gouvernement, ont vocation à alimenter les fonds propres des entreprises. Ils seront accordés par le réseau bancaire, à hauteur de 20 milliards d’euros, à partir de mars ou d’avril. Il me semble donc inutile de faire intervenir la BPI sur l’alimentation en fonds propres des entreprises. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Comme il s’agit d’un amendement d’appel, monsieur Savoldelli, je me fais un devoir et un plaisir de répondre à cet appel.
Oui, monsieur le rapporteur, 20 milliards d’euros de prêts participatifs et d’obligations subordonnées seront lancés dans les prochaines semaines pour renforcer en priorité les quasi-fonds propres et les bilans des PME et ETI de tous les secteurs, notamment des secteurs stratégiques et industriels ! Plusieurs instruments complémentaires existent, en sus de Bpifrance : prêts garantis, garantie de fonds propres ou en quasi-fonds propres, soutien à l’innovation, intervention en véritables fonds propres…
Je partage votre souci d’anticipation, monsieur Savoldelli, mais anticiper n’est pas forcément imaginer le pire. Je m’entretenais ce matin avec la direction générale du Trésor au sujet des défaillances : force est de constater que les dispositifs de soutien ont permis de maintenir un certain nombre de nos entreprises, qui ne sont pas en situation de défaillance. Le pessimisme est d’humeur, mais l’optimisme de volonté. Je suis volontairement optimiste : en janvier dernier, 96 % de l’activité économique a été maintenue. Je m’autorise le doux songe de penser que nous n’avons pas nécessairement devant nous une cascade de faillites…
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec Pascal Savoldelli.
Je ne partage pas votre analyse, madame la secrétaire d’État – hélas ! Certes, l’optimisme est de volonté, mais les chiffres et la réalité sont cruels : l’économie est totalement sous perfusion. C’est la raison pour laquelle, comme l’explique parfaitement l’Insee, paradoxalement, il y a eu moins de défaillances en 2020 que les années précédentes. C’est logique : si vous fonctionnarisez tout le monde, il n’y a pas de défaillances ! Or c’est exactement ce qui a été fait. Toutefois, toutes les entreprises, notamment de restauration, qui ne travaillent plus depuis un an ont « bouffé » leur trésorerie – c’est leur mot, c’est leur détresse.
Il faudra recapitaliser, comme l’a souligné Pascal Savoldelli. Quand vous fusionnez Bpifrance et Bpifrance financement, il s’agit bien de recapitaliser, d’augmenter la capacité de Bpifrance de lever des fonds. C’est tout du moins comme cela que les choses ont été présentées à ceux qui ont finalement eu à en décider, notamment aux parlementaires membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, après la censure de l’ordonnance.
Oui, nous aurons besoin de recapitaliser et de quasi-fonds propres ! Oui, Bpifrance va participer à ce mouvement ! Mais ce ne sera pas suffisant, pas plus que les prêts participatifs.
Il s’agit d’un bon amendement. Je ne le voterai pas, car il ne tourne pas réellement, mais je m’abstiendrai, en soutien à mon ami Pascal Savoldelli.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Comme Jérôme Bascher, je suis d’accord avec l’amendement d’appel de Pascal Savoldelli – ce dont je ne suis pas coutumier non plus.
Nous avons accordé des PGE à hauteur de 25 % du chiffre d’affaires, à rembourser sur cinq ans. La moyenne de rentabilité des entreprises étant de 2 %, la capacité de remboursement des PME-TPE est de 10 % du chiffre d’affaires. Je ne vois pas comment elles pourront rembourser ces 25 %.
Nous n’avons pas le choix, il faudra recapitaliser les entreprises. J’ai déjà interrogé Bruno Le Maire à deux reprises, sans obtenir de réponse. J’imagine que vous n’en avez pas non plus, madame la secrétaire d’État… (Mme la secrétaire d’État s’exclame.)
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° du I de l’article 6 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Contribuer et pérenniser les financements de longs termes dans les entreprises stratégiques afin de garantir la souveraineté sanitaire, technologique et s’inscrivant dans la transition écologique du pays. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement nous donne l’occasion de discuter des orientations de Bpifrance.
Mon propos va rejoindre beaucoup de questions posées au Gouvernement depuis toutes les travées de cet hémicycle : pourquoi s’être retiré du capital de certaines entreprises, notamment dans le secteur de la recherche vaccinale ? Pourquoi Bpifrance a-t-elle retiré 25 millions d’euros, soit 9 % de son capital ? C’est davantage un débat de stratégie, d’orientation de politique d’investissement et de souveraineté.
En regardant les choses de près, nous avons pu mettre certains de vos collègues en difficulté. Je me rappelle avoir interrogé à ce sujet Agnès Pannier-Runacher, qui a dû reconnaître que les doses de vaccin Valneva allaient être livrées plus tard que les autres…
La question se pose du rôle et de la place de Bpifrance en termes de politique de financement des investissements à la fois d’urgence et d’avenir – car la question du virus ne se refermera pas comme une simple parenthèse. Les épidémies possibles et les dangers sanitaires à venir constituent un vrai sujet. C’est là qu’il faut mettre le paquet !
Il faut une maîtrise publique complète des investissements de Bpifrance. On peut ensuite toujours discuter des choix et des orientations, mais la souveraineté nationale demeure. À partir du moment où ils entrent au capital, les acteurs privés, et c’est normal, ont une vision beaucoup plus étroite et ne se soucient que de profitabilité.
L’amendement que je présenterai dans quelques instants, en lien avec celui-ci, avait reçu un avis de sagesse de la commission des finances. J’espère convaincre le rapporteur de maintenir cet avis… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Bpifrance intervient déjà en participation dans des entreprises. Sa capacité d’intervention va encore être renforcée par la fusion.
Une fois encore, mieux vaut éviter d’ajouter des rigidités. Les dispositions de cet amendement renvoient aux seules entreprises stratégiques : qu’entendez-vous par là ? Certaines entreprises, non stratégiques, peuvent avoir besoin d’être soutenues, notamment dans le domaine de l’innovation.
Par ailleurs, Bpifrance et la Banque des territoires vont engager 40 milliards d’euros sur le plan Climat.
Enfin, les investissements dans les entreprises stratégiques sont au cœur des missions de l’Agence des participations de l’État.
Ne rajoutons pas une contrainte supplémentaire : la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du deuxième alinéa du a du 1° de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement, le taux : « 95 % » est remplacé par le taux : « 98,6 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à maintenir une maîtrise publique de Bpifrance à hauteur de 98,6 %, plutôt que 95 % – un taux de 100 % aurait été irrecevable…
Cette fusion entre la société mère et sa filiale marque l’entrée au capital, donc au conseil d’administration, d’acteurs privés. Notre groupe considère que la nouvelle organisation constitue une poussée progressive de ces derniers au sein de la Banque publique d’investissement. De 0 %, on passe à 1,4 %, puis à 5 % avec cette ordonnance : qui sait quel sera, à terme, le sort du bras économique de l’État dans le financement des PME-TPE ?
L’économiste et journaliste Luc Fayard donne cette définition de l’actionnaire : « Personne morale amorale, affectée d’un trouble oculaire spécifique : dans des comptes financiers, elle ne peut lire que la ligne du bas, celle du résultat. » Nous avons encore constaté cette amoralité des actionnaires avec le versement des dividendes en pleine crise sanitaire, malgré l’octroi d’aides publiques.
Dans son rapport de novembre 2016, la Cour des comptes avait souligné les bons résultats nets du groupe et la solidité financière de ses activités. Nous parlons tout de même d’un résultat net de 1,02 milliard d’euros en 2018 et de 1,36 milliard d’euros en 2017. Pourquoi s’en priver ?
La question du rôle de l’État actionnaire se pose au travers de cette incursion des acteurs privés. Nous sommes nombreux à fustiger le rôle de l’État dans le financement de l’économie ; nous le sommes un peu moins en temps de crise sanitaire – dont acte ! Reconnaissez tout de même que cette arrivée du privé est incohérente.
Dès la création de la BPI, en 2012, nous disions qu’elle ne devait pas financer de « canards boiteux » ni rester dans les failles du marché pour laisser les activités les plus profitables aux acteurs privés. Ces derniers peuvent se rémunérer indirectement sur les fameux canards boiteux, grâce à leur détention d’une fraction du capital de la BPI.
Le privé faisant irruption dans le capital de la société mère, nous vous demandons de céder les participations de la BPI, notamment dans les grandes entreprises cotées du CAC 40, à l’Agence des participations de l’État.
In fine, nous vous demandons de clarifier la doctrine d’investissements des deux entités et de sécuriser ces participations et leur rémunération au seul profit de l’État. Cet amendement vous est donc extrêmement favorable, madame la secrétaire d’État.