M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cela a été dit, le recours abusif aux ordonnances est un contournement du débat parlementaire.
Cela dit, je prendrai le temps qui m’est accordé pour aborder le fonds de solidarité, la commande publique ainsi que la refonte de Bpifrance.
Le Gouvernement a décidé de régler la crise sanitaire par ordonnances : soixante-deux ordonnances ont découlé des habilitations du Parlement, depuis la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Vous nous en soumettez quatre pour ratification, mais, je vous pose la question – non à vous individuellement, madame la secrétaire d’État, mais au Gouvernement –, quel sort réservez-vous aux cinquante-huit autres ? On attend la réponse… (Sourires.)
L’urgence peut justifier le recours à ce dispositif, mais il ne peut en aucun cas justifier que vous inscriviez dans la loi des habilitations que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste considère comme floues et larges.
Le sort réservé à Bpifrance est particulièrement significatif : l’ordonnance procède à une réorganisation totale de sa gouvernance et ses activités, alors que vous n’étiez autorisé qu’à « renforcer sa capacité à accorder des garanties ». Aujourd’hui, l’amorce d’un long processus de dépossession de la banque publique par les acteurs privés est à l’œuvre, sans que nous puissions refuser l’accès des actionnaires à son conseil d’administration. Les règles du débat parlementaire nous contraignent à valider cette décision stratégique ; croyez-moi, nous saurons nous en souvenir.
L’objectif consistant à permettre à Bpifrance d’accorder massivement des prêts aux entreprises était louable – ça l’est encore –, mais cela nous invite à beaucoup de prudence.
Quelque 660 000 entreprises, soit 20 % d’entre elles, se sont endettées auprès des banques commerciales à des taux d’intérêt supérieurs à 2 % ; je le rappelle, l’État emprunte à cinquante ans au taux négatif de 0,14 %. C’est une rémunération importante pour les établissements de crédit, dans un contexte de taux bas et alors que 90 % du risque est couvert par l’État. En résumé – vous m’excuserez pour la formule –, pendant la crise, les banques s’enrichissent, avec une certaine complicité de l’État…
Le risque de non-remboursement des prêts garantis par l’État pourrait atteindre, selon Nicolas Dufourcq, directeur de Bpifrance, 7 % des souscripteurs. Ce scénario découle du faible taux de refus – 3 % – et représente un effet d’aubaine pour les acteurs bancaires, qui pourraient sortir de l’opération avec 2 milliards d’euros de bénéfice, quand l’État devra couvrir 8 milliards d’euros de pertes.
Le volume de prêts accordés est deux fois moins important que ce qu’avait prévu le Gouvernement et 65 % des entreprises qui en ont bénéficié ne le décaisseront pas. L’exclusion du champ des administrations publiques de la nouvelle BPI permet de s’affranchir des règles de déficit budgétaire, d’éviter le risque de contradiction avec le principe d’universalité budgétaire et de limiter l’autorisation du Parlement. Les crédits de la BPI risquent donc d’échapper au contrôle de ce dernier.
Nous avons déjà eu l’occasion de saluer la création, pour faire face à la crise sanitaire, du fonds de solidarité, vous le savez. Pour autant, ce dispositif nous semble souffrir encore d’une grande complexité et d’une grande illisibilité.
Les entreprises subissent, dans leur activité, les conséquences de la crise. Je ne prendrai qu’un seul exemple pour illustrer leur incertitude. Pardonnez-moi de parler du département dont je suis élu – d’autres pourraient citer le leur –, mais, dans le Val-de-Marne, le 11 février dernier, 19,6 % des entrepreneurs individuels n’avaient toujours pas touché leur versement du fonds de solidarité du mois de décembre ; qu’est-ce que cela veut dire ? Cela représente 4 500 entrepreneurs individuels. Pourtant, vous-même l’admettez, cette aide leur est indispensable pour couvrir leurs charges fixes, qu’ils ne peuvent payer en retard.
Un cinquième des entreprises auraient bénéficié à tort du fonds de solidarité. Or, après avoir dépecé les services du fisc – nous avons longtemps évoqué ce sujet dans cette enceinte et avons même soutenu à la quasi-unanimité des amendements relatifs aux moyens donnés à ces services –, vous êtes dans l’obligation de recruter des contractuels pour pallier cette carence de personnel. Il est impératif de récupérer les 30 millions d’euros ciblés.
Vous devez concilier contrôle et réactivité dans le versement des aides. Il y va du destin de nos entreprises fragilisées.
La condition de la confiance retrouvée exige la garantie pendant plusieurs mois d’un montant minimum par catégorie d’entreprises. Notre amendement déclaré irrecevable allait dans ce sens, en prévoyant le versement d’un pourcentage de chiffres d’affaires perdu pour toutes les entreprises, loin de l’aide inéquitable de 1 500 euros, eu égard à leur situation économique. Il faudrait aussi en finir avec le principe de seuil, qui, par exemple, exclut une entreprise au motif qu’elle n’aurait perdu que 49 % de son chiffre d’affaires et non la moitié, conformément aux règles actuelles.
Pour conclure, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe comprend une partie de vos réponses à la crise, mais nous vous demandons de bien vouloir soutenir nos propositions pour améliorer le texte. Si ces amendements étaient retenus, nous voterons le texte. À défaut, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner un projet de loi qui fait l’objet d’un consensus assez large. La situation de crise que nous traversons l’exige : de manière transpartisane, nous devons nous montrer à la hauteur des difficultés auxquelles notre pays fait face.
Ce n’est jamais de gaieté de cœur que nous acceptons de déléguer à l’exécutif notre précieux pouvoir de législateur, acquis par nos illustres prédécesseurs dans les conditions que l’on sait, mais l’urgence de la situation nous y contraint.
La première ordonnance prolonge l’existence du fonds de solidarité et renforce l’échange d’informations entre administrations. Il s’agit donc d’un outil incontournable pour soutenir notre tissu économique. Son rôle est essentiel pour les entreprises les plus en difficulté.
La deuxième ordonnance comprend plusieurs dispositifs dérogeant temporairement au code de la commande publique. Elle introduit divers outils qui permettent de soutenir les opérateurs économiques les plus fragilisés par la crise.
La troisième modifie l’organisation de Bpifrance, renforçant sa solidité financière, ce qui permettra des volumes de garantie de prêts plus importants. La Banque publique d’investissement va devoir jouer un rôle prépondérant dans le cadre du plan de relance.
À ce titre, l’établissement public, en simplifiant sa structure, a fusionné sa holding de tête et sa filiale Bpifrance Financement. L’opération doit permettre d’augmenter le niveau des fonds propres et d’accroître sa capacité de financement des entreprises, mais nous ne sommes pas dupes sur le jeu d’écriture qu’implique une telle fusion.
Sur ce sujet, je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que, lors de l’examen, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, de la mission « Économie », j’attirais déjà votre attention, à cette même tribune, sur les débudgétisations, lesquelles sont en contradiction avec le principe d’universalité budgétaire et nuisent à la sincérité budgétaire. Je note qu’un amendement présenté par le rapporteur tend à prendre en compte ce problème.
Enfin, l’article 4 du projet de loi permet de ratifier l’ordonnance du 17 juin 2020 qui contribue à répondre aux besoins de trésorerie concomitants à la crise.
Par ailleurs, je note, s’agissant du contenu de nos débats à venir, que nous allons examiner six amendements. Tous visent à créer un article additionnel. J’en déduis que personne ne remet en cause le projet de loi qui nous est soumis, comme je l’ai indiqué.
Au-delà de ces considérations techniques sur le contenu du texte, un constat plus général s’impose sans doute.
Depuis l’arrivée de la nouvelle majorité présidentielle en 2017, suivie de la crise des gilets jaunes, et, désormais, avec la crise sanitaire, nous constatons tous une sorte de recul des prérogatives du Parlement ou, du moins, une montée en puissance de pratiques gouvernementales basées sur le mépris ou, a minima, un certain maintien à distance du Parlement, qui ne peut plus pleinement exercer correctement sa mission constitutionnelle.
D’après La Boétie, « La première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude », cette habitude qui nous fait supporter le pouvoir d’un seul comme s’il était notre tout, cette habitude dans laquelle nous sommes plongés depuis un an au rythme des 20 heures annonçant couvre-feu, confinement, déconfinement, nouveau couvre-feu,…
M. Thierry Cozic. … cette habitude qui rend si anxieux nos concitoyens ne sachant plus à quel saint se vouer.
La Constitution de la Ve République permet au Président en place de prendre des décisions unilatéralement et de décréter que ses décisions personnelles sont l’intérêt commun. Cela ruine la politique, au sens non pas partisan – il y a bel et bien une majorité et une opposition –, mais au sens de l’action publique, précisément comme bien commun.
Mes chers collègues, comprenez-moi bien : je ne suis pas en train de dire raisonnablement à la tribune que le Gouvernement a failli dans sa prise de décision. Je tiens juste à souligner que les grands absents du processus décisionnel depuis le début de cette crise sont les élus du Parlement, ces élus remplacés par un conseil de défense qui se veut à la fois omniscient et omnipotent, qui décide de tout alors même que la composition de ses membres ne fait l’objet d’aucune onction démocratique.
M. Thierry Cozic. En tant que membre de la commission des finances, je veux également souligner toute l’ironie qui consiste à confier à une commission extraparlementaire la mission de rendre un rapport sur la « dette covid », alors que c’est précisément notre rôle. Je m’étonne d’ailleurs que le Gouvernement n’ait pas directement transmis cette tâche au cabinet McKinsey, puisqu’il semble que ce soit dans l’air du temps…
Encore une fois, c’est non pas tant le phénomène que je dénonce – notre démocratie peut sans doute s’en accommoder – que son ampleur, dans une stratégie politique assumée qui vise à essayer de convaincre que, entre le Président sortant et le Rassemblement national, il n’y a pas d’alternative.
La crise sanitaire a eu pour effet d’exacerber tous les maux de notre société que, jusqu’à présent, nous ne voulions voir. Notre système de gouvernance politique n’y a pas échappé. On le voit bien, le présidentialisme est au régime présidentiel ce que l’intégrisme est aux religions, ce que l’absolutisme est aux monarchies, ce que le sectarisme est aux convictions. Ce n’est pas le fait qu’il y ait une présidence de la République qui est en cause : c’est le fait que la République soit aux mains du Président. (Mme la secrétaire d’État s’exclame.)
En agissant par ordonnances, le Gouvernement pose des difficultés certaines, du moins quand le processus est utilisé dans de telles proportions. Au risque d’être trivial, je dirais que trop d’ordonnances tuent sans doute la démocratie parlementaire.
Et, de grâce, madame la secrétaire d’État, il n’est pas utile de me renvoyer aux pratiques des gouvernements Rocard ! C’était il y a très longtemps, et les circonstances étaient très différentes.
La situation sanitaire légitime le recours aux ordonnances, mais le fait que nous soyons amenés à légiférer dix mois après que le Gouvernement eut reçu l’autorisation d’écrire la loi et sept mois après qu’il l’eut effectivement écrite ne peut que nous interpeller. Ces délais démontrent, comme à l’accoutumée, l’indifférence profonde que vous portez au Parlement, lequel, dans votre esprit, semble se limiter à une caisse enregistreuse de décisions que vous avez déjà prises.
« Autant l’union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite », énonçait Ésope. Nous pensons que l’union devrait être plus forte entre le Gouvernement et le Parlement. Le pays y gagnerait, et c’est parce que nous ne voulons pas de défaite pour la France que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne s’opposera pas aux mesures que vous avez édictées de manière unilatérale.
En conséquence, nous voterons favorablement ce texte (M. Julien Bargeton ironise.), mais nous appelons l’attention de tous sur la situation critique qui est collectivement la nôtre et sur l’affaiblissement du Parlement que notre époque connaît. Il faudra rapidement revenir à un fonctionnement plus conforme à l’esprit de notre Constitution. Le parlementarisme rationalisé n’est pas un parlementarisme au rabais. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi d’urgence économique du 23 mars 2020, votée au début du premier confinement dans le cadre de la lutte contre la crise sanitaire, a autorisé le Gouvernement à prendre des ordonnances pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter celle-ci.
Comme l’a rappelé notre rapporteur, soixante-deux ordonnances ont été publiées depuis.
Le présent projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale le 27 janvier dernier, a pour objet de ratifier quatre d’entre elles, datant de juin 2020, afin d’en sécuriser juridiquement le dispositif. J’en resterai donc à ce cadre législatif et technique.
L’article 1er tend ainsi à ratifier l’ordonnance du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
Cette ordonnance a prorogé le fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année 2020, ce qui a permis de soutenir 2 millions d’entreprises l’année dernière, essentiellement des TPE et des PME, à hauteur de 13 milliards d’euros. Chacun mesure combien cela fut nécessaire. La ratification de l’ordonnance va permettre de ratifier le cadre juridique du fonds.
L’article 2 a quant à lui pour objet de ratifier l’ordonnance du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique. Cette ordonnance concerne les conditions d’accès aux marchés publics. Elle rend cet accès possible aux entreprises en redressement judiciaire qui bénéficient d’un plan de redressement.
Cette mesure vise à soutenir les entreprises en difficulté du fait de la crise actuelle, qui n’auront plus besoin d’une habilitation. Il s’agit donc d’une mesure de simplification bienvenue dans le cadre de la relance économique, dont la commande publique constitue l’un des leviers importants.
Cette relance doit aussi passer par la dimension territoriale.
De ce point de vue, l’ordonnance va aussi permettre de privilégier les PME de proximité, en ouvrant aux petites et moyennes entreprises un accès privilégié aux marchés publics globaux, par la fixation à 10 % de la part d’exécution minimale qui sera confiée par le soumissionnaire à des PME, et ce jusqu’au 31 juillet 2021. C’est essentiel pour nos entreprises.
De surcroît, l’ordonnance prévoit que les critères d’accès aux marchés publics ne tiennent pas compte des conséquences, pour les entreprises, de la crise sanitaire. Ainsi, comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, la baisse de chiffre d’affaires liée à l’épidémie ne pourra pas entrer en ligne de compte lors de l’examen par les acheteurs publics de la capacité économique d’une entreprise, cette baisse étant liée à un facteur externe.
L’article 3 vise à ratifier l’ordonnance du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d’investissement et modifiant l’ordonnance du 29 juin 2005 relative à celle-ci. Cette ordonnance réorganise la BPI en fusionnant Bpifrance SA et sa filiale Bpifrance Financement, afin d’augmenter la solidité financière de l’ensemble pour pouvoir augmenter le volume de prêts accordés aux entreprises dans le contexte actuel. Cette réforme a permis, par exemple, de lever 400 millions d’euros lors du premier confinement, sans dotation de l’État supplémentaire, l’opération de réorganisation faisant plus que doubler le ratio de solvabilité de Bpifrance.
Cette mesure avait été censurée comme cavalier dans le projet de loi ASAP. Pour le Gouvernement, il s’agit, en ratifiant l’ordonnance, de sécuriser juridiquement le dispositif.
Enfin, l’article 4 prévoit la ratification de l’ordonnance du 17 juin 2020 relative à l’octroi d’avances en compte courant aux entreprises en difficulté par les organismes de placement collectif de capital investissement et les sociétés de capital-risque afin de renforcer le soutien financier apporté aux entreprises en difficulté dans le contexte de ralentissement économique actuel. Cette ordonnance permet des dérogations temporaires pour l’octroi de ces avances, qui sont un instrument important de renforcement des fonds propres des entreprises, en instaurant la possibilité d’impliquer le secteur privé en sus du secteur public.
Les organismes de placement collectif de capital investissement et les sociétés de capital-risque peuvent soutenir les entreprises touchées par la crise dont elles sont actionnaires au-delà du plafond légal habituel, correspondant à 15 % de leur actif. Ce plafond est, en effet, temporairement porté à 20 % jusqu’au 30 juin 2022.
Au-delà, je pense que nous devrions ouvrir un débat sur les quasi-fonds propres des entreprises, en particulier sur le recours aux prêts participatifs, qui pourraient répondre à plusieurs enjeux afin d’assumer un effort d’investissement post-crise.
Nous le voyons, ces quatre ordonnances ne posent pas de difficultés et vont dans le bon sens, celui du soutien à nos entreprises, qui se trouvent dans une situation compliquée.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera en faveur de ce projet de loi, conformément à la position de notre commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un an jour pour jour, le dimanche 16 février 2020, les journaux et le glas annonçaient le premier décès lié à l’épidémie de covid-19 en France. Personne ne pouvait alors imaginer que, un an plus tard, le bilan dépasserait 80 000 morts et que notre pays connaîtrait une récession sans précédent depuis 1945.
Je me permets cette mise au point historique pour mieux rappeler la fulgurance avec laquelle le virus nous a frappés. Le 14 mars 2020, moins d’un mois après l’enregistrement du premier décès, le Gouvernement décidait de confiner le pays. Le 25 mars, une ordonnance était prise pour créer le fonds de solidarité et aider les petites entreprises face à la crise.
Dans ce contexte, le Parlement a soutenu le Gouvernement en lui donnant la possibilité d’agir rapidement et efficacement par voie d’ordonnances. Ce n’est certainement pas la meilleure façon de légiférer en temps normal, mais c’est sans doute la meilleure manière d’agir avec la réactivité nécessaire en temps de crise.
Voilà donc près d’un an que notre pays fait face à la pandémie. Loin de se résorber, celle-ci s’est installée dans la vie quotidienne et nous devons malheureusement encore aujourd’hui adapter nos réponses économiques à la crise sanitaire.
C’est tout particulièrement le cas pour le fonds de solidarité. Depuis sa création, en mars dernier, les critères d’éligibilité, le niveau des aides dispensées et la pérennité de ce fonds n’ont cessé d’évoluer à mesure que notre pays s’enfonçait dans la crise. Mais sa vocation, elle, n’a pas changé.
Je crois que nous pouvons tous attester de l’efficacité du dispositif dans nos territoires. Certes, les restaurants, les bars, les théâtres et tant d’autres établissements encore ne demandent qu’à rouvrir au plus vite. Mais tous saluent l’efficacité du fonds de solidarité, qui a été mis en place dans l’urgence et qui est progressivement monté en charge.
C’est pourquoi il semble aujourd’hui tout à fait cohérent de poursuivre les efforts dans ce sens. La possibilité d’étendre la prise en charge à certains coûts fixes, en fonction des secteurs, pourrait aussi s’avérer pertinente dans les mois qui viennent.
En tout état de cause, l’article 1er du projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette logique de réponse cohérente en soutien au tissu économique des territoires, singulièrement à nos artisans et à nos PME.
L’article 2, bien qu’il ne concerne pas le fonds de solidarité, s’inscrit également dans cette logique de soutien aux entreprises des territoires, en activant un puissant levier d’action, à savoir la commande publique.
Nous savons tous ici combien ce levier est important pour nombre de nos PME. C’est pourquoi les assouplissements prévus par l’article 2, qui vise notamment à permettre à des entreprises en redressement de se porter candidates et de mieux intégrer les PME dans les offres publiques, sont pertinents.
D’ailleurs, le Sénat avait déjà adopté ces mesures lors de l’examen du projet de loi ASAP voilà un an. Je doute qu’il ait changé d’avis depuis, la crise n’ayant fait que renforcer la pertinence de ces mesures, qui n’ont jamais paru aussi salutaires qu’aujourd’hui.
Avant de conclure, mes chers collègues, je souhaite dire un mot de la réforme de Bpifrance prévue par l’article 3. Je soutiens l’objectif affiché de renforcer ses fonds propres, afin de porter sa capacité de financement à 50 milliards d’euros d’ici à 2024. Cette mesure participe elle aussi à la cohérence de notre réponse économique à la crise sanitaire.
Mais cette restructuration ne doit pas nous encourager sur le mauvais chemin de la dette. En effet, en faisant ainsi sortir la nouvelle structure faîtière des critères de Maastricht, nous soulageons artificiellement le fardeau de notre dette aux yeux de nos partenaires européens, avec lesquels nous avons pris, en responsabilité, des engagements de solidarité. Plus que jamais, le sort de nos finances publiques dépendra de la bonne santé de nos entreprises, qui ont contracté des prêts garantis par l’État, et du respect de nos engagements européens.
Malgré ce point de vigilance, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte, qui constitue une nouvelle pierre au solide édifice de la relance. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant près d’un an est inédite, et les conséquences économiques qu’elle a entraînées sont considérables.
Dans ces conditions, le Parlement a, dès le mois de mars 2020, été invité à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances. Entre mars et juin, soixante-deux ordonnances ont ainsi été prises, dont plusieurs ont évidemment eu trait aux domaines économique et financier.
Certes, le projet de loi dont le Sénat est aujourd’hui saisi ratifie seulement quatre d’entre elles, mais il s’agit d’ordonnances importantes, relevant toutes du champ législatif des deux commissions des finances du Parlement.
La première ordonnance, datée du 10 juin 2020, est relative au fonds de solidarité créé par l’ordonnance du 25 mars 2020, qu’elle a modifié et prorogé avant que la loi de finances pour 2021 ne le reconduise de nouveau. Le remaniement à diverses reprises de ce fonds aura permis d’ajuster les modalités de subventions suivant les secteurs, les catégories d’entreprises et l’impact économique subi, de façon à adapter le plus efficacement possible le soutien public à l’évolution et aux conséquences de la pandémie.
Le fonds de solidarité a ainsi permis de soutenir à ce jour près de 2 millions d’entreprises parmi les plus touchées par la crise, représentant un engagement budgétaire de l’ordre de 15 milliards d’euros, dont 45 millions d’euros au bénéfice de plus de 6 200 entreprises de mon département du Jura.
La réponse donnée par l’État fut rapide, diversifiée et massive : fonds de solidarité, chômage partiel, prêts garantis par l’État, report et sans doute, à terme, annulation au moins partielle des charges fiscales et sociales ont représenté un large panel d’aides, qui, nous l’espérons tous, permettront aux entreprises de surmonter la crise et, demain, d’amorcer la reprise.
Sur ce sujet, pourriez-vous nous éclairer, madame la secrétaire d’État, sur l’éventuelle annulation des charges fiscales et sociales ? C’est une question cruciale pour toutes les entreprises bénéficiaires.
Pour mener à bien le soutien, nous savons que les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) s’emploient sans relâche au déblocage rapide des aides que sollicitent les entreprises. Les contreparties à cette rapidité sont l’exigence et l’existence d’un contrôle rigoureux des bénéficiaires par l’administration fiscale, afin de traquer toute fraude. C’est ce que prévoit cette ordonnance, en offrant aux services fiscaux la possibilité de contrôler les bénéficiaires pendant une période de cinq ans. Nous nous en réjouissons. Nous nous félicitons de l’équilibre trouvé entre efficacité économique et équité sociale.
La deuxième ordonnance, qui date du 10 juin 2020, assouplit opportunément les règles d’accès à la commande publique, essentiellement au bénéfice des PME. Certaines des dispositions qu’elle contient ont d’ores et déjà été inscrites dans le marbre législatif, à la faveur de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « ASAP ». Là encore, nous nous félicitons de ce que la crise ait été propice au pragmatisme et profitable à tous.
La troisième ordonnance porte réorganisation de la Banque publique d’investissement. Cette réorganisation, qui a permis d’augmenter les fonds propres de Bpifrance, donc sa capacité de financement des entreprises, est, elle aussi, un motif de satisfaction pour les membres du groupe Union Centriste.
Comme l’a rappelé notre collègue et rapporteur Bernard Delcros, que je tiens ici à saluer pour la qualité du travail effectué, la réorganisation de Bpifrance vise, au moyen d’une fusion-absorption de Bpifrance SA par l’établissement de crédit Bpifrance Financement, à surmonter le déséquilibre de la structure du point de vue de ses fonds propres.
Outre la simplification de l’organisation et de la gouvernance de Bpifrance, cette réorganisation va permettre à l’établissement de crédit de bénéficier de la consolidation de Bpifrance Participations et, ainsi, de multiplier par plus de cinq le montant de ses fonds propres, qui devraient passer de 4 à 25 milliards d’euros, soit une augmentation de ses capacités à financer l’économie de l’ordre de 50 milliards d’euros d’ici à 2024.
Un autre avantage significatif de la réorganisation concerne les modalités d’intervention de Bpifrance et leurs effets sur les comptes publics. La société de tête n’étant plus comptabilisée au sein des administrations publiques, Bpifrance pourra désormais, grâce à la garantie de l’État, s’endetter dans des conditions favorables sans que cela soit comptabilisé selon les critères de Maastricht. Les bénéfices de la réorganisation pour le soutien et la relance de notre économie seront immédiats, puisque, comme cela a été rappelé par notre rapporteur, un premier emprunt de 3 milliards d’euros est déjà prévu.
Enfin, la quatrième ordonnance vise à faciliter l’octroi aux entreprises en difficulté d’avances de trésorerie en compte courant. Nous approuvons cette mesure, particulièrement bienvenue dans le contexte que nous connaissons. Elle participe pleinement aux réponses économiques qu’il nous faut apporter à l’épidémie de covid-19.
Les membres du groupe Union Centriste se réjouissent aujourd’hui d’avoir l’occasion de débattre du contenu de ces ordonnances avant que leur soit conférée pleine valeur législative. Nous vous l’avons suffisamment rappelé, madame la secrétaire d’État : le Gouvernement ne doit pas exciper de la difficulté et de l’urgence de la situation pour contourner le Parlement et ses prérogatives. Nous avons ici été entendus et nous nous en félicitons, allant même jusqu’à espérer que la démarche sera prolongée dans les semaines et les mois à venir.
Quoi qu’il en soit, vous l’aurez compris, notre groupe votera en faveur de cette ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)