M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au droit des victimes de présenter une demande d’indemnité au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions
Article 1er
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 706-5 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « répressive », la fin de la deuxième phrase est supprimée ;
2° À la dernière phrase, la première occurrence des mots : « lorsqu’il » est remplacée par les mots : « lorsque l’information prévue à l’article 706-15 n’a pas été donnée, lorsque le requérant ».
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article 1er.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, je veux saluer à mon tour la précision apportée par cette proposition de loi, dans la mesure où elle devrait permettre de clarifier un sujet d’apparence technique et d’améliorer la situation des victimes des actes terroristes et d’autres infractions.
En effet, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes avait introduit une confusion qu’il convenait de clarifier quant à l’interprétation des dates de computation des délais. L’interprétation du délai spécifique a notamment conduit la Cour de cassation à juger que ce dernier s’appliquait dès que l’information avait été donnée par la première juridiction appelée à statuer sur l’action civile, et non à partir du moment où la décision était devenue définitive, ce que prévoit, comme règle générale, l’article 706-5 du code de procédure pénale. La loi du 15 juin 2000 a donc contribué à rendre plus complexe le droit applicable et, partant, à limiter, pour certains, la possibilité de demander une indemnisation, alors que son objectif primaire était pourtant bien de renforcer le droit des victimes.
Je souscris donc pleinement aux objectifs visés par cette proposition de loi, qui tend à résoudre les difficultés introduites par la loi de 2000 en supprimant le délai spécifique créé à ce moment-là. En prévoyant que l’absence d’information sur la possibilité d’indemnisation permet de relever d’office la victime du délai de forclusion, ce texte devrait permettre, je l’espère en tout cas, de lever toute ambiguïté, et surtout de mettre fin à une différence de traitement, qui ne saurait se justifier, entre les victimes.
Certaines difficultés subsistent toutefois, notamment le fait que le classement sans suite n’interrompt pas le délai de trois ans, bien que, je le sais, ce dernier point ne relève pas spécifiquement du domaine de la loi.
Article 2
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
M. le président. La suppression de l’article 2 ayant été maintenue par la commission, je vais mettre aux voix l’article 1er, et ce vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?…
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
M. le président. En conséquence, la proposition de loi est adoptée définitivement. Je constate en outre que ce vote a été acquis à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Quelle réponse de la France au projet d’annexion de la vallée du Jourdain par l’État d’Israël ?
Débat organisé à la demande du groupe CRCE
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur le thème : « Quelle réponse de la France au projet d’annexion de la vallée du Jourdain par l’État d’Israël ? »
Dans le débat, la parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier la conférence des présidents et, en particulier, M. le président du Sénat et M. le président de la commission des affaires étrangères pour l’inscription à l’ordre du jour de ce débat.
Permettez-moi de commencer mon propos en citant des propos tenus en 2017 par M. Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient : « Les gouvernements israéliens de ces dernières années ont tout fait pour tourner le dos à Oslo, accentuer leur contrôle sur la population palestinienne des territoires et accélérer, dans des proportions jusque-là jamais atteintes, la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est avec l’obsession d’y établir, encore et encore, des faits accomplis qu’ils veulent irréversibles. La prochaine étape est l’annexion de tout ou partie de la zone C, ce qui est déjà une réalité de facto dans la vallée du Jourdain entièrement absorbée par le système de domination israélien. »
Je partage totalement cette analyse d’un statu quo qui dure depuis des années. Le niveau de la violence que subissent les Palestiniens s’amplifie. Une grande partie de la communauté internationale a considéré et juge malheureusement toujours acceptable ce niveau de violence, malgré des droits internationaux constamment bafoués.
Avant de poursuivre mon intervention, je tiens à vous préciser, mes chers collègues, que la défense de la Palestine et du droit international n’est pas la remise en cause de l’État d’Israël. Cette mise au point était nécessaire.
Le 28 janvier 2020, Donald Trump, aux côtés de Benyamin Netanyahou, dévoilait son plan de paix. En fait, il s’agit davantage d’un plan de guerre contre les Palestiniens. Les plus grandes puissances mondiales se sont seulement indignées de ce plan. Il était donc impensable pour les Palestiniens de coconstruire cette feuille de route qui ne leur laissait aucune place.
Très bientôt, le 1er juillet prochain, la Knesset pourrait se prononcer sur le plan Netanyahou, qui comprend l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain. Celle-ci est déjà en grande partie sous le contrôle de l’État d’Israël et des colonies juives en Cisjordanie, devenues légales avec la bénédiction de M. Trump.
Sachant qu’Israël occupe au moins 85 % de la Palestine historique, il faut surtout avoir conscience que ce vote marquerait, à coup sûr, la mort d’une solution à deux États.
En ce sens, les propositions de Donald Trump sur la Palestine sont une provocation. Ainsi, la Maison-Blanche imposerait aux Palestiniens un État démilitarisé et non souverain, puisqu’il n’aurait de contrôle ni sur ses frontières ni sur son espace aérien.
Pire que tout, son territoire serait totalement morcelé. Ce qui est prévu, c’est bien un archipel d’une demi-douzaine de cantons, voire d’îlots – le vocabulaire employé pour décrire ces territoires est abondant –, séparés par des zones de territoire israélien et reliés entre eux par des routes, des tunnels, des ponts et des check-points ; il aurait une seule frontière directe avec un autre État, l’Égypte, mais il s’agirait, là encore, d’une frontière virtuelle, puisque sous contrôle israélien, et aux limites encore inconnues.
Poursuivons l’énumération du contenu dévastateur de ce plan : il ne sera plus question du retour des réfugiés et de leurs descendants, il sera possible de transférer administrativement entre 300 000 et 400 000 Palestiniens du « Triangle » et la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies ne sera pas appliquée, non plus que les autres, d’ailleurs : aucune résolution n’a été appliquée !
En monnaie d’échange, M. Trump propose aux Palestiniens une aide de 50 milliards de dollars pour l’économie et le logement, voire l’éducation – on ne sait exactement –, secteurs en partie sous contrôle israélien.
Quel sera l’avenir des Palestiniens des territoires occupés et bientôt annexés ? Vers où seront-ils expulsés de la terre où ils sont nés, où ils vivent et qu’ils font fructifier ? Sous quel statut de citoyen vivront-ils ?
Ne nous méprenons pas : c’est un peuple encore plus soumis à Israël qui se prépare. C’est la fin du mince espoir d’une solution où les Palestiniens seraient maîtres de leur territoire, en toute souveraineté, et de leur destinée.
Des voix s’élèvent néanmoins à travers la population israélienne, mais aussi au sein de l’armée et du renseignement, sur la provocation que constitue cette annexion. Cette prise de conscience se diffuse assez largement.
En témoigne la tribune parue dans Le Monde le 18 juin dernier : l’ont signée une cinquantaine de personnalités et d’organisations juives qui voient dans ce projet d’annexion un dévoiement du projet sioniste porté par David Ben Gourion. Ce qui devait être un pays d’accueil et de refuge, démocratique et en paix avec ses voisins, s’est transformé depuis des années en un État agressif et discriminatoire.
En réponse au plan Trump, l’Autorité palestinienne a déjà annoncé la fin – du moins la remise en question – de la coopération sécuritaire qui est en place actuellement en Cisjordanie et permet de contenir autant que possible les violences entre chaque camp.
Politiquement – ce n’est pas à négliger dans la société israélienne –, cette annexion aurait pour conséquence que les Arabes palestiniens représenteraient environ 40 % de la population israélienne. Pour un gouvernement qui, il y a deux ans, a fait voter une loi sur « l’État-nation, État juif », cette décision constitue une source d’instabilité à l’intérieur même de ses frontières. Il faut rappeler le contenu de cette loi très grave : le droit à l’autodétermination des peuples est réservé à la population juive, la langue arabe est retirée de la liste des langues officielles, le caractère juif de l’État – État qui devient donc théocratique – est reconnu.
Nous essayons tous ici de persévérer dans la défense de la solution à deux États, du droit au retour des réfugiés palestiniens, du statut de Jérusalem comme ville internationale et capitale partagée des deux États : c’est le strict respect du droit international et des résolutions de 1947 créant l’État d’Israël et de 1967 en fixant les frontières.
Face à la présente situation, nous assistons pourtant aujourd’hui à une paralysie des Nations unies et de l’Union européenne, du fait des désaccords entre certains pays et de la frilosité des plus grandes puissances.
Les États occidentaux ne condamnent pas ce plan, mais affirment seulement qu’il est contraire au droit international et aux résolutions des Nations unies.
Je regrette que notre gouvernement se cache derrière la nécessité d’une action unanime des États européens, que l’on sait impossible en l’état, pour ne rien faire de concret pour la reconnaissance des droits du peuple palestinien et d’un État palestinien.
Accompagnons avec conviction et détermination nos amis palestiniens, mais également israéliens, dans l’espoir d’un avenir de paix, d’un avenir qui ne soit pas fondé sur la suprématie de certains et l’oppression des autres, mais sur la pleine égalité, la liberté, la dignité et les mêmes droits pour tous.
Monsieur le ministre, nous avons récemment évoqué ce dossier avec vous en commission des affaires étrangères : nous savions que nous nous retrouverions aujourd’hui pour ce débat ; je vous remercie de votre présence ce soir. Il reste quinze jours pour que notre pays riposte : c’est le mot que vous aviez alors employé et qui m’avait plutôt convenu. Mais quelle riposte ? Pourriez-vous au moins nous indiquer quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre ou, à défaut, quelles pistes il entend suivre ? Je vous remercie de votre attention et des réponses que vous saurez nous donner. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR. – M. Olivier Cigolotti et Mme Agnès Constant applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le disait à l’instant ma collègue Christine Prunaud, face au crime contre le droit international et le droit des Palestiniens qui se profile à partir du 1er juillet si Benyamin Netanyahou met à exécution son projet d’annexion, le temps des communiqués de presse et des déclarations de principes est passé : le temps est venu d’accompagner ces déclarations d’une riposte forte, déterminée et tenace dans la durée, de la France, de l’Union européenne et des Nations unies contre un processus de colonisation et de sabotage des accords d’Oslo qui dure depuis trop longtemps sans réaction à sa mesure. Je ne parle pas ici de l’action des ambassadeurs de France qui se sont succédé à notre consulat de Jérusalem, qui ont toujours agi avec courage, mais de la nécessaire riposte du gouvernement de la France et de son Président de la République.
C’est pour entendre les voies choisies pour cette riposte que nous avons demandé ce débat, car seule une pression internationale d’ampleur peut arrêter le projet.
Adversaire farouche du processus de paix et de la solution à deux États, le Premier ministre israélien a tout fait pour les miner, pas à pas ; aujourd’hui, il veut porter le coup fatal.
Ne pas réagir, sinon par des mots, une fois de plus, ce serait nier le danger majeur encouru de toutes parts.
Danger encouru par les Palestiniens, dont le droit reconnu à vivre en paix dans leur État, avec Jérusalem comme capitale partagée, serait bafoué corne jamais.
Danger encouru par le droit international et la solution multilatérale agréée selon des paramètres reconnus par l’ONU, au moment même où le multilatéralisme fondé sur le droit est attaqué de toutes parts et laisse place à la loi du plus fort, à la politique du fait accompli par la force.
Danger encouru par la région, déjà à feu et à sang, par les pays arabes voisins, au premier rang desquels la Jordanie et sa population.
Danger encouru, enfin, par les Israéliens eux-mêmes, qui ne seraient plus, alors, les citoyens de l’État qu’ils espéraient, mais seraient enfermés par leurs dirigeants dans ce qui deviendrait un État d’apartheid, reléguant des millions de Palestiniens dans des bantoustans sans droit réel à la citoyenneté, un État dès lors durablement instable et connaissant plus d’insécurité que jamais.
Oui, nous avons le devoir de réagir avec force, au nom de la justice, de la paix et du droit !
Nous n’en pouvons plus, monsieur le ministre, de nos accommodements avec l’inacceptable au nom d’un prétendu réalisme. Où cela nous a-t-il menés ?
Quand les deux chambres du Parlement français ont voté la demande d’une reconnaissance de la Palestine par le Président de la République, on nous a dit que c’était trop tôt, puis qu’il fallait attendre le plan américain. Deux présidents ont passé et le scandaleux plan Trump est arrivé, qui donne son imprimatur à l’annexion après avoir coupé les vivres à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA), de manière à nier les droits des réfugiés, et validé le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem.
Quand le plan Trump a été rendu public, vous l’avez condamné dans les mots, mais encore bien timidement au départ,…
M. Pierre Laurent. … comme s’il y avait encore matière à discuter, alors que ce plan visait clairement à fermer le ban d’une solution viable à deux États.
Quand des militants parlaient boycott des produits issus des colonies, désinvestissement, sanctions, ils ont été traînés devant la justice et leurs actes assimilés à de l’antisémitisme. Or la Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France, par une décision du 11 juin dernier rétablissant ces militants dans leurs droits.
Oui, aujourd’hui, il faut clairement et fermement dire : « Stop ! » Il faut agir avant le 1er juillet. Il est déjà bien tard, diront certains ; en vérité, il ne sera jamais trop tard, car le combat pour le droit des Palestiniens ne cessera pas.
Si nous laissons Benyamin Netanyahou avancer, il le fera, car il est prêt à tout. Il est de la trempe de ces dirigeants extrémistes avec lesquels il s’entend si bien, de Trump à Bolsonaro ; qui sait s’il ne pactisera pas, demain, avec Erdogan pour se partager la région sur le dos des autres puissances et des Palestiniens, après avoir attisé le feu dans la région.
C’est en raison, aussi, de ces rapprochements troubles que nous refusons d’écouter l’argument qui voudrait que l’on s’abrite derrière la décision de refuser de s’engager dans des sanctions européennes prise par quelques pays emmenés par la Pologne et la Hongrie. Ne trouveriez-vous pas honteux, monsieur le ministre, que ces pays dont nous combattons les dérives antidémocratiques deviennent l’alibi de notre inaction, de l’inaction européenne ?
Oui, monsieur le ministre, nous attendons du Gouvernement et du Président de la République des actes forts. Des possibilités existent.
Nous devons agir à l’ONU et avec l’ONU, aux côtés de son secrétaire général et de la majorité des nations, et saisir le Conseil de sécurité pour exiger la condamnation qui s’impose.
Nous devons reconnaître l’État de Palestine. En ces circonstances, un tel geste dirait mieux que tout autre discours notre refus de l’impasse dramatique envisagée et déclencherait sans nul doute un mouvement international d’ampleur. En effet, il ne faut pas seulement s’opposer au plan d’annexion ; il faut du même coup contre-attaquer et relancer le processus inverse, vers la solution de paix à deux États.
Nous devons travailler avec Josep Borrell, pour proposer à l’Union européenne d’adopter des sanctions, notamment la suspension de l’accord d’association, mais aussi envisager la suspension des accords de coopération militaire et la réévaluation d’investissements impliqués dans le processus de colonisation.
Oui, monsieur le ministre, il est possible, il est urgent, il est conforme à nos valeurs d’agir. Tout nous commande de le faire, de la gravité de la situation sur place aux dangers de la situation internationale. Ne comptons pas sur une quelconque lassitude : les Palestiniens sont à bout et la région est une poudrière depuis longtemps, l’annexion n’annonce donc que le pire pour demain.
N’oublions pas les paroles de Yitzhak Rabin, quelques minutes avant d’être assassiné : « Nous avons fondé un peuple, mais nous ne sommes pas revenus dans un pays vide. » Sans cette promesse de reconnaissance et de respect mutuel, la paix n’adviendra pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plus de soixante-dix ans que la Palestine et Israël sont en conflit, un conflit dont les conséquences dépassent les frontières de ces deux pays et se font sentir dans toute la région. La Jordanie, le Liban et la Syrie, notamment, accueillent de très nombreux réfugiés palestiniens et sont directement déstabilisés par cet affrontement. L’Europe a elle aussi été directement atteinte, puisqu’elle a été le théâtre de plusieurs attentats. Parce qu’il met en cause le principe d’intangibilité des frontières et celui de l’autodétermination des peuples, ce conflit possède une dimension universelle.
Les décennies passant, certains ont pu déplorer une forme de lassitude de la communauté internationale. Le projet d’annexion par Israël du tiers de la Cisjordanie occupée, qui sera précisé dès le 1er juillet, attire de nouveau l’attention sur ce conflit dont la résolution semble s’éloigner toujours plus du droit.
Figurant dans le plan de paix américain, cette annexion bénéficie du soutien actif des États-Unis de M. Trump, véritable intermittent de la déstabilisation à la politique étrangère isolationniste.
Si cette annexion avait lieu, elle n’en constituerait pas moins une violation du droit international. Les Nations unies, par la voix de leur secrétaire général António Guterres, ont rappelé la solution prévue par le droit : « Deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité à l’intérieur de frontières reconnues, sur la base des lignes antérieures à 1967. »
Quelle serait l’autre solution ? Ne pas appliquer le droit international, c’est entériner la loi du plus fort, où la force est le droit. Cela implique encore plus de violences ; or cette région en a déjà beaucoup trop connu. L’annexion aggraverait fortement les tensions qui traversent la région.
Un autre chemin est possible. Ces dernières années, nous avons observé un rapprochement inédit entre les pays arabes et Israël. Il existe à présent une coopération entre les pays de la région en matière de renseignement, en matière économique, mais aussi en matière culturelle. Ces relations nouvelles sont une chance, mais elles restent à l’évidence fragiles.
Les Émirats arabes unis, qui comptent parmi les pays arabes ayant des liens forts avec Israël, ont mis en garde contre ce projet d’annexion. Il mettrait un coup d’arrêt certain et immédiat au processus de normalisation des relations. Ce rapprochement est pourtant une occasion historique pour la région et pour tous ceux qui y vivent. Il rend la coexistence pacifique envisageable. Les Palestiniens ont répondu au plan de paix de M. Trump par une contreproposition qui prévoit la création d’un « État palestinien souverain, indépendant et démilitarisé ». Le principe d’un État palestinien démilitarisé aux côtés d’Israël avait été accepté par Benyamin Netanyahou lors de son discours de juin 2009 à l’université israélienne Bar-Ilan.
La Palestine et Israël sont à un tournant de leur histoire : la solution à deux États, souverains et coexistant pacifiquement, est possible. Il ne faut pas renoncer à la négociation, mais saisir les mains tendues.
Ne laissons pas l’histoire se répéter. Le respect des instances internationales est une exigence indispensable pour assurer les conditions de la paix et du progrès. Le projet d’annexion détruira tout espoir d’un État palestinien indépendant. Il ne faut pas donner plus d’arguments aux extrémistes qui ne cherchent que le chaos.
Ce qui vaut pour l’annexion vaut également pour le processus de colonisation des territoires palestiniens par Israël. Les violations du droit international doivent cesser pour qu’une paix durable puisse exister. « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître », nous rappelle Rousseau. Personne n’a intérêt à la loi du plus fort !
Alors, quelle doit être la réponse de la France à ce projet d’annexion ? Elle ne peut pas, bien sûr, soutenir la violation du droit international. La réponse de la France doit être européenne. L’Union a déjà fait savoir qu’elle s’opposerait à une telle annexion.
Si Israël ne renonce pas à ce projet, nous voulons que l’Europe fasse entendre sa voix. La diplomatie européenne doit dépasser les incantations et défendre ses valeurs et ses principes, en particulier la protection des minorités.
L’Europe a en outre les moyens de peser contre cette décision d’annexion en tant que premier partenaire commercial de l’État hébreu. L’Union européenne a su faire naître la paix sur un vieux continent, divisé et belliqueux, autrement que par la guerre. Elle doit s’engager en faveur de la paix au Moyen-Orient, car elle ne manquerait pas de souffrir d’une reprise des hostilités.
Dans un village mondial où la violence est monopole d’État, seul le respect du droit saura structurer une société planétaire pacifiée. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’histoire déjà trop longue du conflit israélo-palestinien, le 1er juillet 2020 fera date comme point de départ d’une nouvelle étape. C’est en effet à partir de ce jour que le gouvernement israélien devra se prononcer sur la mise en œuvre du plan de paix de l’administration Trump relatif au Proche-Orient.
Ce plan, présenté en janvier dernier comme le « deal du siècle », ne propose rien de moins que l’annexion par Israël de la vallée du Jourdain et des colonies juives de Cisjordanie, soit environ le tiers de la superficie de cette dernière, en échange de la reconnaissance d’un État palestinien à la souveraineté diminuée, sans armée ni contrôle sur ses frontières, et sans Jérusalem.
Ce plan, bien évidemment fait sien par le Premier ministre israélien et rejeté par les Palestiniens, marque tout d’abord une rupture.
Une rupture avec le consensus international, car il jette aux orties les accords d’Oslo de 1993, qui devaient aboutir à la création mutuellement acceptée de deux États souverains, avec des frontières stables et Jérusalem pour capitale partagée.
Une rupture, aussi, car c’est la première fois qu’un plan de résolution prend pour point de départ une situation de fait, celle de la colonisation, et non la situation depuis longtemps artificielle que reconnaît le droit international.
Une initiative unilatérale d’Israël vers l’annexion serait considérée comme une violation du droit international ; elle créerait, de surcroît, un risque de chaos dans la région, ce qui aurait des conséquences terribles pour la population, le risque de flambée de la violence au Proche-Orient étant au plus haut.
Telle est la position de la France et de la plupart de ses partenaires occidentaux. Cependant, cette seule position ne nous permet pas d’influer sur la situation, car nous en sommes réduits aux protestations de principe qui sont, avouons-le, sans grande portée.
Conscients des enjeux, les États européens tentent en effet de faire valoir la prévalence du droit international.
Alors que l’Union européenne, premier partenaire économique d’Israël, pourrait être en position de force, notre désunion nous rend inaudibles. La politique étrangère de l’Union se décidant à l’unanimité des États membres, il lui faut trouver des compromis, d’autant plus délicats que l’héritage de la Shoah s’ajoute aux enjeux stratégiques et économiques.
Cet attentisme forcé est d’autant plus dommageable que ce qui serait vécu comme une humiliation par les Arabes pourrait très bien avoir des répercussions jusque dans notre pays, notamment dans nos quartiers les plus sensibles. Au-delà même de l’Union européenne, la pression internationale s’était déjà révélée inefficace pour lutter contre le processus de colonisation. Le soutien indéfectible de Washington au gouvernement Netanyahou, depuis quatre ans, surpasse le reste. Pour comble, il vient même accélérer le processus, l’État hébreu souhaitant agir vite dès lors que les élections américaines de novembre prochain pourraient conduire à un changement d’administration.
La perspective de l’annexion pose également de graves questions au sein même du peuple israélien. Ce serait en effet une erreur de considérer celui-ci comme un bloc monolithique, uni derrière son Premier ministre.
M. Christian Cambon. Tout à fait !
M. Olivier Cigolotti. Certains Israéliens voient ainsi dans cette perspective une aubaine à saisir, quand d’autres la considèrent comme un cadeau empoisonné. D’autres encore jugent que le plan Trump ne va pas assez loin et que la Cisjordanie et Gaza appartiennent à Israël.
Cependant, la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19 incite d’autant plus les Israéliens à la prudence qu’ils sont conscients des troubles sécuritaires qu’occasionnerait l’annexion. Autant dire que l’idée est loin de faire consensus.
Il est donc permis de croire que la population israélienne est moins naïve que certains aimeraient le penser, car bien consciente que ce plan de paix permettra tout sauf, justement, la paix.
Comment imaginer un seul instant qu’un État palestinien non viable, à la souveraineté limitée, puisse jamais être accepté par son peuple et, si tant est qu’il le soit, puisse vivre normalement ?
Le découpage de la Cisjordanie proposé par le plan Trump ne répond à aucune logique, mais s’apparente à une succession d’enclaves sans aucune cohérence, à une conurbation désordonnée.
À l’extérieur des frontières d’Israël et de la Palestine, l’annexion entraînerait nécessairement une réaction des pays arabes voisins. Malgré leur lassitude à l’égard de ce conflit, ils ne peuvent rester sans réagir, au risque de se décrédibiliser aux yeux de leur opinion publique.
Les Émirats ont d’ailleurs récemment mis en balance la perspective de leur normalisation des relations avec l’État hébreu dans l’espoir de faire pencher la balance vers la retenue.
La Jordanie serait, pour sa part, sans doute contrainte de remettre en cause sa coopération avec Tel-Aviv, notamment concernant les lieux saints de Jérusalem. Ce pays devrait en outre se préparer à voir arriver de nouveaux flux de réfugiés en provenance de la vallée du Jourdain, ce qui mettrait gravement en danger son économie et sa cohésion déjà si fragiles. Le risque de déstabilisation de la région est donc immense.
La question de l’eau me semble également être une donnée cruciale du conflit. L’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin l’expliquait déjà en 1992 : « Si nous réglons tous les problèmes du Proche-Orient, mais pas celui du partage de l’eau, la région explosera. La paix ne sera pas possible. »
La question centrale et inquiétante de l’accès à l’eau des territoires palestiniens est pourtant posée par l’annexion de la vallée du Jourdain. Faut-il y voir la fin de l’agriculture palestinienne et donc l’apparition d’une certaine insécurité alimentaire pour ces territoires ?
La mise en œuvre de l’annexion des colonies et de la vallée du Jourdain constitue donc une manœuvre infiniment dangereuse, qui déstabilisera encore plus une région déjà soumise à de multiples tensions.
Pour satisfaire la frange la plus extrême de l’opinion israélienne, elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout, au premier rang desquels le statut des Palestiniens eux-mêmes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons garder en mémoire cette citation d’Albert Einstein : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui le regardent sans rien faire. » (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)