Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est tout à fait singulier de débattre en cet instant d’un texte dont, selon toute vraisemblance, certaines dispositions initiales ne s’appliqueront jamais.
Si, comme le disait Pierre Mendès France, « gouverner c’est prévoir », et s’il fallait bien prévoir l’hypothèse d’un report de ces élections, compte tenu des délais constitutionnels et du nécessaire respect du Parlement, la méthode proposée ne cesse de nous étonner.
Quoi qu’il en soit, sur la forme, je me réjouis que nous puissions prochainement tourner la page de ces élections municipales. Mais il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, c’est la Bigourdane que je suis qui vous le dis ! (Sourires.)
En effet, il aurait été intenable de continuer pendant presque un an avec ce mélange d’élus sortants et de nouveaux élus qui, dans nos territoires, serait venu mettre à mal l’équilibre de nombreuses intercommunalités – elles n’ont pas besoin de cela ! –, sur lesquelles il faudra compter pour relancer notre économie. Je profite d’ailleurs de cette prise de parole pour saluer les nombreux maires sortants, certains mêmes battus, qui se sont acquittés jusqu’au bout de leur mandat afin de garantir le bien-être, la sécurité et l’intérêt général de leurs administrés durant cette période de crise. C’est aussi cela, le sens du service public !
Pour en revenir au texte, je tiens à saluer le choix de notre commission et de son rapporteur de ne pas légiférer sur de l’hypothétique ; je pense au report des élections municipales, mais aussi au renouvellement de nos collègues sénateurs de la deuxième série.
Comme cela a été rappelé, si nous devions reporter ce second tour, rien ne s’opposerait à l’adoption d’une nouvelle loi de report, qui cette fois se concentrerait non pas sur des hypothèses, mais bien sur des faits et une situation qui se serait passablement dégradée.
Sur le scrutin qui nous attend le 28 juin, il y a fort à parier que nous ne puissions manifestement pas garantir aux citoyens d’avoir deux procurations, et nous le regrettons.
Après la faible participation du premier tour, il aurait été de bonne politique de faciliter le recours aux procurations, dans le prolongement de nos débats de la semaine dernière. Ce scrutin pourra sans doute se tenir, mais il faut garder en tête que le virus est toujours là, et beaucoup de personnes fragiles ou même atteintes par le virus n’iront pas voter.
Pour ce qui concerne les débats sur le vote par correspondance, il aurait été, à mon sens, trop complexe de mettre en œuvre ce dispositif dans des délais aussi brefs, ce qui aurait soulevé au passage trop d’incertitudes et d’insécurité juridique.
Sur l’installation des comités syndicaux, le calendrier des délibérations indemnitaires ou encore les délais de convocation des assemblées communautaires, les membres du RDSE souscrivent pleinement aux modifications proposées par la commission, qui viennent clarifier la situation.
La principale inquiétude qui demeure est celle pesant sur le renouvellement de nos collègues représentant les Français de l’étranger, du fait du report de l’élection des conseils consulaires. Celui-ci était inévitable et nous conduit à proroger le mandat des conseillers sortants jusqu’à la fixation de nouvelles élections.
Si la date de mai 2021 doit pouvoir être retenue, nous ne sommes pas à l’abri de difficultés, car nous ne pouvons prévoir l’évolution de l’épidémie dans le monde.
Le recours au vote par correspondance ne suscite aucune opposition de notre part, compte tenu du caractère très particulier de ce scrutin.
Vous l’aurez compris, le RDSE approuvera ce texte. Délesté, grâce au travail du Sénat et de notre rapporteur, de ses dispositions hypothétiques, il permettra que ces scrutins se déroulent de la meilleure des manières. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Di Folco. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début de la séance, nous discutions d’un projet de loi « relatif à diverses dispositions ». Nous poursuivons maintenant avec un texte qui, dans la version au titre fort long que nous avait transmise l’Assemblée nationale, portait essentiellement sur des dispositions virtuelles.
En ces temps de crise sanitaire exceptionnelle, nous avons désormais, malheureusement, pris l’habitude de consentir à des mesures tout aussi exceptionnelles, souvent dans l’urgence, avec conscience des enjeux, prudence et discernement. C’est pourquoi ce projet de loi ne surprend guère.
Il vise, de prime abord, à annuler le second tour des élections municipales de 2020, ainsi qu’à reporter les élections consulaires, alors même que, il y a une semaine à peine, nous votions une proposition de loi de notre collègue Cédric Perrin portant sur ces élections. À ce moment-là, le Gouvernement nous indiquait que certaines mesures de facilitation de l’organisation du vote prévues dans la proposition de loi trouveraient leur place dans ce projet de loi annulant les élections. Celui-ci a ainsi été proclamé « vecteur législatif approprié » pour parler de leur bon déroulement.
Certains députés de la majorité ont ainsi repris l’idée de doubles procurations, présente dans la proposition de loi du Sénat, et l’ont inscrite dans un texte qui, en même temps, établit un régime d’annulation hypothétique de ces mêmes élections. Vous avouerez que c’est un peu surréaliste !
Pourquoi un régime hypothétique ? Parce qu’il implique que le second tour pourrait être annulé par simple décret si la situation sanitaire à la veille du scrutin l’imposait. Pourquoi pas ? Une dégradation subite de la situation sanitaire, même si elle est peu probable, n’est pas impossible.
Cependant, légiférer de la sorte présente des difficultés. Dans son avis, le Conseil d’État relève avec sa prudence coutumière l’étrangeté d’une situation dans laquelle il est appelé à se prononcer sur des dispositions, sans que les conditions requises pour décider de leur mise en œuvre soient réunies.
Les parlementaires sont désormais placés face à la même situation, et nous sommes nombreux à ne pas apprécier cette manière de procéder. Notre commission, sur l’initiative de son président et rapporteur Philippe Bas, s’est efforcée de clarifier les choses : « Le Parlement n’a pas vocation à trancher des questions hypothétiques, cela non seulement parce qu’il y a une infinité de situations possibles, mais aussi et surtout en raison des fragilités constitutionnelles d’une pareille démarche. » En effet, le Conseil constitutionnel a déjà sanctionné par le passé des cas dans lesquels le législateur laissait à l’exécutif le choix de l’entrée en vigueur ou non de dispositions législatives.
Par contraste, le dispositif de l’article 5 soulève moins d’interrogations. Certes, il permettra au Gouvernement d’annuler le scrutin dans les communes les plus touchées par l’épidémie. Mais ce sera selon des conditions très strictes, et la mise en œuvre effective de l’article dans certains cas est probable, le virus continuant de circuler fortement dans plusieurs territoires, comme ceux d’outre-mer.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a supprimé les dispositions virtuelles du texte, se plaçant ainsi dans la continuité de Montesquieu lorsqu’il écrivait : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » Elle a œuvré pour renforcer ce qui est nécessaire et a introduit des garanties importantes pour le bon déroulement des élections du 28 juin, notamment à partir de mesures déjà présentes dans la proposition de loi sénatoriale tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales et l’organisation du second tour des élections municipales de juin 2020.
Parmi ces garanties, il y a la possibilité d’établir une procuration en faveur d’un proche, des aménagements pour cette mise en place au bénéfice d’électeurs vulnérables, ou encore la garantie que des équipements de protection soient mis à disposition des électeurs dans les bureaux de vote.
Outre ce qui concerne directement les élections municipales, le projet de loi comprend désormais un certain nombre d’autres éléments.
Il s’agit, par exemple, de dispositions visant à prolonger des aménagements très concrets au fonctionnement normal des collectivités durant les mois à venir. Ceux-ci contribueront à concilier sécurité sanitaire et bon déroulement de la vie des institutions locales. D’autres éléments permettront de rétablir des délais plus en phase avec le droit commun pour le contentieux électoral du scrutin du 15 mars, ou encore d’ajuster certaines dispositions relatives aux grands électeurs en Polynésie.
Le troisième volet de ce texte concerne la représentation des Français de l’étranger. La situation sanitaire globale a rendu le report des élections consulaires inévitable, et nous en prenons acte par la fixation d’une date certaine en mai 2021. Toujours dans la lignée de ce qui a été voté, nous proposons aussi le vote par correspondance sur support papier qui, associé à des garanties procédurales, nous semble approprié en ces temps d’obstacles à la mobilité.
Je tiens à signaler ici la reprise, sur l’initiative de nos collègues représentants des Français de l’étranger, d’un certain nombre d’avancées issues de plusieurs textes que notre assemblée a déjà votés, pour certaines pas plus tard que le 19 mai dernier. D’autres figurent déjà dans la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, mais ont vu leur calendrier remis en cause par le report des élections consulaires. Par exemple, nous permettrons à des élus de présider les conseils consulaires dès octobre 2020, répondant ainsi à une demande ancienne.
En somme, grâce à l’adoption en commission d’amendements relatifs à ces sujets, le projet de loi permettra une entrée en vigueur rapide et effective de ce qui a déjà été promulgué, et donnera de nombreuses autres garanties aux représentants des Français de l’étranger.
Pour conclure, c’est à raison que la commission des lois a recentré le texte sur des mesures nécessaires à l’organisation des élections municipales. Non pas qu’il ne faille pas être prêt à toute éventualité ; nous avons récemment démontré à cet égard que nous étions capables de travailler dans des conditions de temps très contraintes, alors que c’était réellement nécessaire. Mais il nous semble peu judicieux de recourir à des lois virtuelles pour parer à toute éventualité. Au contraire, nous préférons être proactifs et pragmatiques sur des sujets réalistes, tels que l’organisation du second tour des élections municipales ou la représentation des Français de l’étranger.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains approuve le travail réalisé en commission et sera favorable à cette version modifiée du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre. Je serai bref, afin que nous puissions entrer dans le vif du débat. Je ne répondrai pas à l’ensemble des questions – nous y reviendrons à l’occasion de l’examen des amendements –, mais reviendrai sur l’état d’esprit du Gouvernement et sur la situation anachronique que vous avez soulignée.
Le Gouvernement a pour volonté de prévoir l’hypothèse la plus défavorable, celle qui nous conduirait à l’annulation du scrutin, afin de ne pas être contraints de mobiliser l’Assemblée nationale et le Sénat dans l’urgence, alors même que nous disposons de délais nous permettant d’anticiper. C’est un choix, qui peut être considéré comme discutable, et qui est discuté : j’ai bien entendu votre position, monsieur le président Philippe Bas, ainsi que la commisération que vous avez exprimée à l’égard de l’Assemblée nationale.
Je comprends cette commisération, mais j’ai trop de respect pour l’Assemblée nationale, au sein de laquelle j’ai siégé quelques années, pour partager ce sentiment de pitié que l’on a pour autrui…
Ce qui compte désormais, c’est d’avancer. J’ai bien noté votre volonté de « nettoyer » un certain nombre d’éléments. Nous allons le faire, même si la commission mixte paritaire sert aussi à cela. Surtout, je comprends votre position, qui est parfaitement légitime. En même temps, j’ai relevé que vous n’alliez pas rejeter le texte, ce qui permettra à l’Assemblée nationale de débattre dans un calendrier incluant le deuxième avis du conseil scientifique, lequel doit intervenir le 14 juin.
La commission mixte paritaire, ainsi totalement éclairée, pourra prendre des décisions définitives le 15 juin et nous aurons alors la possibilité de mettre en œuvre les dispositifs prévus, notamment la double procuration – nous verrons sous quelle forme –, dans des délais raisonnables.
Pour ce qui relève du domaine réglementaire, nous avons d’ores et déjà produit plusieurs textes. Ainsi avons-nous prévu que les procurations établies pour le second tour qui devait se dérouler en mars étaient valables pour celui du 28 juin. D’autres mesures réglementaires sont mises en œuvre. Un décret a été transmis au Conseil d’État afin que nous puissions gagner du temps et lancer certains dispositifs avant même l’adoption éventuelle du texte par la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission
projet de loi tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires
Article additionnel avant l’article 1er A
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A :
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Dans les communes de 1 000 habitants et plus, dans les secteurs des communes mentionnées au chapitre IV du titre IV du livre Ier du code électoral et dans les circonscriptions de la métropole de Lyon où le premier tour organisé le 15 mars 2020 n’a pas été conclusif, les résultats de ce premier scrutin sont annulés et un nouveau scrutin à deux tours est organisé en mars 2021. Ce scrutin est convoqué par décret en conseil des ministres au moins six semaines avant l’élection.
II.- Dans les communes concernées, par dérogation à l’article L. 227 du code électoral, le mandat des conseillers municipaux, des conseillers d’arrondissement et des conseillers de Paris en exercice est prolongé jusqu’au nouveau scrutin. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’à cette même date.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord vous présenter mes excuses, car certains de mes propos auront peut-être déjà été tenus. Mais on ne sait pas si les règles de fonctionnement de l’hémicycle autorisent les auteurs des amendements à participer à la discussion générale…
À l’occasion de la présentation de cet amendement, je voudrais, monsieur le ministre, vous faire part de mon nom incompréhension, pour ne pas dire de mon indignation, concernant le second tour des élections municipales.
Le Sénat se doit de défendre les collectivités territoriales d’une manière générale. Or les conditions d’exercice de cette rencontre essentielle entre le citoyen et l’élu municipal, celui auquel le citoyen est le plus attaché, car c’est lui qui marie et qui est présent dans les moments difficiles d’une famille, ne sont pas acceptables.
Les choses se sont très mal passées, au mois de mars, dans ces circonstances exceptionnelles ! La participation nationale a été extrêmement faible, à hauteur de 44 %. Je veux porter ici la voix des 56 % d’abstentionnistes, qui ont exprimé leur désaccord quant aux conditions d’exercice de cette rencontre entre les citoyens et un projet municipal essentiel pour la commune.
Encore une fois, cela est très mal passé, mais les circonstances étaient exceptionnelles. Il ne faut pas renouveler la faute en prévoyant un second tour aussi éloigné du premier tour et des préoccupations de nos concitoyens, lesquelles sont actuellement d’ordre économique ou sanitaire. Ils sont à mille lieues de penser à la vie municipale, au projet municipal !
Voyez les résultats : 28 % à Nice, 32 % à Marseille, une ville dont vous êtes proche, monsieur le ministre, et qui est la deuxième de France. Trois citoyens sur dix, seulement, sont allés voter ! On s’étonnera, ensuite, du manque de représentativité des corps intermédiaires…
C’est à croire que le Gouvernement et le président de la République ont voulu punir ces corps intermédiaires afin qu’ils ne disposent pas de cette représentativité. Il ne faudra pas s’étonner non plus que d’autres acteurs veuillent intervenir dans la vie publique pour manifester leur désapprobation !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Dominati. J’y insiste, les conditions prévues pour la campagne sont inacceptables. Devrais-je tendre un tract avec une perche d’un mètre cinquante, ou organiser une réunion de moins de dix personnes ? Et vous considérez que ce sont des conditions naturelles !
Mme la présidente. Il vous faut vraiment conclure !
M. Philippe Dominati. Enfin, je suis triste pour mon pays. Donner des leçons de démocratie à certains pays européens, comme la Pologne ou la Hongrie, et faire cela…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est bon que nous abordions cette question. Je comprends la thèse que développe Philippe Dominati.
Il est absolument exact que le taux de participation au premier tour des élections municipales était anormalement faible. Il était toutefois un peu plus élevé qu’au second tour des élections législatives de 2017. Or je ne sache pas que l’on ait remis en cause la légitimité de l’Assemblée nationale du fait de la faiblesse du taux de participation… Si nous devions le faire, nous serions dans un grand embarras : à partir de quel niveau considère-t-on que la participation est suffisante pour qu’un scrutin soit valable ?
Après tout, dans notre pays, la participation aux élections est libre. Si nous devions faire un arbitrage portant sur la légitimité des élections en fonction du taux de participation, nous serions en grand danger, compte tenu d’un certain nombre d’évolutions.
Nous cherchons, pour notre part, à faire en sorte que la participation soit la plus élevée possible le 28 juin prochain. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit des dispositions sur le vote par procuration et sur la sécurité dans les bureaux de vote.
Le contexte n’est plus tout à fait le même que le 15 mars dernier puisque tous les clignotants sont désormais au vert sur l’ensemble du territoire national ou presque. Il est grand temps que nous refermions cette période électorale d’un type tout à fait particulier. Il faut s’en tenir à la règle démocratique habituelle et ne pas tirer de la faiblesse de la participation des conséquences quant à la légitimité des élus.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, ministre. Vous avez parlé, monsieur le sénateur, d’incompréhension et d’indignation à propos de l’organisation du second tour des élections municipales. Vous avez parfaitement le droit de dire cela, mais je tiens à préciser que le Gouvernement a veillé à rencontrer la totalité des associations d’élus, lesquelles ne pensent pas comme vous : toutes ont approuvé les dates du 21 ou du 28 juin pour la tenue des élections.
La quasi-totalité des partis politiques a fait de même. La France insoumise a déclaré son désaccord sur la date du 28 juin. Le Rassemblement national ne s’était pas exprimé lors du tour de table organisé par le Premier ministre, mais il a ensuite fait part de son désaccord. La plupart des autres partis politiques se sont dits favorables à la tenue des élections. C’est aussi sur cette base que le Gouvernement a décidé de faire ce choix, car il est important d’écouter les corps intermédiaires, notamment les associations d’élus.
Je m’inscris en faux sur un point, monsieur le sénateur. Je ne considère pas – peut-être parce que j’ai été maire pendant seize ans – que les maires constituent un corps intermédiaire.
Les corps intermédiaires ont vocation à faire la transition, le lien, entre une institution et une autre, une représentation et une autre. Les maires, quant à eux, sont élus, ainsi que leur conseil municipal. Ils peuvent légitimement travailler avec l’État, mais ils ne relèvent en aucun cas des corps intermédiaires.
L’avis est défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je vais probablement retirer mon amendement, les conditions d’un réel débat dans l’hémicycle n’étant pas réunies. Il est en effet regrettable que ce problème de fond n’ait pas fait l’objet d’un débat politique devant le Parlement, même si le Gouvernement a évoqué cette possibilité.
Vous avez raison, monsieur le ministre, il y a une sorte de consensus des partis politiques, lesquels sont largement représentés dans cette assemblée. Je parlais simplement, quant à moi, au nom des 56 % de Français qui n’ont pas voté au premier tour de cette élection de proximité, ce qui est selon moi regrettable.
Je retire donc cet amendement, puisque ce n’est pas dans cette configuration réduite de l’hémicycle que l’on peut aborder tranquillement ce débat. Le consensus national existe, mais c’est celui des partis politiques !
Mme la présidente. L’amendement n° 23 est retiré.
Article 1er A
Au plus tard quinze jours avant le second tour de l’élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, organisé le 28 juin 2020, est remis au Parlement un rapport du Gouvernement, fondé sur une analyse du comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, se prononçant sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue de ce scrutin.
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par MM. Leconte, Sueur, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. La science a pour vocation la recherche, le doute, la contextualisation d’une situation ou d’une observation, et non pas la prise de décision à la place du politique. Cela pourrait donner lieu à de nombreux débats… Nous ne sommes pas là pour sous-traiter nos travaux à des comités scientifiques. Nous devons, en revanche, être vigilants et évaluer les situations, afin d’éviter que ne se reproduise ce qui s’est passé le 15 mars.
Monsieur le rapporteur, je vous invite à vous écouter vous-même, en inscrivant dans la loi seulement ce qui est utile. Le délai de remise du rapport prévu dans cet article sera échu, alors même que la présente loi ne sera pas encore votée !
Cet article étant donc inutile, j’en propose la suppression.
M. Jean-Pierre Sueur. Excellent !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Tout au contraire, la commission a estimé que c’était utile ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a maintenu cet article.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, ministre. Tout d’abord, la disposition prévue à l’article 1er A ne relève pas forcément du domaine législatif.
Par ailleurs, au-delà du caractère amical de nos échanges, nous avons une relation de confiance. J’ai ainsi pu annoncer que le Gouvernement avait sollicité, avec une échéance au 14 juin – le président Philippe Bas l’a évoqué –, la production de ce rapport, lequel est donc déjà commandé.
Je rejoins le questionnement de M. Leconte sur la place de la science dans le débat public et dans la décision politique. Sur ce sujet, ce qui s’est passé au cours des derniers mois a pu donner un éclairage différent dans de nombreux pays.
L’avis du Gouvernement est favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. La discussion devrait se dérouler dans de très bonnes conditions ! En effet, le rapporteur reprend le rôle du Gouvernement en proposant des dispositions qui ne s’appliqueront pas, et le Gouvernement fait preuve de réalisme… On devrait pouvoir converger ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur-président, nous connaissons vos qualités, mais dans la spécialité tautologique, vous vous surpassez !
Vous nous dites que cet article est utile parce qu’il est utile. Or il est évident qu’il est inutile, puisque le rapport sera produit le 14 juin prochain, que la commission mixte paritaire se réunira éventuellement après cette date, et que la loi sera donc forcément promulguée plus tard.
Je ne comprends pas votre attitude, qui relève d’une sorte de fidéisme tautologique. Je pense néanmoins que vous aurez été convaincu, comme nous, par la sagesse du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L’article 1er A est adopté.)
Article 1er
(Supprimé)
Article 1er bis
I (nouveau). – Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, le présent article s’applique au second tour de l’élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, organisé en juin 2020.
Le présent article est applicable sur tout le territoire de la République.
II (nouveau). – Les autorités compétentes pour établir la procuration en informent, par voie électronique, la préfecture de département du mandant. Cette dernière en informe, également par voie électronique, la commune du mandataire.
Le mandataire est informé de la demande d’établissement d’une procuration et des conditions d’organisation du vote. Il est informé par voie électronique ou, lorsqu’il n’a pas accès à un moyen de communication électronique, par voie postale.
III. – Chaque mandataire peut disposer de deux procurations, y compris lorsqu’elles sont établies en France.
Si cette limite n’est pas respectée, les procurations qui ont été dressées les premières sont les seules valables. La ou les autres procurations sont nulles de plein droit.
IV (nouveau). – Le mandataire doit être inscrit dans la même commune que le mandant, sauf lorsqu’il dispose de la procuration de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin, d’un ascendant, d’un descendant, d’un frère ou d’une sœur.
V (nouveau). – À leur demande, les électeurs suivants disposent du droit à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir ou retirer leur procuration :
1° Personnes souffrant d’une vulnérabilité physique, selon une liste fixée par le Haut Conseil de la santé publique et y compris lorsqu’elles sont accueillies dans des hébergements collectifs ;
2° Personnes infectées par le covid-19 ou récemment exposées à un risque d’infection, y compris lorsqu’elles sont mises en quarantaine ou placées en isolement.
Les électeurs peuvent saisir les autorités compétentes par tout moyen. Elles se déplacent au domicile du mandant sans exiger de justificatif.
VI (nouveau). – Au sein du bureau de vote, des équipements de protection adaptés sont mis à la disposition des électeurs qui n’en disposent pas et des personnes participant à l’organisation ou au déroulement du scrutin.
Les dépenses résultant du présent VI sont à la charge de l’État.
VII (nouveau). – Le président du bureau de vote fixe le nombre maximal de personnes autorisées à participer ou à assister au dépouillement. Chaque candidat ou liste de candidats a le droit de disposer d’au moins un représentant.
Le résultat du scrutin est rendu public dès la fin du dépouillement.