Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 6
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
 

5

 
Dossier législatif : projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires
Discussion générale (suite)

Élections municipales et consulaires de 2020

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020, organisation d’un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires (projet n° 491, texte de la commission n° 494, rapport n° 493).

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires
Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 23

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le 15 mars dernier, les électeurs de 30 143 communes de France ont élu des conseils municipaux complets à l’issue du premier tour de scrutin.

Dans ces communes, après un délai dû à la crise sanitaire que nous avons traversée et traversons encore, les conseils municipaux ont pu se réunir, les maires et les adjoints ont pu être élus, la vie locale peut reprendre son cours. Vous aviez souhaité, M. le président Philippe Bas en particulier, l’accélération du calendrier ; nous l’avons fait – c’était utile – pour l’installation de ces conseils municipaux.

Cependant, dans 4 855 communes, le premier tour du scrutin n’a pas permis d’élire des conseils municipaux complets.

Vous connaissez les conséquences : dans ces communes, les exécutifs élus en 2014 sont toujours en place. Dans ces communes, l’économie locale et les grands projets sont en partie suspendus. Dans ces communes, les intercommunalités, si importantes pour la vie de nos collectivités et de nos concitoyens, n’ont pas encore pu reprendre le format « normal » de leurs activités.

Il nous fallait donc donner un horizon à ces communes, et déterminer une échéance pour clore le cycle électoral entamé le 15 mars. Cette volonté, je sais combien vous y êtes, dans cette assemblée, tout particulièrement attachés. Vous vous en êtes fait l’écho ; je la partage.

Dans la loi du 23 mars 2020, vous aviez fixé un cadre très clair et très précis : soit, après avis du conseil scientifique, il était possible d’organiser le second tour avant la fin du mois de juin ; soit le contexte sanitaire ne permettait pas la tenue d’un second tour avant fin juin et nous devions, le cas échéant, prévoir l’organisation de nouvelles élections, premier et second tours, dans les communes concernées.

Le 18 mai – vous le savez –, le conseil scientifique a rendu son avis. Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons ensuite consulté les associations d’élus et les formations politiques.

Une décision a alors été prise – une décision prudente et responsable – : celle d’organiser le second tour des élections municipales le 28 juin.

« Prudente et responsable », disais-je, car cette décision doit permettre de clore ces élections municipales, mais s’accompagne de prescriptions destinées à assurer la sécurité sanitaire de la campagne et des opérations de vote. S’il s’agit d’une décision responsable, c’est aussi parce que, comme toutes les décisions que nous avons dû prendre dans le cadre de la gestion de l’urgence sanitaire et de la crise du Covid-19, elle est réversible. Sa réversibilité s’appuie évidemment sur l’avis du conseil scientifique, dont le projet de loi prévoit qu’il doit évaluer si la situation sanitaire permet ou non la tenue du scrutin.

Je sais l’attachement de cette assemblée à ce qu’un nouveau rapport du conseil scientifique soit remis. Ce vœu a été exaucé avant-hier, s’agissant du premier de ces rapports, et le conseil a une nouvelle fois estimé que, sous réserve du respect de certaines règles sanitaires, pour la campagne électorale comme pour l’organisation du scrutin, la situation épidémiologique permettait que ce second tour des élections municipales et communautaires se tienne le 28 juin prochain.

J’ajoute, pour être complet, que le conseil scientifique a attiré l’attention du Gouvernement sur Mayotte et sur la Guyane, ainsi que sur d’éventuelles situations locales, qui pourraient voir la circulation du virus s’intensifier et les risques augmenter. Vous l’avez compris : le Gouvernement a souhaité par avance tenir compte de telles hypothèses ; c’est le sens de l’amendement présenté à l’Assemblée nationale visant à permettre le report localisé de l’élection du fait de circonstances sanitaires spécifiques.

Le conseil scientifique a en outre indiqué qu’il rendrait un nouveau rapport le 14 juin, c’est-à-dire deux semaines avant la date prévue du scrutin. Si, par malheur, la situation sanitaire se détériorait d’ici là, il se pourrait que nous devions annuler la tenue du second tour le 28 juin.

Évidemment, je ne le souhaite pas, je ne l’espère pas ; mais nous devons nous tenir prêts. C’est le sens même du texte que nous examinons aujourd’hui. La situation est certes, légistiquement parlant, assez paradoxale, puisque coexistent un décret pris en conseil des ministres portant convocation des électeurs le 28 juin et un projet de loi présenté le même jour en conseil des ministres, dont nous sommes en train de débattre, qui prévoit l’annulation de cette élection. C’est pour anticiper ce risque qui, au moment où nous parlons, apparaît marginal, qu’il a fallu prendre une telle disposition pour les 4 855 communes concernées.

Nous pourvoyons donc à l’éventuelle annulation du second tour – et je ne serai pas plus bavard que cela sur ce sujet.

Deux précisions me semblent importantes, toutefois.

Premièrement, dans les communes de moins de 1 000 habitants où l’ensemble des conseillers municipaux n’ont pas été désignés à l’issue du premier tour, les élus du 15 mars ont été élus définitivement. L’éventuel nouveau cycle électoral ne portera donc que sur le renouvellement des sièges encore vacants, et les nouveaux élus entreront en fonction à l’issue du nouveau scrutin. J’ajoute qu’il en va de même pour les conseillers d’arrondissement et conseillers de Paris élus au premier tour.

Deuxième précision, qui s’inscrit dans la droite ligne des préconisations du conseil scientifique : le texte issu de l’Assemblée nationale permet désormais, si la situation sanitaire n’autorisait pas la tenue du scrutin dans un territoire précis, d’annuler les opérations électorales dans les communes concernées, sans pour autant annuler le second tour sur l’ensemble du territoire.

La jurisprudence avait déjà validé la possibilité d’annulations partielles liées, par exemple, à des coulées de boue ou à des tremblements de terre. Mais, dès lors que l’annulation pourrait porter sur des territoires plus larges, plafonnés, dans l’amendement présenté par le Gouvernement, à 5 % des communes pour lesquelles un second tour est nécessaire, nous avons souhaité sécuriser le dispositif. Je précise qu’aujourd’hui la question est essentiellement susceptible de se poser, compte tenu de l’avis du conseil scientifique, à Mayotte et en Guyane. Et, pour votre complète information, même si ce sujet n’est pas lié au texte de loi, les échanges que nous avons respectivement eus avec les élus de ces deux territoires – nous réfléchissons avec eux avant qu’une quelconque décision soit prise ; si la décision d’annuler doit être prise, elle le sera le plus tard possible – diffèrent assez largement. Nos échanges, hier encore, avec les élus de Mayotte laissent penser qu’ils n’y sont pas favorables ; en Guyane, les avis sont partagés. En tout état de cause, aucune décision n’est prise pour le moment.

Ce texte organise par ailleurs la continuité de la vie des institutions locales.

Dans les communes où un vote resterait à organiser, le mandat des élus actuellement en place serait prolongé, y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants où des conseillers municipaux restent à désigner.

Concernant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), chacun a en tête, ici plus qu’ailleurs, leur rôle central dans l’investissement comme dans l’organisation des services publics du quotidien ; ce rôle justifie qu’ils reprennent le travail, en tenant compte des élections. Le texte prévoit donc la réunion d’assemblées « mixtes » composées de nouveaux élus et d’élus dont le mandat est prolongé. Dans ces EPCI, un exécutif provisoire sera désigné jusqu’aux nouvelles élections.

Troisième finalité de ce texte : permettre la clôture du cycle électoral engagé, y compris si le second tour ne pouvait pas se tenir. Ainsi, le projet de loi prévoit le remboursement des frais de campagne engagés par les listes au titre des scrutins prévus les 15 et 22 mars et le 28 juin.

Quatrième objectif de ce texte concernant les élections municipales : donner à chaque Française et à chaque Français l’occasion de se rendre aux urnes et d’exprimer son choix.

Un certain nombre de mesures réglementaires ont déjà été prises ou vont l’être pour favoriser le recueil des procurations, pour assurer la bonne publicité des professions de foi et des affiches des candidats et pour garantir l’organisation du scrutin dans le respect des règles sanitaires.

Lors de l’examen du texte, l’Assemblée nationale a souhaité aller plus loin encore et déposer des amendements pour autoriser les mandataires à porter non plus une, mais deux procurations au maximum. Le Gouvernement soutient cette initiative. Je sais que c’est également le cas du Sénat. Je m’en réjouis : ce geste est important pour les électeurs, en particulier pour les plus fragiles, que cette disposition aidera.

Un certain nombre de dispositions supplémentaires ont été ajoutées lors de l’examen du texte en commission. Nous tomberons d’accord sur beaucoup d’entre elles – je pense en particulier à quelques précisions rédactionnelles bienvenues et à des dispositions qui enrichissent le texte, par exemple la prise en compte des démissions, ou encore l’extension de la « double procuration » dans les communes où l’élection serait reportée.

Je veux en revanche d’ores et déjà confirmer que le Gouvernement est opposé à certaines initiatives – nous en reparlerons tout à l’heure.

Notre premier désaccord concerne la faculté de porter la procuration d’un membre de sa famille dans une autre ville que celle où l’on est inscrit sur les listes électorales. Lors de l’examen de la proposition de loi défendue par le sénateur Cédric Perrin, Laurent Nunez avait déjà exprimé notre inquiétude – non pas notre opposition de fond, mais notre inquiétude – à propos d’une telle disposition, en l’absence de mesure permettant de contrôler le nombre total de procurations susceptibles d’être détenues par un même mandataire, et donc le risque de fraude qui pourrait en découler.

Autre point de désaccord : le choix de la date du 1er novembre 2020 pour l’entrée en fonction des nouveaux élus là où les élections seraient reportées, date qui serait fixe, quel que soit le jour du vote. Ce choix nous interroge ; je peine à comprendre pourquoi on priverait les nouveaux élus de l’exercice de leur mandat et pourquoi l’on s’interdirait une approche au plus près des territoires, permettant l’entrée en fonction des élus dès que possible, là où ils auront pu être élus – mais nous aurons l’occasion d’en reparler tout à l’heure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi comporte deux volets. Le premier, que nous venons d’évoquer, concerne les élections municipales ; le second porte, quant à lui, sur le report nécessaire des élections consulaires.

Vous le savez, ces élections auraient dû se tenir les 16 et 17 mai dernier. C’était impossible compte tenu de la situation sanitaire et des mesures de confinement mises en place dans les différents pays du monde. Aussi le scrutin avait-il été reporté au mois de juin par la loi du 23 mars.

Là encore, nous nous sommes interrogés sur notre capacité à organiser ce scrutin, en nous fondant sur l’avis du conseil scientifique. Il apparaît clairement que l’épidémie n’est pas encore maîtrisée dans le monde, et qu’il serait impossible d’organiser ce vote dans de bonnes et égales conditions d’ici la fin du mois. On constate même, sur certains continents, une aggravation de la situation.

Le projet de loi prévoit donc de reporter ce scrutin au mois de mai 2021. Cette date nous donnerait plus de latitude quant à l’évolution mondiale de l’épidémie et permettrait de surcroît de ne pas avoir à décaler l’échéance des élections consulaires de 2026.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous nous sommes collectivement engagés en politique, c’est pour prévoir, pour anticiper, pour protéger. C’est ce que permet ce projet de loi, qui garantit en outre aux Français la continuité de la vie démocratique et de la vie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une démarche inhabituelle qu’a engagée le Gouvernement, dans des circonstances qui le sont tout autant. Tout compte fait, je ne lui reprocherai pas d’avoir convoqué les électeurs pour le 28 juin le jour même où il décidait, en conseil des ministres, de saisir le Parlement d’un projet de loi portant annulation des mêmes élections. Je pourrais le faire, car c’est étonnant…

En revanche, je lui reprocherai de nous faire débattre de ce texte sans attendre que la situation se soit éclaircie, alors qu’il avait tout le temps, précisément, d’attendre, étant rompu à l’exercice de faire délibérer le Parlement sous trois jours quand les circonstances le justifient, et alors même que nous l’acceptons dans ce contexte. En effet, monsieur le ministre – vous y attachez vous-même beaucoup d’importance, je le sais –, le Parlement n’a pas pour habitude de légiférer à blanc, en fonction de circonstances hypothétiques, alors qu’il pourrait fort bien intervenir utilement si ces circonstances se réalisaient.

Le mois dernier, nous avons compté un million de chômeurs de plus à cause de la crise provoquée par cette terrible épidémie. Les difficultés des entreprises induisent des difficultés sociales majeures, et nous devrions, nous, consacrer beaucoup de temps à reporter des élections municipales dont tout indique qu’elles vont vraiment se tenir le 28 juin ? Garder au frais, au cas où, un texte adopté par le conseil des ministres, nul ne vous en aurait fait le reproche. Mais que vous ayez fait légiférer l’Assemblée nationale qui, sans mot dire, dans tous les sens du terme, a adopté ce texte, cela m’inspire à son égard, je dois le dire, beaucoup de commisération. Et je ne voudrais pas que le Sénat soit induit à faire la même chose.

Je vous suggère, puisqu’il faudra bien que vous débranchiez ce processus législatif à un moment ou à un autre, d’accepter ce que nous allons faire. Et si jamais la situation sanitaire se dégradait, ce que personne ne prévoit actuellement, il serait toujours temps de changer de pied. Ce que nous allons faire, disais-je, c’est-à-dire purger ce texte de tout ce qui est contradictoire avec la convocation maintenue des électeurs, pour qu’il ne traite pas de questions virtuelles, mais, en revanche, maintenir dans ce texte les questions dont nous sommes certains qu’il faut les trancher.

C’est le cas pour l’élection des conseillers consulaires, les représentants de nos concitoyens de l’étranger : en l’espèce, nous sommes absolument certains qu’on ne peut pas les élire à l’échéance prévue ; on ne s’est d’ailleurs pas préparé à le faire : à la différence de ce qui se passe pour les élections municipales, aucun décret n’a été pris pour convoquer les électeurs aux élections consulaires. Sur ce sujet, nous organiserons le report en bonne intelligence avec vous.

Nous sommes certains également – et nous aimerions que vous partagiez plus encore que vous ne le faites ce point de vue – qu’il faut sécuriser, pour les électeurs, mais aussi pour les membres des bureaux de vote et les candidats, le déroulement du scrutin du 28 juin. Il est assez difficile de prendre des mesures pour sécuriser ce scrutin et en même temps de l’annuler, évidemment…

Nous allons par conséquent vous proposer d’amplifier le régime des procurations – nous discuterons des procurations données à des membres de la famille ; j’ai compris que vous étiez en désaccord avec nous sur ce point. C’est vraiment important : c’est un problème certain – tranchons les problèmes certains !

En revanche, ne créons pas de confusion dans l’esprit des élus locaux de France, qui pourraient ne pas comprendre que l’on se mette à décider ce qui se passerait, pendant la période qui s’ouvrirait si les élections n’avaient pas lieu, dans les communes de moins de 1 000 habitants où huit conseillers municipaux ont été élus et où il reste plusieurs sièges à pourvoir : élira-t-on un maire provisoire en attendant que le conseil municipal soit complété ? Quid, si les élections sont annulées, des communautés de communes dont le conseil municipal d’une ou plusieurs communes membres n’est pas complet ? Quelle confusion nous créons dans l’esprit public ! Cette confusion ne contribue d’ailleurs pas à motiver nos concitoyens à aller voter le 28 juin. Que feront-ils à force d’entendre dire que cette élection va être annulée et de voir qu’une institution réputée sérieuse – j’espère qu’elle l’est ! –, le Parlement, adopte des dispositions pour annuler un scrutin pour lequel les électeurs sont convoqués ?

Soyons attentifs, vraiment, à sortir de cette période de contradiction dans laquelle nous sommes entrés. Si je peux me permettre, en me hissant très nettement au-dessus de ma condition, de faire une recommandation, gelons le processus pendant quelque temps, si l’hypothèse que le scrutin ne puisse finalement pas se tenir vous inquiète.

En tout cas, je suis heureux que le président du Sénat ait écrit au Premier ministre, la semaine dernière, pour qu’au moins pendant ce débat nous ayons à notre disposition un avis du conseil scientifique. Il nous est parvenu avant-hier soir ; c’est très bien : nous avons pu le prendre en compte. Il n’ajoute rien au précédent avis. Et le Premier ministre, qui a satisfait avec beaucoup d’empressement à la demande du président du Sénat, est allé au-delà de nos attentes en demandant un deuxième avis pour le 14 juin. Nous serons très heureux, le moment venu, si les circonstances devaient changer, de pouvoir le vérifier pas à pas.

Et si vous laissez ouvert ce texte le plus longtemps possible, nous pourrons, le cas échéant, reprendre le processus législatif sur les dispositions que je vais proposer au Sénat de faire disparaître de ce projet de loi, puisque ces dispositions sont purement virtuelles.

J’ai remarqué que l’Assemblée nationale avait tout de même compris qu’il était difficile d’exposer le Président de la République à la promulgation d’une loi qui aurait été adoptée en termes identiques par les deux assemblées et qui, alors, devrait s’appliquer bien que le décret de convocation des électeurs soit resté en vigueur. Eh oui, c’est vrai : il y a un grand danger à mettre le Président de la République dans l’embarras en l’obligeant, devant un texte annulant les élections, à demander au Parlement, au titre de l’article 10 de la Constitution, une nouvelle délibération. Je ne voudrais pas que le chef de l’État se trouve dans une telle situation ! C’est une des raisons pour lesquelles, de toute façon, il ne fallait pas que le Sénat adopte conforme le texte de l’Assemblée nationale.

Mais l’Assemblée nationale a compris les choses ; elle a donc dit – je restitue son discours : « Il faut que j’adopte ce texte, mais qu’en même temps il n’entre pas en vigueur. Je vais donc adopter une disposition permettant de mettre un petit peu de conditionnel dans tout cela, et prévoir qu’un décret pourra permettre au texte de ne pas entrer en vigueur. » C’est la première fois qu’une loi pourrait ne pas entrer en vigueur sur décision du Gouvernement !

M. François Bonhomme. C’est baroque !

M. Philippe Bas, rapporteur. Le processus de la promulgation a été précisément conçu pour que le pouvoir exécutif authentifie le vote du législateur. Mais, en l’occurrence, c’est le Gouvernement qui pourrait prendre un décret pour dire : « Cette loi que nous vous avons demandé de voter est virtuelle et, si le Gouvernement le décide, elle n’entrera pas en vigueur. »

Je me suis posé la question de la conformité à la Constitution d’une telle démarche. Et a surgi dans ma mémoire la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1986. J’ai alors été consterné, monsieur le ministre : je me suis dit que la bonne volonté dont a fait preuve l’Assemblée nationale ne servait à rien, puisqu’il n’est pas constitutionnel de permettre au Gouvernement d’annuler l’entrée en vigueur d’une loi.

Mais peut-être est-ce ce que vous souhaiteriez : au lieu que la vie de la loi dépende d’un décret, cette loi pourrait être transmise au Conseil constitutionnel ; étant entendu que sa jurisprudence interdit de faire ce que l’Assemblée nationale a fait, celui-ci déclarerait, tout simplement, l’inconstitutionnalité de cette loi.

D’une manière ou d’une autre, donc, nous arriverons à vous sauver,…

M. Christophe Castaner, ministre. Merci, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, rapporteur. … soit parce que le Président de la République demanderait une nouvelle délibération – « Le Gouvernement a décidé qu’il faut maintenir les élections le 28 juin ; que vient faire cette loi dans le processus ? » –, soit parce que le Conseil constitutionnel déciderait que cette loi est inconstitutionnelle, soit, troisièmement et plus simplement, parce que le Sénat, qui est là pour vous aider, supprimerait de ce texte toutes les dispositions relatives au report des élections municipales.

Avec un maximum de bienveillance pour le Gouvernement, cette dernière voie est celle sur laquelle j’ai engagé la commission des lois. Avec un peu de chance, monsieur le ministre, le Sénat suivra sa commission, et vous pourrez prendre la décision soit de geler le processus soit de le faire aboutir sur les bases dont nous aurons décidé ici, ce que je préférerais, parce que cela réglerait le problème des procurations et de la sécurité du vote du 28 juin et celui des délégués consulaires, ces deux problèmes étant, eux, certains et essentiels. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SOCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le déconfinement marque une étape importante dans la lutte contre l’épidémie ; avec lui, c’est aussi la vie démocratique et électorale qui reprend son cours.

Ce mouvement a été engagé dès le 13 mai, avec l’installation des conseils municipaux complets de 30 000 communes.

Toutefois, à ce jour, 5 000 communes sont encore dans l’attente d’un deuxième tour. C’est la dernière étape avant le retour à une vie démocratique normale, celle-ci s’étant trouvée largement bouleversée par cette crise.

Cette vie démocratique ne s’est pourtant pas interrompue, grâce au travail et à l’engagement quotidiens des maires et de tous les élus locaux. Les maires ont su, tout au long de cette crise, illustrer leur rôle d’élus de proximité. Chacun d’entre nous, par nos échanges et nos contacts permanents avec eux, peut en témoigner : ils n’ont jamais ménagé leurs efforts.

Les maires ont indéniablement su répondre à l’urgence. Ils ont partout tenu leur rôle de garants du lien social auprès de leurs administrés, quand ces derniers avaient une question à poser sur le confinement, et notamment auprès des personnes les plus vulnérables, les personnes âgées et les personnes isolées. Ils ont su aussi organiser la reprise de la vie scolaire, dans des conditions souvent difficiles.

Nous savons que les collectivités territoriales, au premier rang desquelles le bloc communal, seront les maillons essentiels de la reprise, par la commande publique, par l’investissement, par le redémarrage des chantiers, par tous ces leviers que peuvent actionner les communes et leurs EPCI.

Pour toutes ces raisons, démocratiques, sociales, économiques, il est primordial de prévoir la possibilité d’un report encadré du deuxième tour des élections municipales, même circonscrit à quelques communes, et d’en anticiper les conséquences, si les conditions sanitaires ne permettaient finalement pas sa tenue.

L’obligation pour le Gouvernement de consulter le conseil scientifique, ajoutée par nos collègues députés, est une mesure de bon sens, mais aussi un gage de sérieux et de crédibilité. Est ainsi envoyé à tous nos concitoyens le message suivant : « Cette décision, qui consiste à vous demander de prendre toute votre part dans notre vie démocratique, est mûrement réfléchie et pesée ».

Ce sérieux, nous le devons à tous les Français comme à nos candidats et à nos élus. Nous le devons à tous ceux qui, durant ces trois derniers mois, ont accepté de restreindre leurs libertés au nom de l’intérêt général. C’est ce sens de l’intérêt général dont ont fait preuve les Français qui doit nous inspirer et doit guider nos choix.

Ce projet de loi nous permet de prévoir et d’encadrer un report localisé du scrutin. Il ne traduit aucune forme de pessimisme, mais témoigne bien plutôt du sérieux dont nous souhaitons et devons collectivement faire preuve.

Ce sérieux, c’est celui de l’impérieuse nécessité d’envisager tous les scénarios possibles, afin de ne mettre personne en danger : voter ne doit pas se faire aux dépens de la santé des Français – le scénario de l’annulation dût-il se réaliser, ils le comprendraient bien.

Ce sérieux, c’est également celui que nous devons à l’ensemble de nos élus.

Nous le devons à nos actuels élus locaux – je pense notamment à tous ces maires sortants qui ne se sont pas représentés et qui voient leur mandat prolongé depuis le 15 mars dernier, ceux-là mêmes qui, alors qu’ils avaient laissé la place à d’autres, ont mis leur temps et leur énergie au service de leurs concitoyens, tout au long de la crise, sans jamais faillir.

Quant à nos futurs élus, nous leur devons une situation clarifiée, et un vote se déroulant dans des conditions sanitaires optimales.

Ce projet de loi naît – je l’ai dit – d’un constat partagé : celui de la nécessité d’anticiper une hypothèse de dégradation de la situation sanitaire. M. le président Bas vient de rappeler, et d’analyser avec le talent qu’on lui connaît, le caractère certes virtuel d’une telle évolution de la situation. Il n’empêche que nous devons composer avec son éventualité. Certains diront peut-être – vous l’avez fait – qu’il est baroque de demander au Parlement de débattre de questions hypothétiques.